La convention de groupement conclue pour les besoins de leur commerce par les parties en conflit est un acte de commerce régi par l’AUDCG. Dès lors, le litige né de l’exécution de ladite convention et qui a donné lieu à l’arrêt de la Cour d’Appel, relève de la Compétence de la CCJA, en application de l’article 14 alinéas 3 et 4 du traité OHADA.
En statuant comme elle l’a fait par l’arrêt attaqué, la Cour suprême du Mali a méconnu, en violation de l’article 14 alinéas 3 et 4 précité, la compétence de la CCJA et exposé son arrêt à l’annulation. C’est donc à tort que la Cour suprême du Mali s’est déclarée compétente et son arrêt doit être déclaré nul et non avenu. ARTICLE 14 TRAITE OHADA Cour commune de justice et d’arbitrage, . 1ère Chambre, arrêt n° 004 du 04 février 2010 Affaire : COLAS – MALI SA C/ SOCIETE GENERALE MALIENNE D’ENTREPRISE dite GME SA. Le Juris Ohada n° 2/2010, avril-mai-juin 2010, p. 9.
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°012/2005/PC du 30 mars 2005 et formé par la SCP TOUREH et Associés, Avocats à la Cour, demeurant Avenue Cheick Zayed, immeuble sis Côté Est Entreprise Razel, ACI 2000 Hamdallaye, Porte LT 850, B.P. 1993 Bamako (Mali), agissant au nom et pour le compte de COLAS-MALI SA sise Rue 548 porte 433 NIARELA B.P. 2496 Bamako dans la cause qui l’oppose à la Générale Malienne d’Entreprise dite GME SA dont le siège social est sis à YIRIMADIO, B.P. 7054 Bamako (MALI),
en annulation de l’Arrêt n°23 rendu le 12 juillet 2004 par la Cour Suprême du Mali et dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS ;
EN LA FORME : reçoit le pourvoi ;
AU FOND : casse et annule l’arrêt attaqué ;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’appel de Bamako autrement composée ;
Ordonne la restitution de l’amende de consignation ;
Met les dépens à la charge du Trésor public. ».
La requérante invoque à l’appui de son recours en annulation le moyen unique d’annulation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président ;
Vu les articles 13, 14 et 18 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’invitée lors de la signification du recours par lettre n°337/2005/G5 du 07 juin 2005 du Greffier en chef à présenter un mémoire en réponse dans un délai de trois mois à compter du 22 juin 2005, date de réception de ladite lettre, la GME n’a pas déposé ledit mémoire ; que le contradictoire ayant été observé, il y a lieu d’examiner le présent recours.
Attendu que l’examen des pièces du dossier de la procédure révèle qu’en vue de soumissionner à un marché relatif aux travaux d’aménagement des voiries et de drainage de la ville de Kayes au Mali, les sociétés COLAS – MALI SA et Générale Malienne d’Entreprise dite GME SA avaient signé, courant 1997, une convention de groupement ayant pour objet d’assurer ensemble et de façon solidaire les études et le suivi des travaux relatifs au projet d’aménagement précité en cas d’adjudication dudit marché en leur faveur ; qu’ayant obtenu ledit marché, les sociétés COLAS – MALI et GME SA avaient vu surgir entre elles un différend qui avait conduit la GME à saisir, par requête en date du 22 avril 2002, le Tribunal de Bamako d’une action en condamnation de la société COLAS – MALI à lui payer la somme de 98.000.000 F CFA en principal et 50.000.000 F CFA à titre de dommages-intérêts ; que statuant sur cette action, le Tribunal de commerce de Bamako avait fait partiellement droit à cette demande par Jugement n°381 du 13 novembre 2002 ; que sur appels des deux parties, la Cour d’appel de Bamako avait, par Arrêt n°200 du 23 avril 2003, infirmé le jugement précité en rejetant la demande de GME SA comme mal fondée, celle-ci n’ayant pu apporter la preuve de sa créance ; que sur pourvoi formé par la GME SA contre l’Arrêt n°200 précité, la Cour Suprême du Mali avait rendu le 12 juillet 2004 l’Arrêt n° 23 dont pourvoi ;
Sur l’annulation de l’Arrêt n°23 du 12 juillet 2004 de la Cour Suprême du Mali
Vu les articles 18 et 14, alinéas 3 et 4 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Attendu que la requérante, COLAS MALI SA, demande l’annulation pure et simple de l’Arrêt n°23 du 12 juillet 2004 de la Cour Suprême du Mali aux motifs que c’est à tort que ladite juridiction nationale de cassation a retenu sa propre compétence pour connaître du pourvoi formé par GME contre l’Arrêt n°200 du 23 avril 2003 de la Cour d’appel de Bamako (MALI) alors qu’elle aurait dû, ainsi qu’il est prescrit à l’article 15 du Traité de l’OHADA, renvoyer la cause et les parties devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage dont la compétence tient en trois points correspondants aux critères dégagés par les articles 1 et 3 de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif au