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18/05/2006 | NIGER | N°06-147

Niger | Niger, Cour suprême, Chambre judiciaire, 18 mai 2006, 06-147


Texte (pseudonymisé)
REPUBLIQUE DU NIGER

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Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi dix huit mai deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
Chef de Canton de Say intervenant volontaire et Ak Am, cultivateur demeurant à Ganki-Dangharé (Say), assistés de Maître Zada Aïssata, avocat à la Cour ;
D'une part

ET :
Docteur Ac Ad, Maître-assistant à l'Université de Ah, assisté de Maître M

ounkaila Yayé, avocat à la Cour ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Issaka Dan Déla,...

REPUBLIQUE DU NIGER

-----------------
Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi dix huit mai deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
Chef de Canton de Say intervenant volontaire et Ak Am, cultivateur demeurant à Ganki-Dangharé (Say), assistés de Maître Zada Aïssata, avocat à la Cour ;
D'une part

ET :
Docteur Ac Ad, Maître-assistant à l'Université de Ah, assisté de Maître Mounkaila Yayé, avocat à la Cour ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Issaka Dan Déla, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Statuant sur les pourvois formés par déclaration au greffe du Tribunal Régional de Niamey enregistrée le 25 juin 2004 de Maître Kiassa Ousmane substituant Maître Zada Aïssata, avocat au barreau de Niamey, conseil constitué de Ak Am et le 15 juin 2004 de Maître Diori Oumarou avocat au barreau de Niamey, conseil constitué du chef de canton de Say intervenant volontaire au pourvoi, contre le jugement n° 32 du 11 juin 2004 du Tribunal Régional de Niamey statuant en matière coutumière et en dernier ressort qui a:
Reçu Ak Am en son appel et le chef de canton de Say en son intervention volontaire;
Au fond, les a rejetés comme étant mal fondés;
Confirmé le jugement attaqué qui a déclaré le champ litigieux propriété de la chefferie de Ae Ai;

Vu la loi n° 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême;
Vu l'article 2 de la loi 62-11 du 16 mars 1962;
Vu la requête de pourvoi;
Vu les mémoires produits par les parties;
Vu les pièces du dossier;
Vu les conclusions du Procureur Général;

EN LA FORME
Attendu que par déclarations au greffe du Tribunal Régional de Niamey, en date des 15 et 25 juin 2004 Maître Diori Oumarou, avocat stagiaire substituant Maître Cissé Ibrahim, avocat au barreau de Niamey conseil constitué du chef de canton de Say et Maître Kiassa Ousmane, avocat au barreau de Niamey, substituant Maître Zada Aïssata, avocat au barreau de Niamey se sont respectivement pourvus en cassation contre le jugement n° 32 du 11 juin 2004 du Tribunal Régional de Niamey;
Attendu que Maître Mounkaila Yayé, avocat au barreau de Niamey, conseil constitué de Ac Ad dit que le chef de canton de Say n'est pas demandeur au pourvoi mais intervenant volontaire au cours de l'instance dont la décision est attaquée par Ak Am;
Qu'il soutient que cette intervention doit être déclarée irrecevable car elle ne se rattache pas à la demande principale qui est la revendication de la propriété du champ litigieux par Ak Am;
Attendu que le chef de canton de Al avait fait une intervention volontaire devant le juge d'appel qui a déclaré celle-ci recevable en la forme mais l'a rejetée au fond; que suite à cela il a formé pourvoi en cassation le 15 juin 2004 contre cette décision de rejet; qu'il s'agit bien d'un pourvoi en intervention volontaire;
Attendu que ce pourvoi ainsi que celui de Ak Am sont intervenus dans les forme et délai prévus par la loi; qu'il y a lieu de les déclarer recevables;

