En l’absence, dans l’article 110 de la loi susvisée relative aux instruments de paiement de dispositions prescrivant dans la lettre de change un emplacement spécifique pour la signature du tireur, sont donc valables les lettres de change sur lesquelles figure la signature du tireur apposée sur le titre lui-même ; ainsi, en considérant comme étant nulles les lettres de change sur lesquelles Monsieur DOUCOURE Matenin n’avait pas apposé sa signature à « l’emplacement prévu », la Cour d’Appel ne permet pas à la Cour de céans d’exercer son contrôle sur le fondement légal de sa décision ; d’où il suit que l’arrêt attaqué doit être cassé. Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Arrêt N° 056/2008 du 11 décembre 2008, Audience publique du 11 décembre 2008, Pourvoi n° 057/2004/PC du 28 mai 2004 – Affaire : - EDOUKOU Aka épouse KOUAME (Conseils : Cabinet SARR, ALLARD et Associés, Avocats à la Cour), - KOUAME Thierry (Conseils : Cabinet SARR, ALLARD et Associés, Avocats à la Cour) contre DOUCOURE Bouyagui.- Recueil de Jurisprudence n° 12, Juillet–Décembre 2008, p. 137.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.), Deuxième Chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 11 décembre 2008, où étaient présents :
Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge, rapporteur Boubacar DICKO, Juge
Et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire dame EDOUKOU Aka épouse KOUAME et KOUAME Thierry contre DOUCOURE Bouyagui, par arrêt n° 093/04 du 12 février 2004 de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi formé le 24 janvier 2003 par le Cabinet SARR, Allard et Associés, Avocats demeurant boulevard de Marseille, immeuble Le Home, 01 BP 6082 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de Madame EDOUKOU Aka, épouse KOUAME, fermière, demeurant à Séguéla quartier résidentiel et de Monsieur KOUAME Thierry, Pharmacien, demeurant à Séguéla, quartier résidentiel, BP 226, dans la cause qui les oppose à Monsieur DOUCOURE Bouyagui, commerçant, domicilié à Daloa, pris en sa qualité de représentant légal des héritiers de feu DOUCOURE Wandé et DOUCOURE Matenin,
en cassation de l’arrêt n° 316 rendu le 08 août 2001 par la Cour d’Appel de Daloa, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
En la forme : S’en rapporte à l’arrêt avant-dire droit n° 171/0l du 02 mai 2001 de la Cour d’Appel de ce siège, qui a ordonné la jonction des dossiers des procédures n° 33 et 34 du rôle général et déclaré recevables les appels principaux de DOUCOURE Bouyagui, et incidents des époux KOUAME ;
Au fond : Dit l’appel de DOUCOURE Bouyagui sur le faux incident mal fondé ; Dit l’appel des époux KOUAME également mal fondé ; Dit cependant bien fondé, l’appel de DOUCOURE Bouyagui, en ce qui concerne sa condamnation au paiement de la créance des intimés ; Infirme en conséquence, le jugement attaqué sur ce point ;
Statuant à nouveau : Rejette la demande d’inscription de faux de DOUCOURE Bouyagui ; Ordonne la restitution de ses deux carnets de bons de livraison déposés au greffe à KOUAME Thierry ; Condamne DOUCOURE Bouyagui au paiement d’une amende civile de 10.000 francs CFA ; Déboute les époux KOUAME de leur demande en paiement de la somme de 8.588.000 francs CFA à l’encontre de DOUCOURE Bouyagui ; Les déboute également de leur demande en paiement de dommages-intérêts ; Condamne les intimés aux dépens … » ;
Les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE :
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure, que les époux KOUAME étaient en relation d’affaires avec feu DOUCOURE Wandé, à qui ils avaient livré des œufs pour une valeur de 15.000.000 (quinze millions) de francs CFA, payables suivant un échéancier convenu d’accord parties ; que suite au décès du débiteur, son frère Monsieur DOUCOURE Matenin, représentant légal des héritiers, signait 29 lettres de change de 300.000 francs CFA remboursables chacune et une de 188.000 francs CFA, toutes versées au dossier par les époux KOUAME ; qu’ayant pris la place de son frère DOUCOURE Matenin également décédé, Monsieur DOUCOURE Bouyagui, représentant les héritiers des défunts susnommés, poursuivait le paiement en s’acquittant de la somme de 300.000 francs CFA, avant de contester l’existence de la créance des époux KOUAME ; que c’est ainsi que Madame EDOUKOU, épouse KOUAME Thierry, sollicitait et obtenait du Président du Tribunal de Première Instance de Daloa, l’ordonnance d’injonction de payer n° 365 du 03 juillet 2000, condamnant Monsieur DOUCOURE Bouyagui à lui payer la somme de 8.588.000 francs CFA au titre de solde du reliquat de la créance litigieuse ; que sur opposition de Monsieur DOUCOURE Bouyagui, le Tribunal de Première Instance de Daloa, après avoir rejeté toutes les exceptions soulevées par les parties, affirmait que la créance était partiellement fondée et déclarait Monsieur DOUCOURE Bouyagui « non redevable de la somme de 8.588.000 francs CFA avec paiement de 3.300.000 francs CFA à la date du jugement n° 35 du 30 janvier 2001 » ; que sur appels des parties, la Cour d’Appel de Daloa, par arrêt n° 316 du 08 août 2001, déclarait l’appel de Monsieur DOUCOURE Bouyagui sur le faux incident mal fondé ; déclarait l’appel incident des époux KOUAME également mal fondé et l’appel principal de Monsieur DOUCOURE Bouyagui en ce qui concerne sa condamnation au paiement de la créance litigieuse, bien fondé ; qu’en conséquence, elle infirmait le
