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23/11/2006 | NIGER | N°06-285

Niger | Niger, Cour suprême, Chambre judiciaire, 23 novembre 2006, 06-285


Texte (pseudonymisé)
REPUBLIQUE DU NIGER

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Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires pénales en son audience publique ordinaire du jeudi vingt trois novembre deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
Ministère Public ;
D'une part

ET :
Af Ak, né vers 1951 à Kaoutchilloum; fils de Af et de Azara, magistrat, ex-directeur général de la Compagnie d'Assurance et de Aa B An demeurant à Ag;g;
Aj Al, né vers 1955 à Kellé, fils de Aj Ae et de

Bintou, directeur des affaires Administratives et Financières à la SNAR LEYMA demeurant à Ag, assisté ...

REPUBLIQUE DU NIGER

-----------------
Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires pénales en son audience publique ordinaire du jeudi vingt trois novembre deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
Ministère Public ;
D'une part

ET :
Af Ak, né vers 1951 à Kaoutchilloum; fils de Af et de Azara, magistrat, ex-directeur général de la Compagnie d'Assurance et de Aa B An demeurant à Ag;g;
Aj Al, né vers 1955 à Kellé, fils de Aj Ae et de Bintou, directeur des affaires Administratives et Financières à la SNAR LEYMA demeurant à Ag, assisté de la SCPA Mandela, avocats associés à la Cour Ag; et
Ac Ab Ai, né vers 1956 à Ag, fils de Ab Ai et de René Ao Am Ad, opérateur économique, demeurant à Ag, assisté de Maître Harouna Abdou, avocat à la Cour Ag ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Nouhou Hamani Mounkaila, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Statuant sur le pourvoi du Procureur Général près la Cour d'appel de Ag formé par déclaration en date du 03 mai 2005, enregistrée au greffe de la Cour d'Appel de Ag sous le n°28 contre l'arrêt n°24 du 25/04/2005 de ladite Cour, Chambre Correctionnelle qui a statué publiquement, contradictoirement en matière correctionnelle et en dernier ressort ainsi qu'il suit:

-Reçoit les appels du Procureur de la République et Aj Al réguliers en la forme;
-Infirme la décision attaquée en ce qu'elle a maintenu Aj Al dans les liens de la prévention;
-Le déclare non coupable des faits qui lui sont reprochés;
-Le relaxe au bénéfice du doute;
Confirme la décision attaquée dans toutes ses autres dispositions;
-Reçoit les demandes de restitution formulées par Af Ak, Aj Al et Ac Ab Ai réguliers en la forme;
-Ordonne la restitution de leurs actes de cession;
-Met les dépens à la charge du Trésor Public.

Vu la loi 2000-10 du 14 août 2000 relative à la Cour Suprême;

Vu la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l'organisation et la compétence des juridictions en République du Niger;

Vu les articles 1,2,6, 564, 580 et 581 du Code de Procédure Pénale;

Vu l'article 152, 338 Code Pénal;

Vu la déclaration de pourvoi et les pièces au dossier;

Vu les conclusions du Procureur Général;
EN LA FORME

1) - Sur le délai du pourvoi
Attendu que Af Ak soutient qu'aux termes de l'article 564 du code de procédure pénale, le délai de pourvoi est de 5 jours francs après celui où la décision attaquée a été prononcée; qu'il résulte des pièces du dossier que l'arrêt de la Cour d'Appel de Ag a été rendu le 25 avril 2005 et que le pourvoi a été formé le 3 mai 2005, soit plus de 8 jours après la décision attaquée; que ce pourvoi ayant donc été formé hors délai, la Cour devrait le déclarer irrecevable;
Attendu que l'article 564 du code de procédure pénale dit que le délai de pourvoi est de cinq (5) jours francs;
Attendu que l'arrêt attaqué est intervenu le 25 avril 2005, que le délai court donc à partir du lendemain mardi 26 avril avec échéance le samedi 30 qui est un jour férié ainsi que le dimanche 1er mai et le lundi 2 mai suivant, ce qui fait du 3 mai 2005 le dernier jour utile;
Attendu que le pourvoi intervenu dans ces circonstances doit donc être déclarée recevable comme étant formée dans les conditions de délais prévues par la loi;

