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15/06/2006 | NIGER | N°06-173

Niger | Niger, Cour suprême, Chambre judiciaire, 15 juin 2006, 06-173


Texte (pseudonymisé)
REPUBLIQUE DU NIGER

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Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi quinze juin deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
Z A AH et AI A AH, tous deux cultivateur demeurant à Moussabon-Dargol (Téra), assistés de Maître Ali Sirfi Maiga, Avocat à la Cour ;
D'une part

ET C
B X - Z X et A X tous cultivateur demeurant à Djambaro-Kakassi/Dargol (Téra) ;
D'autre part
A

près lecture du rapport de Monsieur Hassane Hodi, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le...

REPUBLIQUE DU NIGER

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Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi quinze juin deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
Z A AH et AI A AH, tous deux cultivateur demeurant à Moussabon-Dargol (Téra), assistés de Maître Ali Sirfi Maiga, Avocat à la Cour ;
D'une part

ET C
B X - Z X et A X tous cultivateur demeurant à Djambaro-Kakassi/Dargol (Téra) ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Hassane Hodi, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Statuant sur le pourvoi formé par déclaration au greffe de la Section du Tribunal de Tillabéri le 5 mai 2004 par Z A AH et AI A AH contre le jugement n°15 en date du 30 avril 2004 du Tribunal de Tillabéri statuant comme juridiction d'appel, qui a confirmé le jugement en date du 27 mars 2004 du Tribunal de Téra en ce qu'il a débouté Z A AH et AI A AH de leur action en expulsion des frères X d'un terrain non immatriculé sis à Ac YAG);

SUR LA RECEVABILITE

Attendu que le pourvoi a été introduit dans les forme et délai prévus par la loi; qu'il y a lieu de le déclarer recevable;

AU FOND

Attendu que par déclaration constatée par procès-verbal en date du 5 février 2003, Z A AH et AI A AH ont saisi le Tribunal de Téra d'une action en revendication d'un terrain non immatriculé à usage de champ sis à Ac YAa) contre les frères B X, Z X et A X; qu'ils soutenaient que de son vivant, leur père A AH, avait confié un droit d'exploitation du terrain litigieux à X Ab pendant des années moyennant le versement d'une dîme; qu'après le décès des deux contractants, ils reconduisaient le même contrat avec les héritiers de feu X dans les mêmes termes et conditions; que cependant, courant année 1999, lorsqu'ils ont revendiqué leurs champs, ils se sont heurtés au refus des ayantss-droits X qui leur ont déclaré avoir déjà érigé des constructions sur l'espace litigieux;
Attendu que les défendeurs, B, Hassane et A X avaient rétorqué n'avoir jamais nié leur droit d'exploitation précaire et ont indiqué avoir restitué à Hassane et AI A AH les terres litigieuses à leur demande courant année 1999; qu'ils précisaient que le litige porte sur une zone d'aération autour de leur village destinée aux enclos des animaux et à l'épanouissement de leurs enfants, village qui y est implanté depuis plus de 50 ans et que leurs adversaires cherchent seulement à les faire déguerpir de cet endroit;
Dans leurs mémoires ampliatifs initial et complémentaire respectivement en date des 2 mars 2005 et 8 mars 2005, les demandeurs au pourvoi, assistés de Maître Sirfi Ali Maiga, avocat à la cour, soulèvent trois (3) moyens de cassation:

Sur le premier moyen tiré de la violation de la coutume (violation de la loi)

Attendu que les demandeurs au pourvoi reprochent au juge d'appel d'avoir confirmé nonobstant leur demande d'annulation, le jugement du 27 mars 2003 du Tribunal de Téra, alors que cette décision rendue en matière coutumière, ne comportait aucune précision quant à la coutume des assesseurs qui ont composé la juridiction, violant ainsi l'article 36 de la loi n°62-11 du 16 mars 1962 sur l'organisation judiciaire et la jurisprudence intervenue en la matière;
Attendu que l'article 36 de la loi susvisée dispose que «pour le jugement des affaires prévues à l'article 5, le juge de paix doit s'adjoindre deux assesseurs représentant la coutume des parties»;
Attendu que pour rejeter la demande d'annulation du jugement du 27 mars 2003 formulée en appel par les demandeurs au pourvoi, le jugement attaqué énonce d'une part «qu'il n'est pas contesté que le juge de paix s'était adjoint deux assesseurs coutumiers dont la qualité n'est pas mise en cause, ce qui indique qu'ils ne peuvent être que de la coutume des parties», d'autre part, que la précision de la coutume des parties n'a de pertinence qu'en cas de contestation sérieuse de la qualité d'un assesseur, ce qui n'est pas en l'espèce»;
Attendu que contrairement aux énonciations du jugement attaqué, le défaut de contestation sur la qualité d'un assesseur n'implique pas qu'il soit de la même coutume que les parties qu'il est sensé représenter et ne dispense pas la juridiction de jugement de l'obligation légale prescrite à peine de nullité, de préciser sa coutume; qu'en effet, l'exigence de la précision de la coutume des assesseurs a pour but de permettre à la juridiction d'appel ou de cassation non seulement de vérifier si les assesseurs qui ont siégé en matière coutumière sont de la même coutume que les parties, mais aussi d'exercer son contrôle sur l'exacte application de la coutume; qu'ainsi, le jugement du 30 avril 2004 du Tribunal de Tillabéri qui a confirmé celui du 27 mars 2003 du Tribunal de Téra lequel a statué en matière coutumière sans précision de la coutume des assesseurs, a violé les dispositions de l'article 36 susvisé; qu'il y a donc lieu de recevoir le moyen comme étant fondé;

