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04/02/2015 | NIGER | N°15-006/CC/CRIM

Niger | Niger, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 février 2015, 15-006/CC/CRIM


Texte (pseudonymisé)
La Cour de Cassation, Chambre Criminelle, statuant pour les affaires Pénales en son audience publique ordinaire du mercredi quatre Février deux mille quinze, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

ENTRE

A Ac, né le … … … à …, franco-sénégalais, domicile 48 Ter, Rue Aa 941100 Saint-Maur-des-Fossés/France,assisté de Me Moussa Coulibaly et Kadri Oumarou Sanda, avocats au Barreau de Ab ;


DEMANDEUR
D’une part ;

ET

1°) MINISTERE PUBLIC ;

2°) B X C, Administrateur et actionnaire d’UGAN-IARD/NIAM

EY, domicilié à Ab Tél 20 73 32 70, assisté de Me MARC LE BIHAN, avocat au Barreau de Ab,
DEFENDEURS
D’autre par...

La Cour de Cassation, Chambre Criminelle, statuant pour les affaires Pénales en son audience publique ordinaire du mercredi quatre Février deux mille quinze, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

ENTRE

A Ac, né le … … … à …, franco-sénégalais, domicile 48 Ter, Rue Aa 941100 Saint-Maur-des-Fossés/France,assisté de Me Moussa Coulibaly et Kadri Oumarou Sanda, avocats au Barreau de Ab ;

DEMANDEUR
D’une part ;

ET

1°) MINISTERE PUBLIC ;

2°) B X C, Administrateur et actionnaire d’UGAN-IARD/NIAMEY, domicilié à Ab Tél 20 73 32 70, assisté de Me MARC LE BIHAN, avocat au Barreau de Ab,
DEFENDEURS
D’autre part ;

La Cour

Après la lecture du rapport par Monsieur Ousmane OUMAROU Président de la Chambre criminelle, rapporteur et les conclusions du ministère public et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant sur le pourvoi en cassation formé par déclaration au greffe de la Cour d’appel de Ab en date du 25 juin 2013 de Me OUMAROU SANDA KADRI avocat à la Cour, conseil constitué du prévenu A Ac, contre l’arrêt N° 83 du 24 juin 2013 de la Chambre correctionnelle de la susdite Cour qui, sur appel de la partie civile a annulé le jugement de relaxe dont a bénéficié le prévenu, déclaré ce dernier coupable d’abus de biens sociaux et l’a condamné à 12 mois d’emprisonnement dont 6 avec sursis ainsi qu’au paiement à la partie civile des sommes de 90.000.000 francs de dommages-intérêts au titre de préjudice personnel et 247.055.247 francs pour le compte de la société.

Vu la loi 2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de Cassation ;
Vu le code de procédure pénale en ses articles2, 8, 485-3°, 509 et 579 et les articles 10 du Traité de l’OHADA du 17/10/1993, 162, 164, 166, 167, 170, 741 et 743 de l’Acte Uniforme de l’OHADA sur les sociétés commerciales et groupement d’intérêt économiques ;
Vu les pièces du dossier ;
Vu les conclusions du Ministère Public ;

Sur la recevabilité

Attendu que le défendeur au pourvoi B C X, partie civile à l’instance, demande à la Cour de déclarer le requérant déchu de son pourvoi, sur le fondement de l’article 579 du Code de procédure pénale, au motif que ce dernier alors condamné à une peine d’emprisonnement de plus de six mois ne s’est pas au préalable mis en état et n’a pas non plus obtenu une dispense de la juridiction qui a prononcé la décision attaquée ; Que le requérant soutient quant à lui que les dispositions du textesusvisé ne peuvent lui être appliquées, la partie ferme de sa condamnation n’étant pas supérieure à six mois d’emprisonnement ;

