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LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en Assemblée plénière
Vu la requête présentée par la société A, enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 30 septembre 2024, sous le numéro TS 2024-29, tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 1er août 2024 par laquelle le directeur adjoint de la Direction des Travaux Publics a rejeté, dans le cadre de la procédure négociée relative à l'opération de reconstruction de l'immeuble Bel Air, son offre comme n'étant pas la mieux-disante et la décision du 8 août 2024 par laquelle cette même autorité a rejeté sa demande de préemption de l'offre de l'attributaire pressenti et, d'autre part, à la condamnation de l'État de Monaco à lui verser la somme en principal de 14.368.354,90 euros, sauf à parfaire, en réparation des préjudices subis et, enfin, à ce qu'il soit enjoint à l'État sur le fondement de l'article 32 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 de communiquer notamment le rapport d'analyse des offres et les éléments essentiels de l'offre du groupement retenu, non couverts par le secret des affaires ;
CE FAIRE :
Attendu que la société A soutient, en premier lieu, que le Tribunal Suprême est compétent pour connaître du présent litige qui concerne des actes détachables du processus contractuel ;
Attendu qu'elle soutient, en deuxième lieu, que le rejet de l'offre de la société requérante est irrégulier au regard des dispositions de l'Ordonnance Souveraine n° 7.264 du 20 décembre 2018 portant réglementation des marchés publics de l'État ; qu'en effet, il s'agissait de l'offre la mieux-disante au regard du critère déterminant du prix ; qu'en tout état de cause, la société était en droit d'exercer son droit de préemption en vertu de la clause préférentielle prévue dans les documents de la consultation ; que par ailleurs le pouvoir adjudicateur a méconnu le principe d'égalité entre les candidats car il a dans le cadre de la procédure de négociation repris plusieurs des éléments de l'offre de la société requérante et notamment bon nombre de variantes qu'elle avait elle-même proposées ;
Attendu que la société A demande, en troisième lieu, sur le fondement de l'article 32 de l'Ordonnance Souveraine du 16 avril 1963 à ce que le Tribunal Suprême ordonne à l'administration de produire en particulier le rapport d'analyse des offres et les éléments essentiels de l'offre du groupement retenu, non couverts par le secret des affaires ;
Attendu que la société A fait valoir, en dernier lieu, que le Tribunal Suprême en sa qualité de juge de la légalité des actes détachables du contrat, comme en l'espèce la décision portant rejet de son offre, doit en conséquence de l'annulation de cet acte accorder une indemnité pour réparer les préjudices consécutifs à l'éviction irrégulière de la procédure d'attribution d'un marché public ; que la société requérante, qui aurait dû remporter le marché, a droit en ce sens à l'indemnisation du manque à gagner ainsi qu'au remboursement de l'ensemble des frais exposés et notamment ceux liés aux études menées dans le cadre de l'appel d'offres restreint et de la procédure négociée ;
Vu la contre-requête, enregistrée au Greffe Général le 29 novembre 2024, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de la société requérante aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Attendu que le Ministre d'État soutient, en premier lieu, que la demande d'annulation des décisions attaquées ne peut qu'être rejetée dès lors qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante à l'appui de cette demande n'est fondé ; qu'en effet, au regard des critères de sélection des candidats prévus dans le règlement de consultation de cette procédure, la société A n'a pas été l'entreprise moins-disante, comme le montre le rapport d'analyse des offres et la procédure négociée étant ainsi distincte de la procédure sur appel d'offres restreint, il n'y avait pas lieu de « revenir explicitement » sur les modalités de cette précédente, contrairement à ce que soutient la société requérante ; que dès lors que l'article 33 de l'Ordonnance Souveraine n° 7.264 du 20 décembre 2018 ne prévoit l'existence d'un droit de préemption au profit d'un opérateur qu'en présence d'une clause préférentielle de préemption dans le dossier de consultation, l'absence d'une telle clause dans le règlement de consultation de la procédure négociée faisait obstacle à ce que la société A bénéficiât d'un quelconque droit de préemption dans le cadre de cette procédure ; qu'enfin, la société A a été expressément invitée à participer à la procédure négociée, de sorte que la circonstance, à la supposer établie, que certaines des options qu'il était demandé aux candidats d'envisager dans le cadre de cette procédure s'inspirent de l'offre qu'elle a présentée dans le cadre de la procédure sur appel d'offres restreint n'a pu lui causer un quelconque préjudice, le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique ayant été respecté ;