Sur le deuxième moyen de cassation: absence , insuffisance et défaut de motif, manque de base légale, en ce que le juge d'appel, tout en reconnaissant le droit de propriété des demandeurs au pourvoi sur l'espace litigieux conformément à la coutume sonrai, déclare néanmoins que cette même coutume prévoit en faveur des non propriétaires, le droit de disposer d'un espace autour des habitations pour le besoin d'extension ou pour l'épanouissement des habitants, alors que le droit de propriété, qu'il s'agisse de la coutume ou du code civil, confère à son titulaire un droit absolu;
Attendu que les demandeurs au pourvoi se fondent ainsi sur leur droit de propriété non contesté pour dénier de manière absolue aux défendeurs tout droit sur l'espace litigieux;
Attendu cependant que si tout propriétaire a le droit de jouir et de disposer de la chose de la manière la plus absolue, ce ne peut être qu'à la condition, entre autres d'exercer ce droit en tenant compte des limitations prévues aussi bien par la loi que par la coutume; que dans les cas d'espèce, le juge d'appel, prenant en compte les prescriptions de la coutume sonrai, coutume des parties, s'est fondé sur les restrictions au droit de propriété prévues par ladite coutume pour décider que «tout village ou hameau a le droit de disposer d'un espace autour des habitations, pour le besoin de son extension et pour l'épanouissement de ses habitants»; que les demandeurs au pourvoi ne contestant pas ce principe de limitation consacré par la coutume sonrai et n'invoquant la violation d'aucun texte précis, y relatif, il convient de dire que le juge d'appel a motivé sa décision et ainsi rejeter le moyen comme étant mal fondé;

Sur le troisième moyen de cassation tiré de la violation de l'article 92 de la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l'organisation et la compétence des juridictions de la République du Niger, en ce que le jugement attaqué ne comporte pas la délimitation précise du champ objet du litige, alors que le texte susvisé dispose que «les décisions rendues en matière foncière doivent comporter la délimitation précise de l'objet du litige, sous peine de nullité»;
Attendu que la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004 invoquée au moyen n'était pas applicable au 30 avril 2004, date à laquelle le jugement attaqué a été rendu; qu'ainsi conformément à l'article 2 du code civil qui prescrit que «la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif», il convient d'écarter ce moyen comme étant mal fondé;

PAR CES MOTIFS

Déclare le pourvoi des demandeurs recevable;
Casse et annule le jugement n°15 du 30 avril 2004 du Tribunal de Tillabéri;
Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée;
Dit qu'il n'y a pas lieu aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.

ARRÊT N° 06-173/COUT
Du 15 juin 2006

MATIERE : Coutumière

DEMANDEUR :
Z A AH et AI A AH
Me Ali Sirfi Maiga

AJ C
B X - Z X et A X tous cultivateur demeurant à Djambaro-Kakassi/Dargol (Téra) ;

PRESENTS :
Dillé Rabo
Président
Hassane Hodi ; Moussa Idé
Conseillers
Ali Karmazi ; Adamou Harouna
Assesseurs
Mahamadou Aminou Aouta
Ministère Public
Me Illiassou Amadou
Greffier

RAPPORTEUR
Hassane Hodi


Synthèse
Formation : Chambre judiciaire
Numéro d'arrêt : 06-173
Date de la décision : 15/06/2006
Coutumière

Parties
Demandeurs : HASSANE MOUSSA TALIBO et OUSSEINI MOUSSA TALIBO Me Ali Sirfi Maiga
Défendeurs : YACOUBA BONKANEY - HASSANE BONKANEY et MOUSSA BONKANEY tous cultivateur demeurant à Djambaro-Kakassi/Dargol (Téra) ;

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.supreme;arret;2006-06-15;06.173 ?
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