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04/12/2024 | MONACO | N°TS/2024-05

Monaco | Tribunal Suprême, 4 décembre 2024, o.C c/ AB, TS/2024-05


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LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière

Vu la requête présentée par o.C, enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 15 février 2024 sous le numéro TS 2024-05, tendant à l'annulation de la décision, notifiée le 18 décembre 2023, par laquelle le Conseil de l'AB a prononcé à l'encontre de o.C la sanction de l'avertissement et à la condamnation de l'AB aux entiers dépens ;

CE FAIRE :

Attendu que o.C expose qu'il exerce une activité d'architecte à Monaco, depuis 2008 ; qu'en octobre 2018, il

a été sollicité par Monsieur et Madame B, pour intervenir en tant qu'architecte dans le cadre de l'amé...

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LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière

Vu la requête présentée par o.C, enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 15 février 2024 sous le numéro TS 2024-05, tendant à l'annulation de la décision, notifiée le 18 décembre 2023, par laquelle le Conseil de l'AB a prononcé à l'encontre de o.C la sanction de l'avertissement et à la condamnation de l'AB aux entiers dépens ;

CE FAIRE :

Attendu que o.C expose qu'il exerce une activité d'architecte à Monaco, depuis 2008 ; qu'en octobre 2018, il a été sollicité par Monsieur et Madame B, pour intervenir en tant qu'architecte dans le cadre de l'aménagement de leur appartement ; qu'il a immédiatement pris contact avec sa consoeur, Madame o.I, précédemment missionnée sur le même projet, pour lui demander si sa mission était toujours en cours et qu'elle lui a répondu que tel n'était plus le cas ; qu'il a alors adressé une proposition de mission aux propriétaires ; que, par courrier du 15 janvier 2021, le Président du Conseil de l'AB a sollicité o.C, pour qu'il lui transmette « copie du contrat signé “ AC ” avec Mme B justifiant de la mission complète et du montant des travaux suivis » ; que réunie le 10 mai 2022, la Commission de la déontologie du Conseil de l'AB a proposé que o.C soit appelé devant le Conseil de l'Ordre érigé en juridiction professionnelle ; qu'informé par un courrier du 13 juin 2022, du Président dudit Conseil en sa qualité « d'autorité poursuivante », où il lui était indiqué que la procédure serait contradictoire et que « Ni le Président de l'Ordre, autorité poursuivante, ni le confrère rapporteur, ne pourront siéger » à l'audience lors de laquelle la formation disciplinaire l'entendra pour statuer, o.C a été entendu le 2 mars 2023 par un rapporteur ; que, par courrier du 9 novembre 2023, il a été convoqué à comparaître le 13 décembre 2023 devant le Conseil de l'Ordre réuni en juridiction professionnelle et comité secret pour statuer sur les deux griefs qui lui étaient reprochés ; que, par courrier du 18 décembre 2023, le Président du Conseil de l'Ordre lui indiquait qu'après délibération, le Conseil de l'Ordre siégeant en comité secret a prononcé une décision d'avertissement pour le grief tiré de la classification de l'Ouvrage et qu'il a décidé de ne pas sanctionner l'absence de demande de quitus ; que o.C a formé contre cette décision un recours en cassation devant le Tribunal Suprême ;

Attendu qu'à l'appui de sa requête et en premier lieu, o.C soutient que la décision attaquée est entachée d'illégalité formelle ; que, tout d'abord, elle ne mentionne pas le nom des membres du comité secret ayant arrêté le principe d'une sanction à son encontre, puis décidé de prononcer un avertissement ; que la seule dénomination de « comité secret » de l'organe juridictionnel statuant sur les poursuites n'est pas compatible avec les exigences du droit à un procès équitable, institué par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, applicable à Monaco et tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme ; que la mention du nom des magistrats, ou des personnes ayant concouru à l'édiction d'une décision juridictionnelle, procède très certainement d'une règle générale de procédure, dont s'inspire par exemple l'article 199 du Code de procédure civile ; que la composition concrète de ce comité secret n'est pas définie avec précision par les textes législatifs ou réglementaires applicables à la procédure disciplinaire, l'article 21 de l'ordonnance loi n° 341 du 24 mars 1942 réglementant le titre et la profession d'architecte et instituant l'AB dans la Principauté se bornant à énoncer que « le conseil de l'ordre siégeant en comité secret, appelle devant lui les architectes qui auraient manqué aux devoirs de leur profession » et que l'ordonnance souveraine n° 3.269 du 12 mai 2011 portant approbation du Code des devoirs professionnels comporte exclusivement des dispositions de fond définissant les devoirs professionnels des architectes, sans édicter de dispositions régissant la procédure disciplinaire applicable aux architectes ; que la décision de sanction, telle qu'elle a été notifiée à l'exposant par le Président de l'AB, qui ne comporte aucune mention du nom des membres qui l'ont rendue, méconnait ainsi cette exigence formelle fondamentale ; que cette omission interdit de s'assurer que le Président et le rapporteur n'ont pas participé au délibéré du comité secret ; que faute de toute mention du nom des membres du comité secret ayant prononcé la sanction en litige, celle-ci est irrégulière en la forme ;

