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07/12/2016 | NIGER | N°16-057/CC/Crim

Niger | Niger, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 décembre 2016, 16-057/CC/Crim


Texte (pseudonymisé)
RÉPUBLIQUE DU NIGER

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COUR DE CASSATION

CHAMBRE CRIMINELLE

La Cour de Cassation, Chambre criminelle, statuant en matière pénale, en son audience publique ordinaire du mercredi sept décembre deux mil seize, tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

ENTRE

1°) Monsieur Ac et de XXX né le XXX à XXX, Notaire y demeurant ; MD du 04/05/2013 ; LP du 20/05/2014 ;

2°) Monsieur Ab et de Danielle, né le XXX à XXX administrateur, franco-nigérien, demeurant à XXX;

Demandeurs,
D’UNE PA

RT

ET

Ministère public

Défendeur,
D’AUTRE PART

LA COUR

Après lecture du rapport par Mme Adamou Aïssata, Consei...

RÉPUBLIQUE DU NIGER

----------------------

COUR DE CASSATION

CHAMBRE CRIMINELLE

La Cour de Cassation, Chambre criminelle, statuant en matière pénale, en son audience publique ordinaire du mercredi sept décembre deux mil seize, tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

ENTRE

1°) Monsieur Ac et de XXX né le XXX à XXX, Notaire y demeurant ; MD du 04/05/2013 ; LP du 20/05/2014 ;

2°) Monsieur Ab et de Danielle, né le XXX à XXX administrateur, franco-nigérien, demeurant à XXX;

Demandeurs,
D’UNE PART

ET

Ministère public

Défendeur,
D’AUTRE PART

LA COUR

Après lecture du rapport par Mme Adamou Aïssata, Conseiller, les conclusions du Ministère Public et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant sur les pourvois en date des 3 et 4 juin 2014 de Me A.S., conseil constitué de Monsieur Ac et de Monsieur Ab, contre l’arrêt n° 223 du 3 juin 2014 de la chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Aa qui a :

- annulé l’ordonnance de non-lieu du 31 octobre 2013 du doyen des juges d’instruction du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Aa ;
- renvoyé Monsieur Ac et de Monsieur S.devant le tribunal correctionnel de Aa pour y être jugés des chefs de faux et usage de faux en écriture publique ;

Vu la loi organique n° 2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de Cassation ;

Vu la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 ;

Vu les articles 152 et 157 du code pénal ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu les conclusions du ministère public ;

En la forme:

Attendu que les pourvois de Me A.S., conseil de Monsieur Ac et de Monsieur Ab, interjetés les 3 et 4 juin 2014 contre l’arrêt n° 223 du 3 juin 2014 de la chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Aa sont recevables en ce qu’ils ont été introduits dans les forme et délai prévus par la loi ;

Au fond:

Attendu que les Sociétés Civiles Professionnelles d’Avocats, SCPA B. et SCPA M., conseils respectifs de Monsieur Ac et de Monsieur Ab, ont produit des mémoires ampliatifs dans lesquels elles soulèvent des moyens de cassation tirés de la violation des articles 152 et 157 du code pénal, 2 alinéa 2 de la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 sur l’organisation judiciaire en République du Niger ;

1°) Sur le moyen de cassation, pris de la violation de l’article 152 du code pénal

Attendu que les demandeurs aux pourvois reprochent à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions du texte susvisé au moyen, en ce qu’il les a retenus dans les liens de la prévention de faux en écriture publique, alors même que les éléments constitutifs dudit délit ne sont pas réunis et que les faits ne sont pas imputables à Monsieur Ab selon ce dernier, pour n’avoir agi qu’en tant que mandataire de XXX, l’acquéreur des immeubles objets du transfert incriminé de la propriété ;
Attendu qu’aux termes de l’article 152 du code pénal « le faux en écriture est l’altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice et commise dans un écrit destiné ou apte à la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des effets de droit » ;
Qu’au sens de ce texte, le faux en écriture est constitué d’un élément matériel caractérisé par une altération de la vérité, faite dans un écrit valant titre ou de nature à produire des effets de droit et susceptible de créer un préjudice à autrui, d’une part, et d’un élément moral fait d’une volonté manifeste d’altérer la vérité dans le but de causer un préjudice à autrui ;