jugement entrepris sur ce point et, statuant à nouveau, rejetait la demande d’inscription de faux de Monsieur DOUCOURE Bouyagui, tout en ordonnant la restitution à Monsieur KOUAME, de ses deux carnets de bons de livraison déposés au greffe ; que la Cour d’Appel condamnait en outre, Monsieur DOUCOURE Bouyagui au paiement de l’amende civile de 10.000 francs CFA, déboutait les époux KOUAME de leur demande en paiement de la somme de 8.588.000 francs CFA à l’encontre de Monsieur DOUCOURE Bouyagui ; ainsi que de leur demande en paiement de dommages-intérêts ; que l’arrêt n° 316 du 08 août 2006 de la Cour d’Appel de Daloa était attaqué par les époux KOUAME devant la Cour Suprême de Côte d’Ivoire ; celle-ci, après avoir relevé que l’affaire soulève des questions relatives à l’application de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, s’en est dessaisie au profit de la Cour de céans ;
Attendu que régulièrement signifié du présent pourvoi par lettre n° 521/2004/G5 du Greffier en chef de la Cour de céans en date du 05 novembre 2004, Monsieur DOUCOURE Bouyagui, défendeur au pourvoi, n’a pas cru devoir déposer ses écritures et pièces dans le délai à lui imparti ; qu’il convient par conséquent, de passer outre ce silence et de dire le dossier en état d’être jugé ;
Sur le premier moyen
Attendu que les demandeurs au pourvoi reprochent à l’arrêt attaqué, d’avoir violé les dispositions de l’article 110 de la loi n° 97-518 du 04 septembre 1997 relative aux instruments de paiement, en ce que le juge d’appel a considéré que la signature de Monsieur DOUCOURE Matenin, prétendu auteur des lettres de change, « n’était pas apposée à l’emplacement prévu à cet effet sur lesdits effets de commerce ... », alors que ladite signature figurait sur les effets de commerce, mais à un autre emplacement ; que les demandeurs au pourvoi concluent à la cassation de l’arrêt attaqué pour ce fait ;
Attendu qu’aux termes de l’article 110 de la loi n° 97-518 du 04 septembre 1997, « la lettre de change contient la signature de celui qui émet la lettre de change. Cette signature est apposée soit à la main, soit par tout procédé non manuscrit » ;
Attendu qu’en l’absence, dans l’article 110 de la loi susvisée relative aux instruments de paiement, de dispositions prescrivant dans la lettre de change un emplacement spécifique pour la signature du tireur, sont donc valables les lettres de change sur lesquelles figure la signature du tireur apposée sur le titre lui-même ; qu’ainsi, en considérant comme étant nulles les lettres de change sur lesquelles Monsieur DOUCOURE Matenin n’avait pas apposé sa signature à « l’emplacement prévu », la Cour d’Appel ne permet pas à la Cour de céans d’exercer son contrôle sur le fondement légal de sa décision ; d’où il suit que l’arrêt attaqué doit être cassé et qu’il y a lieu d’évoquer, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le second moyen ;
Sur l’évocation
Attendu que les appelants sollicitent de la Cour qu’elle réforme le jugement civil n° 31 rendu le 30 janvier 2001 par le Tribunal de Première Instance de Daloa, en condamnant Monsieur DOUCOURE Bouyagui à leur payer la somme de 8.588.000 (huit millions cinq cent quatre vingt huit mille) francs CFA exigible à ce jour et qu’elle restitue à l’ordonnance n° 365/2000 rendue le 03 juillet 2000 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance de Daloa, son plein et entier effet ;
Attendu que l’intimé conclut à la confirmation du jugement entrepris ;
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’arrêt attaqué a été
cassé, il y a lieu de considérer que les lettres de change ne sont pas nulles et qu’il convient de condamner Monsieur DOUCOURE Bouyagui à payer à Madame EDOUKOU Aka, épouse KOUAME, la somme de 8.588.000 francs CFA réclamée par la susnommée et qui représente le montant des lettres de change émises par feu DOUCOURE Matenin ;
Attendu que Monsieur DOUCOURE Bouyagui ayant succombé, doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
- Casse l’arrêt n° 316 rendu le 08 août 2001 par la Cour d’Appel de Daloa ;
Evoquant et statuant au fond :
- Infirme le jugement civil n° 31 rendu le 30 janvier 2001 par le Tribunal de Première Instance de Daloa ;
- Restitue à l’ordonnance n° 365/2000 rendue le 03 juillet 2000 par le Président du Tribunal de Première Instance de Daloa, son plein et entier effet ;
- Condamne Monsieur DOUCOURE Bouyagui aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus, et ont signé :
Le Président Le Greffier
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