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06/04/2021 | MONACO | N°TS/2020-02

Monaco | Tribunal Suprême, 6 avril 2021, Monsieur J. P. D. et Madame S. F. épouse D. c/ État de Monaco, TS/2020-02


Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

TS 2020-02

Affaire :

Monsieur J. P. D. et Madame S. F. épouse D.

Contre :

État de Monaco

DÉCISION

Audience du 22 mars 2021

Lecture du 6 avril 2021

Recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 octobre 2019 de l'Administrateur des Domaines refusant la conclusion du contrat « habitation-capitalisation » pour le logement occupé par les époux D. sis « Les Terrasses de Fontvieille » et à la condamnation de l'Etat à leur verser un euro à titre de dommages et i

ntérêts.

En la cause de :

Monsieur J. P. D. et Madame S. F. épouse D. ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe B...

Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

TS 2020-02

Affaire :

Monsieur J. P. D. et Madame S. F. épouse D.

Contre :

État de Monaco

DÉCISION

Audience du 22 mars 2021

Lecture du 6 avril 2021

Recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 octobre 2019 de l'Administrateur des Domaines refusant la conclusion du contrat « habitation-capitalisation » pour le logement occupé par les époux D. sis « Les Terrasses de Fontvieille » et à la condamnation de l'Etat à leur verser un euro à titre de dommages et intérêts.

En la cause de :

Monsieur J. P. D. et Madame S. F. épouse D. ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe BALLERIO, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit Avocat-défenseur ;

Contre :

l'État de Monaco, représenté par le Ministre d'Etat, ayant pour Avocat-Défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière

Vu la requête, présentée par Monsieur J. P. D. et Madame S. F. épouse D., enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 13 décembre 2019 sous le numéro TS 2020-02, tendant à l'annulation de la décision du 21 octobre 2019 de l'Administrateur des Domaines refusant la conclusion du contrat « habitation-capitalisation » pour le logement qu'ils occupent sis « Les Terrasses de Fontvieille », à la condamnation de l'État à leur verser un euro à titre de dommages et intérêts ainsi qu'à sa condamnation aux entiers dépens ;

CE FAIRE :

Attendu que Monsieur et Madame D. exposent qu'ils résident depuis vingt ans dans l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » à Monaco ; qu'ils ont, par courrier du 15 octobre 2018, sollicité une première fois l'Administration des Domaines en vue de conclure un contrat « habitation-capitalisation » ; que cette demande a été accueillie favorablement par ladite Administration par courrier du 29 octobre 2018 ; que Monsieur et Madame D. n'ont toutefois pas été en mesure de donner suite à l'offre, d'une durée de validité de trois mois, faite par faite par l'Administration des Domaines ; que les époux D. ont à nouveau sollicité l'Administration des Domaines afin de bénéficier du dispositif « habitation-capitalisation » par un courrier du 5 septembre 2019 et renouvelé leur demande le 30 septembre 2019, puis le 18 octobre 2019 ; que cette demande a été rejetée par l'Administration des Domaines par une décision du 21 octobre 2019 au motif que l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » était destiné à la destruction dans le cadre du programme triennal d'équipements publics annexé aux lois de budget ;

Attendu qu'à l'appui de leur requête, les époux D. soutiennent, en premier lieu, que la décision du 21 octobre 2019 de l'Administrateur des Domaines est insuffisamment motivée ; qu'en vertu de l'article 1er de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs, doivent être motivées les décisions administratives à caractère individuel qui refusent une autorisation ou un agrément ou celles qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; que conformément à son article 2, la motivation doit être écrite et comporter, dans le corps de la décision, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement ; que dans des décisions du 29 novembre 2010 et du 28 juin 2016, le Tribunal Suprême a sanctionné la méconnaissance de ces dispositions ;

