Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Arrêt N° 013/2009 du 26 février 2009, Audience publique du 26 février 2009, Pourvoi n° 099/2007/PC du 08 novembre 2007 – Affaire : Société EKA Benya (Conseils : SCPA Moïse BAZIÉ KOYO et Assa AKOH, Avocats à la Cour) contre Madame DJE Lou Djénan Antoinette (Conseil : Maître COULIBALY Soungalo, Avocat à la Cour).- Recueil de Jurisprudence n° 13, Janvier–Juin 2009, p. 30.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.), Deuxième Chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 26 février 2009, où étaient présents :
Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge, rapporteur Boubacar DICKO, Juge
Et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Société EKA Benya contre Madame DJE Lou Djenan Antoinette, par arrêt n° 408/07 du 05 juillet 2007 de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi formé le 02 novembre 2006 par la Société d’Avocats MOÏSE-BAZIÉ KOYO et ASSA AKOH, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan 8, vieux Cocody, rue B 15 (ruelle clinique GOCI), 08 BP 2614 Abidjan 08, agissant au nom et pour le compte de la société Benya, Société anonyme dont le siège social est sis à Abidjan 14, rue des pêcheurs, Zone 3 TF 1497, 05 BP 1659 Abidjan 05, dans la cause qui l’oppose à Madame DJE Lou Djenan Antoinette, commerçante, demeurant à Abidjan Yopougon et ayant pour Conseil Maître COULIBALY Soungalo, Avocat à la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant 21, boulevard Roume, immeuble TF, 35825 Jane, 1er étage, près du Parquet Général de la Cour Suprême, 04 BP 2192 Abidjan 04,
en cassation de l’arrêt n° 381 rendu le 31 mars 2006 par la Cour d’Appel d’Abidjan, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ; - Rejette le moyen tiré de l’autorité de la chose jugée ; - Rejette l’exception de prescription soulevée par l’intimée ; - Reçoit dame DJE Lou Djenan Antoinette en son appel ; - L’y dit particulièrement fondée ;
- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau, - Condamne la Société EKA Benya à payer à dame DJE Lou Djenan Antoinette, la somme de
dix millions de francs (10.000.000 F) toutes causes confondues ; - Condamne l’intimée aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE :
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, que Madame DJE Lou Djenan Antoinette, commerçante, a acheté à Dakar 210 tonnes de sel iodé d’une valeur de 3.990.000 (trois millions neuf cent quatre-vingt dix mille) francs CFA, marchandise dont la Société EKA Benya, tantôt commissionnaire de transport, tantôt consignataire de navire chargé d’en assurer le transport, devait faire procéder aux opérations de déchargement au port d’Abidjan ; qu’alors qu’elle attendait l’arrivée de sa cargaison de sel, Madame DJE Lou Djenan Antoinette a reçu un courrier du 18 octobre 1999 de la Société EKA Benya, l’informant que le navire M/V ECOWAS TRADER II transportant la marchandise a coulé le 15 octobre 1999 ; qu’à cette occasion, la Société EKA Benya invitait la défenderesse au pourvoi à prendre ses dispositions pour se faire indemniser par son assureur ; que pour obtenir réparation du préjudice subi, Madame DJE Lou Djenan Antoinette saisissait le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, qui la déboutait de ses prétentions et mettait hors de cause le Capitaine commandant le navire M/V ECOWAS TRADER II, pris en qualité de représentant de l’Armateur, par jugement n° 1128/CIV3 du 10 juillet 2002 ; qu’ayant à nouveau saisi le même Tribunal d’une action en réparation de dommage contre la même Société EKA Benya et la Société AXA, assureur de cette dernière, Madame DJE Lou Djenan Antoinette était déboutée de sa demande, par jugement n° 2205/CIV3 du 21 juillet 2004 par ladite juridiction ; que sur appel de la susnommée, la Cour d’Appel d’Abidjan infirmait le jugement entrepris et, statuant à nouveau, condamnait la Société EKA Benya à payer à l’appelante la somme de 10.000.000 (dix millions) de francs CFA toutes causes et préjudices confondus ; que sur pourvoi en cassation de la Société EKA Benya devant la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, cette juridiction, ayant relevé que l’affaire soulevait des questions relatives à l’application de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général, se dessaisissait par arrêt n° 408/07 du 05 juillet 2007 au profit de la Cour de céans ;
Sur la compétence de la Cour de céans soulevée d’office
Vu l’article 14 alinéas 3 et 4 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique ;
Attendu qu’aux termes de l’article 14 alinéas 3 et 4 du Traité susvisé, qui détermine la compétence de la Cour de céans en matière contentieuse, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des Règlements prévus au présent Traité, à l’exception des décisions appliquant
des sanctions pénales. Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux » ;
Attendu qu’au regard des dispositions sus énoncées, les conditions de compétence de la Cour de céans ne sont pas réunies ; qu’en effet, le litige survient dans le domaine du droit maritime, en l’occurrence, le transport par mer du sel iodé par le navire ECOWAS TRADER II ayant pour commissionnaire au transport la Société EKA BENYA ; que l’absence d’Acte uniforme relatif au contrat de transport de marchandises par mer ne permet pas à la Cour de céans d’examiner cette affaire, qui relève des dispositions nationales ;
Attendu qu’il ressort de tout ce qui précède, que la Cour de céans doit se déclarer d’office incompétente et renvoyer l’affaire à la Cour Suprême de Côte d’Ivoire ;
Attendu qu’il y a lieu de réserver les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
- se déclare incompétente ;
- renvoie la cause et les parties devant la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, dont l’arrêt de renvoi ne lie pas la Cour de céans ;
- réserve les dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus, et ont signé :
Le Président Le Greffier _________