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25/11/2016 | MONACO | N°TS/2015-18

Monaco | Tribunal Suprême, 25 novembre 2016, S.A.M. HELI AIR MONACO c/ État de Monaco, TS/2015-18


Motifs

Principauté de Monaco

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2015-18

Affaire :

S. A. M. HELI AIR MONACO

Contre :

ÉTAT DE MONACO

DÉCISION

Audience du 17 novembre 2016

Lecture du 25 novembre 2016

Requête en annulation présentée par la société HELI AIR MONACO de la décision du Ministre d'Etat notifiée le 13 juillet 2015 par laquelle celui-ci a décidé de désigner la SAM MONACAIR comme attributaire provisoire de la liaison régulière héliportée entre l'héliport de Monaco-Fontvieille et l'aéroport d

e Nice-Côte d'Azur.

En la cause de :

La société HELI AIR MONACO, société anonyme monégasque, dont le siège social est à MC 98000 MONACO, ...

Motifs

Principauté de Monaco

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2015-18

Affaire :

S. A. M. HELI AIR MONACO

Contre :

ÉTAT DE MONACO

DÉCISION

Audience du 17 novembre 2016

Lecture du 25 novembre 2016

Requête en annulation présentée par la société HELI AIR MONACO de la décision du Ministre d'Etat notifiée le 13 juillet 2015 par laquelle celui-ci a décidé de désigner la SAM MONACAIR comme attributaire provisoire de la liaison régulière héliportée entre l'héliport de Monaco-Fontvieille et l'aéroport de Nice-Côte d'Azur.

En la cause de :

La société HELI AIR MONACO, société anonyme monégasque, dont le siège social est à MC 98000 MONACO, Héliport de Monaco, prise en la personne de son administrateur délégué en exercice, domicilié ès qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître William BOURDON, avocat près la Cour d'Appel de Paris ;

Contre :

L'ÉTAT DE MONACO, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière

Vu la requête enregistrée au Greffe général de la Principauté de Monaco le 9 septembre 2015 par laquelle la S.A.M. HELI AIR MONACO demande au Tribunal Suprême de prononcer l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du Ministre d'État notifiée le 13 juillet 2015 par laquelle celui-ci a décidé de désigner la SAM MONACAIR comme attributaire provisoire de la liaison régulière héliportée entre l'héliport de Monaco-Fontvieille et l'aéroport de Nice-Côte d'Azur.

CE FAIRE,

Attendu que la SAM HELI AIR MONACO expose tout d'abord qu'elle entretient des relations contractuelles avec l'État depuis 1976 ; qu'en particulier, par convention du 20 juin 1996, elle s'est vue attribuer la mission d'assurer des services de transport aériens réguliers entre l'héliport de Monaco et l'aéroport de Nice-Côte d'Azur, ainsi que l'habilitation à effectuer des vols à la demande, ainsi que du travail aérien ; qu'elle s'est toujours adaptée à l'évolution du marché et à ses nécessités sans qu'aucun reproche ne lui ait jamais été fait ; que, le 3 décembre 2014, le Ministre d'État l'a informée de la résiliation de cette convention de 1996 avec effet au 31 décembre 2015 pour des raisons d'intérêt général ; que la SAM HELI AIR MONACO a régulièrement protesté contre cette décision ; que, par avis publié le 13 mars 2015, le Département de l'équipement, de l'environnement et de l'urbanisme a lancé une consultation en vue de désigner un opérateur pour l'exploitation de la liaison régulière héliportée entre Monaco et Nice ; que la SAM HELI AIR MONACO a présenté sa candidature le 12 mai 2015 et a été auditionnée le 1er juin 2015 par la Commission technique d'analyse créée par le Règlement particulier de la consultation et que, par lettre du 13 juillet 2015, le Ministre d'État l'a informée de la désignation de la SAM MONACAIR comme attributaire provisoire, conformément à l'article 8 de ce Règlement particulier ; que, par lettre du 27 juillet 2015, la SAM HELI AIR MONACO a demandé au Ministre d'État les motifs de cette désignation mais que cette demande est demeurée sans réponse ;