A°) Sur la première branche du moyen, prise de la violation de l’article 152 du code pénal, pour défaut d’élément matériel ;
Attendu qu’aux termes de l’arrêt attaqué, l’élément matériel du délit est en l’espèce caractérisé par le fait pour Monsieur Ac d’énoncer faussement dans l’acte rectificatif et le contrat de vente en date du 30 octobre 2008 ainsi que dans l’attestation notariée de propriété du 30 janvier 2012 délivrée au nom de XXX, que la vente est intervenue entre ce dernier et le syndic de la liquidation Ac ;

1°) Sur l’altération de la vérité
Attendu que Monsieur Ac soutient que le fait pour lui de changer le nom de l’acquéreur dans le contrat de vente incriminé n’est pas une altération de la vérité, pour la double raison que la modification était faite à la demande de l’acquéreur et en vertu d’une clause du contrat initial l’autorisant à procéder à toute rectification nécessaire à la concordance du contrat initial avec les documents d’état civil ou du cadastre ;
Attendu que le sieur Ad Ae soutient quant à lui qu’il n’est intervenu dans la confection de l’acte incriminé, qu’il n’a au demeurant pas signé, qu’en tant que mandataire de XXX, l’acquéreur ;

Attendu cependant que le fait pour Monsieur Ac de mentionner dans le contrat rectifié que la vente est intervenue entre XXX et le syndic de la liquidation Ac, alors même que ce dernier n’avait pas signé l’acte ni même été informé de la modification, est une altération de la vérité ;

Que cet agissement de Monsieur Ac ne saurait par ailleurs être justifié par la clause de rectification insérée dans le contrat de base, aux termes de laquelle les parties l’autorisent à procéder à des rectifications dans le but de mettre en concordance le contrat avec les documents d’état civil ou de cadastre cette habilitation ne pouvant valoir autorisation de changer le nom d’une des parties par celui d’un tiers étranger au contrat dont s’agit, même a la demande de celle-ci ;

Attendu qu’il faut le rappeler, par ailleurs, que sur un précédent pourvoi en cassation formé par Monsieur Ac dans cette même affaire, la Cour de céans s’était déjà prononcée sur le moyen tiré de la violation de l’article 152 du code pénal, suivant arrêt n° 14-0027 du 7 mai 2014 rendu dans la même affaire ;

Qu’aux termes de cette décision, la Cour a déclaré que « Le fait pour Monsieur Ac de modifier un contrat de vente immobilière dans le sens de changement du nom de l’acquéreur en dehors de toute procédure régulière de transfert de propriété, sur la base d’une procuration qui n’est pas un acte translatif de propriété immobilière, est une altération frauduleuse de la vérité au sens de l’article 152 du code pénal » ;

Attendu que par ailleurs, le sieur Ad Ae dont le rôle n’a consisté qu’à transmettre au notaire les instructions de l’acquéreur, lesquelles instructions ont été par la suite corroborées par une procuration confirmative de son mandat, ne saurait être considéré comme auteur même intellectuel de l’altération, pour n’avoir agi qu’en tant que mandataire, à moins qu’il ait été démontré qu’il avait outrepassé les termes de son mandat, ce qui n’est pas rapporté en l’espèce ;

2°) Sur le préjudice

Attendu que par rapport au préjudice, alors seconde composante de l’élément matériel, l’arrêt attaqué dispose en substance que l’altération de la vérité avait été faite dans le but de faire échec à la procédure d’adjudication engagée par la Société Générale des Travaux Publics (SGTP) contre A.J.A.B.D. et D.O.N. et de ce fait pourrait compromettre le recouvrement de la créance de celle-ci ;

