La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/02/2016 | MONACO | N°TS/2015-11

Monaco | Tribunal Suprême, 19 février 2016, j. c/ BO., TS/2015-11


Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2015-11

Affaire :

j. c. BO.

Contre :

État de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 5 FÉVRIER 2016

Lecture du 19 février 2016

Requête en annulation présentée par M. j. c. BO. d'une décision notifiée verbalement courant mars 2015 par un fonctionnaire de la Direction de l'Habitat, ensemble la décision du Directeur de l'Habitat, en date du 19 mai 2015 rejetant son recours hiérarchique et confirmant par écrit la décision lui déniant le caractère de personne protégée au sens de

la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000.

En la cause de :

Monsieur j. c. BO., né le 21 avril 1956 à Monaco, de nationalité française ...

Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2015-11

Affaire :

j. c. BO.

Contre :

État de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 5 FÉVRIER 2016

Lecture du 19 février 2016

Requête en annulation présentée par M. j. c. BO. d'une décision notifiée verbalement courant mars 2015 par un fonctionnaire de la Direction de l'Habitat, ensemble la décision du Directeur de l'Habitat, en date du 19 mai 2015 rejetant son recours hiérarchique et confirmant par écrit la décision lui déniant le caractère de personne protégée au sens de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000.

En la cause de :

Monsieur j. c. BO., né le 21 avril 1956 à Monaco, de nationalité française et italienne, demeurant et domicilié X à Monaco jusqu'au 25 août 2015, puis Y,

Elisant domicile en l'étude de Maître j.-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, y demeurant 20, avenue de Fontvieille, et plaidant par ledit avocat-défenseur

Contre :

L'Etat de Monaco, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation de France.

LE TRIBUNAL SUPREME

Vu la requête enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 17 juillet 2015 sous le numéro TS 2015-000011 par laquelle M. j. c. BO. demande l'annulation de la décision notifiée verbalement courant mars 2015 par un fonctionnaire de la Direction de l'Habitat, ensemble la décision du Directeur de l'Habitat en date du 19 mai 2015 rejetant son recours hiérarchique et confirmant par écrit la décision lui déniant le caractère de personne protégée au sens de la loi n°1.235 du 28 décembre 2000.

CE FAIRE :

Attendu que M. j. c. BO. expose qu'il est locataire avec son épouse depuis le 1er septembre 2001 d'un appartement de 3 pièces, cuisine, situé au 3e étage de l'immeuble sis X à Monaco-Ville, d'une superficie de 42 m2, régi par la loi n° 1235 du 28 décembre 2000 ;

Attendu que par L.R.A.R. du 29 janvier 2015, Maître Nathalie AUREGLIA-CARUSO informait M. BO. de ce que Mme p. ES., veuve DA., propriétaire, avait trouvé acquéreur de ses locaux pour le prix principal de 800.000 € et l'interrogeait sur son éventuel souhait de préempter à ce prix ; que M. j. c. BO. ne disposant pas de cette somme, il ne pouvait préempter ; que le nouveau propriétaire lui notifiait par LR. A.R. du 25 février 2015 son intention d'exercer son droit de reprise avec un préavis de 6 mois et de ce que son bail viendrait donc à échéance au 25 août 2015 ;

Attendu que dans la 2e moitié de mars 2015, M. j. c. BO. se rendait à la Direction de l'Habitat (« secteur protégé de l'habitation ») pour, en sa qualité de personne protégée, faire une demande de location d'un appartement du secteur dit protégé ;

Qu'à sa grande surprise, l'on refusait de prendre son dossier au motif qu'au regard de la nouvelle loi, il ne faisait plus partie des personnes protégées ;

Attendu que par LR.AR. du 10 avril 2015, M. j. c. BO. formait un recours hiérarchique auprès du Chef de Service de la Direction de l'Habitat exposant que la qualité de personne protégée au titre de la loi n°1.235 du 28 décembre 2000, lui avait été reconnue par lettre en date du 1er février 2001 ;

Que M. j. c. BO. ajoutait que quelles que soient les modifications apportées à la loi n°1.235, elles n'avaient pu avoir pour effet de lui faire perdre sa qualité de personne protégée, la loi n'étant pas rétroactive ;