Attendu que la SAM HELI AIR MONACO soutient à titre principal que la décision notifiée le 13 juillet 2015 est illégale en ce qu'elle n'a pas été précédée de l'avis de la Commission technique d'analyse prévu par le Règlement particulier de la consultation alors que cette Commission était chargée d'analyser les offres « au regard des critères d'évaluation » figurant en annexe IV du Règlement particulier de la consultation ; qu'à titre subsidiaire il apparaît selon elle que cette décision a été prise en méconnaissance des critères posés par l'Ordonnance Souveraine n° 16.065 du 21 novembre 2003 rendant exécutoire l'Accord relatif aux relations aériennes entre la Principauté de Monaco et la République française ; qu'elle est intervenue en violation de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs dès lors qu'elle ne comporte pas les motifs de droit et de fait qui constituent son fondement et que le Ministre d'État n'a pas répondu à la demande de communication des motifs qui lui a été adressée le 27 juillet 2015 ; que les critères d'évaluation des offres mentionnés dans le Règlement particulier de la consultation ne sont ni hiérarchisés ni pondérés ; qu'enfin rien n'indique, au regard de l'intérêt général qui doit justifier la décision, que l'offre de la SAM MONACAIR serait plus satisfaisante ;

Vu la contre requête enregistrée au Greffe général de la Principauté le 10 novembre 2015 par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête.

Attendu qu'il soutient que le moyen tiré de l'absence de consultation de la Commission technique d'analyse manque en fait et produit le rapport de cette Commission ; que le moyen tiré de la méconnaissance des critères fixés dans l'Ordonnance Souveraine n° 16.065 du 21 novembre 2003 est formulé en termes trop généraux pour que le juge puisse se prononcer sur ses mérites ; que, du reste, le rapport de la Commission technique d'analyse démontre que ces critères ont bien été pris en compte ; que la décision par laquelle la SAM HELI AIR MONACO a été informée de la désignation à titre provisoire de la SAM MONACAIR n'est qu'une information non soumise à l'obligation de motivation posée par la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 ; que, s'agissant de la mise en œuvre des critères de choix de l'attributaire, la réglementation monégasque n'impose aucune obligation de hiérarchisation ou de pondération de ces critères ; qu'une telle obligation n'existe en France, et seulement pour certains types de contrats administratifs, qu'en vertu des règles fondamentales instituant la Communauté européenne ; que l'État monégasque n'est pour sa part pas membre de l'Union européenne ; que l'application des critères de sélection prévus par le Règlement particulier de consultation est destinée à répondre à un objectif d'intérêt général ; enfin que la société requérante ne fait qu'affirmer la supériorité de son offre sans être en mesure de la démontrer ;

Vu la réplique enregistrée au Greffe général le 11 décembre 2015 par laquelle la SAM HELI AIR MONACO persiste dans les conclusions de sa requête, et par les mêmes moyens, ajoutant que la production du rapport de la Commission technique d'analyse démontre que ce rapport a été tenu secret, ce qui suffit à entacher d'illégalité la décision attaquée ; que cette production permet de comparer les forces et les faiblesses des deux offres concurrentes et qu'il ressort de cette comparaison que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, au regard des exigences de l'Ordonnance Souveraine du 21 novembre 2003, l'offre de la SAM HELI AIR MONACO est notamment plus conforme aux vœux de l'État en matière de transport sur la route spécifiée, ainsi qu'en témoigne le rapport de la Commission technique d'analyse ; que l'obligation de motivation est naturelle et n'a pas besoin d'être mentionnée dans un texte dès lors qu'il s'agit de garantir la loyauté de l'attribution d'un marché ; enfin que, si la Principauté n'est pas membre de l'Union européenne, elle a cependant ratifié la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la duplique enregistrée au Greffe général le 15 janvier 2016 par laquelle le Ministre d'État maintient les conclusions de sa contre requête, ajoutant que l'intervention de la Commission technique d'analyse correspond à une procédure consultative interne dont les conclusions ne sont pas, sauf texte exprès contraire, destinées à communication ou à publication, de sorte que l'absence de communication du rapport de cette Commission n'entache pas d'illégalité la décision attaquée ; que la synthèse qui figure dans ce rapport classe l'offre de la SAM MONACAIR devant celle de la SAM HELI AIR MONACO ; que ce rapport met en évidence les faiblesses de l'offre de la SAM HELI AIR MONACO ; qu'en l'absence de texte la prévoyant la motivation d'une décision administrative ne saurait être considérée comme une obligation « naturelle » ; qu'enfin l'adhésion de la Principauté à la Convention européenne des droits de l'homme n'entraîne nullement application à Monaco des principes fondamentaux des règles fondamentales instituant la Communauté européenne ;