Attendu que pour les demandeurs au pourvoi, la rectification du contrat et la délivrance de l’attestation notariée de propriété n’avaient pas entrainé un préjudice à la SGTP ;

Que Monsieur Ac soutient en effet qu’il ne pouvait savoir ni imaginer que l’attestation de propriété qu’il avait délivrée allait plus tard être utilisée pour faire échec à une procédure d’adjudication : que Monsieur Ab soutient quant à lui que les actes incriminés ne pouvaient causer aucun préjudice à la SGTP du fait que les immeubles n’étaient pas acquis au nom ou pour le compte de son débiteur D.O.N., qui n’était même pas créé au moment de la conclusion du contrat initial ;

Attendu cependant qu’au sens de l’article 152 du code pénal l’élément matériel du délit de faux en écriture peut être établi sans qu’il soit nécessaire que le préjudice soit né et actuel ; qu’il suffit que l’acte posé soit de nature à le causer ; que tel est le cas en l’espèce où la modification incriminée est de nature à causer un préjudice aux créanciers actuels ou éventuels d’A.J.A.B.D. l’acquéreur initial, peu importe qu’il soit propriétaire réel ou apparent ;

B°) Sur la seconde branche du moyen prise de la violation de l’article 152 du code pénal, pour défaut d’intention frauduleuse ;

Attendu que Monsieur Ac soutient que la rectification a été faite sans aucune intention malveillante de nuire à quiconque mais par souci de donner une suite à la demande expresse de l’acquéreur, et que l’attestation notariée de propriété avait été par lui délivrée sans savoir ni imaginer qu’elle allait plus tard être utilisée pour faire échec à une procédure d’adjudication ;

Que pour l’arrêt attaqué, l’intention frauduleuse réside en substance dans le fait pour les inculpés de n’avoir pas contesté l’inexactitude des mentions contenues dans les écrits incriminés, d’une part, et en la production tardive, le 19 juillet 2009, de la procuration visée dans les écrits du 30 octobre 2008, d’autre part ;

Attendu cependant qu’au sens de l’article 152 du code pénal, l’intention frauduleuse consiste non seulement en la conscience qu’a l’auteur de l’acte de commettre un fait qu’il savait prohibé, tel en l’espèce la modification irrégulière du contrat initial, mais aussi et surtout en la volonté de nuire à autrui ;

Qu’il est évident en l’espèce que le fait pour les demandeurs au pourvoi de n’avoir pas contesté l’inexactitude des mentions contenues dans les écrits incriminés et d’avoir produit tardivement une procuration pour régulariser un acte établi sur la base des instructions verbales, ne peut en soit être caractéristique de l’intention frauduleuse au sens de l’article 152 du code pénal ; qu’il faut en outre qu’il ait été rapporté que les actes posés ont été faits avec une volonté de nuire à autrui, ce qui n’est pas le cas en l’espèce car la modification du contrat initial et l’établissement des actes subséquents ont été faits dans le but de transférer la propriété des immeubles objets de la transaction au représentant de D.O.N. dont le Prince A. en était le promoteur et le véritable acquéreur des immeubles ;

Attendu que par ailleurs, la tentative de faire obstacle à la procédure d’adjudication suivie par la SGTP contre A.J.A.B.D. et D.O.N., par la production de l’attestation de propriété des immeubles objets de la saisie-exécution, délivrée par Monsieur Ac au nom O.K.O.B. n’était pas le fait des demandeurs au pourvoi mais d’une partie au litige ;

Qu’ainsi, en l’absence d’intention frauduleuse caractérisée, l’arrêt attaqué n’a pu valablement retenir des charges contre Monsieur Ac et Monsieur Ab d’avoir commis le délit de faux en écriture publique à eux reproché ; qu’il encourt cassation de ce fait ;

