Le principe cardinal retenu étant que l’exécution entamée devant aboutir à son terme, si celle-ci n’a ni été enclenchée ni a fortiori entamée, des demandes de sursis à exécution visant précisément à prévenir cette exécution pouvaient être légitimement exercées, comme en l’espèce, et il entrait alors dans les compétences du Président de la Cour Suprême du Cameroun d’y faire droit dès lors, au demeurant, que le requérant ne fait état d’aucune exécution ou début d’exécution ; il est donc mal fondé de demander et de conclure à l’annulation de l’ordonnance attaquée prise en application des dispositions du droit interne camerounais, qui ne ressortissent pas à la compétence de la Cour de céans en vertu de l’article 14 du Traité institutif de l’OHADA ; celle-ci doit en conséquence, se déclarer incompétente en la cause.
Au regard des énonciations de l’article 16 du Traité institutif de l’OHADA, il appert que même si un pourvoi a été exercé devant la Cour Suprême du Cameroun contre l’arrêt n° 282/CIV/03-04 du 23 juin 2004 de la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé, il est constant qu’aucun pourvoi relatif à cet arrêt n’a été exercé ou déféré devant la Cour de céans, qui se trouve uniquement saisie par le requérant d’un « recours en annulation » contre l’ordonnance n° 090 du 03 janvier 2005 du Président de la Cour Suprême du Cameroun ; ce recours, n’étant pas identique et n’ayant pas le même objet que le pourvoi précité, ne saurait induire, comme celui-ci, les mêmes conséquences et effets sur les procédures d’exécution dont parle le texte sus énoncé et dont il résulte, dès lors, que les conditions d’application, en la cause, font défaut ; c’est donc à tort que la violation dudit texte est excipée par le requérant.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Arrêt N° 026/2009 du 30 avril 2009, Audience publique du 30 avril 2009, Pourvoi n° 009/2005/PC du 07/03/2005 – Affaire : MEUYOU Michel (Conseil : Maître MONG Antoine Marcel, Avocat à la Cour) contre Société Restaurant Chinatown SARL (Conseils : SCPA NGONGO OTTOU et NDENGUE KAMENI, Avocats à la Cour).- Recueil de Jurisprudence n° 13, Janvier–Juin 2009, p. 33.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.), Deuxième Chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 30 avril 2009, où étaient présents :
Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge Boubacar DICKO, Juge, rapporteur
Et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 07 mars 2005 sous le numéro 009/2005/PC et formé par Maître MONG Antoine Marcel, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 5359 Yaoundé, agissant au nom et pour le compte de Monsieur MEUYOU Michel, Directeur de société, demeurant à Yaoundé, BP 1225, dans la cause opposant celui-ci à la Société Restaurant CHINATOWN SARL dont le siège est à Yaoundé, BP 12.669, ayant pour
Conseils, la SCPA NGONGO OTTOU et NDENGUE KAMENI, Avocats associés au Barreau du Cameroun, BP 8179, Yaoundé,
en annulation de l’ordonnance n° 90 rendue le 03 janvier 2005 par le Président de la Cour Suprême du Cameroun, et dont le dispositif est le suivant :
« Déclarons régulière et recevable en la forme, la requête de la Société Restaurant Chinatown SARL ;
Au fond : - Ordonnons jusqu’à l’issue du pourvoi, le sursis à l’exécution de l’arrêt n° 282/CIV/03-04
rendu le 23 juin 2004 par la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé ; - Disons que notre ordonnance sera exécutoire sur minute, dès notification et avant
enregistrement » ;
Le requérant invoque à l’appui de son recours, le moyen unique d’« annulation » tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO :
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 18 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, que par jugement n° 146 du 21 novembre 2002 du Tribunal d’Instance de Yaoundé, Monsieur MEUYOU Michel demandait et obtenait l’expulsion de la Société Restaurant Chinatown SARL de son immeuble ; que celle-ci ayant interjeté appel, par arrêt n° 282/CIV/03-04 du 23 juin 2004, la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé confirmait ledit jugement, sauf sur le montant des astreintes ; que par requête en date du 05 juillet 2004, la Société Restaurant Chinatown SARL formait un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel sus indiqué devant la Cour Suprême du Cameroun et, le 19 juillet 2004, saisissait le Président de ladite Cour d’une requête aux fins de sursis à exécution dudit arrêt ; que par ordonnance n° 90 du 03 janvier 2005, le Président de la Cour Suprême du Cameroun faisait droit à sa demande ; que par requête dénommée « recours en annulation d’ordonnance » reçue et enregistrée au greffe de la Cour de céans le 07 mars 2005, Monsieur MEUYOU Michel, par le biais de son Conseil, Maître MONG Antoine Marcel, Avocat au Barreau du Cameroun, saisissait ladite Cour aux fins notamment, par celle-ci, de constater et prononcer à son profit « la nullité de l’ordonnance de sursis à exécution n° 090 rendue le 03 janvier 2005 par le Président de la Cour Suprême du Cameroun » ;
Sur le moyen unique
Attendu en l’espèce, que le requérant demande à la Cour de céans de « constater que la Cour Suprême du Cameroun à Yaoundé est manifestement incompétente pour connaître du pourvoi formé contre l’arrêt n° 282/CIV/03-04 rendu par la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé, qui a appliqué certaines dispositions de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ; constater que le sursis à exécution ordonné par le Président de la Cour Suprême du Cameroun à Yaoundé compromet les procédures d’exécution de l’arrêt susvisé et viole les dispositions de l’article 16 du Traité [institutif de l’OHADA] ; constater et prononcer par conséquent, la nullité de l’ordonnance de sursis à exécution n° 090 rendue le 03 janvier 2005 par le Président
de la Cour Suprême du Cameroun » ; qu’au soutien de cette demande, il énonce, d’une part, qu’il ne fait « l’ombre d’aucun doute » qu’en application de l’article 14 du Traité institutif de l’OHADA, seule la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage devait connaître du pourvoi formé contre l’arrêt n° 282/CIV /03-04 de la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé, dès lors qu’il n’est pas contesté que cette dernière juridiction a, en la cause, appliqué l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ; que le Président de la Cour Suprême du Cameroun qui, dans l’ordonnance attaquée, affirme que « le juge d’appel a fait une application erronée des articles 92 et 95 de l’Acte uniforme OHADA portant sur le droit commercial général », n’est pas compétent pour interpréter les Actes uniformes, ni pour contrôler leur application, ces missions étant de la compétence exclusive de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ; qu’en retenant par suite, à tort, sa compétence pour statuer sur la demande de sursis à exécution de la Société Restaurant Chinatown SARL, alors surtout que l’incompétence de la Cour Suprême du Cameroun a été soulevée par l’exposant, le Premier Président de la Cour Suprême du Cameroun a excédé ses pouvoirs et exposé sa décision à l’annulation ; que, d’autre part, selon le requérant, il ressort de l’article 16 du Traité susvisé, que le pourvoi en cassation ne devant pas affecter les procédures d’exécution, par conséquent, le sursis à exécution ordonné par le Président de la Cour Suprême du Cameroun viole le texte précité, puisqu’il paralyse l’exécution de la décision dont pourvoi ;
Mais attendu que dans le libellé de la première partie du moyen fondée tantôt sur l’incompétence de la Cour Suprême du Cameroun, tantôt sur celle du Président de cette Haute juridiction nationale de cassation, le requérant fait une confusion entre les prérogatives respectives de ces deux institutions, qui ne sont pas interchangeables ; qu’il convient en effet de préciser que contrairement aux énonciations du requérant, une juridiction nationale de cassation, en l’occurrence la Cour Suprême du Cameroun, peut bien être saisie d’une affaire soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes ; que toutefois, dans le cadre de l’examen d’une telle affaire, les articles 15 du Traité institutif de l’OHADA et 51 du Règlement de Procédure de la CCJA lui font obligation de se dessaisir au profit de la Cour de céans qui, en vertu de l’article 14 dudit Traité, se trouve investie, en cassation, du monopole de l’interprétation et de l’application des Actes uniformes ; que si, comme l’affirme le requérant, la Cour Suprême du Cameroun a été saisie d’un pourvoi dans l’affaire, rien ne vient