Vu le procès-verbal de clôture de la procédure du 25 janvier 2016 ;

Vu la demande de la défense, datée du 14 juillet 2016, par laquelle la SAM HELI AIR MONACO a demandé au Président du Tribunal Suprême l'autorisation de disposer d'un ultime délai pour déposer un mémoire en triplique ;

Vu l'ordonnance du 20 juillet 2016 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a rouvert l'instruction et autorisé le dépôt par la SAM HELI AIR MONACO, dans le délai d'un mois, d'une triplique à laquelle le Ministre d'État pourra répondre dans le même délai d'un mois ;

Vu la triplique enregistrée au Greffe général le 22 août 2016 par laquelle la SAM HELI AIR MONACO a d'abord entendu compléter l'exposé des faits à l'origine du litige en relevant notamment l'existence d'un accord entre la Principauté de Monaco et la Société Aéroports de la Côte d'Azur en date du 5 mars 2015 à la signature duquel assistaient des membres de l'entourage de S.A.S. le Prince Albert II et en faisant ressortir que le capital de la SAM MONACAIR est majoritairement détenu par une société de droit français, elle-même majoritairement détenue par une société des Iles Vierge Britanniques et que les principaux dirigeants de la SAM MONACAIR sont des membres de la Famille Princière ;

Attendu que, sans abandonner aucun des moyens soulevés dans ses précédentes écritures, elle soutient en outre que la décision attaquée a été prise en violation des principes généraux gouvernant l'attribution de tout marché de l'État ; qu'en premier lieu a été doublement violé le principe d'impartialité objective ; que d'une part, en effet, toutes les personnes qui ont composé la Commission technique consultative sont placées sous l'autorité du Prince alors que des membres de la Famille Souveraine participent au capital social de la SAM MONACAIR ; que, d'autre part, à supposer que la Commission consultative des marchés prévue par l'Ordonnance n° 2.097 se soit réunie, ce qui n'est pas établi, plusieurs de ses membres ont également siégé dans la Commission consultative technique, ce qui est contraire à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en deuxième lieu, l'absence de hiérarchisation ou de pondération des critères de sélection des offres porte atteinte au principe d'égalité garanti par l'article 17 de la Constitution ; qu'en troisième lieu, la décision attaquée est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que, en violation de l'article 8 alinéa 4 de l'Ordonnance n° 2.097, la Commission consultative des marchés n'a pas été consultée sur la réclamation formée par la SAM HELI AIR MONACO ou que, si elle l'a été, son avis n'a pas été communiqué à la requérante ; qu'en quatrième lieu, conformément à l'article 9 de la même Ordonnance n° 2.097, si l'avis de la Commission consultative des marchés a été défavorable, une délibération expresse du Conseil de Gouvernement était nécessaire avant la signature du marché, ce qui révélerait l'incompétence du Ministre d'État pour signer la décision litigieuse, de sorte qu'il convient que le Tribunal Suprême demande la communication de la saisine de la Commission consultative des marchés, de son avis et, le cas échéant, de la saisine du Conseil de Gouvernement ; qu'en cinquième lieu, si étrangement le rapport de la Commission technique consultative n'est pas daté, il ressort de son contenu que cette Commission aurait analysé les offres concurrentes en trois heures, ce qui