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27/06/2025 | MONACO | N°TS/2024-12

Monaco | Tribunal Suprême, 27 juin 2025, h A c/ État de Monaco, TS/2024-12


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LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière

Vu la requête présentée par h A, enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 13 mai 2024 sous le numéro TS 2024-12, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision révélée par la lettre du 12 mars 2024 du Secrétaire d'État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires, rejetant sa demande tendant à être autorisé à adjoindre à son nom de naissance A celui d'G, afin de porter le nom d'G-A, ainsi qu'à la condamnation de l'État aux entiers dépen

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CE FAIRE :

Attendu que h A a sollicité le 31 août 2023 l'autorisation d'adjoindre à son nom...

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LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière

Vu la requête présentée par h A, enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 13 mai 2024 sous le numéro TS 2024-12, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision révélée par la lettre du 12 mars 2024 du Secrétaire d'État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires, rejetant sa demande tendant à être autorisé à adjoindre à son nom de naissance A celui d'G, afin de porter le nom d'G-A, ainsi qu'à la condamnation de l'État aux entiers dépens ;

CE FAIRE :

Attendu que h A a sollicité le 31 août 2023 l'autorisation d'adjoindre à son nom de naissance A celui de sa mère, G, afin de pouvoir porter le nom d'G-A ; qu'il a fait valoir, à l'appui de sa demande, que les membres de sa famille susceptibles de transmettre le nom d'G n'ont pas d'enfant à ce jour, de sorte que ce nom serait menacé d'extinction en leur branche ; que le nom d'G présente un caractère illustre en Principauté, notamment au regard de la personnalité de son grand-père, qui a été avocat-défenseur puis Notaire et également Maire de Monaco et Président du Conseil National ; que, par lettre du 4 avril 2024, il a demandé la communication de l'avis défavorable du Conseil d'État, qu'il n'a pas obtenu ;

Attendu qu'à l'appui de sa requête, il soutient que cette décision aurait dû être motivée en vertu de l'article 2 de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ; qu'en tout état de cause, l'Administration ne dispose pas d'un pouvoir discrétionnaire qui confinerait à l'arbitraire ; que le refus de communiquer l'avis du Conseil d'État ne met pas le Tribunal Suprême en mesure d'exercer son contrôle sur la décision attaquée ; qu'il conviendrait d'enjoindre au Secrétaire d'État à la Justice de communiquer cet avis au cas où la décision attaquée ne serait pas soumise à l'obligation de motivation ;

Vu la contre-requête enregistrée au Greffe Général le 16 juillet 2024, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à la condamnation du requérant aux entiers dépens ;

Attendu, en premier lieu, que le Ministre d'État soutient que la décision attaquée n'est pas au nombre de celles qui doivent obligatoirement être motivées en vertu de l'article 1er de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ; que le Conseil d'État français a ainsi jugé à cet égard (décision n° 95746 du 11 juillet 1990) que « les décisions refusant d'autoriser un changement de nom n'entrent dans aucune des catégories de décisions individuelles défavorables devant être obligatoirement motivées en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 » ; que, par suite, le requérant ne peut exiger que l'avis du Conseil d'État soit versé aux débats ;

Attendu, en second lieu, que le Ministre d'État, ajoute, en toute hypothèse, que la demande de changement de nom présentée par le requérant ne pouvait être satisfaite, le nom d'G n'étant pas, en l'état, menacé d'extinction ; que le requérant n'établit pas que ce nom ne pourrait plus être transmis par des membres de sa famille, alors qu'il a un cousin et un oncle, âgés respectivement de 24 et 53 ans, qui peuvent encore transmettre ce nom ;

Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 19 août 2024, par laquelle h A tend aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;

Attendu, en premier lieu, que le requérant précise que la décision attaquée s'analyse en une décision individuelle défavorable qui refuse une autorisation ; qu'elle aurait dû être motivée ; que la décision invoquée du Conseil d'État français, qui est une décision isolée et non versée aux débats, n'est pas transposable, dès lors que les textes exigeant la motivation ne sont pas rédigés de façon identique ;

Attendu, en deuxième lieu, que le requérant soutient que la menace d'extinction du nom d'G est bien réelle ; que, d'une part, il est établi que son oncle ne peut avoir de descendance ; que, d'autre part, son cousin possède également la nationalité brésilienne et se sent davantage citoyen brésilien que sujet monégasque ;