cependant prouver que ladite Cour a statué au mépris des dispositions précitées, ni même par ailleurs, que fut excipée, devant elle, l’exception d’incompétence prévue à l’article 18 du Traité institutif de l’OHADA ; que s’agissant de la saisine de la Juridiction présidentielle du Président de la Cour Suprême par requête, celle-ci ne saurait bien évidemment, être confondue avec un pourvoi en cassation ; de même que ne doivent pas l’être les prérogatives et compétences respectives des deux ordres de juridiction qui opèrent dans des contextes et sur des bases juridiques et procédurales différentes, à savoir, comme indiqué ci-dessus, les articles 15 du Traité et 51 du Règlement de Procédure de la CCJA pour la Juridiction nationale de cassation, et le droit interne camerounais pour la Juridiction présidentielle du Président de la Cour Suprême du Cameroun, en l’occurrence la loi 92/008 du 14 août 1992, qui autorise celui-ci à statuer sur les requêtes de sursis à exécution des arrêts d’appel, dans la mesure où ces requêtes et l’ordonnance présidentielle subséquente sont licites vis-à-vis des principes et dispositions de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution régissant l’exécution pratique des décisions judiciaires constitutives de titres exécutoires ; qu’à cet égard, le principe cardinal retenu étant que l’exécution entamée devant aboutir à son terme, si celle-ci n’a ni été enclenchée ni a fortiori entamée, des demandes de sursis à exécution visant précisément à prévenir cette exécution pouvaient être légitimement exercées, comme en l’espèce, et il entrait alors dans les
compétences du Président de la Cour Suprême du Cameroun d’y faire droit dès lors, au demeurant, que le requérant ne fait état d’aucune exécution ou début d’exécution ; qu’il est donc mal fondé de demander et de conclure à l’annulation de l’ordonnance attaquée prise en application des dispositions du droit interne camerounais, qui ne ressortissent pas à la compétence de la Cour de céans en vertu de l’article 14 du Traité institutif de l’OHADA ; que celle-ci doit en conséquence, se déclarer incompétente en la cause ;
Attendu que relativement à la violation excipée par le requérant, de l’article 16 du Traité institutif de l’OHADA, qui dispose que « la saisine de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la décision attaquée. Toutefois, cette règle n’affecte pas les procédures d’exécution. Une telle procédure ne peut reprendre qu’après arrêt de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage se déclarant incompétente pour connaître de l’affaire », il convient de relever que ledit article prévoit deux imputations : d’abord, celle où la saisine de la Cour de céans suspend celle également faite d’une juridiction nationale de cassation, ce qui explique que cette précédente procédure ne puisse reprendre devant cette dernière qu’après survenance d’un arrêt d’incompétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ; ensuite, celle concernant le sort des procédures civiles d’exécution qui, elles, peuvent être exercées malgré la saisine de ladite Cour ; qu’ainsi, au regard des énonciations du texte sus énoncé, il appert que même si un pourvoi a été exercé devant la Cour Suprême du Cameroun contre l’arrêt n° 282/CIV/03-04 du 23 juin 2004 de la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé, il est constant qu’aucun pourvoi relatif à cet arrêt n’a été exercé ou déféré devant la Cour de céans, qui se trouve uniquement saisie par le requérant d’un « recours en annulation » contre l’ordonnance n° 090 du 03 janvier 2005 du Président de la Cour Suprême du Cameroun ; que ce recours, n’étant pas identique et n’ayant pas le même objet que le pourvoi précité, ne saurait induire, comme celui-ci, les mêmes conséquences et effets sur les procédures d’exécution dont parle le texte sus énoncé et dont il résulte, dès lors, que les conditions d’application, en la cause, font défaut ; que c’est donc à tort que la violation dudit texte est excipée par le requérant ;
Attendu que Monsieur MEUYOU Michel ayant succombé, doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
- se déclare incompétente ;
- condamne Monsieur MEUYOU Michel aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus, et ont signé :
Le Président Le Greffier _________