Attendu qu'après une réponse d'attente le 28 avril 2015 à l'avocat de M. BO., le Directeur de l'Habitat répondait le 19 mai 2015 que ce dernier avait été informé lors de son passage dans les locaux de la Direction de l'Habitat de ce que « compte tenu de l'interruption de résidence mentionnée sur le certificat établi par la Division de Police Administrative», « sa demande ne pourrait être agréée en application de l'article 3 de la loi susvisée qui prévoit : sont protégées au titre de la présente loi […] les personnes nées à Monaco, qui y résident depuis leur naissance, à la condition que l'un de leurs auteurs ait également résidé à Monaco au moment de celle-ci » ;

Il ressort de cette disposition que la condition de résidence continue constitue un élément indispensable à la reconnaissance de ladite qualité, seules les périodes passées à l'étranger pour suivre des études, une formation, recevoir des soins médicaux ou remplir des obligations militaires ne constituant pas des interruptions de résidence conformément à l'article 5 ;

Aussi, hormis si votre client peut justifier que son absence relève de l'un des quatre cas précités, je suis au regret de vous confirmer que sa requête ne peut obtenir une suite favorable « ;

Attendu que, la réplique par courrier du 20 mai 2015 de l'avocat de M. BO. restant sans réponse, ce dernier faisait enregistrer une requête en annulation au Greffe Général du Tribunal Suprême ;

Attendu que ladite requête énonce tout d'abord que le recours hiérarchique du 10 avril 2015 contre la décision verbalement notifiée dans la 2e moitié du mois de mars 2015 a bien été formée dans le délai de 2 mois, la décision de rejet dudit recours hiérarchique en date du 19 mai 2015 ayant été contestée devant le Tribunal Suprême le 17 juillet 2015, est donc recevable au regard de l'article 15 de l'Ordonnance n° 2984 du 16 avril 1963 ;

Attendu sur le fond que le requérant expose que sur sa demande le Directeur de l'Habitat lui écrivait le 1er février 2001 :

» Votre demande tendant à faire constater votre qualité de personne protégée, en application de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000, a été agréée. En conséquence, il a été procédé à votre inscription sur le registre ouvert à cet effet « ;

Attendu que M. BO. souligne que cette lettre ne fait état d'aucune condition de durée, alors qu'au contraire l'arrêté ministériel n° 2000-609 du 29 décembre 2000 portant application de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 ne prévoit nulle part qu'une personne inscrite dans ce registre puisse en être radiée en cas de changement de la loi (modifiant les conditions pour faire partie des personnes protégées) ; qu'il ne peut en être autrement car ce serait faire produire à la loi des effets rétroactifs en violation de l'article 2 du Code civil ;

Qu'en effet la qualité de personne protégée, une fois établie, est un droit acquis sur laquelle la loi nouvelle ne peut revenir ;

Attendu poursuit le requérant que le Chef de Service de l'Habitat s'est contenté de se référer à l'article 3 de la loi n° 1.235 dans sa rédaction résultant de la loi n° 1.291 du 21 décembre 2004, (celle résultant de la loi n° 1.377 du 18 mai 2011 ayant été annulée par le Tribunal Suprême), pour estimer qu'il » ressort de cette disposition que la condition de résidence continue constitue un élément indispensable à la reconnaissance de ladite qualité, [de personne protégée] seules les périodes passées à l'étranger pour suivre des études, une formation, recevoir des soins médicaux ou remplir des obligations militaires ne constituant pas des interruptions de résidence conformément à l'article 5. « ;

Que ce faisant, l'administration ferait une application rétroactive de la loi du 21 décembre 2004 en faisant disparaître de facto le bénéfice à M. BO. d'un droit acquis, alors qu'il est inscrit au registre des personnes protégées ;

Que de surcroit le Directeur de l'Habitat ferait une erreur d'interprétation du texte dès lors que l'exigence d'absence d'interruption de la résidence est prévue par le 4e de l'article 3 de la loi n° 1.235 et non par le 3e auquel l'Administration ajoute une condition sans texte puisqu'il ne prévoit point une résidence sans interruption ;

