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27/04/2006 | NIGER | N°06-130

Niger | Niger, Cour suprême, Chambre judiciaire, 27 avril 2006, 06-130


Texte (pseudonymisé)
REPUBLIQUE DU NIGER

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Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires pénales en son audience publique ordinaire du jeudi vingt sept avril deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
A Aa, éleveur demeurant à Tabakout, détenu à la prison civile d'Arlit, assisté de Maître Alidou Adam, Avocat à la Cour ;
D'une part

ET :
MINISTERE PUBLIC ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Abdourahamane Ghousmane, conseille

r rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à...

REPUBLIQUE DU NIGER

-----------------
Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires pénales en son audience publique ordinaire du jeudi vingt sept avril deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
A Aa, éleveur demeurant à Tabakout, détenu à la prison civile d'Arlit, assisté de Maître Alidou Adam, Avocat à la Cour ;
D'une part

ET :
MINISTERE PUBLIC ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Abdourahamane Ghousmane, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Statuant sur le pourvoi formé par déclaration au greffe de la Cour d'Appel de Zinder le 17/6/2005 par A Aa contre l'arrêt n°43 du 16/6/2005 de ladite Cour qui a statué en ces termes:
Reçoit l'appel du prévenu régulier en la forme;
Au fond, confirme la décision attaquée;
Condamne le prévenu aux dépens

Vu la loi n° 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême;
Vu la déclaration de pourvoi, et ensemble des pièces du dossier;
Vu les conclusions de Monsieur le Procureur Général;

EN LA FORME

Attendu que le pourvoi est intervenu dans les forme et délai prévus par la loi; qu'il y a lieu de le déclarer recevable;

AU FOND

Attendu que le demandeur au pourvoi par la voix de son conseil Maître Alidou Adam, avocat à la Cour, soulève trois (3) moyens de cassation;

Sur le premier moyen de cassation tiré de l'insuffisance de motifs, manque de base légale, contradiction de motifs, dénaturation des réquisitions du Ministère Public et fausse application de la loi pris en trois branches

1°) Sur la première branche du moyen tirée de l'insuffisance et contradiction des motifs en ce que la cour, tout en reconnaissant qu'il y a un doute sur un des éléments qui ont déterminé le maintien de A Aa dans les liens de la prévention, retient tout de même la culpabilité de celui-ci;
Attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que le 17/9/2004 les militaires du 23ème bataillon des FAN d'Akokan en patrouille, procédaient aux environs du puits d'Ouraren à l'arrestation d'un individu trouvé à côté d'un véhicule Toyota Pick-Up transportant une cargaison de 1000 kg de resine de cannabis soigneusement emballés dans des caisses de 25 kg; qu'interrogé par les gendarmes, cet individu identifié comme étant A Aa a déclaré ignorer la contenance du véhicule dont il n'est qu'un simple apprenti; que le chauffeur, un certain Souleymane aurait fui en voyant venir les militaires au moment où lui s'affairait à changer une roue crevée;
Attendu que sur la base des faits ci-dessus relatés, la Cour d'Appel de Zinder a retenu A Aa dans les liens de la prévention et a confirmé le premier jugement qui l'a condamné à dix (10) ans d'emprisonnement et 1000.000 Frs d'amende;
Attendu cependant que la condamnation du prévenu déniant son intention frauduleuse dans le délit qui lui est reproché ne saurait trouver son fondement dans les motifs suivants:
«.Mais attendu que A Aa, loin d'être une personne innocente bénévolement transportée est membre de l'équipage dont la mission consistait à transporter la drogue; qu'au vu de la quantité et du rôle qu'il jouait on ne peut raisonnablement pas se douter qu'il se soit engagé à la légère.
. Attendu que si la qualité de chauffeur peut être sujette à doute, aucune pièce l'attestant n'ayant été trouvée en sa possession, il n'en demeure pas moins que même en qualité d'apprenti faisant partie de l'équipe, la drogue au trafic de laquelle il a participé a bien été trouvée entre ses mains.
. Attendu que le fait que ses compagnons se soient enfuis quand bien même ils seraient les initiateurs au trafic, ne peut le décharger de la poursuite pour détention qui, elle est purement matérielle et bien caractérisée en l'espèce»;
Attendu qu'il ressort de ces «attendu» d'une part que plusieurs motifs y sont invoqués à l'appui de la condamnation sans qu'on puisse distinguer si l'un d'eux a été pour les juges du fond plus déterminant que l'autre et d'autre part le manque de fondement de la constatation de l'intention frauduleuse chez le prévenu;
Attendu que comme l'a relevé le prévenu par la voix de son conseil, il s'agit de simples constatations qui ne suffisent pas à caractériser les faits qui lui sont reprochés; qu'en effet, à la lecture de l'arrêt attaqué, il n'en ressort aucune démonstration juridique qui puisse justifier la condamnation du prévenu qui a toujours nié les faits; que la loi (article 414 al.2 du CPP) fait obligation au juge de ne fonder sa décision que sur les preuves qui lui sont rapportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui; qu'en l'espèce, comme il résulte du relevé des notes d'audience, aucune preuve n'a été rapportée par le poursuivant en l'occurrence le Ministère Public et aucun témoin n'a été entendu ni même cité pour confondre le prévenu; qu'ainsi, le simple fait pour celui-ci d'avoir été pris à côté d'un véhicule transportant la drogue ne suffit pas à établir à son encontre l'infraction de trafic, d'importation et détention;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a violé les dispositions de l'article 586 du CPP aux termes duquel «. les arrêts et les jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour Suprême d'exercer son contrôle.»;
Attendu que de ce qui précède, il a été suffisamment démontré que les motifs qui ont conduit la Cour d'Appel à retenir le prévenu dans les liens de la prévention sont insuffisants; qu'il y a lieu d'accueillir la première branche du premier moyen;

