La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.), Deuxième Chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 11 décembre 2008, où étaient présents :
Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président, rapporteur Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge Boubacar DICKO, Juge
Et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ;
Sur le recours formé le 05 juin 2003 par la SCPA Abel KASSI et Associés, Avocats à la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant Cocody les Deux Plateaux, Boulevard des Martyrs, Résidence « Latrille SICOGI » (près de la mosquée d’Aghien), Immeuble L, 1er étage, porte 136, 06 BP 1774 Abidjan 06, agissant au nom et pour le compte de la Société WESTPORT-CI S.A, sise à Abidjan Treichville Zone Portuaire, rue du Havre, Immeuble SISA, 15 BP 233 Abidjan 15, représentée par son liquidateur, Monsieur GOHOU Mambo,
en annulation de l’arrêt n° 797/02 rendu le 12 décembre 2002 par la Chambre judiciaire de la Cour Suprême de la République de Côte d’Ivoire au profit de LE MANS ASSURANCES, société anonyme sise à Abidjan Plateau, Avenue Botreau Roussel, Immeuble LE MANS, 01 BP 3803 Abidjan 01, représentée par son Directeur général, Monsieur Jean-Louis HOTTEWARD, ayant pour Conseil Maître KABA Moriba, Avocat à la Cour, demeurant Avenue du Général de Gaulle, Immeuble CNA, 3ème étage, escalier B, 01 BP 4297 Abidjan 01, et dont le dispositif est le suivant :
« Ordonne la discontinuation des poursuites entreprises contre LE MANS ASSURANCES INTERNATIONALES en vertu de l’arrêt n° 699 en date du 31 mai 2002 par la Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile ; Laisse les frais à la charge du Trésor Public. » ;
La demanderesse invoque à l’appui de son recours, le moyen unique d’annulation annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Président :
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que statuant sur appel formé par la Société LE MANS ASSURANCES INTERNATIONALES à l’encontre du jugement n° 132/Civ/7 du 28 février 2001 du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, non assorti de l’exécution provisoire, l’ayant condamnée à payer à la Société WESTPORT-CI, la somme de 12.542.925 francs CFA, la Cour d’Appel d’Abidjan, par arrêt n° 699 rendu le 31 mai 2002, réformant le jugement entrepris, a « déduit du montant de la réparation, la franchise de 5 millions de francs laissée à la charge de l’assurée, la Société WESTPORT » ; et confirmé en toutes ses autres dispositions, le jugement entrepris ; que par exploit en date du 17 octobre 2002, la Société WESTPORT-CI a pratiqué, en vertu de l’arrêt sus indiqué, à l’encontre de la Société LE MANS ASSURANCES INTERNATIONALES, une saisie-attribution des créances entre les mains de la BIAO-CI sur le compte de la requérante, saisie dénoncée à la société débitrice par exploit d’huissier en date du 22 octobre 2002 ; que le 25 octobre 2002, la Société LE MANS ASSURANCES INTERNATIONALES a saisi la Cour Suprême de la République de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, formation civile, d’une requête à fin de sursis à exécution de l’arrêt n° 699 ; que par ordonnance n° 230/CS/JP/2002 en date du 12 décembre 2002, le Président de la Cour Suprême, par application de l’article 214 du Code de Procédure civile, commerciale et administrative ivoirien, a ordonné la suspension de l’exécution de l’arrêt n° 699 sus indiqué, et autorisé la société LE MANS ASSURANCES INTERNATIONALES S.A à assigner la société WESTPORT-CI à l’audience du 12 décembre 2002 de la Chambre Judiciaire, afin qu’il soit statué sur la continuation des poursuites ; que par arrêt n° 797/02 en date du 12 décembre 2002, objet du présent recours, la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême, qui s’est déterminée sur les visas de la requête à fin de sursis d’exécution sus indiquée du 25 octobre 2002 et de l’ordonnance n° 230/CS/JP/2002 susvisée, a ordonné la discontinuation des poursuites entreprises contre la société LE MANS ASSURANCES INTERNATIONALES S.A ;
Attendu que la requérante reproche à l’arrêt attaqué, d’avoir été rendu en violation de l’article 32 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, lequel, selon le recours, « hormis le cas d’adjudication d’immeuble, enlève toute compétence aux juridictions étatiques d’entraver ou de suspendre l’exécution d’une décision de justice non frappée de voies de recours » ;
Attendu que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, alors même que l’application de ces dispositions n’aurait pas été expressément requise par les parties ;
Vu l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, qui dispose que : « la juridiction compétente pour
statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui.
Sa décision est susceptible d’appel dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé.
Le délai d’appel comme l’exercice de cette voie de recours n’ont pas un caractère suspensif, sauf décision contraire spécialement motivée du président de la juridiction compétente » ;
Attendu en l’espèce que les dispositions de l’article 214 du Code de Procédure civile commerciale et administrative ivoirien, visées par l’arrêt attaqué, contredisent les prescriptions de l’article 49 précité, desquelles il résulte que la juridiction nationale statuant en cassation, en l’occurrence la Cour Suprême de la République de Côte d’Ivoire, Etat partie au Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, n’est pas compétente pour statuer en matière d’urgence et en premier ressort, sur un litige relatif à une procédure d’exécution forcée engagée par le créancier ; qu’il s’ensuit qu’en statuant comme elle l’a fait, alors que le litige opposait les parties sur une saisie-attribution engagée le 17 octobre 2002, ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, et ne relevait pas par conséquent, de sa compétence, la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême de la République de Côte d’Ivoire a violé l’article 49 suscité ; qu’il y a lieu par conséquent, d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le moyen du recours ;
Attendu que la Société LE MANS ASSURANCES INTERNATIONALES S.A ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
- Annule l’arrêt n° 797/02 rendu le 12 décembre 2002 entre les parties par la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême de la République de Côte d’Ivoire ;
- Condamne la Société LE MANS ASSURANCES INTERNATIONALES S.A aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus, et ont signé :
Le Président Le Greffier
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