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22/06/2006 | NIGER | N°06-183

Niger | Niger, Cour suprême, Chambre judiciaire, 22 juin 2006, 06-183


Texte (pseudonymisé)
REPUBLIQUE DU NIGER

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Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi vingt deux juin deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
AG B, Commerçant demeurant à Ab XAcA, assisté de Maîtres Djermakoye Ibrahim et Tanimoune B. Souleymane, Avocats à la Cour ;

D'une part

ET :
Dame Ae Aa, ménagère demeurant à AbAXAcAXAc);
D'autre part
Après lecture du rapport de Mons

ieur Ghousmane Abdourahamane, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et apr...

REPUBLIQUE DU NIGER

-----------------
Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi vingt deux juin deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
AG B, Commerçant demeurant à Ab XAcA, assisté de Maîtres Djermakoye Ibrahim et Tanimoune B. Souleymane, Avocats à la Cour ;

D'une part

ET :
Dame Ae Aa, ménagère demeurant à AbAXAcAXAc);
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Ghousmane Abdourahamane, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi;

Statuant sur le pourvoi en cassation enregistré au greffe du Tribunal Régional de Niamey le 22 avril 2004 sous le n° 055 formé par Me Ibrahim Djermakoye, conseil constitué de AG B contre le jugement n° 076 du 26 novembre 2004 rendu par ledit Tribunal qui a statué en ces termes:

-Reçoit AG B en son appel;
-Au fond, infirme le jugement attaqué;
Evoque et statue à nouveau;
-Dit que la maison querellée est un bien commun des ex-époux;
-Fixe à trois millions (3 000000) francs l'apport de la femme intimée;
-Condamne AG B à rembourser ladite somme à dame Ae Aa;
-Dit qu'après le paiement de cette somme, l'intimée doit déguerpir des lieux au profit de l'ex-époux qui deviendrait l'unique propriétaire de la maison;
-Dit qu'il n'y a pas lieu à dépens.

Vu la loi n° 2000-10 du 14 août 2000 su la Cour Suprême;
Vu la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004
Vu les pièces du dossier;
Vu les conclusions de Monsieur le Procureur Général;

En la forme

Attendu que le pourvoi étant intervenu dans les forme et délai prévus par la loi, il y a lieu de le déclarer recevable

Au fond

Attendu que le demandeur, par la voix de son conseil constitué Me Ibrahim Djermakoye, soulève trois moyens de cassation:
- Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation de l'article 63 de la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004, en ce que le juge d'appel a retenu sa compétence alors même que le litige porte sur un immeuble immatriculé et dont l'acquisition a été constatée par un écrit;
Attendu qu'aux termes de l'article 63 de la loi suscitée «sous réserve du respect des dispositions législatives ou des règles fondamentales concernant l'ordre public ou la liberté des personnes, les juridictions appliquent la coutume des parties:
1)...
2) dans celles (les affaires) concernant la propriété ou la possession immobilière et les droits qui en découlent sauf lorsque le litige portera sur un terrain immatriculé ou dont l'acquisition ou le transfert aura été constaté par un mode de preuve établi par la loi»;
Attendu en l'espèce qu'il est constant que l'immeuble litigieux est immatriculé sous le n° Parcelle F de l'îlot 3792, lotissement Ac C, que son acquisition a été constatée par un acte sous seing privé de vente, mode de preuve établi par la loi;
Attendu que pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par AG B, le juge d'appel écrit que «l'argument pris de l'appelant pour nier la compétence du Tribunal coutumier est ici inopérant en dépit des termes de l'al 2 de l'article 51 de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962 (devenu article 63 de la loi 2004-50 du 22 juillet 2004);
Que l'immeuble querellé a été acquis pendant le mariage des époux et est intimement lié à ce mariage; que le règlement de son sort est une conséquence logique de la rupture du bien matrimonial suite à la répudiation de la femme; que le juge des divorce et répudiation est compétent pour régler toutes les conséquences qui sont liées, comme la dissolution de la communauté des biens là où elle existe»;
Mais attendu que le litige porte sur un immeuble immatriculé dont l'acquisition a été constatée par un mode de preuve établi par la loi; il est hors de doute que le juge se trouve saisi d'une défense au fond, soulevant une question n'étant pas de sa compétence, question préjudicielle qui devait le conduire à surseoir à statuer tant que le Tribunal compétent n'a pas dit le droit sur la propriété de l'immeublelitigieux; qu'en effet, même si le juge coutumier est compétent en l'espèce pour statuer sur la requête en homologation de répudiation et de liquidation et partage de la communauté des biens formulée par dame Ae Aa, la défense au fond présentée par AG B échappe à sa compétence; que c'est donc à tort que le Tribunal Régional de Niamey, statuant en matière coutumière et en cause d'appel, a retenu sa compétence pour examiner au fond le moyen de défense soulevé par le demandeur au pourvoi; qu'il s'ensuit que sa décision encourt cassation;
- Sur le deuxième moyen de cassation tiré de la violation de la coutume, en ce que celle-ci ne prévoit pas la communauté des biens