Attendu, d'une part, selon les requérants, que les considérations de droit ne sont pas explicitées dans la décision attaquée ; que la décision de refus est fondée sur l'article 2 de la loi n° 1.357 du 19 février 2009 et l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine n° 2.249 du 1er juillet 2009 ; que l'article 1er de la loi dispose que ne peuvent faire l'objet d'un contrat habitation-capitalisation les appartements ou immeubles voués à la destruction, la reconstruction, la rénovation ou l'extension, pour des opérations arrêtées par les programmes triennaux d'équipement public annexés aux lois de budget ; que l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine précise que « n'entrent pas en compte pour ce calcul, les logements relevant d'immeubles destinés à une démolition ou une restructuration et qui, lors de la demande d'établissement d'un contrat définitif formulée par le locataire ou l'attributaire, soit sont inscrits au programme triennal d'équipement public en cours, soit doivent être inscrits au plus prochain programme » ; que la décision attaquée ne précise pas quelle loi de budget, ni quel programme d'équipement triennal, ni quelle opération immobilière aurait destiné à la destruction l'immeuble « Les terrasses de Fontvieille » ; qu'une telle omission est de nature à entacher la légalité de la décision attaquée dès lors que celle-ci ne comporte pas son fondement légal ; qu'en outre,

Attendu, d'autre part, que la décision attaquée ne contient aucune considération de fait en ce que cette décision n'expose pas le rattachement de l'éventuelle destruction de l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » au programme immobilier qui serait envisagé par l'État de Monaco ;

Attendu que les époux D. estiment, en deuxième lieu, que la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit ; qu'en effet, elle est fondée sur une mauvaise interprétation de la loi ; qu'en effet, aucune des trois lois portant fixation du Budget Général Primitif pour les exercices 2017, 2018 et 2019 ne comporte de disposition relative à l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » ou un à projet immobilier s'y rapportant qui justifierait l'application de l'article 2 de la loi n° 1.357 et de l'Ordonnance Souveraine n° 2.249 prise en son article 1er ; qu'or, ces dernières dispositions excluent le bénéfice d'un contrat « habitation-capitalisation » pour des biens uniquement lorsqu'une loi de budget prévoit en annexe la destruction du bien concerné ;

Attendu, en troisième lieu, que, selon les requérants, la décision attaquée méconnaît le principe de sécurité juridique consacré par le Tribunal Suprême dans sa décision du 29 novembre 2018, S.A.M. Caroli Immo c/ M. le Ministre d'État, et qui est inhérent à l'affirmation constitutionnelle de la Principauté de Monaco en tant qu'État de droit ; que la méconnaissance du principe de sécurité juridique résulte du changement de position de l'Administration des Domaines entre octobre 2018 et octobre 2019 alors même que la réglementation applicable n'a pas évolué ; que c'est ainsi en méconnaissance de ce principe que l'Administration des Domaines a opposé un refus à leur demande tendant à la conclusion d'un contrat « habitation-capitalisation » en octobre 2019 alors que cette même demande avait fait l'objet d'une décision favorable en octobre 2018 ;

Attendu que les requérants soutiennent, en dernier lieu, que la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle affirme que l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » était destiné à la destruction alors que le programme triennal d'équipement public annexé à la loi n° 1.460 du 22 décembre 2017 portant fixation du Budget Général Primitif de l'État ne prévoit qu'un projet relatif au centre commercial de Fontvieille ; que cette loi n'a pas fait obstacle à l'acceptation, par l'Administration des Domaines, de la conclusion d'un contrat « habitation-capitalisation » en octobre 2018 et que les programmes d'équipements public n'ont pas été modifiés pour l'année 2019 ;

Attendu que les époux D. estiment, enfin, que le refus opposé par l'Administration des Domaines à leur demande leur a causé un préjudice dont ils doivent être indemnisés ; que ce préjudice serait constitué par la perte de chance de pouvoir bénéficier des garanties et avantages octroyés par la conclusion d'un contrat « habitation-capitalisation » ; que la conclusion d'un tel contrat leur aurait permis d'investir un capital dans l'appartement qu'ils occupent actuellement au lieu et place de verser un loyer ; que ce contrat leur aurait également garanti la jouissance, la transmissibilité et la patrimonialisation qui constituent des attributs du droit de propriété ;