est invraisemblable ; qu'en sixième lieu, l'ensemble de la consultation a été irréaliste, tant au regard des délais impartis aux concurrents pour acquérir des hélicoptères neufs qu'au regard des incertitudes entachant l'offre de la SAM MONACAIR s'agissant de son capital, de l'acquisition d'appareils neufs, de la prise en charge des passagers et de leurs bagages par un sous-traitant non encore constitué, de l'existence d'un service de navettes assuré par un autre sous-traitant et enfin du volet social de l'opération ; qu'en sixième lieu la Commission technique consultative a commis une erreur de droit en s'abstenant de prendre en compte le Code monétaire et financier français en application duquel la prise d'une participation majoritaire dans une société établie à Monaco ayant une activité de transports réguliers, ou même l'acquisition d'une telle branche d'activité, doit être autorisée par le ministre de l'économie français ; qu'elle a en particulier ignoré l'article 5-4 a) de l'Accord franco-monégasque de 2002 relatif à la nationalité de ceux qui ont la propriété et le contrôle effectif de l'entreprise de transport aérien agréé par l'autre État ; qu'elle n'a pas davantage respecté l'annexe IV du Règlement particulier de la consultation en ce que, alors que les deux offres étaient jugées équivalentes, elle n'a pas privilégié la société dont les capitaux et les administrateurs sont majoritairement monégasques, comme le prévoit cette annexe IV ; qu'elle n'a pas respecté l'Ordonnance Souveraine n° 3.021 du 26 novembre 2011 qui rend applicable la réglementation bancaire française à Monaco, et notamment impose que les sociétés se livrant à titre habituel à des opérations de crédit-bail doivent être agréées en qualité de sociétés de financement au sens du droit français, alors pourtant que tout indique que les appareils utilisés par MONACAIR font l'objet d'un crédit-bail auprès d'une société qui ne remplit pas cette condition ; qu'enfin la Commission technique consultative s'est livrée à des appréciations très superficielles comme en matière de climatisation ou de bruit ;

Vu les observations sur mémoire en triplique, enregistrées au Greffe général le 22 septembre 2016, par lesquelles le Ministre d'État présente à titre principal des conclusions de non-lieu à statuer ;

Attendu qu'il expose en effet que la société MONACAIR a été désignée comme attributaire définitif de la ligne et que la convention correspondante a été signée le 5 août 2015, ce dont la SAM HELI AIR MONACO a été informé par une lettre du Ministre d'État du 15 octobre 2015, d'ailleurs produite par la SAM HELI AIR MONACO et que cette décision n'a pas été déférée au Tribunal Suprême ; qu'il soutient d'une part qu'il résulte de l'article 8 du Règlement particulier de la consultation que, dès lors que la décision attaquée ne portait que sur l'attribution « provisoire », le recours en annulation contre cette décision était sans doute irrecevable et d'autre part que, en tout état de cause, il n'y plus lieu de statuer sur une requête visant une décision qui a été remplacée par une attribution définitive ; qu'à titre subsidiaire, et au motif que l'alinéa 2 de l'Ordonnance Souveraine du 16 avril 1963 n'autorise le dépôt d'une triplique que pour permettre au requérant de répondre à l'argumentation de la réplique, il conclut tout d'abord à l'irrecevabilité des nouveaux moyens d'annulation contenus dans la triplique ;