Attendu qu'en coutume Ad, il est de règle que «dans un foyer conjugal, chaque époux vient avec ses propres biens. Ceux acquis pendant la vie conjugale sont toujours supposés appartenir à l'époux en sa qualité de chef de famille»;
Attendu en l'espèce que le juge d'appel a rappelé cette règle coutumière mais n'en a pas tiré les conséquences de droit qui lui permettraient de se déclarer incompétent dès lors qu'il a reconnu lui-même que la coutume Ad ne prévoit pas la communauté des biens; qu'il s'en suit qu'en décidant malgré tout que l'immeuble litigieux est un bien commun, le juge d'appel a violé ladite coutume; que sa décision encourt en conséquence cassation;
- Sur le troisième moyen de cassation pris en deux branches: violation de l'article 2 al 2 de la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004 pour insuffisance de motifs et contrariété entre les motifs et le dispositif.

- Sur la première branche tirée de l'insuffisance des motifs en ce que le juge d'appel n'a pas motivé sa décision;

Attendu que le juge d'appel a décidé que la maison litigieuse est bien commun des époux;
Mais attendu que pour aboutir à cette conclusion, il n'a fait aucune démonstration en droit et en fait; qu'en décidant comme il l'a fait, il ne permet pas à la Cour d'exercer son pouvoir de contrôle;

- Sur la deuxième branche tirée de la contrariété entre les motifs et le dispositif
Attendu que le juge d'appel a démontré en application de la coutume Ad que l'époux, en l'occurrence AG B, est propriétaire du sol et des bâtiments qu'il a réalisés seul et lui a attribué la propriété de l'ensemble de l'immeuble litigieux, accordant à l'épouse un dédommagement à hauteur de son apport lors de la construction dudit immeuble;
Attendu que paradoxalement, le même juge décide dans le dispositif de son jugement que l'immeuble litigieux est un bien commun des époux; d'où, comme l'a soulevé le demandeur au pourvoi, une contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision querellée;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que l'insuffisance des motifs ou la contradiction de ceux-ci avec le dispositif ont pour conséquence la cassation et l'annulation de toute décision qui les contient; qu'il y a lieu d'accueillir le troisième moyen de cassation comme bien fondé;

- Sur le moyen relevé d'office tiré de la violation de la règle d'évocation
Attendu que dans le dispositif du jugement attaqué le juge d'appel écrit entre autres:
«- Au fond, infirme le jugement attaqué;
Evoque et statue à nouveau...»;
Attendu que pour «évoquer et statuer à nouveau», le juge d'appel doit annuler la décision qui lui a été déférée après avoir dans les motifs, fait ressortir la violation de la loi ou de la coutume dont la sanction est l'annulation de ladite décision;
Attendu en l'espèce, il ressort des énonciations du jugement attaqué «que pour ces raisons et parce qu'il n'indique pas la coutume appliquée, le jugement attaqué sera infirmé»;
Attendu dès lors qu'il s'agit d'une violation de la coutume, le jugement déféré au juge d'appel doit être annulé et non infirmé; qu'en effet, le juge d'appel ne peut pas évoquer et statuer à nouveau après infirmation d'une décision; qu'en le faisant, il viole lui-même la règle d'évocation; que sa décision encourt cassation de ce chef.

PAR CES MOTIFS
Déclare le pourvoi de AG B recevable;
Casse et annule le jugement n° 076 du 26 novembre 2004 du Tribunal Régional de Niamey;
Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée;
Dit qu'il n'y a pas lieux aux dépens;

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.

ARRÊT N° 06-183/C
Du 22 juin 2006

MATIERE : Coutumière

DEMANDEUR :
Ousseini Zakaria
Maîtres Tanimoune B. Souleymane
Djermakoye Ibrahim

Y :
Dame Ae Aa

Z :
Dillé Rabo
Président
Moussa Idé ; Ghousmane Abdourahamane
Conseillers
Ali Karmazi ; Adamou Harouna
Assesseurs
Sissoko Ousmane Mory
Ministère Public
Me Gado Fati Founou
Greffier

RAPPORTEUR
Ghousmane Abdourahamane


Coutumière

Parties
Demandeurs : Ousseini Zakaria Maîtres Tanimoune B. Souleymane Djermakoye Ibrahim
Défendeurs : Dame Mariama Illiassou

Références :

Origine de la décision
Formation : Chambre judiciaire
Date de la décision : 22/06/2006
Date de l'import : 22/11/2019

Numérotation
Numéro d'arrêt : 06-183
Numéro NOR : 146973 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.supreme;arret;2006-06-22;06.183 ?
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