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15/02/2007 | NIGER | N°07-26

Niger | Niger, Cour suprême, Chambre judiciaire, 15 février 2007, 07-26


Texte (pseudonymisé)
REPUBLIQUE DU NIGER

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Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du mercredi quinze février deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
A AG, chef de village de X AIAaB et deux autres, assistés de Maître Bagri LOPY, Avocat à la Cour et Mainassara Oumarou, Avocat à la Cour;
D'une part

ET Z
Ac AK AH C, chef de canton de Lamordé (Ab)., assisté de Maître Harouna Abdou, Avocat à

la Cour;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Abdourahamane Ghousmane, conseiller rap...

REPUBLIQUE DU NIGER

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Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du mercredi quinze février deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
A AG, chef de village de X AIAaB et deux autres, assistés de Maître Bagri LOPY, Avocat à la Cour et Mainassara Oumarou, Avocat à la Cour;
D'une part

ET Z
Ac AK AH C, chef de canton de Lamordé (Ab)., assisté de Maître Harouna Abdou, Avocat à la Cour;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Abdourahamane Ghousmane, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Statuant sur les pourvois de Me Mainassara Oumarou conseil constitué de A AG et Y AJ d'une part et Me BAGRY LOPY FATIMA conseil constitué de Abdoulaye Amadou d'autre part formés par déclarations reçues respectivement le 11-05-05 et le 13-05-2005 au greffe du Tribunal Régional de Niamey contre le jugement n° 31 du 6 mai 2005 dudit Tribunal Régional qui a statué en ces ternes:
Reçoit Me Harouna Abdou, conseil de Ac AK AH C en son appel régulier en la forme;
Au fond, infirme le jugement attaqué;
Se déclare compétent;
Annule la vente de champ litigieux
Ordonne la réintégration du champ concerné au domaine communautaire «haouzou» du canton de Bitinkodji;

EN LA FORME

Attendu que les pourvois sont intervenus dans les forme et délai prescrits par la loi, qu'il y a lieu de les déclarer recevables;

AU FOND

Attendu que les demandeurs au pourvoi ont soulevé un moyen unique de cassation de trois branches:
-Sur la première branche du moyen tiré de la violation des article 63 et 67 de la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 sur l'organisation et la compétence des juridictions au Niger en ce que le juge d'appel statuant en matière coutumière a retenu sa compétence malgré l'existence d'un écrit;

Attendu qu'aux termes de l'article 63-2 de la loi précitée « .les juridictions appliquent la coutumes des parties:
1°)...
2°) dans celles (les affaires) concernant la propriété ou la possession immobilière et les droits qui en découlent, sauf lorsque le litige portera sur un terrain immatriculé ou dont l'acquisition ou le transfert aura été constaté par un mode de preuve établi par la loi». Que l'article 67 de la même loi ajoute que «les juridictions appliquent la loi et les règlements en vigueur lorsque le justiciable régi par la coutume y aura totalement ou partiellement renoncé par un acte non équivoque de volonté; que cette renonciation s'induira des circonstances de la cause, notamment de ce que les parties auront constaté leurs actes dans les formes de la loi écrite»;

Attendu qu'il ressort de la combinaison des textes sus-cités, que le juge coutumier est incompétent dès lors que le litige portera sur un immeuble immatriculé ou dont l'acquisition ou le transfert aura été constaté par un mode de preuve établi par la loi ou lorsque, les parties régies par la coutume font constater leur transaction par un écrit, renonçant ainsi à la coutume;

Attendu en l'espèces, qu'il ressort des pièces de la procédure que Ac Ad a acheté un champ de culture auprès de A AG et de Y AJ et un acte constatant la vente a été dressé par le greffier de la délégation judiciaire de Ab; Qu'ainsi, il est acquis d'une part que l'acquisition du champ litigieux a été constaté par un mode de preuve établi par la loi et que d'autre part, faisant recours à un acte sous-seing privé pour faire constater leur transaction les parties ont renoncé à leur statut coutumier; qu'il a été jugé que l'existence d'un acte sous seing privé fait obstacle à la saisine de la juridiction coutumière;

Que dans le même sens, constitue une violation de la loi, le fait pour un juge coutumier de connaître d'un litige qui relève du domaine de la loi et des règlements en vigueur;