2) - Sur la forme du mémoire aux fins de cassations du Procureur Général
Attendu qu'en ce qui concerne les conditions de forme du mémoire Af Ak demande à la Cour de dire qu'elle n'est pas valablement saisie et par conséquent déclarer le pourvoi irrecevable motifs pris de ce que le Procureur Général près le Cour d'Appel de Ag a adressé directement au greffe de la Cour Suprême, le 20 janvier 2006, un mémoire en date du 21 novembre 2005 contenant les moyens invoqués à l'appui de son pourvoi datant du 3 mai 2005, alors qu'aux termes des articles 580 et 581 du code de procédure pénale, le demandeur en cassation, soit en faisant sa déclaration, soit dans les dix (10) jours suivants, peut déposer au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée un mémoire contenant les moyens de cassation; qu'après l'expiration de ce délai, seul le demandeur condamné pénalement peut transmettre son mémoire directement à la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême; que d'ailleurs la Cour d'Etat en a décidé ainsi, notamment à travers ses arrêts des 13 et 20 janvier 1977; 9 juin 1977, 20 avril 1978 et 25 janvier 1979 (bulletins des principaux arrêts de la Cour d'Etat n°12; 13 et 14);
Attendu que le pourvoi en matière pénale est régi par les articles 53 et suivants de la loi 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême, 580 du Code de procédure pénale;
Attendu que la lecture de ces articles révèle que le dépôt ou la transmission du mémoire est facultatif mais doit se faire dans les dix (10) jours suivants la déclaration de pourvoi sauf pour le demandeur condamné pénalement; qu'il s'agit d'une condition de recevabilité du mémoire et des moyens de cassation qui ne touche pas la recevabilité du pourvoi;
Attendu qu'il ressort des pièces au dossier que la déclaration de pourvoi a eu lieu le 3 mai 2005 et le mémoire aux fins de cassation daté du 21 novembre 2005 a été enregistré au greffe de la Cour Suprême le 20 janvier 2006 sous le n°032;
Attendu que ce mémoire est donc tardif même à considérer la date du 2 novembre 2005 qui est celle de la 1ère expédition de l'arrêt querellé jointe au dossier;
Qu'il y a lieu en conséquence de rejeter le mémoire aux fins de cassation du Procureur Général;

Au fond
Attendu qu'il ressort du jugement du 15 juin 2004 du tribunal correctionnel de Dosso confirmé par l'arrêt querellé «.qu'outre le fait matériel de détournement ou de dissipation de manière frauduleuse de l'objet ou des fonds remis, l'abus de confiance suppose nécessairement un préjudice.; qu'en fait, par lettre référencée HS/AK/O. 20/2000/A, adressée au magistrat instructeur, réitérée le 29 mars 2004 suivant lettre de son conseil Maître Niandou Karimou, avocat à la Cour BP11972 Ag, la société S.N.A.R LEYMA confirmait «n'avoir jamais porté de plainte depuis le début de cette affaire en 1999 et n'entendait pas le faire non plus devant la juridiction de jugement.» et demandait qu'on lui en donne acte; qu'il y a donc preuve suffisante que la prétendue victime n'a subi aucun préjudice élément essentiel constitutif du délit d'abus de confiance.»;
Attendu que la Cour d'Appel reprenait cette argumentation de la façon suivante: «attendu qu'en effet, il résulte des pièces du dossier de la procédure que la SNAR LEYMA a écrit au magistrat instructeur pour l'informer de ce qu'elle n'a subi aucun préjudice et que de ce fait elle ne porte pas plainte; qu'elle a également écrit au Président du Tribunal de Dosso pour déclarer ne pas se constituer partie civile;
Attendu que d'autre part, le prévenu Af Ak soutient qu'en sa qualité de Directeur Général de la Leyma, donc d'employeur, il ne peut être concerné par les dispositions de l'article 338 qui concerne les employés;
Attendu en effet, qu'il est de jurisprudence constante que pour qu'il ait abus de confiance «il faut que le coupable soit lié par un lien de subordination direct avec la victime, ce qui exclut les Directeurs Généraux ou les gérants de société» (crim 24/02/1910 GP 1910-1- 456 ou encore crim. 10-03. Et 8/04/1938 bull 76 et 120) qu'il est constant qu'au moment des faits incriminés, Af Ak était Directeur Général de la SNAR LEYMA; Qu'en cette qualité, comme il l'a justement soutenu, il ne peut au vu des dispositions légales (articles 338 alinéa 3 du code pénal) et jurisprudentielles être poursuivi pour abus de confiance par salarié»;
Attendu qu'il apparaît ainsi que les juges du fond pour écarter l'incrimination d'abus de confiance ont retenu qu'il n'y a pas de plainte ni de préjudice de la part de la leyma et qu'il n'y a pas de lien de subordination entre cette Société et Af Ak;k;
Attendu que cette argumentation amène la Cour à soulever d'office le moyen tiré de la violation de la loi par fausse interprétation de la loi sur les points suivants:

1°) sur le défaut de plainte:
Attendu que l'article 338 du code pénal dispose que: «quiconque aura frauduleusement détourné ou dissipé un meuble corporel ou une valeur incorporelle, qui lui aura été volontairement remis à un titre quelconque, à charge de le restituer ou d'en faire un usage déterminé, sera puni d'une peine d'emprisonnement de deux mois à deux ans et d'une amende de 10.000 à 100.000 francs
Si l'abus de confiance a été commis par une personne faisant appel au public, afin d'obtenir soit pour son propre compte, soit comme directeur, administrateur ou agent d'une société ou d'une entreprise commerciale ou industrielle, la remise de fonds ou de valeurs, à titre de dépôt, de mandat ou de nantissement la peine d'emprisonnement sera dedeux mois à deux ans et d'une amende de 50.000 à 5.000.000 francs;
Si l'abus de confiance prévu et puni par l'alinéa 1er a été commis par un officier public ou ministériel, ou par un salarié, les peines seront d'un emprisonnement de deux à moins de dix ans et d'une amende de 10.000 à 500.000 francs»;

Attendu que l'article premier du code de procédure pénale stipule que «l'action publique pour l'application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrat ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi;
Cette action peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions déterminées par le présent code»;

Que l'article 2 du même code dispose que: « l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention, appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction;
La renonciation à l'action civile ne peut arrêter ni suspendre l'exercice de l'action publique, sous réserve des cas visés à l'alinéa 3 de l'article 6»; qu'aux termes de l'article 6 «l'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu, la prescription, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale et la chose jugée.;

Elle peut, en outre, s'éteindre par transaction lorsque la loi en dispose expressément; il en est de même, en cas de retrait de plainte, lorsque celle-ci est une condition nécessaire de la poursuite»;
Attendu qu'il résulte donc de la simple lecture de ces textes qu'en matière d'abus de confiance, aucune disposition de la loi ne subordonne la mise en mouvement de l'action publique à une plainte de la partie lésée;
Qu'ainsi même le désistement de plainte intervenu postérieurement à la consommation du détournement n'efface pas l'abus de confiance et demeure sans influence sur l'action publique;
Attendu qu'au demeurant on ne peut occulter l'inspection d'Etat qui a été diligentée suite à la passation de service et dont le rapport a été transmis à la Direction du contentieux de l'Etat avant l'ouverture de l'information judiciaire; Qu'en conséquence le motif des juges tiré du défaut de plainte de la LEYMA viole l'article 338 du code pénal et les articles 1, 2 et 6 du code de procédure pénale; qu'il y a lieu de censurer l'arrêt querellé de ce chef;

2°) Sur le défaut de préjudice:
Attendu que si l'appréciation du préjudice intervient dans l'analyse du délit d'abus de confiance, il faut noter qu'en droit pénal Nigérien contrairement à certaines législations, le préjudice n'est pas un élément constitutif expressément visé à l'article 338 du code pénal susvisé;
Attendu que la nature du préjudice peut être matérielle ou morale ou même seulement éventuelle; Qu'ainsi même dans le cas où la partie lésée ne voudrait pas se constituer partie civile, il suffit de constater que la propriété des biens détournés ou dissipés reposait sur une tête autre que celle de l'auteur du détournement;
Attendu qu'en l'espèce les juges d'appel en se fondant sur la déclaration de la victime disant qu'elle n'a pas subi de préjudice sans démontrer qu'il n'y a pas eu de détournement quelconque ayant pu entraîner de préjudice n'ont pas donné de base légale à leur décision;