Attendu que, ensuite, toujours selon o.C, que la décision est insuffisamment motivée ; que l'obligation de motivation qui procède pour les juridictions civiles de l'article 199 du code de procédure civile s'applique tout autant aux juridictions professionnelles prononçant des sanctions disciplinaires ; que cette obligation a également pour fondement l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, dont il découle l'obligation de motiver les décisions de justice car une décision motivée permet de montrer aux parties que leur cause a réellement été entendue ; que cette exigence de motivation a été méconnue en l'espèce par la décision juridictionnelle de sanction disciplinaire, car, alors que l'exposant avait mis en cause l'imprécision des règles applicables au classement des travaux (catégorie B1, B2 et B3) à la date des faits reprochés à l'exposant, soit à la date de conclusion du contrat de maitrise d'oeuvre avec sa cliente, en rappelant qu'en octobre 2018 la question des barèmes ne faisait absolument pas consensus et en en justifiant dument, la décision du 18 décembre 2023 ne répond aucunement à ce moyen, se contentant d'énoncer que l'ouvrage en cause consistant en la rénovation et la transformation d'un appartement devait incontestablement être classé en catégorie B3 et qu'en procédant à son classement en B1 l'erreur ainsi commise portait atteinte au respect des dispositions réglementaires et professionnelles ; qu'elle est dès lors insuffisamment motivée ;

Attendu que, en second lieu, o.C conteste le bien-fondé de la décision ; que, d'abord, il soulève à son encontre une exception d'illégalité ; qu'il soutient que, si la Constitution de la Principauté de Monaco ne consacre pas la liberté d'entreprendre dans son acception la plus large, il découle néanmoins de son article 24, que la liberté du propriétaire d'une entreprise de l'organiser, la gérer et la diriger a valeur constitutionnelle et qu'il devrait en résulter une liberté de fixation des prix pratiqués par le chef d'entreprise ; que l'article 16 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.269 du 12 mai 2011 portant approbation du Code des devoirs professionnels des architectes retient des règles très précises de fixation des honoraires en fonction de la difficulté de l'ouvrage par catégories, permettant de déterminer un montant minimum d'honoraires, alors que l'ordonnance-loi n° 341 du 24 mars 1942 ne comporte aucune habilitation explicite conférée au pouvoir réglementaire pour définir les manquements disciplinaires susceptibles d'être sanctionnés par le conseil de l'AB ; qu'en l'absence d'habilitation du législateur, le pouvoir réglementaire n'était pas compétent pour fixer un barème de montants minimums de rémunération des architectes en fonction de la nature de la mission et qu'il lui appartenait de respecter les exigences constitutionnelles précédemment rappelées ;

Attendu que, ensuite, o.C fait grief à la décision attaquée de porter atteinte au principe de légalité des délits et des peines, en ce que la sanction qu'elle prononce n'était pas prévisible ; que ce principe est inscrit à l'article 20 de la Constitution monégasque, qu'il repose également sur l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et que la Cour européenne des droits de l'homme lui a conféré une portée étendue en l'appliquant à tout le droit répressif, au-delà du seul droit pénal ; que l'infraction aux dispositions du Code des devoirs professionnels des architectes, approuvé par l'Ordonnance Souveraine n° 3.269 du 12 mai 2011 qu'a cru pouvoir sanctionner le Conseil de l'Ordre en comité secret, à savoir la classification en trois catégories d'ouvrages, fait l'objet d'une définition trop imprécise et peu prévisible, à la date des faits reprochés ; que, faute de définition précise et incontestable de l'obligation pesant sur les architectes en octobre 2018 quant au classement des ouvrages en catégories B1, B2 et B3 pour le calcul de leurs honoraires, une erreur de classification commise par un architecte ne pouvait légalement fonder une mesure de sanction professionnelle, sans méconnaitre l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Vu la contre-requête enregistrée au Greffe Général le 12 avril 2024, par laquelle l'AB conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à la condamnation du requérant aux entiers dépens ;