Vu la contre-requête, enregistrée au Greffe Général le 14 février 2020, le Ministre d'État conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation des requérants aux entiers dépens ;

Attendu qu'il fait valoir, en premier lieu, que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée n'est pas fondé ; que dans ses décisions du 29 novembre 2010 et du 28 juin 2016, le vice de motivation retenu par le Tribunal Suprême tenait à l'absence totale de mention des textes applicables ; qu'en l'espèce, la décision attaquée précise que le rejet de la demande se fonde sur l'article 2 de la loi n° 1.357 du 19 février 2009 et l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine n° 2.249 du 1er juillet 2009 ; que, par suite, la décision attaquée satisfait aux exigences de la loi n° 1.312 relative à la motivation des actes administratifs, l'Administration des Domaines n'ayant pas à préciser à quel programme triennal d'équipement public ou à quelle loi de budget se rattache la démolition de l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » ; que, s'agissant des considérations de fait, la jurisprudence prohibe les motivations stéréotypées ou comportant des motifs de fait formulés en termes trop généraux et imprécis ne permettant pas de s'assurer que le destinataire de la décision a été mis à même de vérifier le bien-fondé du motif de fait invoqué ; qu'en l'espèce, la décision attaquée est expressément motivée par la circonstance que l'immeuble concerné « est destiné à la destruction dans le cadre du programme triennal d'équipements publics annexés aux lois de budget » ; que l'Administration des Domaines n'avait pas à préciser l'opération immobilière à laquelle cette démolition est destinée ; qu'ainsi, aucun défaut de motivation n'entache la légalité de la décision attaquée ;

Attendu, en deuxième lieu, que, selon le Ministre d'État, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur de droit ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte des dispositions de l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine n° 2.249 du 1er juillet 2009 que l'inscription d'un immeuble à un programme triennal prévoyant sa démolition ne concerne pas nécessairement un programme triennal en cours ; qu'en l'espèce, la démolition de l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » relève du programme triennal d'équipement public 2019, 2020, 2021 dont la rubrique XI mentionne le « Centre commercial de Fontvieille » ; que l'immeuble fait partie intégrante du centre commercial en ce que le logement des requérants se situe en toiture de ce centre commercial ;

Attendu, en troisième lieu, que le Ministre d'État affirme que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique n'est pas davantage fondé ; qu'en effet, les requérants ne peuvent se prévaloir d'aucune situation dès lors qu'ils n'ont pas donné suite à l'offre formulée par l'Administration des Domaines en 2018 ; que le changement de position de l'Administration n'est pas arbitraire puisqu'il fait suite à une évolution de la situation règlementaire de l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » qui ne pouvait plus, à partir de 2019, faire l'objet d'un contrat « habitation-capitalisation » en raison de sa future démolition ;

Attendu, en quatrième lieu, que le Ministre d'État fait valoir que la démolition de l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » n'était pas prévue en octobre 2018 mais a été décidée en septembre 2019, soit antérieurement à la seconde demande formulée par les requérants ; que M. D. était parfaitement informé de ce projet de démolition puisqu'il s'en est inquiété dès le mois de janvier 2019 lors des débats budgétaires ; que les requérants en ont été expressément informés lors de la réunion du 29 mars 2019 à laquelle M. D. participait en qualité de Président de l'Association des résidents de l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » ; que le moyen tiré de l'erreur de fait commise par l'auteur de la décision attaquée devra dès lors être écarté par le Tribunal Suprême ;

Attendu, en dernier lieu, que les conclusions indemnitaires formulées par les requérants ne sont pas justifiées et devront être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions à fin d'annulation ;

Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 13 mars 2020, par lesquels les époux D. tendent aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;