Attendu que, sur le fond, le Ministre d'État soutient que la convention conclue entre l'État et la SAM MONACAIR n'est pas un marché public mais une « convention de service », ainsi que la qualifie le Règlement particulier de la consultation, de sorte que tous les arguments de la requérante fondés sur la violation des règles applicables aux marchés publics devront être écartés ; que la requête devra être rejetée par les mêmes moyens qu'il a précédemment exposés ; que les moyens nouveaux, auxquels il ne répond qu'à titre subsidiaire, devront en tout état de cause être écartés ; qu'ainsi l'argumentation relative à la méconnaissance du principe d'impartialité objective est fondée sur une directive européenne relative aux marchés publics alors que cette directive n'est pas applicable à Monaco et que la décision litigieuse ne concerne pas un marché public ; que l'argumentation relative à la composition du capital social de la société MONACAIR est contradictoire en ce qu'il est à la fois soutenu que ce capital n'appartiendrait pas à des monégasques mais qu'il appartiendrait à des membres de la Famille Princière ; que l'invocation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme pour critiquer le cumul de fonctions de certains membres de la Commission technique consultative avec celle de membre de la Commission consultative des marchés est doublement inopérante dès lors que cet article 6 ne s'applique qu'au cumul de fonctions consultatives et de fonctions contentieuses et que, la convention en cause n'étant pas un marché public, la consultation de la Commission consultative des marchés de l'État n'était pas requise ; que de même, en l'absence de marché public, il n'y avait en aucun cas lieu à saisine de la Commission consultative des marchés du fait de la réclamation présentée par la requérante contre la décision d'attribution provisoire ; que, pour la même raison, il n'y avait pas davantage matière à saisine du Conseil de Gouvernement, de sorte que la compétence du Ministre d'État n'est pas contestable ; que le grief d'incohérence du travail de la Commission technique consultative n'est pas fondé dès lors que cette Commission a ouvert les plis le 15 mai, convoqué les candidats pour audition le 18 mai et les a auditionnés le 1er juin ; que le grief d'irréalisme ne l'est pas davantage dès lors que la société MONACAIR a effectivement été en mesure de disposer d'hélicoptères neufs dans les délais indiqués ; que l'argument selon lequel la Commission technique consultative aurait commis une erreur de droit en ignorant les dispositions du code monétaire et financier français en matière d'investissements étrangers à Monaco est inopérant dès lors qu'il n'entrait pas dans les attributions de cette Commission d'écarter les entreprises dont la majorité du capital n'était pas monégasque, que le Règlement particulier de la consultation ne contenait d'ailleurs pas une telle condition et que le choix de l'attributaire provisoire ne constituait pas, par lui-même, un investissement devant faire l'objet, à ce titre, d'une autorisation préalable ; qu'enfin, s'agissant de la prétendue méconnaissance de l'article 5-4 a) de l'Accord franco-monégasque de 2002, il n'appartenait pas à la Commission technique d'analyse de vérifier si la propriété ou le contrôle effectif de la société MONACAIR était bien entre les mains de ressortissants monégasques, cette stipulation ayant seulement pour objet de permettre aux autorités françaises de retirer ou suspendre l'autorisation de transport aérien lorsqu'elle n'a pas la preuve que cette exigence est remplie ; qu'au demeurant ; les autorités françaises ont effectivement demandé et obtenu des garanties en ce sens en juin 2016 ;

Vu les lettres du 10 octobre 2016 par lesquelles, sur le fondement de l'article 23 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, le Président du Tribunal Suprême a informé les parties de ce que le Tribunal envisageait de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête du fait du caractère purement préparatoire de la décision attaquée et les a invitées à présenter leurs observations dans un délai de dix jours ;

Vu le mémoire de la SAM HELI AIR MONACO, enregistré au Greffe général le 21 octobre 2016 par lesquelles elle rejette cette analyse aux motifs que la décision attaquée produit des effets juridiques importants en ce que, par application de l'article 8 du Règlement particulier de la consultation, elle a pour effet d'écarter l'ensemble des autres candidats des discussions finales, que l'existence d'un recours gracieux ayant pour effet de contraindre le Ministre d'État à saisir la commission consultative des marchés et, en cas d'avis défavorable de cette dernière, le Conseil de Gouvernement, on ne saurait parler ici de mesure purement préparatoire, et enfin que, si le Tribunal Suprême envisageait en réalité un non-lieu à statuer du fait de l'attribution définitive du marché, la complète exécution de la décision attaquée ne saurait justifier un tel non-lieu à statuer.