Attendu qu'il est souligné de plus fort que feu Antoine BO., né le 10 juin 1915 à Monaco, de nationalité italienne, y a résidé jusqu'à son décès le 2 avril 2005 ; qu'il résidait donc à Monaco lors de la naissance de son fils j. c. BO. le 21 avril 1956, requérant en l'espèce ;

Que ce dernier selon le certificat de résidence délivré le 11 mars 2015 par la Sûreté Publique, a résidé à Monaco depuis le 21 avril 1956 jusqu'à cette date, avec interruption du 1er mars 1982 au 1er avril 1985 ;

Qu'ainsi l'Administration monégasque interpréterait erronément l'article 3 de la loi n° 1.235 et ce, même dans son application illégale, car rétroactive ;

Attendu que pour l'ensemble de ces raisons, l'annulation des décisions attaquées est réclamée ;

Attendu au surplus que M. BO. a dû exposer des frais pour défendre ses droits et qu'il y aurait donc lieu de condamner l'État de Monaco à lui payer la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Attendu enfin que par voie de conséquence du refus de reconnaissance de sa qualité de personne protégée, M. BO. a dû se reloger dans le secteur libre, concluant à cette fin le 29 juin 2015 un bail de 3 ans portant sur un appartement de 3 pièces moyennant un loyer de 24.000 €/an, alors que le précédent loyer était de 8.232,24 € ;

Que dès lors le préjudice de M. BO. s'établirait comme suit :

1. 000 x 3 - 8.500 x 3 = 46.500 €, somme à laquelle il est demandé de condamner l'État de Monaco en sus des 15.000 € déjà réclamés, soit la somme totale de 61.500 € à titre de dommages et intérêts ;

Vu la contre requête enregistrée le 17 septembre 2015 au Greffe General du Tribunal Suprême, par laquelle le Ministre d'État commence par rappeler les conditions dans lesquelles M. BO. a vu, faute de pouvoir faire jouer son droit de préemption, le nouveau propriétaire de son appartement exercer son droit de reprise avec préavis de 6 mois, le bail venant à échéance le 25 août 2015 ;

Attendu, rappelle le Ministre d'État, que dans le courant du mois de mars 2015, M. BO. s'est rendu dans les services de la Direction de l'Habitat pour déposer une demande de location d'un appartement du secteur protégé, demande que ladite Direction a refusé d'enregistrer au motif, oralement indiqué, qu'en l'état de la législation applicable, il ne pouvait plus être regardé comme faisant partie des personnes protégées ;

Que le recours gracieux formé le 10 avril 2015 auprès du Directeur de l'Habitat a été rejeté par décision du 19 mai 2015, d'où la saisine du Tribunal Suprême le 17 juillet 2015 d'une requête tendant à l'annulation de la décision verbalement notifiée, ensemble la décision de rejet du 19 mai 2015 ainsi que d'autre part à la condamnation de l'État à lui verser la somme de 61.500 € à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que le Ministre d'État commence par souligner que le principe fondamental de non rétroactivité de la loi, consacré par l'article 2 du Code civil ne signifie pas que le législateur ne puisse remettre en cause, pour l'avenir, une situation acquise sous l'empire d'une législation antérieure ;

Qu'en l'espèce, rien n'interdisait au législateur monégasque de rendre plus strictes les conditions de reconnaissance de la qualité de personne protégée, sous réserve que ce changement n'ait pas d'effet pour le passé ;

Qu'en l'espèce, la circonstance que M. BO. ait fait constater en 2001 sa qualité de personne protégée en application de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 dans sa rédaction initiale, ne lui a conféré aucun droit acquis au maintien de cette qualité en cas de changement de législation ; qu'il n'aurait pu en aller autrement que si la qualité de personne protégée avait été déniée à M. BO. en cours d'exécution d'un bail relevant du secteur protégé, hypothèse dans laquelle il aurait pu, en effet, se prévaloir de droits acquis ; que tel n'est pas le cas ;

Attendu qu'au mois de mars 2015, date à laquelle il s'est rendu à la Direction de l'Habitat pour présenter une demande de location d'un appartement du secteur protégé, M. BO. ne pouvait plus invoquer le bénéfice de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 dans sa rédaction primitive ; que sa demande ne pouvait être examinée qu'au regard de la législation en vigueur, en l'occurrence l'article 3 de la loi n° 1.235 dans sa rédaction résultant de la loi 1.291 du 21 décembre 2004 (la rédaction postérieure issue de la loi n° 1.377 du 18 mai 2011 ayant été annulée par décision du Tribunal Suprême du 16 avril 2012) ;