Attendu, en premier lieu, que l'AB soutient que le moyen tiré de l'irrégularité formelle de la décision du fait de l'absence de précision des membres du comité secret est infondé ; que, premièrement, il n'existe aucune obligation de préciser la composition du Comité Secret siégeant dans le cadre d'une procédure disciplinaire, car un tel comité est précisément « secret » ; qu'aucune disposition de l'Ordonnance-Loi n° 341 du 24 mars 1942, ou de l'Ordonnance Souveraine du 12 mai 2011, ne précise que le caractère « secret » dudit comité se bornerait à renvoyer au secret du délibéré et non de la composition de la formation de jugement elle-même ; que, s'agissant d'un simple délibéré secret, l'on peine à concevoir la nécessité que le législateur monégasque aurait eue d'indiquer que le Conseil de l'Ordre « siège [...] en comité secret » et que cette précision signifie de toute évidence que la composition même de ce comité ordinal est couverte par le secret ; que, deuxièmement, la prétendue règle suivant laquelle le Président et le Rapporteur ne devraient pas participer aux délibérations, est dépourvue de fondement et n'a pas été méconnue ; que cette obligation n'est prévue par aucun texte, et n'est ainsi passible d'aucune sanction, de sorte que sa méconnaissance ne pourrait justifier l'annulation de la décision attaquée ; qu'à supposer même que la composition du Comité Secret statuant en matière disciplinaire doive être précisée, o.C échoue à rapporter la preuve d'un quelconque grief, car, d'une part, il ne démontre pas que le Président ou le Rapporteur aurait siégé au sein du Comité Secret et, d'autre part, si tel était le cas, la violation d'aucune obligation de droit positif ne serait caractérisée ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'AB soutient que le moyen tiré de la motivation insuffisante est également inopérant ; que les motifs de la sanction sont exposés dans la lettre du Président de l'Ordre du 18 décembre 2023 en ce qu'il y est indiqué qu'il lui est reproché d'avoir classé l'ouvrage en catégorie B1, alors que son prédécesseur l'avait classé en B3 et qu'il est apparu au Conseil qu'un tel ouvrage, consistant en la rénovation et la transformation d'un appartement, devait incontestablement être classé en catégorie B3, définie à l'article 16 II I d B3 de l'Ordonnance n° 3.269 du 12 mai 2011 ; que la décision était ainsi parfaitement motivée ;

Attendu, en troisième lieu, que l'AB soutient que le moyen tiré de l'illégalité de la disposition réglementaire fondant la décision est infondé et, en tout état de cause, irrecevable ; que, premièrement, s'agissant de la mise en cause objective de la légalité d'une disposition réglementaire, le grief excède les pouvoirs du Tribunal Suprême saisi sur le fondement de l'article 90 B, 2° de la Constitution ; que la requête se borne, dans son dispositif, à demander l'annulation de la décision de sanction litigieuse et non l'annulation des dispositions réglementaires qui en constituent le fondement ; que, deuxièmement, loin d'interdire aux autorités monégasques de réguler une activité économique telle que la prestation de services par des architectes, le Tribunal Suprême a au contraire reconnu la nécessité d'une telle régulation et la possibilité pour le législateur d'encadrer une activité économique pour des motifs d'intérêt général, en tenant compte des « caractères particuliers » de la Principauté, ce à quoi procède l'article 16 de l'ordonnance du 12 mai 2011, en prévoyant que les honoraires des architectes seront fixés en fonction des catégories d'ouvrages, afin d'éviter toute concurrence déloyale et à assurer le fonctionnement loyal et efficient du marché des prestations d'architectes ;

Attendu, en quatrième lieu, que l'AB soutient que le moyen tiré de l'atteinte au principe de légalité des délits et des peines, du fait de l'imprécision des catégories B1 à B3 est infondé ; que, si la Cour européenne des droits de l'homme déduit de l'article 7 de la Convention un principe de prévisibilité, elle n'en affirme pas moins qu'un texte répressif, qui ne présente pas une précision absolue, ce qui implique « inévitablement un élément d'interprétation judiciaire », constitue une base légale claire et accessible en droit interne dès lors que cette interprétation judiciaire n'aboutit pas à des condamnations ou à des sanctions arbitraires, mais à un résultat raisonnablement possible et prévisible pour le justiciable au moment de la commission des faits qui lui sont reprochés ; que le Conseil de l'Ordre a fondé sa sanction sur les dispositions de l'article 16 de l'ordonnance du 12 mai 2011, imposant aux architectes de respecter certains barèmes d'honoraires en fonction de la complexité des ouvrages et que, s'il est certain que de telles catégories nécessitent une interprétation, la classification d'un ouvrage « très complexe » (B3) en un ouvrage « simple » (B1) constitue manifestement une violation de ces dispositions réglementaires, passibles de sanctions ; que tel est ce qu'a retenu le Conseil de l'Ordre, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la complexité de l'ouvrage en cause et qu'il a ainsi pleinement justifié de la prévisibilité de la sanction disciplinaire en cause, s'agissant d'une méconnaissance patente des classifications imposées aux architectes par la réglementation en vigueur ;

Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 16 mai 2024, par laquelle o.C tend aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;

Attendu que le requérant ajoute, en premier lieu, en ce qui concerne le moyen tiré du défaut de mention des noms des membres du Conseil de l'Ordre ayant pris la décision de sanction, que la qualité d'organe juridictionnel du Conseil de l'Ordre statuant en matière disciplinaire impose que ses décisions prononçant des sanctions mentionnent le nom des membres de l'organe disciplinaire qui les a prises ; qu'il s'agit d'une exigence fondamentale qui trouve à s'appliquer, même sans texte exprès de droit monégasque, par l'effet des stipulations de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et par les nécessités du contrôle de cassation exercé par le Tribunal Suprême, car seule la mention du nom des membres de l'organe disciplinaire permet de s'assurer de la régularité de sa composition et, en particulier de l'absence de situation de conflit d'intérêts de l'un ou de plusieurs de ses membres, et du respect du principe de séparation des autorités de poursuite et des autorités de sanction ; que s'agissant de l'appréciation du respect du principe de séparation des autorités de poursuites et de sanction, le Président de l'Ordre l'a expressément indiqué à l'exposant lors de l'engagement des poursuites disciplinaires à son encontre, par lettre du 13 juin 2022, de sorte qu'il devait s'astreindre au respect de cette règle, en vertu du principe selon lequel une autorité administrative qui s'est volontairement soumise à une procédure facultative est tenue de la respecter à peine d'illégalité de la décision prise à l'issue de cette procédure ;

Attendu que le requérant indique, en deuxième lieu, s'agissant du moyen tiré de l'insuffisante motivation, qu'en tant qu'organe juridictionnel, le Conseil de l'Ordre statuant en matière disciplinaire était tenu de motiver sa décision de façon précise, en répondant au moyen dont il était saisi par l'architecte poursuivi et, en particulier, sur la question de l'imprécision et ambiguïté de la classification B1/B3 des prestations d'architecte à Monaco ;

Attendu que le requérant ajoute encore, en troisième lieu, s'agissant du moyen tiré de l'exception d'illégalité, que le Tribunal Suprême peut être régulièrement saisi de moyens mettant en cause, par voie d'exception, la légalité d'un acte réglementaire qui constitue le fondement juridique de la décision qui lui est déférée ; qu'il n'existe aucune habilitation, même implicite, dans la loi n° 341 du 24 mars 1942 en faveur du pouvoir réglementaire pour instituer une tarification obligatoire applicable aux prestations d'architecture, en fonction de leur nature des prestations d'architecture ;

Attendu que le requérant ajoute enfin, en quatrième et dernier lieu, s'agissant du moyen tiré du défaut de prévisibilité de l'infraction sanctionnée de l'avertissement, que la Cour européenne des droits de l'homme parait s'attacher à des éléments objectifs pour définir la prévisibilité d'une sanction, alors que tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque les infractions disciplinaires ne sont pas définies précisément, autrement que par des manquements aux règles déontologiques s'imposant aux architectes ;

Vu la duplique, enregistrée au Greffe Général le 11 juin 2024, par laquelle l'AB conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête ;

Attendu que l'AB ajoute, sur l'irrégularité formelle de la décision attaquée, que loin de se contenter de « nommer » le comité disciplinaire, le législateur a expressément prévu que celui-ci « siég[e] » en formation secrète, de sorte que ce caractère secret ne se limite pas au seul délibéré, pour lequel cette précision aurait été superflue, mais s'étend incontestablement à la composition de la formation de jugement elle-même ;

SUR CE,

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment le 1° du B de son article 90 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Vu l'Ordonnance-Loi n° 341 du 24 mars 1942 réglementant le titre et la profession d'architecte et instituant l'AB dans la Principauté ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 3.269 du 12 mai 2011 portant approbation du Code des devoirs professionnels des architectes ;

Vu l'Ordonnance du 4 mars 2024 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Jean-Philippe DEROSIER, Membre suppléant, comme rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture de Mme le Greffier en Chef en date du 24 juin 2024 ;