1°) Sur le moyen de cassation pris en la violation de l’article 157 du code pénal

Attendu que Monsieur Ab reproche également à l’arrêt attaqué d’avoir violé le texte susvisé au moyen en déclarant « que résultant des pièces du dossier, il est constant que Monsieur Ab en sa qualité de représentant de A.J.A.B.D., avait participé à la production des écrits incriminés en justice » ;

Attendu que cette branche du moyen est devenue sans objet ; que le faux n’étant pas établi, il ne peut en être fait usage ;

2°) Sur le moyen de cassation tiré de la violation de l’article 2 alinéa 2 de la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 sur l’organisation judiciaire en République du Niger

Attendu que Monsieur Ab reproche à l’arrêt attaqué d’être faussement motivé en ce qu’il déclare, entre autres, que l’altération incriminée a été faite dans le dessein malveillant et frauduleux de dissimuler la propriété des immeubles dont s’agit, pour faire échec à la procédure d’adjudication entreprise par la SGTP ;

Qu’il soutient à l’appui que la vente objet de la modification incriminée du contrat n’a pas été contractée pour le compte du débiteur de la SGTP, D.O.N. qui, au demeurant, n’existait pas au moment de la conclusion dudit contrat ;

Attendu qu’aux termes de l’article 2 alinéa 2 de la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 sur l’organisation judiciaire en République du Niger : « Les arrêts ou jugements doivent être motivés à peine de nullité……. » ;

Qu’au sens de ce texte, le motif est la raison de fait ou de droit qui sert de fondement à une décision de justice ; que lorsqu’il relève des faits, ceux-ci doivent être réels et exacts ;

Attendu qu’il résulte en substance des dispositions de l’arrêt attaqué que les charges retenues contre Monsieur Ab consistent au fait que l’altération de la vérité née de la modification du contrat de vente et la délivrance d’une attestation de propriété à O.K.O.B. avait été faite à sa demande et dans le dessein malveillant de dissimuler la propriété des immeubles dont s’agit, pour faire échec à la procédure d’adjudication entreprise par la SGTP et compromettre le recouvrement de la créance de celle-ci envers D.O.N.; que, comme il a été démontré plus haut, Monsieur Ab n’est pas responsable des faits à lui reprochés pour avoir agi en tant que mandataire et dans les limites des pouvoirs que lui a conférés son mandant ; qu’aussi, en déclarant que la modification du contrat alors intervenu en 2008 et 2009, donc avant la naissance courant 2011 du litige entre D.O.N. et la SGTP, visait à faire échec à la procédure d’adjudication suivie par cette dernière contre l’office et de ce fait compromettre les intérêts de celle-ci, l’arrêt attaqué est faussement motivé et encourt cassation de ce fait également ;

Attendu qu’au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de casser et annuler l’arrêt attaqué ;

Attendu que les faits n’étant pas établis, il ne reste plus rien à juger ; qu’un renvoi pour une nouvelle instance n’aura d’autre objet que de ratifier l’appréciation de la Cour de Cassation ; qu’il convient de dire qu’il n’y a pas lieu à renvoi ;

PAR CES MOTIBS

•Déclare les pourvois de Monsieur Ac et de Monsieur Ab recevables en la formeB;

•Au fond, casse et annule l’arrêt N° 223 du 3 juin 2014 de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de AaB;B;

•Dit qu’il n’y a pas lieu à renvoiB;

•Met les dépens à la charge du Trésor Public

ET ONT SIGNE LE PRÉSIDENT ET LE GREFFIER.

Composition de la Cour :

Président
Issaka Dan Déla

Conseillers
Mme Adamou Aïssata
Djibrillou Manzo

Ministère Public
Ibrahim Boubacar Zakaria

Greffière :
Mme Moumouni Haoua

Rapporteur :
Mme Adamou Aïssata


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-057/CC/Crim
Date de la décision : 07/12/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.cassation;arret;2016-12-07;16.057.cc.crim ?
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