Attendu, en troisième lieu, que le requérant fait valoir que le nom de son illustre arrière-grand-père, l.G, risque de disparaître ; qu'il souhaite être autorisé à porter ce nom par fierté et en vue de le perpétuer ;

Vu la duplique, enregistrée au Greffe Général le 20 septembre 2024, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête ;

Attendu que le Ministre d'État ajoute que la décision du Conseil d'État français invoquée est transposable, dès lors que la loi française prévoit, comme la loi monégasque, que les décisions administratives individuelles défavorables refusant une autorisation doivent être motivées ; que, si le refus de changement de nom doit à présent être motivé en droit français, c'est uniquement, comme le souligne le requérant, parce que le Gouvernement en a décidé ainsi en adoptant le décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom ;

SUR CE,

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment le 1° du B de son article 90 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance Souveraine du 25 avril 1929 concernant les demandes de changement de nom ;

Vu la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu l'Ordonnance du 30 mai 2024 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Régis FRAISSE, Membre suppléant, comme rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture de Mme le Greffier en Chef en date du 30 septembre 2024 ;

Vu l'Ordonnance du 7 mai 2025 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 12 juin 2025 ;

Ouï Monsieur Régis FRAISSE, Membre suppléant du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Gaston CARRASCO, avocat au barreau de Nice pour h A ;

Ouï Maître François MOLINIE, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;

Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions ;

La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;

Motifs

Après en avoir délibéré

1. Considérant que le requérant a demandé, en application des dispositions de l'Ordonnance Souveraine du 25 avril 1929 concernant les demandes de changement de nom, à être autorisé à adjoindre à son nom A celui d'G afin qu'il puisse porter le nom d'« G-A » ; que, par lettre du 12 mars 2024, le Secrétaire d'État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires, l'a informé du rejet de sa demande en lui indiquant que le Conseil d'État avait donné un avis défavorable et que S. A. S. le Prince avait validé cet avis ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine du 25 avril 1929 : « Toute personne qui veut obtenir un changement de nom doit justifier d'un intérêt dont il appartient au Prince d'apprécier la nature » ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs : « Doivent être motivées à peine de nullité les décisions administratives à caractère individuel qui : 3° - refusent une autorisation ou un agrément (…) » ; que l'article 2 de la même loi précise que « la motivation doit être écrite et comporter, dans le corps de la décision, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement » ;

4. Considérant que les articles 10, 11 et 13 de l'Ordonnance Souveraine du 25 avril 1929 qualifient d'autorisation la décision permettant à une personne physique de changer de nom ; qu'une décision qui s'oppose à un tel changement constitue donc un refus d'autorisation au sens des dispositions de l'article 1er de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 ;

5. Considérant que la décision refusant de faire droit à la demande du requérant est dépourvue de toute motivation en droit et en fait ; que le Ministre d'État ne soutient pas que la communication de ses motifs aurait été de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par l'article 5 de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 ; que, par suite, le requérant est fondé à en demander l'annulation ;

Dispositif

Décide :

Article 1er

La décision révélée par la lettre du 12 mars 2024 du Secrétaire d'État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires, rejetant la demande de h A tendant à être autorisé à adjoindre à son nom de naissance celui d'G, afin de porter le nom d'G-A est annulée.

Article 2

La décision révélée par la lettre du 12 mars 2024 du Secrétaire d'État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires, rejetant la demande de h A tendant à être autorisé à adjoindre à son nom de naissance celui d'G, afin de porter le nom d'G-A est annulée.

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

Composition

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Stéphane BRACONNIER, Président, José MARTINEZ, Vice-Président, Didier GUIGNARD, Membre titulaire, Régis FRAISSE, rapporteur, et Jean-Philippe DEROSIER, Membres suppléants ;

et prononcé le vingt-sept juin deux mille vingt-cinq en présence du Ministère public, par Monsieur Stéphane BRACONNIER, assisté de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef.

Le Greffier en Chef, Le Président.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2024-12
Date de la décision : 27/06/2025

Analyses

Droit des personnes - Etat civil (identité, domicile, ...)


Parties
Demandeurs : h A
Défendeurs : État de Monaco

Références :

articles 10, 11 et 13 de l'Ordonnance Souveraine du 25 avril 1929
loi n° 1.312 du 29 juin 2006
Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
article 2 de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006
Vu la Constitution
article 1er de l'Ordonnance Souveraine du 25 avril 1929
article 5 de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006
Ordonnance Souveraine du 25 avril 1929
article 1er de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2025-06-27;ts.2024.12 ?

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