Qu'ainsi, le moyen principal de la requête pris de la prétendue rétroactivité de la décision attaquée ne pourra qu'être rejeté ;

Attendu que le Ministre d'État soutient ensuite que contrairement aux prétentions du requérant, la condition d'une résidence continue à Monaco n'est pas limitée au seul cas visé au 4e de l'article 3 de la loi n° 1235, mais qu'en application du 3e de ce même article, l'exigence d'une résidence continue s'applique également aux personnes nées à Monaco et y résidant depuis leur naissance ;

Qu'en effet, l'article 5 de la même loi retient une conception unique de la notion d'interruption de résidence, qu'il s'agisse du 3° ou du 4° de l'article 3 ;

Que l'article 5 dispose que » pour l'application des chiffres 3 et 4 de l'article 3, ne constituent pas des interruptions les périodes passées à l'étranger pendant la minorité ou pour suivre des études, une formation, recevoir des soins médicaux ou remplir des obligations militaires « ;

Qu'il en résulte que les décisions attaquées qui se fondent sur l'interruption de la résidence à Monaco de M. BO. entre le 1er mai 1982 et le 1er avril 1985 ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 3 de la loi n° 1.235 modifiée, ni par fausse interprétation, ni par faute application ;

Attendu que le Ministre d'État soutient enfin, que le rejet des conclusions aux fins d'annulation de M. BO. entrainera, par voie de conséquence, le rejet de ses conclusions indemnitaires en application de l'article 90-B 1e de la Constitution ;

Qu'en tout état de cause, il n'est pas fondé à demander le remboursement des frais irrépétibles au vu de la décision du Tribunal Suprême du 17 juin 2011 Sieur g. MA., ni davantage à réclamer une indemnité correspondant à la différence entre son loyer actuel et celui qu'il aurait pu obtenir dans le secteur protégé, dès lors qu'il n'établit pas qu'il aurait pu trouver une location dans ce secteur, dont il ne peut, par hypothèse, préciser les caractéristiques et le prix ;

Qu'ainsi, la requête serait vouée à l'échec, M. BO. ne démontrant point l'existence d'un préjudice certain ;

Vu le mémoire en réplique enregistré le 21 octobre 2015 au Greffe Général, dans lequel M. BO. conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens, y ajoutant que les décisions attaquées ont bien un effet pour le passé puisque M. BO., selon l'analyse de l'État, a perdu une qualité juridique antérieurement acquise par la loi et qui lui conférait une protection ;

Qu'il avait un statut dont il serait aujourd'hui exclu par la modification de la loi ;

Attendu que suivre le raisonnement de l'État conduirait selon le requérant à révoquer des fonctionnaires en poste qui ne rempliraient plus les conditions pour intégrer la Fonction Publique, ou à expulser les bénéficiaires de logements domaniaux en cas de modification des conditions pour y accéder, ce qui serait d'autant plus illogique que la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 est un texte d'ordre public ;

Qu'il est dès lors soutenu de plus fort que M. BO. a un droit acquis au maintien de sa qualité de personne protégée, la nouvelle loi ne pouvant s'appliquer qu'aux nouvelles personnes revendiquant cette qualité, et non point à celles qui l'ont déjà, et de citer au soutien de sa thèse l'»Étude sur la classification des diverses situations juridiques « de R. LATOURNERIE, » l'individualisme et le droit « de Marcel WALINE, ou bien encore » l'incompétence ratione temporis recherches sur l'application des actes administratifs dans le temps « de j.-Marie AUBY ;

Attendu que le requérant maintient que le Directeur de l'Habitat fait une erreur d'interprétation du texte dès lors que seul le 4e de l'article 3 de la loi n° 1.235 dispose expressément que la résidence à Monaco doit être » sans interruption « alors que force est de constater que cette expression ne se retrouve pas dans le 3e de ce même article ;