Attendu qu'il y a en effet manque de base légale lorsque les motifs d'une décision ne permettent pas de reconnaître que la loi a été justement et suffisamment appliquée à la cause; Que l'arrêt attaqué encourt donc cassation de ce chef;

3°) Sur l'absence de préjudice en ce qui concerne l'infraction de faux:
Attendu que l'arrêt attaqué est ainsi motivé:«attendu que les prévenus Aj Al et Af Ak sont également poursuivis pour respectivement faux et usage de faux en écriture privée par confection de faux documents comptables ou fausses attestations de services faits et de complicité par instruction et usages des fausses pièces ainsi établies;
Attendu que plus précisément, il est reproché à Aj Al d'avoir anti-daté des bons de commande et certifié comme faits des services qui ne l'étaient pas;
Attendu que comme l'a relevé le premier juge, l'infraction de faux n'est pas constituée d'autant qu'aucun préjudice n'a pu être relevé; Qu'en effet, il est constant que les produits commandés et non encore livrés qui ont fait l'objet de certification de service fait et objet de bons de commande antidatés, étaient disponibles au domicile du fournisseur Ac Ab Ai au moment de la passation de service intervenue entre Af Ak et son remplaçant; Que constat en a été fait par le magistrat instructeur qui en a dressé procès-verbal dont copie est versée aux débat;. Qu'en tout état de cause, la SNAR Leyma qui pouvait en être victime, a de manière on ne peut plus explicite fait part de ce qu'elle n'a subi en l'espèce aucun préjudice. Or le préjudice est l'un des éléments constitutifs de l'infraction de faux»;
Attendu qu'il ressort de l'article 152 du code pénal que le faux en écriture est l'altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice et commise dans un écrit destiné ou apte à la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des effets de droit;
Attendu que l'altération «de nature» à causer un préjudice s'accommode de la preuve d'un préjudice seulement éventuel et pas nécessairement consommé sans compter les cas où le caractère préjudiciable n'a même pas à être expressément constaté tant il ressort de la nature même de la pièce fausse;
Attendu qu'en l'espèce les juges d'appel en relevant le fait que des produits commandés et non encore livrés ont fait l'objet de certification de service fait et objet de bons de commande antidatés, se devaient de dire que cette situation n'était pas de nature à causer un préjudice;
Attendu qu'il y a donc là fausse interprétation de l'article 152 du code pénal susceptible d'entraîner la cassation de l'arrêt attaqué;

PAR CES MOTIFS

Reçoit en la
forme le pourvoi du Procureur Général près la Cour d'Appel de Ag;

Casse et annule l'arrêt n°24 du 25 avril 2005 de la Cour d'Appel de Ag;

Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée;

Condamne Aj Al, Af Ak et Ac Ab Ai aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.

ARRÊT N° 06-285/P
Du 23 novembre 2006

MATIERE : pénale

DEMANDEUR :
Ministère Public ;

DEFENDEUR :
Af Ak
Aj Al et Ac Ab Ai
C Ah
Me Harouna Abdou

PRESENTS :
Issaka Dan Déla
Président
Nouhou Hamani Mounkaila ; Albachir Nouhou Diallo
Conseillers
Ousmane Oumarou
Ministère Public
Me Gado Fati
Greffier

RAPPORTEUR
Nouhou Hamani Mounkaila


Synthèse
Formation : Chambre judiciaire
Numéro d'arrêt : 06-285
Date de la décision : 23/11/2006
Pénale

Parties
Demandeurs : Ministère Public ;
Défendeurs : Oumara Mamadou Boucar Abdoulaye et Ismaël Abdou Garba SCPA Mandela Me Harouna Abdou

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.supreme;arret;2006-11-23;06.285 ?
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