Attendu, en premier lieu, que les époux D. contestent les affirmations du Ministre d'État selon lesquelles la loi n° 1.312 n'exigerait qu'une référence aux textes de loi sur lesquels se fonde la décision ; qu'en l'espèce, l'Administrateur des Domaines aurait dû viser la loi de budget qui est censée prévoir, notamment grâce au programme triennal d'équipement public annexé à la loi de budget, la destruction de l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » ; que l'autorité administrative ne peut se fonder sur un programme triennal d'équipement public sans le viser précisément ;

Attendu que les requérants font valoir, en deuxième lieu, qu'aucun programme triennal d'équipement annexé aux lois de budget de 2017, 2018 et 2019 ne comporte de dispositions relatives à la destruction de l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » ; que la décision attaquée est contraire à l'esprit de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006.

Attendu que les époux D. soutiennent, en troisième lieu, que l'Administration des Domaines, en se bornant à faire mention d'une destruction « dans le cadre du programme triennal d'équipements public annexés aux lois de budget » sans préciser quel programme précis est visé, n'a pas suffisamment motivé sa décision ; qu'ils rappellent, à cet égard, qu'aucun programme triennal d'équipement public ne prévoit expressément une telle destruction ;

Attendu, en quatrième lieu, que, selon les requérants, si l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine n° 2.249 fait effectivement référence à un programme triennal d'équipement public qui ne serait pas encore adopté, l'Administration n'a pas entendu se placer dans une telle hypothèse ; qu'à cet égard, il est indiqué dans la décision attaquée que le refus intervient dans le cadre « du » programme triennal et non « d'un » programme triennal qui interviendrait prochainement ; qu'aucun programme triennal d'équipement public en cours ne prévoit la destruction de l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » ;

Attendu que les époux D. précisent, en cinquième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu par le Ministre d'État, l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » ne fait pas partie du centre commercial de Fontvieille, lequel fait l'objet d'une mention dans le programme triennal d'équipement public 2019, 2020, 2021 à la rubrique XI ; que si la destruction de cet immeuble était inscrite dans les lois de budget depuis 2016 comme faisant partie du projet du centre commercial de Fontvieille, l'État de Monaco ne leur aurait pas proposé la signature d'un contrat « habitation-capitalisation » ;

Attendu, en sixième lieu, concernant le vice de motivation, que les requérants rappellent la décision du 9 juin 2015, S.A.M Patricia c/ État de Monaco, dans laquelle le Tribunal Suprême a affirmé qu'une erreur de droit avait été commise en ce que l'auteur de la décision avait omis de préciser que les faits concernaient un texte en particulier ou un autre texte ;

Attendu, en dernier lieu, que, concernant l'erreur de fait, que époux D. arguent que l'information relative à la destruction de l'immeuble n'a jamais été communiquée aux résidents ;

Vu la duplique, enregistrée au Greffe Général le 25 mai 2020, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que dans la contre-requête ;

Attendu que le Ministre d'État entend, en premier lieu, rappeler que la jurisprudence du Tribunal Suprême n'exige pas que l'Administration cite expressément les textes sur lesquels elle se fonde (Tribunal Suprême, 3 décembre 2012, Sieur L. D. M. c/ Ministre d'État ; 5 décembre 2019, Mlle K. D. O. c/ Ministre d'État) ; que, par conséquent, la référence à l'article 2 de la loi n° 1.357 du 19 février 2009 et à l'Ordonnance Souveraine n° 2.249 du 1er juillet 2009 était suffisante ;

Attendu qu'il estime, en deuxième lieu, que l'Administration n'était pas tenue de préciser quel programme triennal d'équipement public prévoyait une la destruction de l'immeuble ; qu'à cet égard, il est rappelé que l'Ordonnance Souveraine n° 2.249 exclut du dispositif des contrats « habitation-capitalisation » les immeubles dont la démolition est envisagée même si elle n'est pas encore programmée ;