AU FOND
Sur le premier moyen de cassation soulevé par Ak Am, pris de la violation de l'article 2 de la loi 62-11 du 16 mars 1962: insuffisance et défaut de motifs, défaut de base légale, application erronée de la coutume, violation du principe général de droit selon lequel le juge doit statuer en droit et non en équité;
Sur la première branche du moyen tirée de la violation de l'article 2 de la loi 62-11 du 16 mars 1962, insuffisance, défaut de motifs et manque de base légale, application erronée de la coutume;
Attendu que le demandeur au pourvoi Ak Am reproche au juge d'appel d'avoir attribué la propriété du champ litigieux sans examiner sérieusement les moyens qu'il a developpé; que le juge a écarté le témoignage de Ab An qui a confirmé sa propriété sur le champ litigieux sans apporter la moindre contradiction se bornant à dire qu'il est insuffisant à entraîner une décision contraire alors que lui, il a assis sa décision sur les simples déclarations de Ac Ad;
Qu'il soutient qu'en le qualifiant d'occupant précaire alors que la dîme lui a toujours été payée et qu'il ne l'a jamais payée à quelqu'un d'autre, le jugement entrepris a manqué de base légale car selon la coutume, le paiement de la dîme locative est une réelle preuve de propriété;
Attendu que dans son mémoire en défense, Ac Ad, assisté de Maître Mounkaila Yayé, avocat au barreau de Niamey soutient que Ak Am n'a produit que des moyens de purs faits faute de moyens de droit; qu'il précise que le témoin qu'il a produit dit simplement avoir vu Am exploité le champ sans affirmer que ledit champ est sa propriété; qu'en ce qui concerne la dîme, Ac Ad soutient que le principe de son paiement à Am par d'autres exploitants qu'il a installés n'a pas été refusé par le juge mais que Ak Am n'en a pas rapporté la preuve;
Attendu que le juge d'appel a bien examiné les moyens produits par Ak Am, mais les a rejetés;
Qu'ainsi pour le témoignage de Ab An, le jugement attaqué énonce: «attendu que le témoignage du nommé Ab An, 67 ans cultivateur demeurant à Say est insuffisant à entraîner une décision contraire à celle attaquée en ce que l'intéressé a simplement affirmé que pour lui le domaine dit Af appartenait à Am père de Abdoulaye parce que entre 1941 et 1944 il y faisait paître ses animaux et a pu constater que celui-ci en percevait la dîme locative auprès des exploitants au point où, une année il a rempli un grenier avec»; qu'en ce qui concerne la dîme locative, le jugement attaqué énonce: «attendu que le fait qu'il ait pu percevoir la dîme d'autres exploitants qu'il a installés, fut-il vrai, ne saurait être opposable au légitime propriétaire en vertu de la coutume peulh qui est celle des parties;
Que selon la même coutume, un propriétaire peut reprendre son bien à tout moment des mains d'un occupant précaire»;
Attendu que le jugement attaqué reconnaît lui-même que la preuve de la propriété selon la coutume est le paiement de la dîme locative en déclarant que le chef Ag Ai coutinue de percevoir la dîme afférente à l'exploitation des terres voisines au terrain litigieux, mais ne reconnaît pas la propriété de Am malgré que celui-ci avait installé des exploitants et percevait la dîme au vu et au su de Ag Ai qui savait bien que la perception d'une dîme locative est preuve de la propriété du terrain; que le jugement attaqué a déclaré Ag Ai propriétaire de l'endroit litigieux sans établir la base de cette propriété selon la coutume des parties avant qu'il ne soit dans les mains de Ak Am qui pouvait être déclaré propriétaire selon des critères définis par la même coutume; qu'en statuant comme il l'a fait, le juge d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision; qu'il s'ensuit que le jugement attaqué encourt cassation;
Sur la deuxième branche du moyen tirée de la violation du principe général de droit selon lequel le juge doit statuer en droit et non en équité;