Vu les observations du Ministre d'État, enregistrées au Greffe général le 21 octobre 2016 par lesquelles il approuve le moyen d'irrecevabilité en se fondant sur l'article 8 du Règlement particulier de la consultation.

SUR CE,

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'article 90-B de la Constitution ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur le Tribunal Suprême ;

Vu la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales signée le 4 novembre 1950, notamment ses articles 6-1 et 6-3, ensemble ses protocoles additionnels rendus exécutoires par les Ordonnances Souveraines n°408 et 411 du 15 février 2006, l'Ordonnance Souveraine n° 5811 du 22 avril 2015 ;

Vu l'Ordonnance n° 3.066 du 25 juillet 1945 promulguant la convention franco-monégasque du 14 avril 1945 relative au contrôle des changes ;

Vu l'Accord franco-monégasque du 5 octobre 2002 rendu exécutoire par l'Ordonnance Souveraine n°16.065 du 21 novembre 2003 ;

Vu l'Ordonnance n° 3.021 du 26 novembre 2011 rendant applicable l'échange de lettres franco-monégasque du 20 octobre 2010 relatif à la réglementation bancaire ;

Vu la loi n° 622 du 5 novembre 1956 relative à l'aviation civile ;

Vu la loi n° 1312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.097 du 23 octobre 1959 modifiée réglementant les marchés de l'État ;

Vu le Règlement particulier de la consultation en vue de désigner un opérateur de transport aérien pour l'exploitation de la liaison régulière héliportée entre l'héliport de Monaco-Fontvieille et l'aéroport de Nice-Côte d'Azur et ses annexes ;

Vu l'Ordonnance du 17 septembre 2015 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a nommé Monsieur Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES, Vice-président, en qualité de rapporteur ;

Vu l'Ordonnance du 30 septembre 2016 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 17 novembre 2016 ;

À l'audience du 17 novembre 2016 sur le rapport de Monsieur Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES, Vice-président du Tribunal Suprême ;

Ouï Maître William BOURDON, avocat au barreau de Paris, pour la S.A.M. HELI AIR MONACO ;

Ouï Maître Jacques MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;

Ouï le Procureur Général en ses conclusions ;

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :

Considérant que, par décision notifiée à la S.A.M. HELI AIR MONACO le 13 juillet 2015, le Ministre d'État a désigné comme attributaire provisoire la S.A.M. MONACAIR pour l'exploitation de la liaison régulière héliportée entre l'héliport de Monaco-Fontvieille et l'aéroport de Nice-Côte d'Azur ; que la S.A.M. HELI AIR MONACO demande l'annulation de cette décision d'attribution provisoire ;

Considérant que, aux termes de l'article 8 du Règlement particulier de la consultation organisée en vue de désigner un opérateur de transport aérien pour l'exploitation de cette liaison : « L'autorité compétente de l'État désignera l'attributaire provisoire. L'État et l'attributaire provisoire engageront alors des discussions en vue de la mise au point du contrat, sur la base du projet de convention figurant en annexe I et des observations de la commission technique d'analyse. / Sans remettre en cause les termes de la présente consultation, cette mise au point aura pour objet de procéder aux adaptations nécessaires./ Une fois cette mise au point effectuée, l'État de Monaco désignera, en application de l'accord précité du 25 octobre 2002 relatif aux relations aériennes entre la Principauté de Monaco et la République française, l'entreprise de transport aérien chargée d'exploiter les services agréés entre l'Héliport de Monaco-Fontvieille et l'Aéroport Nice-Côte d'Azur./ Jusqu'à la signature du contrat, l'État de Monaco demeurera libre de renoncer, à tout moment, à cette désignation ou à la poursuite de la procédure » ; que l'alinéa 2 de l'article 11 du même Règlement particulier de la consultation ajoute : « Si l'État de Monaco décide, à quelque étape que ce soit de la procédure et quelle qu'en soit la raison, de ne pas donner suite à la consultation, il en informera les concurrents ou l'entreprise retenue et sera alors délié de tout engagement envers ces derniers, ceux-ci ne pouvant prétendre à quelque défraiement, prime ou indemnité » ;

