La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2006 | NIGER | N°06-167

Niger | Niger, Cour suprême, Chambre judiciaire, 08 juin 2006, 06-167


Texte (pseudonymisé)
REPUBLIQUE DU NIGER

-----------------
Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires pénales en son audience publique ordinaire du jeudi huit juin deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
Aa Ab demeurant à Tahoua, assisté de Maître Mounkaila Yayé, avocat à la Cour ;
D'une part

ET :
Ministère Public et Société Nigérienne de Banque (SONIBANK), assisté de Maître Kimba Manou, avocat à la Cour ;
D'autre part
Après lecture du rapp

ort de Monsieur Dillé Rabo, président rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après e...

REPUBLIQUE DU NIGER

-----------------
Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires pénales en son audience publique ordinaire du jeudi huit juin deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
Aa Ab demeurant à Tahoua, assisté de Maître Mounkaila Yayé, avocat à la Cour ;
D'une part

ET :
Ministère Public et Société Nigérienne de Banque (SONIBANK), assisté de Maître Kimba Manou, avocat à la Cour ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Dillé Rabo, président rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Statuant sur le pourvoi formé par déclaration enregistrée le 8 mai 2004 au greffe du Tribunal Régional de Tahoua de Maître Mounkaila Yayé, avocat à la Cour Niamey, conseil de Aa Ab contre l'arrêt n° 31 du 8 mai 2004 de la Cour d'Assises de Tahoua qui a:
-Déclaré Aa Ab coupable de détournement de deniers publics;s;
-Condamné à 20 ans d'emprisonnement et 500000 francs d'amende, 30617867 francs et 3000000 francs de dommages et intérêts à la Sonibank et ordonné la confiscation d'une voiture Peugeot 505 et d'une villa objet de la parcelle G îlot 175 sise à Ad Ac au profit de la SONIBANK;

Vu la loi n° 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême;
Vu les dispositions du Code Pénal et du Code de Procédure Pénale;
Vu la déclaration de pourvoi et le mémoire ampliatif;
Vu les autres pièces du dossier;
Vu les réquisitions du Procureur Général;

EN LA FORME
Attendu que le pourvoi ainsi formé est intervenu dans les forme et délai prévus par la loi; qu'il y a lieu de le déclarer recevable;