Attendu qu'il est reproché au juge d'appel d'avoir déclaré que Ak Am dispose d'autres terres de cultures qui ne lui sont pas contestées dans la zone, pour attribuer le champ litigieux à son adversaire;
Attendu que le défendeur au pourvoi soutient qu'il s'agit de considération de purs faits;
Attendu que le juge a été saisi pour déterminer le propriétaire de l'endroit litigieux et de tirer les conséquences de droit et non pour savoir si Ak Am dispose ou non d'autres terres de cultures;
Qu'en déclarant que Ak Am dispose d'autres terres de culture qui ne lui sont pas contestées avant d'attribuer l'endroit litigieux à son adversaire, le juge d'appel s'est penché sur l'équité et non sur le droit;
Que cette branche du moyen est aussi fondée;
Sur le moyen de cassation soulevé par le chef de canton de Say, tiré de la violation de l'article 2 de la loi 62-11 du 16 mars 1962; omission de statuer, insuffisance et défaut de motifs, contrariété de motifs et de l'article 65 de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004, manque de base légale et autorité de la chose jugée;
Attendu que Maître Cissé Ibrahim, avocat au barreau de Niamey, conseil constitué du chef de canton de Say soutient que le Tribunal a omis de statuer sur l'autorité de la chose jugée puisque Ak Am et le chef de canton ont particulièrement insisté sur le fait que l'affaire a été jugée en 1972 en audience foraine à Ae Ai et que le jugement a même été produit;
Que contrairement aux motivations du Tribunal, l'article 65 de la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 dispose que: «dans les affaires concernant le foncier rural, notamment la propriété ou la possession immobilière coutumière et les droits qui en découlent, la propriété de champ ou de terrain non immatriculés ou non enregistrés est acquise par l'exploitant après trente années d'exploitation continue et régulière sans contestation sérieuse ou paiement d'une dîme locative par l'exploitant ou sa descendance»; que la famille de Ak Am a exploité régulièrement les champs litigieux depuis environ un siècle sans avoir jamais payé de dîme locative; que pour cela, il demande à la Cour de casser le jugement attaqué;
Attendu que Maître Cissé Ibrahim, conseil constitué du chef de canton de Say n'a jamais soutenu l'autorité de la chose jugée devant le juge d'appel; qu'il a évoqué seulement un jugement qui a eu lieu entre Aj Am, le frère de Ak Am et Aa Ai, le parent de Ac Ad, sans dire qu'il s'agit de la même affaire;
Qu'en ce qui concerne l'article 65 de la loi 2004-50 du 22 juillet 2004, celui-ci ne peut s'appliquer à une affaire qui a commencé en 2000 et jugée en dernier ressort le 11 juin 2004, antérieurement à ladite loi;
Que par conséquent ce moyen est mal fondé et mérite rejet;
PAR CES MOTIFS
Déclare le pourvoi de Ak Am recevable et le pourvoi de l'intervention volontaire du Chef de canton de Say recevable;
Casse et annule le jugement n° 50 du 11-6-2004 du Tribunal Régional de Niamey;
Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée pour y être jugées conformément à la loi;
Dit qu'il n'y a pas lieu aux dépens;

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.

ARRÊT N° 06-147/C
Du 18 mai 2006

MATIERE : Coutumière

DEMANDEUR :
Chef de Canton de Say intervenant volontaire et Ak Am
Me Zada Aïssata

A :
Docteur Ac Ad
Me assistant à l'Université de Ah, assisté de Maître Mounkaila Yayé

PRESENTS :
Dillé Rabo
Président
Issaka Dan Déla ; Moussa Idé
Conseillers
Ali Karmazi ; Adamou Harouna
Assesseurs
Ousmane Oumarou
Ministère Public
Me Gado Fati Founou
Greffier

RAPPORTEUR
Issaka Dan Déla


Synthèse
Formation : Chambre judiciaire
Numéro d'arrêt : 06-147
Date de la décision : 18/05/2006
Coutumière

Parties
Demandeurs : Chef de Canton de Say intervenant volontaire et Abdoulaye Moundio Me Zada Aïssata
Défendeurs : Docteur Yacine Diallo Me assistant à l'Université de Niamey, assisté de Maître Mounkaila Yayé

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.supreme;arret;2006-05-18;06.147 ?
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