droit commercial général et à la nature du contrat liant les parties litigantes ; qu’aux termes de l’article 3 dudit Acte uniforme, ont le caractère d’actes de commerce notamment les contrats entre commerçants pour les besoins de leur commerce ; que le litige est né à l’occasion de l’exécution des travaux de drainage et de voirie dans la commune de Kayes effectués par les deux sociétés commerciales que sont COLAS MALI SA et GME SA ; que le caractère commercial du litige étant établi au regard des articles 1 et 3 de l’Acte uniforme précité, la Cour Suprême du MALI était tenue de se déclarer incompétente rationne materiae et renvoyer la connaissance du litige à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage conformément à l’article 14 alinéa 3 du Traité de l’OHADA sur le contentieux relatif à l’interprétation et à l’application des Actes uniformes qui dispose que « …la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes… » ; qu’en effet, toujours selon le moyen, pour casser et annuler l’arrêt de la Cour d’appel querellé, la juridiction nationale de cassation du Mali a statué uniquement sur les moyens de cassation présentés par GME SA sans examiner l’exception d’incompétence à elle soumise par la requérante dans son mémoire en réplique reçu le 06 janvier 2004 ; qu’en se
déclarant compétente nonobstant l’exception d’incompétence soulevée, la Cour Suprême du Mali a ainsi méconnu la compétence de la CCJA et exposé son Arrêt n°23 du 12 juillet 2004 à l’annulation pure et simple ;
Attendu que les articles 18 et 14, alinéas 3 et 4 du Traité susvisé disposent respectivement que, « toute partie qui, après avoir soulevé l’incompétence d’une juridiction nationale statuant en cassation estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée.
La Cour se prononce sur sa compétence par arrêt qu’elle notifie tant aux parties qu’à la juridiction en cause.
Si la Cour décide que cette juridiction s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue. » et « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.
Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux.» ;
Attendu, en l’espèce, qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que bien que l’Arrêt n°23 du 12 juillet 2004 attaqué n’ait pas fait état de l’exception d’incompétence soulevée par COLAS MALI SA, celle-ci avait, dans son mémoire en réplique en date du 05 janvier 2004 reçu le lendemain 06 janvier 2004 par la Cour Suprême du MALI, soulevé l’incompétence de cette dernière à connaître du pourvoi formé devant elle par GME SA ; que les articles 1er, alinéa 1 et 3, 3ème tiret de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général disposent respectivement que « tout commerçant, personne physique ou morale y compris toutes sociétés commerciales dans lesquelles un Etat ou une personne de droit public est associé ainsi que tout groupement d’intérêt économique dont l’établissement ou le siège social est situé sur le territoire de l’un des Etats parties au Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique est soumis aux dispositions du présent Acte uniforme » et « ont le caractère d’actes de commerce, notamment (…) les contrats entre commerçants pour les besoins de leur commerce » ; qu’il résulte de ces dispositions que la convention de groupement conclue, en l’espèce, pour les besoins de leur commerce par les sociétés anonymes COLAS MALI et GME, dont les sièges sociaux se trouvent à Bamako au Mali, est un acte de commerce régi par l’Acte uniforme précité ; que dès lors, le litige né de l’exécution de ladite convention et qui a donné lieu notamment à l’Arrêt n°200 du 23 avril 2003 de la Chambre commerciale de la Cour d’appel de Bamako contre lequel GME, par l’entremise de ses conseils, s’est pourvue en cassation, relève de la compétence de la Cour de céans en application de l’article 14 alinéas 3 et 4 susénoncé du Traité susvisé ; qu’il suit qu’en statuant comme elle l’a fait par l’arrêt attaqué, la Cour Suprême du Mali a méconnu, en violation de l’article 14 alinéas 3 et 4 précité, la compétence de la Cour de céans et exposé son arrêt à l’annulation ; qu’il échet de dire et juger que la Cour Suprême du Mali s’est déclarée compétente à tort et que son Arrêt n°23 du 12 juillet 2004 doit être déclaré nul et non avenu conformément à l’article 18 susénoncé du Traité susvisé ;
Attendu que la GME ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après en avoir délibéré ;
Se déclare compétente ;
Dit que la Cour Suprême du Mali s’est déclarée compétente à tort ;
Déclare nul et non avenu son Arrêt n°23 rendu le 12 juillet 2004 ;
Dit que le présent arrêt sera notifié aux parties et à la Cour Suprême du Mali ;
Condamne la GME SA aux dépens.
PRESIDENT : M. Jacques M’BOSSO