Attendu que le Ministre d'État fait valoir en, deuxième lieu, que la demande d'injonction de communiquer formulée par la société requérante doit, en conséquence du rejet des conclusions aux fins d'annulation, également être rejetée ;
Attendu que le Ministre d'État soutient, en dernier lieu, que la demande indemnitaire présentée par la société A ne peut tout d'abord qu'être rejetée par voie de conséquence du rejet de sa demande d'annulation des décisions attaquées ; qu'au demeurant, le Tribunal Suprême qui est seulement juge de la légalité, avec, certes, la possibilité d'accorder des indemnités réparant le préjudice directement causé par l'illégalité censurée, ne saurait s'immiscer dans les clauses du marché lui-même dont le contentieux relève à Monaco du Tribunal de Première Instance, juge du contrat ; qu'en toute hypothèse, l'annulation des décisions attaquées ne pourrait en l'espèce ouvrir aucun droit indemnitaire au profit de la société requérante, faute pour celle-ci de justifier de chances sérieuses d'emporter le marché et en particulier d'établir que le marché aurait dû lui être attribué au regard de l'article 7.3 du règlement de consultation qui envisage dix critères distincts ; que la requérante ne démontre pas non plus qu'elle bénéficiait d'une clause préférentielle de préemption dans le cadre de la procédure négociée ; qu'enfin les autres chefs de préjudice ne sont pas davantage établis ;
Vu la requête en désistement, enregistrée le 15 janvier 2025, présentée sur le fondement des articles 18 et 27 de l'Ordonnance souveraine n° 2.984, par laquelle la société A déclare se désister de la procédure n° TS 2024-29 ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 février 2025, par lequel le Ministre d'État indique qu'il accepte ce désistement intégral du recours de la société A et demande également au Tribunal Suprême d'en donner acte et de condamner la société requérante aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
SUR CE,
Vu les décisions attaquées ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution du 17 décembre 1962, notamment le B de son article 90 ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême, et notamment les articles 18 et 27 ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 7.264 du 20 décembre 2018 portant réglementation des marchés publics de l'État ;
Vu l'Ordonnance du 1er octobre 2024 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur José MARTINEZ, Vice-Président du Tribunal Suprême, en qualité de rapporteur dans l'affaire TS 2024-29 ;
Vu le procès-verbal de clôture de Madame le Greffier en Chef en date du 20 mars 2025 ;
Vu l'ordonnance du 7 mai 2025 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal le 13 juin 2025 ;
Ouï Monsieur José MARTINEZ, Vice-Président du Tribunal Suprême, en son rapport ;
Ouï Maître Céline MARTEL-EMMERICH, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour la société A ;
Ouï Maître Jacques MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;
Ouï Monsieur le Procureur général en ses conclusions ;
La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;
Motifs
Après en avoir délibéré
1. Considérant que la société A a formé un recours tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 1er août 2024 par laquelle le directeur adjoint de la Direction des Travaux Publics a rejeté, dans le cadre de la procédure négociée relative à l'opération de reconstruction de l'immeuble Bel Air, son offre comme n'étant pas la mieux-disante et la décision du 8 août 2024 par laquelle cette même autorité a rejeté sa demande de préemption de l'offre de l'attributaire pressenti et, d'autre part, à la condamnation de l'État de Monaco à lui verser la somme en principal de 14.368.354,90 euros, en réparation des préjudices subis du fait de cette éviction irrégulière de la procédure d'attribution du marché public concerné ;
2. Considérant que, par une requête en désistement, enregistrée au Greffe Général le 15 janvier 2025, la société A a déclaré se désister de l'ensemble des demandes présentées dans ce recours ;
3. Considérant que le Ministre d'État déclare ne pas s'opposer à ce désistement et demande au Tribunal Suprême d'en prendre acte ;
4. Considérant que ce désistement est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Dispositif
Décide :
Article 1er
Il est donné acte du désistement de la société A.
Article 2
Les dépens sont mis à la charge de la société A, avec distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat- défenseur, sous sa due affirmation et seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
Article 3
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Composition
Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Stéphane BRACONNIER, Président, José MARTINEZ, Vice-Président, rapporteur, Pierre de MONTALIVET, Philippe BLACHER et Didier GUIGNARD, membres titulaires ;
et prononcé le vingt-sept juin deux mille vingt-cinq en présence du Ministère public, par Monsieur Stéphane BRACONNIER, Président, assisté de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en chef.
Le Greffier en Chef, Le Président.
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