Attendu qu’aux termes de l'article 579 du Code de procédure pénale: « sont déclarés déchus de leur pourvoi les condamnés à une peine d'emprisonnement d'une durée de plus de six mois qui ne sont pas mis en état ou qui n'ont pas obtenu de la juridiction qui l’a prononcée, une dispense avec ou sans caution, de se mettre en état..... » ;

Attendu qu’au sens du texte ci-dessus évoqué, l'obligation de mise en état ou d'obtention d’une dispense qu’il impose au demandeur au pourvoi à peine de déchéance, ne s’applique que lorsque celui-ci est condamné soit à une peine d'emprisonnement ferme supérieure à 6 mois, soit à une peine assortie de sursis partiel dont la partie ferme est supérieure à 6 mois, soit encore au condamné en liberté provisoire dont la peine restant à subir est supérieure à 6 mois ; Que la déchéance n'est pas encourue lorsqu’une condamnation est assortie de sursis partiel et que la peine privative de liberté est telle en l’espèce, égale ou inférieure à six mois ;

Qu’il y a en conséquence lieu de déclarer recevable le pourvoi de A Ac comme étant régulier, ses conditions de forme et de délai étant par ailleurs remplies ;

Sur les moyens du pourvoi

Attendu que le demandeur au pourvoi a soulevé des moyens de cassation tirés de la violation des dispositions des articles 8, 485-3°, 501 alinéa 3 et 509 du Code de procédure pénale, 10 du Traité OHADA du 17 octobre 1993, 162, 164, 167, 170 et 741 de l’Acte Uniforme OHADA sur les sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique (AUSCGIE) ;

Sur le premier moyen de cassation pris en la violation des articles 485-3° et 509 du Code de procédure pénale, pour contradiction de motifs et manque de base légale, en ce que la Cour d’appel de Ab a annulé le jugement entrepris, sans avoir préalablement relevé une violation ou omission non réparée de formes prescrites par la loi, l'insuffisance et la contrariété des motifs n’étant pas des irrégularités de forme prévue à l'article 509 du CPP d’une part et pour avoir évoqué et statué à nouveau y compris sur l'action publique, alors même que faute d’appel du ministère public ou du prévenu, la décision de relaxe dont a bénéficié le requérant est définitive et a acquis l’autorité de la chose jugée, d’autre part ;

Sur la première branche du moyen de cassation prise en la violation de l’article 509 du CPP, en ce que l’arrêt attaqué a annulé le jugement entrepris, sans avoir préalablement relevé une violation ou omission non réparée de formes prescrites par la loi ;

Attendu que pour le demandeur au pourvoi l'insuffisance et la contrariété des motifs que l’arrêt attaqué a évoquées pour annuler le jugement entrepris ne sont pas des irrégularités de forme au sens de l'article 509 du CPP, alors seules pouvant entrainer l’annulation d’un jugement par la juridiction d’appel ;

Attendu que pour le défendeur au pourvoi, l’article 509 susvisé n’a pas été violé, l’annulation du jugement étant fondée non sur ses dispositions mais sur celles de l'article 2 alinéa 2 de la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 sur l'organisation judiciaire au Niger et qu’en tout état de cause les dispositions de cet article ne sont pas limitatives ;

Attendu qu’aux termes de l’article 509 du CPP : « si le jugement est annulé pour violation ou omission non réparée des formes prescrites par la loi à peine de nullité, la Cour évoque et statue sur le fond » ; Qu’au sens de ce texte la juridiction d’appel ne peut annuler un jugement que lorsqu’elle constate que les formes prescrites par la loi pour sa validité sont violées ou qu’elles sont purement et simplement omises, la forme s’entendant par l’ensemble des éléments composant la structure formelle d’une décision de justice, l’omission non réparée étant quant à elle une omission à statuer par rapport à un chef de demande ou de conclusion ou à l’égard d’un prévenu ; Qu’en invoquant en l’espèce l’insuffisance et la contrariété de motifs pour annuler le jugement entrepris, l’arrêt attaqué a violé les dispositions du texte susvisé au moyen et manque aussi de base légale ; Qu’il encourt cassation de ce fait ;