Attendu, en troisième lieu, que, selon le Ministre d'État, l'article 2 de la loi n° 1.357 du 19 février 2009 et l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine n° 2.249 du 1er juillet 2009 se complètent sans se contredire et prévoient l'un et l'autre des cas d'exclusion du dispositif ; que sont exclus non seulement les immeubles domaniaux dont la destruction est programmée mais aussi ceux dont la destruction est envisagée sans être encore programmée ;

Attendu que le Ministre d'État fait valoir, en quatrième lieu, que le centre commercial de Fontvieille et l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » constituent un seul et même ensemble immobilier ; que ce n'est qu'à partir du 11 mars 2019, avec l'adoption du Plan National pour le Logement, que le principe de démolition a été définitivement retenu ; que, dès lors, la démolition de l'immeuble doit être regardée comme inscrite au programme triennal d'équipement public 2019, 2020, 2021 ou, à défaut, comme devant l'être au prochain programme ;

Attendu que le Ministre d'État maintient en dernier lieu, que le moyen tiré de l'erreur de fait, doit être écarté ; que la lettre du 23 janvier 2020 rappelait la réunion du 29 mars 2019 au cours de laquelle les résident ont été informés de la démolition future de leur immeuble ; que les requérants ne peuvent soutenir qu'ils n'ont pas été informés de cette démolition ;

SUR CE,

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment le B de son article 90 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 8.019 du 26 mars 2020 portant suspension des délais de recours et de procédure par-devant le Tribunal Suprême pour faire face aux conséquences des mesures prises pour lutter contre la pandémie de virus COVID-19 ;

Vu la loi n° 841 du 1er mars 1968 relative aux lois de budget ;

Vu la loi n° 357 du 19 février 2009 définissant le contrat « habitation-capitalisation » dans le secteur domanial ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.249 du 1er juillet 2009 fixant les conditions d'application de la loi n° 1.357 du 19 février 2009 définissant le contrat « habitation-capitalisation » dans le secteur domanial ;

Vu l'Ordonnance du 16 décembre 2019 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Stéphane BRACONNNIER, Membre titulaire, comme rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture de Madame le Greffier en Chef en date du 3 juin 2020 ;

Vu l'Ordonnance du 17 février 2021 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 22 mars 2021 ;

Ouï Monsieur Stéphane BRACONNIER, Membre titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Christophe BALLERIO, Avocat-Défenseur, pour les époux D. ;

Ouï Maître Jacques MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;

Ouï Madame le Procureur Général en ses conclusions par lesquelles elle s'en remet à la sagesse du Tribunal Suprême ;

La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;

Après en avoir délibéré,

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 15 octobre 2018, l'Administration des Domaines a fait droit à la demande des époux D. tendant à la conclusion d'un contrat « habitation-capitalisation » pour le logement qu'ils occupent sis « Les Terrasses de Fontvieille » ; qu'ils n'ont toutefois pas été en mesure de donner suite à l'offre, d'une durée de validité de trois mois, faite par l'Administration des Domaines ; qu'en septembre 2019, les époux D. ont à nouveau sollicité l'Administration des Domaines afin de bénéficier du dispositif « habitation-capitalisation » ; que, par une décision du 21 octobre 2019, l'Administrateur des Domaines a rejeté leur demande ; que les époux D. demandent au Tribunal Suprême l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision et l'indemnisation du préjudice qu'ils estiment avoir subi ;