Sur la deuxième branche du moyen tiré de la dénaturation des réquisitions du Ministère Public

Attendu que le demandeur au pourvoi reproche aux juges d'appel d'avoir dénaturé les réquisitions du Ministère Public qui pour lui n'a jamais dit que «les faits sont constants»; que dans son troisième «attendu», l'arrêt attaqué énonce en effet «que pour le Ministère Public les faits sont constants et il y a lieu d'appliquer purement et simplement la loi»; or, il ressort du relevé des notes d'audience joint au mémoire en défense la mention «Ministère Public requiert l'application de la loi»; qu'il s'ensuit qu'il y a eu bel et bien dénaturation des réquisitions du Ministère Public; que ladite dénaturation est faite dans le seul but de justifier la condamnation du prévenu; que la deuxième branche du premier moyen est fondée;

Sur la troisième branche tirée de la fausse application de la loi en ce que le prévenu n'était pas détenteur de la drogue au moment de son arrestation au sens juridique du terme;

Attendu que le demandeur au pourvoi soutient par la voix de son conseil que la droque n'a pas été trouvée entre ses mains et le simple fait pour lui d'avoir été pris à côté d'un véhicule disant contenir de la drogue ne peut suffire pour caractériser la détention; qu'en effet, pour qu'il y ait détention au sens de l'article 9 de l'Ordonnance n°99-42 du 23/12/1999, il faut qu'il y ait une emprise matérielle qui, dans le cas d'espèce doit être prouvée par la qualité du prévenu qui doit, soit être le propriétaire du véhicule à côté duquel il a été interpellé, soit son chauffeur;
Attendu que des énonciations de l'arrêt attaqué, il ressort que le prévenu n'est ni l'un ni l'autre; qu'en énonçant dans un «attendu» non convaincant que «le fait que ses compagnons se soient enfuis quand bien même ils seraient les initiateurs du trafic, ne peut le décharger de la poursuite pour détention qui, elle est purement matérielle et bien caractérisée en l'espèce», la Cour d'Appel de Zinder ne donne pas une explication précise de la détention de la drogue; qu'elle ne dit pas en quoi cette détention est matérielle et elle ne démontre pas en quoi elle est caractérisée;
Que par ses suppositions et surtout le manque de sérieuses investigations, elle fait planer un doute sur la culpabilité du prévenu quant à ladite détention de la drogue; qu'il s'ensuit que la troisième branche du moyen rejoint la première en ce que la Cour d'Appel en retenant le délit de détention n'en a fait aucune démonstration, donc n'a pas du tout motivé sa décision;
Attendu que de tout ce qui précède, il a lieu d'accueillir le premier moyen et sans qu'il soit besoin d'examiner les deux autres, casser et annuler la décision attaquée et renvoyer la cause et les parties devant la Cour d'Appel de Zinder, mais autrement composée;

PAR CES MOTIFS

Reçoit en la forme, le pourvoi de A Aa;
Au fond, casse et annule l'arrêt n°43 du 16/6/2005 de la Cour d'Appel de Zinder;
Renvoie la cause et les parties devant la même Cour autrement composée;
Met les dépens à la charge du Trésor Public.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.

ARRÊT N° 06-130
Du 27 avril 2006

MATIERE : Pénale

DEMANDEUR :
A Aa
Me Alidou Adam

B :
MINISTERE PUBLIC ;

PRESENTS :
Issaka Dan Déla
Président
Hassane Hodi ; Abdourahamane Ghousmane
Conseillers
Ousmane Oumarou
Ministère Public
Me Illiassou Amadou
Greffier

RAPPORTEUR
Abdourahamane Ghousmane


Synthèse
Formation : Chambre judiciaire
Numéro d'arrêt : 06-130
Date de la décision : 27/04/2006
Pénale

Parties
Demandeurs : ABDALLAH AHMED Me Alidou Adam
Défendeurs : MINISTERE PUBLIC ;

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.supreme;arret;2006-04-27;06.130 ?
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