Que la citation par l'État de l'article 5 de ladite loi n° 1.235 qui retiendrait une conception unique de la notion d'interruption de résidence, qu'il s'agisse du 3e ou du 4e de l'article 3 est erronée, dès lors que l'État cite la lettre de l'article 5 résultant de la loi n° 1.377 du 18 mai 2011 alors qu'il a été annulé par le Tribunal Suprême dans sa décision du 16 avril 2012 ;

Attendu enfin qu'en ce qui concerne ses conclusions indemnitaires, M. BO. précise qu'il ne présente aucune demande de remboursement de frais irrépétibles mais une demande globale de dommages et intérêts d'un montant de 61.500 € dont 15.000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive de l'État ;

Quant à prétendre que le requérant n'est pas en mesure de préciser les caractéristiques et le prix de la location qu'il aurait pu trouver dans le secteur protégé si la qualité de personne protégée ne lui avait pas été déniée, ce serait se prévaloir de sa propre turpitude, ce que personne ne peut faire, pas même l'État ;

Que M. BO. s'est fondé sur des éléments objectifs pour effectuer son calcul : le prix de son ancien loyer, le prix de son nouveau loyer ;

Que M. BO. conclut donc qu'il soit fait droit à ses demandes indemnitaires ;

Vu le mémoire en duplique, enregistré au Greffe Général le 20 novembre 2015, par lequel le Ministre d'État persiste en tous ses moyens et conclusions de rejet de la requête y ajoutant que si la qualité de personne protégée au sens de la loi n° 1.235 subsiste, sans pouvoir être remise en cause pendant toute la durée du bail, elle ne produit plus d'effet une fois le bail rompu ou expiré sans renouvellement ;

Que, dès lors, si la personne concernée sollicite à nouveau la location d'un logement dans le secteur protégé, la reconnaissance de la qualité de personne protégée s'appréciera au regard des conditions en vigueur à la date de cette nouvelle demande de réintégration ;

Qu'en l'espèce, le bail consenti à M. BO. en qualité de personne protégée a pris fin consécutivement à l'exercice du droit de reprise de l'appartement par le nouveau propriétaire ;

Qu'ainsi la demande de M. BO. tendant à bénéficier d'un nouveau logement dans le secteur protégé impliquait nécessairement un réexamen de sa qualité de personne protégée qui ne pouvait être appréciée qu'au regard des conditions applicables au jour de cette demande ;

Qu'en conséquence, il n'y a ni atteinte à un droit acquis, ni rétroactivité de la loi ;

Attendu en deuxième lieu soutient le Ministre d'État, qu'en disposant que » pour l'application de l'article 3, ne constituent pas des interruptions les périodes passées à l'étranger pour suivre des études, une formation, recevoir des soins médicaux ou remplir des obligations militaires «, l'article 5 de la loi n° 1.235 dans sa rédaction de décembre 2004 vise l'ensemble des dispositions de l'article 3 et, par conséquent, les deux paragraphes 3e et 4e ;

Attendu sur les demandes indemnitaires que le Ministre d'État relève d'abord que M. BO. a sollicité une somme de 15.000 € au titre des » frais exposés pour défendre ses droits « quand bien même s'agirait-il de frais se rapportant à une procédure pour » résistance abusive " ;

Que sur la demande indemnitaire principale le Ministre d'État répète que le requérant n'établit pas le montant du loyer dont il aurait pu bénéficier dans le secteur protégé ;

Que dès lors, M. BO. n'établit pas le caractère certain des préjudices dont il sollicite l'indemnisation ;

Qu'il y a donc lieu de rejeter l'ensemble de ses demandes.

SUR CE,

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'article 90-B de la Constitution ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, relative à l'organisation et au fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu le Code civil et notamment son article 2 ;

Vu la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 modifiée, relative aux conditions de location de certains locaux à usage d'habitation ;

Vu l'arrêté ministériel n° 2000-609 du 29 décembre 2000 portant application de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 ;

Vu l'Ordonnance du 20 août 2015 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné M. José SAVOYE, Membre Titulaire, comme rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture de la procédure en date du 2 décembre 2015 ;

Vu l'Ordonnance du 17 décembre 2015 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 5 février 2016 ;

Ouï M. José SAVOYE, Membre Titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï le Procureur Général en ses conclusions ;

Ouï Maître j.-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour de Monaco, en ses observations ;

Ouï Maître Jacques MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France pour le Ministre d'État, en ses observations.