Sur la seconde branche du moyen de cassation prise en la violation de l’article 485-3° du CPP, en ce que, sur la base du seul appel de la partie civile, la Cour d’appel a statué sur l'action publique, alors même que la décision de relaxe dont a bénéficié le requérant est définitive et a acquis l’autorité de la chose jugée, faute d’appel du ministère public ou du prévenu ;

Attendu que le défendeur au pourvoi soutient qu'en cas d'annulation d’un jugement pour violation de la loi ou omission non réparée des formes prescrites à peine de nullité, le pouvoir d'évocation de la juridiction d'appel est absolu, intégral et sans limite; Qu’elle peut au besoin et comme en l’espèce, aggraver la situation du prévenu et ce nonobstant les dispositions de l'article 485 du CPP et même sur le seul appel de la partie civile ;

Mais attendu qu’aux termes de l'article 485-3° du CPP « la partie civile peut faire appel quant à ses intérêts civils seulement » ; Qu’en conséquence la juridiction d’appel, saisie du seul appel de la partie civile ne peut sur cet appel, prononcer une peine contre le prévenu relaxé en première instance, le jugement de relaxe ayant à défaut d'appel du ministère public, acquit quant à l'action publique, l'autorité de chose jugée ; Que cette juridiction ne peut qu’apprécier les faits poursuivis et au besoin constater que l’infraction est caractérisée et ce dans le seul but de condamner s'il y a lieu le prévenu à des dommages-intérêts envers la partie civile ;

Qu’en statuant en l’espèce sur l’action publique alors quela décision attaquée est sur ce point passée en force de chose jugée, la Cour d’appel de Ab a violé les dispositions de l’article 485 alinéa 3 du CPP et sa décision mérite cassation de ce fait également ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris en la violation des articles 8 du CPP, 164 et 170 de l’Acte Uniforme OHADA relatif aux droits des sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique (AUSCGIE), en ce que l'arrêt attaqué a condamné le demandeur au pourvoi au paiement des sommes perçues de 2001 à 2011 alors même que les faits sont en partie prescrits, par application des dispositions des textes susvisés ;

Attendu qu’à l’appui de ce moyen le demandeur au pourvoi soutient que l'action civile individuelle ou sociale se prescrit en même temps que l'action publique, lorsqu’elle est jointe à celle-ci ; Qu’en l’espèce, l’abus des biens sociaux étant un délit, il se prescrit en trois (3) ans ; Qu’il est par ailleurs une infraction instantanée et de ce fait le délai de la prescription s’apprécie à la date de chaque versement prétendu indu ; Que les versements intervenus antérieurement au 17 octobre 2008, soit trois ans avant le 17 octobre 2011 date du dépôt de la plainte, sont prescrits ;

Attendu que pour le défendeur au pourvoice moyen est aussi irrecevable que mal fondé ; Qu’il est irrecevable, parce que nouveau, invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation ;Qu’il est mal fondé du fait que les faits incriminés étaient en l’espèce dissimulés, les montants indus étant payés en tant que salaire, à travers un contrat de travail fictif d’une part et intégrés dans des charges sociales, de telle sorte que même les actionnaires les plus perspicaces ne pouvaient s'en apercevoir à la simple lecture des comptes sociaux, d’autre part ;

Mais attendu qu’en matière pénale la prescription est d'ordre public ; Qu’à ce titre elle peut être invoquée en tout état de la procédure et même pour la première fois devant la Cour de Cassation ;

Attendu par ailleurs qu’aux termes des dispositions combinées des article 8 du CPP, 164 et 743 de l’Acte Uniforme OHADA sur les sociétés commerciales et groupements d’intérêt économique (AUSCGIE) « Qu’en matière de délit, la prescription de « l'action publique est de trois années révolues », d’une part et que « l'action en responsabilité contre les administrateurs ou contre l'administrateur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, à partir de sa révélation….. », d’autre part ;