Attendu que les dispositions des textes suscités étant d'ordre public, toute décision qui les contourne ou s'efforce de les ignorer encourt cassation;
Que la première branche du moyen soulevé doit être accueillie;

Sur le deuxième moyen tirée de la violation des articles 15 de l'ordonnance 93-28 du 30-3-03-1993 sur la chefferie traditionnelle, 9 et 10 de l'ordonnance 93-015 du 2 mars 1993 sur les principes d'orientation du Code Rural, en ce que le juge d'appel a déclaré que le chef de canton a qualité pour demander l'annulation d'une vente sur un champ familial;

Attendu qu'il ressort des énonciations du jugement attaqué « qu'en vertu de la coutume peulh des parties, les terres communautaires sises sur le territoire d'un canton sont sous la responsabilité du chef de canton qui les gère indirectement par les chefs de village et veille à leur protection»; Qu'à la lumière de ce qui précède et contrairement à l'argumentation des demandeurs au pourvoi pour soutenir leurs moyens, le juge d'appel, pour retenir la qualité pour agir du chef de canton s'est basé sur la coutume des parties;

Attendu que par ailleurs, il faut relever que les articles 15 de l'ordonnance 93-28 du 30 mars 1993, 9 et 10 de l'ordonnance 93-015 du 2 mars 1993, ne traitent pas de la qualité d'une partie pour agir dans un procès, mais plutôt de la compétence d'un chef coutumier en cas de litige portant sur un champ régi pour le premier et du mode d'acquisition de la propriété foncière pour les deux autres;
Qu'il y a lieu par conséquent de rejeter le moyen en sa seconde branche;

Sur la troisième branche du moyen tiré de la fausse application de la coutume, du manque de base légale;

Attendu que Ac Ad, par la voix de son conseil Me Loby reproche d'une part au juge d'appel de s'être adjoint deux assesseurs pour connaître d'un litige qui n'a aucun caractère coutumier et que d'autre part, d'avoir considéré le champ litigieux comme étant un «haouzou» communautaire «alors même qu'il s'agit d'un champ «Haouzou-familial»;
Attendu que le juge d'appel, contrairement au juge de première instance s'est déclaré compétent; que devant examiner le litige en matière coutumière il est normal pour lui, sinon obligatoire de se faire adjoindre deux assesseurs coutumiers et ce conformément à l'article 43 de la loi 2004-50 du 22/07/2004 sur l'organisation et la compétence des juridictions du Niger;
Attendu que sur la question relative au statut du champ litigieux, le demandeur au pourvoi n'a fait qu'exposer les faits que le juge d'appel a appréciés; Qu'en effet celui-ci a suffisamment démontré que le champ litigieux fait partie d'un «haouzou communautaire» après analyse des moyens développés par toutes les parties devant lui; qu'il y a lieu de rejeter le moyen en sa troisième branche;

PAR CES MOTIFS

Reçoit A AG, Ac Ad et Y AJ en leur pourvoi;
Au fond casse et annule le jugement n° 031 du 6 mai 2005 du Tribunal de Grande Instance de Niamey;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Niamey pour y être jugés conformément à la loi;
Dit qu'il n' y a pas lieu aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.

ARRÊT N° 07-26/Cout
Du 15 février 2007

MATIERE : coutumière

DEMANDEURS :
A AG
Me Bagri LOPY
Me Me Mainassara Oumarou

AL Z
Ac AK AH C
Me Harouna Abdou

PRESENTS :
Issaka Dan Déla
Président
Adamou Amadou ; Abdourahamane Ghousmane
Conseillers
Ali Karmazi ; Mounkaila Dallou
Assesseurs
Ousmane Oumarou
Ministère Public
Me Hamadal Moumine ISSOUFOU
Greffier

RAPPORTEUR
Abdourahamane Ghousmane


Synthèse
Formation : Chambre judiciaire
Numéro d'arrêt : 07-26
Date de la décision : 15/02/2007
Coutumière

Parties
Défendeurs : AMIROU MOUSTAPHA HASSANE DIALLO Me Harouna Abdou

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.supreme;arret;2007-02-15;07.26 ?
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