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09/04/2025 | MONACO | N°TS/2024-24

Monaco | Tribunal Suprême, 9 avril 2025, SARL AA c/ État de Monaco, TS/2024-24


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LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière

Vu la requête présentée par la SARL L enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 14 août 2024, sous le numéro TS 2024-24, tendant à annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 janvier 2024 par laquelle le Ministre d'État a prononcé la révocation de l'autorisation d'exercer délivrée à la société SARL L, ensemble la décision implicite de rejet du Ministre d'État du recours gracieux formé par la société SARL L ;

CE FAIRE :

Attendu que la SA

RL L, constituée par a.A et c.D, a été autorisée, depuis le 20 février 2018, à exercer l'activité suivante : ...

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LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière

Vu la requête présentée par la SARL L enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 14 août 2024, sous le numéro TS 2024-24, tendant à annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 janvier 2024 par laquelle le Ministre d'État a prononcé la révocation de l'autorisation d'exercer délivrée à la société SARL L, ensemble la décision implicite de rejet du Ministre d'État du recours gracieux formé par la société SARL L ;

CE FAIRE :

Attendu que la SARL L, constituée par a.A et c.D, a été autorisée, depuis le 20 février 2018, à exercer l'activité suivante : « Exclusivement à l'étranger, intermédiation, négociation de contrats, commissions sur contrats négociés dans le secteur de l'immobilier, à l'exclusion de toute activité réglementée et plus particulièrement de la loi n° 1.252 du 12 juillet 2002 » ; que par courrier du 7 novembre 2023, le gérant de cette société a été invité à comparaître devant la Commission instituée par l'article 10 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 au motif que la société serait restée plus de six mois sans exercer, aucun chiffre n'ayant été déclaré depuis son immatriculation, ce qui constitue un cas de révocation de l'autorisation d'exercer en application du 3° de l'article 9 de la loi n° 1.144 précitée ; que, suite à la réunion du 24 novembre 2023, en présence du gérant de la SARL L, la Commission a constaté l'absence de déclaration du chiffre d'affaires de la société et a rendu un avis défavorable au maintien de l'autorisation d'exercer ; que par une décision du 23 janvier 2024, le Ministre d'État a révoqué l'autorisation d'exercer accordée à a.A pour la SARL L ; que la SARL L a déposé, le 19 février 2024, un recours gracieux contre cette décision, qui a implicitement été rejeté ;

Attendu qu'à l'appui de la requête, la SARL L soutient, en premier lieu, qu'en prenant les décisions attaquées le Ministre d'État aurait commis une erreur de droit ; qu'il ressort des dispositions de l'article 9 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 que : « Par décision du Ministre d'Etat, la déclaration visée aux articles 2, 3 et 4 peut être privée d'effets ou suspendue en ses effets et l'autorisation mentionnée aux articles 5, 6, 7 et 8 suspendue en ses effets ou révoquée dans les cas suivants : (…) 3°) S'il est resté, sans motif légitime, plus de six mois sans exercer ; (…) » ; qu'il apparaît à la lecture de ces dispositions que le Ministre d'État peut notamment révoquer une autorisation d'exercer d'une société restée, sans motif légitime, plus de six mois sans exercer ; que le Ministre d'État a déduit de l'absence de chiffre d'affaires depuis l'immatriculation de la société une absence d'activité de cette dernière ; que l'activité d'une société comme la SARL L ne saurait se réduire à l'existence d'un chiffre d'affaires ; que les termes des dispositions du 3°) de l'article 9 de la loi n° 1.144 précitée ne font nullement référence à une absence de chiffre d'affaires pour apprécier l'activité d'une société ; qu'en ne retenant que ce critère à l'exclusion d'autres indicateurs démontrant une activité effective, le Ministre d'État aurait entaché sa décision d'une erreur de droit ;