Vu l'Ordonnance du 18 octobre 2024 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 21 novembre 2024 ;

Ouï Monsieur Jean-Philippe DEROSIER, Membre suppléant du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour o.C ;

Ouï Maître Maeva ZAMPORI, avocat près la Cour d'appel de Monaco, pour l'AB ;

Ouï Monsieur le Premier substitut du Procureur Général en ses conclusions ;

La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;

Motifs

Après en avoir délibéré

1. Considérant que o.C demande au Tribunal suprême, l'annulation de la décision, notifiée le 18 décembre 2023, par laquelle le Conseil de l'AB a prononcé à l'encontre de o.C la sanction de l'avertissement ;

Sur la compétence du Tribunal suprême

1. Considérant qu'aux termes de l'article 90 B de la Constitution, « Le Tribunal Suprême statue souverainement : […] 2° sur les recours en cassation formés contre les décisions des juridictions administratives statuant en dernier ressort » ; que, lorsque le Conseil de l'AB prononce des peines en vertu du 1° et 2° de l'article 12 de l'Ordonnance-Loi n° 341 du 24 mars 1942 réglementant le titre et la profession d'architecte et instituant l'AB dans la Principauté, il a le caractère d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort ; que les décisions qu'il prend en cette matière peuvent faire l'objet de recours en cassation devant le Tribunal Suprême en application du 2° du B de l'article 90 de la Constitution ;

Sur la régularité de la décision attaquée

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

1. Considérant que l'avertissement et le blâme, qui sont les seules sanctions que peut prononcer le Conseil de l'AB, ne portent pas atteinte au droit d'exercer la profession d'architecte ; que, par suite, la contestation de ces sanctions ne porte ni sur des droits et obligations de caractère civil, ni sur une accusation en matière pénale, au sens de l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2. Considérant, toutefois, que le Conseil de l'AB constitue une juridiction devant laquelle doivent être observées toutes les règles générales de procédure dont l'application n'a pas été écartée par une disposition législative ou réglementaire expresse ou n'est pas inconciliable avec son organisation ; qu'au nombre de ces règles figure celle d'après laquelle les jugements doivent mentionner les noms des juges qui les ont rendus ; que l'article 21 de l'Ordonnance-Loi n° 341 du 24 mars 1942 réglementant le titre et la profession d'architecte et instituant l'AB dans la Principauté prévoit que « Le conseil de l'ordre, siégeant en comité secret, appelle devant lui les architectes qui auraient manqué aux devoirs de leur profession » ; que cette disposition ne saurait permettre au Conseil de l'AB de se soustraire à cette règle ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été rendue par le Conseil de l'AB, statuant en tant que juridiction professionnelle réunie en comité secret et qu'elle est dépourvue de toute mention indiquant le nom des personnes ayant délibéré ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision du Conseil de l'AB notifiée le 18 décembre 2023 doit être annulée ;

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er

La décision, notifiée le 18 décembre 2023, par laquelle le Conseil de l'AB a prononcé à l'encontre de o.C la sanction de l'avertissement est annulée.

Article 2

L'affaire est renvoyée au Conseil de l'AB.

Article 3

Les dépens sont mis à la charge de l'AB.

Article 4

Expédition de la présente décision sera transmise à l'AB.

Composition

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Stéphane BRACONNIER, Président, José MARTINEZ, Vice-Président, Philippe BLACHÈR, Membre titulaire, Jean-Philippe DEROSIER, Rapporteur, Régis FRAISSE, Membres suppléants ;

et prononcé le quatre décembre deux mille vingt-quatre en présence du Ministère public, par Monsieur Stéphane BRACONNIER, assisté de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef.

Le Greffier en Chef,

Le Président.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2024-05
Date de la décision : 04/12/2024

Analyses

Architectes ; Pouvoir disciplinaire


Parties
Demandeurs : o.C
Défendeurs : AB

Références :

Vu la Constitution
Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
article 16 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.269 du 12 mai 2011
article 90 B de la Constitution
loi n° 341 du 24 mars 1942
article 12 de l'Ordonnance-Loi n° 341 du 24 mars 1942
article 199 du Code de procédure civile
article 90 B, 2° de la Constitution
article 21 de l'Ordonnance-Loi n° 341 du 24 mars 1942
article 90 de la Constitution
article 20 de la Constitution
ordonnance souveraine n° 3.269 du 12 mai 2011
ordonnance-loi n° 341 du 24 mars 1942


Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2024-12-04;ts.2024.05 ?

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