Sur les conclusions à fin d'annulation

2. Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi n° 357 du 19 février 2009 définissant le contrat « habitation-capitalisation » dans le secteur domanial, ce contrat est une convention de droit privé qui comporte l'engagement de l'État de conférer au titulaire du contrat un droit personnel d'habitation d'un appartement situé dans un immeuble dépendant du domaine de l'État, à titre onéreux, et pour une durée de 75 ans à l'issue de laquelle un nouveau contrat peut être conclu ; que l'article 2 de la même loi précise toutefois que « les appartements ou les immeubles voués à la destruction, la reconstruction, la rénovation ou l'extension, pour des opérations arrêtées par les programmes triennaux d'équipement public annexés aux lois de budget » ne peuvent faire l'objet de contrats « habitation-capitalisation » ; que l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine n° 2.249 du 1er juillet 2009 fixant les conditions d'application de la loi n° 1.357 du 19 février 2009 définissant le contrat « habitation-capitalisation » dans le secteur domanial dispose : « Afin de maintenir un parc locatif à but social, le nombre total des contrats »habitation-capitalisation« ne peut excéder la moitié de celui des logements domaniaux disponibles à la location, classés par type en fonction du nombre de pièces, sans préjudice de l'application de l'article 11. / Entrent en compte pour le calcul de cette moitié, les appartements relevant d'immeubles dépendant du domaine de l'État et construits avant le 1er septembre 1947. / N'entrent pas en compte pour ce calcul, les logements relevant d'immeubles destinés à une démolition ou une restructuration et qui, lors de la demande d'établissement d'un contrat définitif formulée par le locataire ou l'attributaire, soit sont inscrits au programme triennal d'équipement public en cours, soit doivent être inscrits au plus prochain programme. / Sont réputés destinés à maintenir un parc locatif à but social et ne peuvent, à ce titre, faire l'objet de contrats » habitation-capitalisation « les appartements visés au deuxième alinéa » ;

3. Considérant qu'il ressort des écritures du Ministre d'État que l'Administration des Domaines justifie le rejet en octobre 2019 de la seconde demande de conclusion d'un contrat « habitation-capitalisation » présentée par les époux D. par la circonstance que le principe de la démolition de l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » a été définitivement retenu le 11 mars 2019 à l'occasion de l'adoption du Plan National pour le Logement ; qu'en se fondant sur un tel motif, alors que la condition prévue par la loi du 19 février 2009 est l'inscription d'une opération dans un programme triennal d'équipement public annexé à la loi de budget dont il doit résulter la destruction de l'immeuble concerné, l'Administration des Domaines a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, les époux D. sont fondés à demander l'annulation de la décision qu'ils attaquent ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation

4. Considérant que le préjudice invoqué par les époux D. n'est pas établi ; que leurs conclusions indemnitaires ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er

La décision du 21 octobre 2019 de l'Administrateur des Domaines est annulée.

Article 2

Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3

Les dépens sont mis à la charge de l'État.

Article 4

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

Composition

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Didier LINOTTE, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Président, Didier RIBES, Vice-président, Stéphane BRACONNIER, rapporteur, Pierre de MONTALIVET, Membres titulaires, et Guillaume DRAGO, Membre suppléant ;

et prononcé le six avril deux mille vingt et un en présence du Ministère public par Monsieur Didier LINOTTE, assisté de Madame Virginie SANGIORGIO, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Greffier en Chef.

Le Greffier en Chef, Le Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2020-02
Date de la décision : 06/04/2021

Analyses

Contrat habitation et capitalisation.

CompétenceContentieux administratif - Recours pour excès de pouvoir - Acte administratif individuel.


Parties
Demandeurs : Monsieur J. P. D. et Madame S. F. épouse D.
Défendeurs : État de Monaco

Références :

article 2 de la loi n° 1.357 du 19 février 2009
article 1er de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006
Ordonnance Souveraine n° 8.019 du 26 mars 2020
loi n° 1.460 du 22 décembre 2017
Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
article 1er de l'Ordonnance Souveraine n° 2.249 du 1er juillet 2009
Ordonnance du 16 décembre 2019
Vu la Constitution
Loi n° 357 du 19 février 2009
article 1er de la loi n° 357 du 19 février 2009
loi du 19 février 2009
loi n° 1.312 du 29 juin 2006
loi n° 1.357 du 19 février 2009
Ordonnance du 17 février 2021
Ordonnance Souveraine n° 2.249 du 1er juillet 2009
loi n° 841 du 1er mars 1968


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2021-04-06;ts.2020.02 ?

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