Attendu que la SARL L fait valoir, en second lieu, que les décisions qu'elle attaque sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la société requérante a communiqué, en leur temps, auprès de la Direction de l'expansion économique le bilan des comptes pertes et profits des années 2019, 2021 et 2022 ; que depuis le 31 janvier 2022, la SARL L effectue des opérations complexes de recherche d'achats et de commissionnement pour des propriétés hôtelières en Europe ; que ses prestations donnent lieu à rémunération en contrepartie à la fin des missions effectuées, parfois après plusieurs années ; que tel a été le cas le 25 septembre 2023 avec un paiement de 185.000 euros acquittés pour ce type de mission ; qu'après un refus d'ouverture de compte bancaire en Principauté, ces fonds n'ont été perçus que le 16 février 2024 ; que la défaillance des établissements bancaires de Monaco explique le retard pris dans l'encaissement de cette somme ; qu'en outre, deux contrats de commissionnement, datés du 17 novembre 2021 et du 28 avril 2022, n'ont pu aboutir, malgré la signature de compromis de vente, et donner lieu à rémunération pour le travail effectué par la SARL L ; que de nouveaux mandats sont en cours de signature depuis l'année 2024 ; que ces éléments démontrent que l'activité de la société est constante au cours des six derniers mois et que la décision de révocation de l'autorisation d'exercer du 23 janvier 2024 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu la contre-requête, enregistrée au Greffe Général le 16 octobre 2024, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de la requérante aux entiers dépens ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en premier lieu, qu'aucune erreur de droit ne vient entacher la décision du 23 janvier 2024 ; que les dispositions du 3° de l'article 9 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 prévoient que l'autorisation d'exercer visée aux articles 5, 6, 7 et 8 peut être suspendue en ses effets ou révoquée si l'auteur de la déclaration « est resté, sans motif légitime, plus de six mois sans exercer » ; que la décision M. J. S., n° T. S. 2023-02, rendue par le Tribunal Suprême le 30 novembre 2023 rappelle en ce sens qu' « (…) aucun des éléments fournis par le requérant ne permet d'établir que sa société ne serait pas restée, sans motif légitime, plus de six mois sans avoir réalisé de chiffre d'affaires ; que les déclarations fournies par l'expert-comptable de la société, portant seulement sur la période allant d'octobre 2018 à décembre 2019, ne sont pas de nature à remettre en cause cette constatation ; que le Ministre d'État a ainsi pu considérer que la société est restée, sans motif légitime, plus de six mois sans exercer (…) » ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en second lieu, que les décisions attaquées ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'administration a interrogé la SARL L depuis le 11 septembre 2020 suite à l'absence de déclaration de chiffre d'affaires ; que la même demande a été réitérée le 21 juin 2021 ; que dans les deux cas, la société a invoqué la crise sanitaire de 2020 pour justifier l'absence de déclaration de chiffre d'affaires ; que dans son recours gracieux du 19 février 2024, la société fait état de l'encaissement d'une somme de 185.000 euros correspondant à une facture libellée à l'ordre de l'AB, au Luxembourg, pour une activité exercée en 2023 ; qu'en revanche, la SARL L ne démontre pas qu'elle ne serait pas restée plus de six mois sans activité depuis sa création en février 2018 ; que, de surcroît, l'activité qu'elle exerce actuellement, présentée dans les écritures de la société comme une activité « d'investment advisor », pour laquelle elle a été rémunérée comme l'indique le libellé de la facture précitée, est une activité de conseil ; que la SARL L est autorisée à exercer une activité d'intermédiation, de négociation de contrats et de commission sur contrats négociés dans le secteur de l'immobilier mais qu'elle n'a pas le droit d'exercer une activité de conseiller en investissement ; que l'autorisation d'exercer exclut expressément l'exercice de « toute activité réglementée » ; que l'activité de conseil en investissement est réglementée par la loi n° 1.338 du 7 septembre 2007 sur les activités financières ; que la SARL L n'établit donc pas avoir exercé d'activité régulière en 2023, et qu'elle n'établit pas, par ailleurs, avoir exercé une quelconque activité entre 2018 et 2022 ;

SUR CE,

Vu les décisions attaquées ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment le B de son article 90 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l'exercice de certaines activités économiques et juridiques, notamment ses articles 5 et 9 ;

Vu la loi n° 1.338 du 7 septembre 2007 sur les activités financières ;

Vu l'Ordonnance du 27 août 2024 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Philippe BLACHÈR, Membre titulaire, comme rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture de Madame le Greffier en Chef en date du 13 janvier 2025 ;

Vu le mémoire, enregistré au Greffe Général le 24 mars 2025, par lequel la SARL L entend, en application des dispositions de l'article 27 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963, se désister et demande au Tribunal Suprême de lui donner acte de désistement ;

Vu l'Ordonnance du 7 février 2025 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 25 mars 2025 ;

Ouï Monsieur Philippe BLACHÈR, Membre titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Sarah CAMINITI-ROLLAND, avocat près la Cour d'appel de Monaco, pour la SARL L, qui réitère le désistement de la requérante ;

Ouï Maître Jacques MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État qui déclare accepter le désistement ;

Ouï Monsieur le Procureur en ses conclusions ;

La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;

Motifs

Après en avoir délibéré

1. Considérant que la SARL L a formé un recours tendant à l'annulation de la décision du 23 janvier 2024 du Ministre d'État portant révocation de l'autorisation d'exercer délivrée aux gérants de cette société, ensemble la décision de rejet du Ministre d'État du recours gracieux formé le 19 février 2024 ; que, par un mémoire, enregistré au Greffe Général le 24 mars 2025, la SARL L a déclaré se désister de ce recours ;

2. Considérant que le Ministre d'État déclare ne pas s'opposer à ce désistement et demande au Tribunal Suprême d'en prendre acte ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

Dispositif

Décide :

Article 1er

Il est donné acte du désistement de la société SARL L.

Article 2

Les dépens sont mis à la charge de la société SARL L, avec distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation et seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

Composition

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Stéphane BRACONNIER, Président, José MARTINEZ, Vice-Président, Philippe BLACHÈR, rapporteur, Pierre de MONTALIVET, membres titulaires, Jean-Philippe DEROSIER, membre suppléant,

et prononcé le neuf avril deux mille vingt-cinq en présence du Ministère public, par Monsieur Stéphane BRACONNIER, assisté de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en chef.

Le Greffier en Chef,

Le Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2024-24
Date de la décision : 09/04/2025

Analyses

Limitation légale d'activité professionnelle


Parties
Demandeurs : SARL AA
Défendeurs : État de Monaco

Références :

loi n° 1.144 du 26 juillet 1991
loi n° 1.252 du 12 juillet 2002
article 27 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
décision M. J. S., n° T. S. 2023-02
loi n° 1.338 du 7 septembre 2007
Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
article 10 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991
article 9 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991
Vu la Constitution


Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2025-04-09;ts.2024.24 ?

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