Qu’en conséquence il y a lieu de déclarer ce moyen également fondé et ce sans qu’il soit même nécessaire d’examiner le moyen de défense tiré de la dissimulation des faits incriminés, celle-ci étant une question de fait dont l’appréciation relève de la compétence exclusive des juges de fond ;

Sur le troisième moyen de cassation pris en la violation des articles 10 du Traité OHADA du 17 octobre 1993, 162, 167 et 741 de l’Acte Uniforme OHADA sur les sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique (AUSCGIE), en ce que l'arrêt attaqué a reçu l’action de la partie civile sur le fondement de l'article 2 du CPP, alors même qu'en matière d’abus de biens sociaux ce sont les articles ci-dessus invoqués qui s'appliquent, d'une part, et que, d’autre part, au sens de ces textes, l'exercice de l'action civile individuelle ou sociale, est soumis à la réunion d’un certain nombre de conditions, lesquelles font défaut en l’espèce, notamment la détention d’au moins d’un vingtième du capital social et la qualité de représentant désigné par ses coactionnaires, lorsque l'action sociale est engagée par un ou plusieurs d’entre eux, d’autre part ;

Attendu que le défendeur au pourvoi soutient que ce moyen est mal fondé, s'agissant en l’espèce d'un délit d'abus de biens sociaux et non d'une faute de gestion, la réparation due à la partie civile ne peut être fondée que sur les dispositions de l'article 2 du Code de procédure pénale, lesquelles ont en la circonstance primauté sur celles des Actes Uniformes OHADA ;

Mais attendu qu’il ressort des dispositions de l’article 10 du Traité OHADA que : « Les Actes Uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toutes dispositions contraires de droit interne, antérieures ou postérieures » ; Qu’au surplus selon une jurisprudence constante de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) : « lorsqu'un Acte Uniforme contient aussi bien des règles de fond que de procédure qui ont vocation à s'appliquer au domaine spécifique qu'il régit, les règles du droit interne sont inapplicables aux litiges nés après son entrée en vigueur » ;

Attendu qu’en matière d’abus de biens sociaux l’action en responsabilité contre les administrateurs ou contre l’administrateur général tant individuelle que sociale est régie par les dispositions des articles 162, 166, 167 et 741 de l’Acte Uniforme OHADA relatif aux sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique ;

Attendu qu’en conséquence de ce qui précède l’action civile en réparation d’un préjudice né comme en l’espèce d’abus des biens sociaux ne peut être régie par les dispositions de l'article 2 du CPP mais par celles de l’Acte Uniforme susvisé ;

Qu’ en faisant application en l'espèce des règles du droit interne, dans un domaine spécifiquement régi par le droit communautaire OHADA dont les Actes Uniformes ont non seulement primauté sur les règles du droit interne mais aussi sont applicables dès leur entrée en vigueur et comportent dans leurs dispositions des règles de fond et de procédure régissant la réparation des dommages nés de l’infraction poursuivie, la Cour d'appel de Ab a violé les dispositions des textes susvisés au moyen. Sa décision mérite cassation de ce fait également.

PAR CES MOTIFS

-Déclare recevable le pourvoi de A Ac ;
-Casse et annule l’arrêt n° 83 du 23 juin 2013 de la Chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Ab ;
-Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction mais autrement composée, pour être jugées conformément à la loi ;
-Condamne B C X aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jours, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER

PRESENTS

Ousmane Oumarou, Président
Salissou Ousmane & Hassane Djibo, Conseillers
Alhassane Moussa, Ministère Public
Me Achirou Haoua Bizo, Greffier
RAPPORTEUR, Ousmane Oumarou


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-006/CC/CRIM
Date de la décision : 04/02/2015

Parties
Demandeurs : Pathé Dione
Défendeurs : 1°) Ministère Public 2°) Mamadou DoullaTalata

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.cassation;arret;2015-02-04;15.006.cc.crim ?
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