Considérant qu'est irrecevable le recours formé contre une mesure purement préparatoire d'une décision administrative dont, au moment où est prise la mesure préparatoire, il n'est possible ni de savoir si elle sera prise ni, le cas échéant, quelles en seront les conditions ; qu'en revanche, les irrégularités dont a pu être affectée la mesure préparatoire peuvent être invoquées à l'appui d'un recours formé contre la décision elle-même ;

Considérant que, le 5 août 2015, la S.A.M. MONACAIR a été désignée comme attributaire définitif du service de transport aérien régulier entre l'Héliport de Monaco-Fontvieille et l'Aéroport Nice-Côte d'Azur, ce dont la S.A.M. HELI AIR MONACO a été informée par la lettre du Ministre d'État du 15 octobre 2015 versée au dossier par la S.AM. HELI AIR MONACO ; qu'il résulte de l'article 8 du Règlement particulier de la consultation précité que la désignation d'attribution provisoire n'est qu'une mesure purement préparatoire de la décision d'attribution définitive du 5 août 2015 ; qu'ainsi, s'il était loisible à la S.A.M. HELI AIR MONACO de former un recours contre la décision définitive du 5 août 2015 dans les deux mois suivant la réception de cette lettre du 15 octobre 2015, en invoquant, le cas échéant, les irrégularités qui, selon elle, ont affecté l'attribution provisoire, la requête formée contre la décision d'attribution provisoire est en revanche irrecevable.

Dispositif

DÉCIDE

Article 1er

La requête de la S. A. M. HELI AIR MONACO est rejetée.

Article 2

Les dépens sont mis à la charge de la S. A. M. HELI AIR MONACO.

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

Composition

Ainsi jugé et délibéré par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de M. Didier LINOTTE, Chevalier de l'Ordre de Saint Charles, Président, M. Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES, Officier de l'Ordre de Saint Charles, Vice-président, rapporteur, M. José SAVOYE, Chevalier de l'Ordre de Saint Charles, Membre Titulaire, Mme Martine LUC-THALER, Membre Titulaire, M. Didier RIBES, Membre Titulaire.

et prononcé le vingt-cinq novembre deux mille seize en présence de Monsieur José SAVOYE, Membre Titulaire, Chevalier de l'Ordre de Saint Charles, Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, par Monsieur Didier LINOTTE, assisté de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2015-18
Date de la décision : 25/11/2016

Analyses

Loi et actes administratifs unilatéraux  - Transport aérien  - Procédure administrative  - Propriété des personnes publiques et domaine public.

CompétenceContentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel.


Parties
Demandeurs : S.A.M. HELI AIR MONACO
Défendeurs : État de Monaco

Références :

article 90-B de la Constitution
Ordonnance Souveraine n° 2.097 du 23 octobre 1959
loi n° 622 du 5 novembre 1956
Ordonnance Souveraine n° 5811 du 22 avril 2015
Ordonnance n° 3.066 du 25 juillet 1945
Ordonnance Souveraine du 21 novembre 2003
Ordonnance du 17 septembre 2015
Ordonnance Souveraine du 16 avril 1963
loi n° 1.312 du 29 juin 2006
Ordonnance Souveraine n° 16.065 du 21 novembre 2003
Ordonnance Souveraine n° 3.021 du 26 novembre 2011
article 17 de la Constitution
article 23 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
Ordonnance du 30 septembre 2016
loi n° 1312 du 29 juin 2006
ordonnance du 20 juillet 2016


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2016-11-25;ts.2015.18 ?

Source

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