AU FOND
Attendu que Aa Ab soulève à l'appui de son pourvoi trois (3) moyens de cassation:
Sur le premier moyen de cassation: violation de l'article 334 du Code de Procédure Pénale, défaut de l'élément légal de l'infraction tiré du principe «nullum crimen, nulla poena, nullum juricium sine lege»;
Attendu que selon le requérant il ne ressort ni des débats, ni de l'arrêt de renvoi que les sommes confiées à l'accusé constituaient des deniers publics au sens de l'ordonnance n° 85-26 du 12 septembre 1985;
Qu'aux termes de l'article 334 du Code de Procédure Pénale, le président devait poser et donner lecture des questions auxquelles la Cour et les jurés ont à répondre notamment sur chaque fait spécifié, sur chaque circonstance aggravante, sur les circonstances atténuantes;
Qu'en l'espèce la Cour d'assises se devait de poser la question préalable celle de savoir si les sommes confiées à Aa Ab constituaient des deniers publics au sens de l'ordonnance précitée;
Attendu que de l'examen des pièces du dossier, il résulte que:
Dans son mémoire en date du 27 mai 2002 adressé au président de la chambre d'accusation, le conseil de l'accusé Aa Ab a fondé son argumentation sur un non lieu au principal et subsidiairement sur la requalification des faits en abus de confiance par salarié du fait que la Sonibank est une institution bancaire privée comme l'atteste ses statuts donc on ne saurait parler de détournement de deniers publics au sens de l'ordonnance 85-26 du 12 septembre 1985;
Dans son mémoire du 4 juin 2004, le même conseil de l'accusé reconnaît que l'arrêt de renvoi a argumenté: «sont des deniers publics, les deniers appartenant à la Sonibank dont le capital est détenu à plus de 41% par l'Etat et assimilés»;
Dans ce cas, il aurait dû attaquer l'arrêt de renvoi de la chambre d'accusation qui a réglé la question. Mais comme il ne l'a pas fait en son temps, il est mal fondé maintenant à attaquer en cassation l'arrêt de la Cour d'assises et ce en application d'une jurisprudence relative aux questions posées conformément au dispositif de l'arrêt d'accusation (de renvoi) aux termes de laquelle il n'y a pas violation de la loi quand l'accusé ne s'est pas pourvu contre l'arrêt d'accusation et que les questions posées au jury l'ont été conformément au dispositif de cet arrêt (comme dans le cas d'espèce), ainsi qu'en résumé de l'acte d'accusation, sans qu'aucune réclamation ait été relevée par l'accusé ou son conseil:
(Rejet 10 juillet 1931 B. 200 p. 378);
(Rejet 26 janvier 1949 B. 30 p. 46);
Attendu qu'il ne ressort pas du procès-verbal des questions résultant de l'arrêt de renvoi et de l'acte d'accusation en date du 8 mai 2004 ni du relevé de notes des débats que la question de savoir si les sommes confiées à l'accusé Aa Ab constituaient de deniers publics au sens de l'ordonnance précitée de 1985, ait été posée à la Cour;
Qu'en outre, il est de jurisprudence que la «Cour d'assises à un pouvoir souverain pour refuser de poser une question subsidiaire ne portant pas sur une excuse légale» (Rejet 29 avril 1937 B. 87, p. 162);
Par conséquent ce moyen est mal fondé et doit être rejeté de ce chef;
Sur le deuxième moyen de cassation tiré de la fausse application des articles 1 et 13 de l'ordonnance n° 85-26 du 12 septembre 1985 en ce sens que la Cour d'assises de Tahoua a fondé sa décision sur lesdits textes alors qu'il n'apparaît nulle part des statuts de la Sonibank que l'Etat détient conformément à l'article 13 de ladite ordonnance un minimum de 33% du capital social;
Attendu qu'il ressort du mémoire produit par le requérant que ce dernier reconnaît que «la Cour d'assises n'a pas à motiver sa décision». Par conséquent, il ne peut pas demander la cassation de la décision attaquée pour défaut de motifs;
Par ailleurs, il est admis en jurisprudence que la question de savoir si les sommes confiées à l'accusé constituaient des deniers publics, est un point de droit qui ne peut être valablement résolu par le jury; que les questions soumises aux délibérations de la Cour d'assises doivent être posées en fait et non en droit;
De ce qui précède, il y a lieu d'écarter ce moyen comme mal fondé;
Sur le troisième moyen de cassation tiré du défaut de caractérisation de l'infraction en ce que, ses éléments constitutifs ne sont pas établis dans le cas d'espèce à savoir l'élément légal, matériel, intentionnel, sur la preuve et sur les intérêts civils;
Attendu qu'ici, il s'agit comme dans le deuxième moyen d'un moyen qui porte sur les motifs de la décision attaquée qui comme nous l'avons déjà dit n'a pas à être motivée. Par conséquent, l'appréciation des faits de la cause et des éléments constitutifs de l'infraction échappent au contrôle des juges de cassation;
Par ailleurs, sur les intérêts civils, la Cour d'assises de Tahoua a par arrêt séparé n° 08-2002, statué en condamnant Aa Ab à verser la somme de 30647967 francs à la Sonibank et 3000000 francs à titre de dommages et intérêts; que cet arrêt n'a pas été attaqué en cassation par l'accusé comme cela ressort de l'acte de pourvoi n° 01-2004 du 8 mai 2004;
De ce qui précède ce moyen doit aussi, être écarté;
Sur les moyens de cassation à soulever d'office, tirés de la violation des articles 354, 347, 318 et 331 du Code de Procédure Pénale, pour défaut de prestation de serment par les témoins et l'interprète, (art 318 et 331) délibération sur l'action civile par la Cour avec l'assistance du jury (art 335) et non établissement par le greffier d'un procès-verbal constatant l'accomplissement de toutes les formalités prescrites (art 354);
Attendu que l'examen du dossier de la procédure révèle en effet qu'en lieu et place du procès-verbal prévu à l'article 354 du Code de Procédure Pénale, c'est un relevé des notes d'audience qui est établi, lequel ne rapporte pas par ailleurs l'accomplissement de toutes les formalités prescrites par la loi, pour pouvoir prétendre suppléer l'absence du procès-verbal prévu par l'article 354 du Code de Procédure Pénale;
Attendu que par ailleurs un témoin a déposé au cours des débats sans qu'il ait été mentionné qu'il a été entendu sous serment ou à titre de simple renseignement. Il en est de même pour l'interprète qui selon le relevé des notes d'audience avait traduit l'arrêt de renvoi sans qu'on ait également mentionné qu'il avait préalablement prêté le serment prévu à l'article 331 du Code de Procédure Pénale;
Qu'enfin il n'est pas mentionné que la Cour a statué sur l'action civile sans l'assistance du jury et par décision séparée, mettant ainsi la Cour dans l'impossibilité d'exercer son contrôle;
Attendu qu'au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de casser et annuler l'arrêt attaqué pour violation de la loi, les formalités prescrites par les articles susvisés au moyen étant substantielles, leur non accomplissement rend cette décision irrégulière;

PAR CES MOTIFS

Déclare le pourvoi de Aa Ab recevable;

Casse et annule l'arrêt n° 31 du 8-5-2004 de la Cour d'assises de Tahoua;

Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée;

Réserve les dépens;

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.

ARRÊT N° 06-167/P
Du 08 juin 2006

MATIERE : Pénale

DEMANDEUR :
Aa Ab
Me Mounkaila Yayé

A :
Ministère Public et Société Nigérienne de Banque (SONIBANK)
Me Kimba Manou

PRESENTS :
Dillé Rabo
Président
Nouhou Diallo Mahamadou Albachir ; Ghousmane Abdourahamane
Conseillers
Abdou Aouta Aminou
Ministère Public
Me Gado Fati Founou
Greffier

RAPPORTEUR
Dillé Rabo


Synthèse
Formation : Chambre judiciaire
Numéro d'arrêt : 06-167
Date de la décision : 08/06/2006
Pénale

Parties
Demandeurs : Sani Hamidou Me Mounkaila Yayé
Défendeurs : Ministère Public et Société Nigérienne de Banque (SONIBANK) Me Kimba Manou

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.supreme;arret;2006-06-08;06.167 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award