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :

Sur les conclusions d'annulation

Considérant que M. j. c. BO. s'est vu reconnaître la qualité de personne protégée au sens de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 relative aux conditions de location de certains locaux à usage d'habitation, par décision du Directeur de l'Habitat en date du 1er février 2001 et a été inscrit à ce titre dans le registre prévu à cet effet ;

Considérant que l'exercice du droit de reprise dans les conditions de la loi par le nouveau propriétaire du logement qu'il occupait en secteur protégé n'avait ni pour objet, ni pour effet de lui faire perdre cette qualité ; qu'ainsi les décisions attaquées qui lui refusent cette qualité manquent de base légale et doivent être annulées ;

Sur les demandes indemnitaires

Considérant que M. j. c. BO. réclame la condamnation de l'État à la somme globale de 61.500 € dont 15.000 € au titre des frais exposés pour défendre ses droits à raison de la résistance abusive de l'État, et 46.500 € à raison du surcoût de loyer payé au vu de l'impossibilité de se loger en secteur protégé du fait des décisions annulées ;

Considérant en premier lieu qu'aucun texte ne permet au Tribunal Suprême d'allouer au requérant une indemnité à raison des frais exposés pour la défense de ses droits ;

Considérant en second lieu qu'il n'est pas démontré que le maintien de la qualité de personne protégée aurait nécessairement permis au requérant d'obtenir à bref délai la location d'un appartement en secteur protégé ; qu'il est en revanche certain que le refus infondé du maintien de cette qualité lui a interdit de postuler à la location d'un appartement en secteur protégé dont le loyer aurait été d'un moindre coût qu'en secteur libre ;

Considérant que si le préjudice éventuel n'est pas indemnisable, il n'en est pas de même de la certitude de la perte d'une chance ; que dès lors il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. j. c. BO. à raison de la perte de chance née du refus de reconnaissance du maintien de sa qualité de personne protégée par l'octroi d'une indemnité d'un montant de 15.000 €.

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du Directeur de l'Habitat en date du 19 mai 2015 rejetant le recours hiérarchique de M. j. c. BO. et confirmant la décision verbale lui déniant le caractère de personne protégée au sens de la loi n°1.235 du 28 décembre 2000 est annulée.

Article 2 : L'État de Monaco versera une indemnité de 15.000€ à M. j. c. BO.

Article 3 : Les dépens sont mis à la charge de l'État de Monaco.

Article 4 : Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

Composition

Ainsi jugé et délibéré par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de M. Didier LINOTTE, président, chevalier de l'ordre de Saint c.,, M. j.-Michel LEMOYNE DE FORGES, vice-président, officier de l'ordre de Saint c., M. José SAVOYE, membre titulaire, chevalier de l'ordre de Saint c., rapporteur, Mme Magali INGALL-MONTAGNIER, chevalier de l'ordre de Saint c., et M. Guillaume DRAGO, membres suppléants.

et prononcé le dix-neuf février deux mille seize en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du procureur général, par Monsieur Didier LINOTTE, assisté de Madame Béatrice BARDY, greffier en chef, chevalier de l'ordre de Saint c..

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2015-11
Date de la décision : 19/02/2016

Analyses

Immobilier - Général  - Immeuble à usage d'habitation  - Droit des obligations - Responsabilité civile délictuelle et quasi-délictuelle.

CompétenceContentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel.


Parties
Demandeurs : j.
Défendeurs : BO.

Références :

Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
article 2 du Code civil
loi du 21 décembre 2004
article 90-B de la Constitution
article 15 de l'Ordonnance n° 2984 du 16 avril 1963
Ordonnance du 20 août 2015
loi n° 1.377 du 18 mai 2011
Code civil
Loi n° 1.235 du 28 décembre 2000
arrêté ministériel n° 2000-609 du 29 décembre 2000
loi n° 1.291 du 21 décembre 2004
Ordonnance du 17 décembre 2015
loi n° 1235 du 28 décembre 2000


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2016-02-19;ts.2015.11 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award