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19/02/2016 | MONACO | N°TS/2015-07

Monaco | Tribunal Suprême, 19 février 2016, Syndicat Non Jeux Unifié de la SBM (SNJU) et Union des Syndicats de Monaco (USM) c/ Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers à Monaco (SBM) et État de Monaco, TS/2015-07


Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2015-07

Affaire :

Syndicat Non Jeux Unifié de la SBM (SNJU),

Union des Syndicats de Monaco (USM)

Contre

Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers à Monaco (SBM)

État de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 4 FÉVRIER 2016

Lecture du 19 février 2016

Requête en tierce opposition tendant à la rétractation de la décision TS 2014-10 du Tribunal Suprême du 19 décembre 2014.

En la cause de :

1°) Le Syndicat Non Jeux Unifié de la SBM (SNJU), d

ont le siège social est sis 28, boulevard Rainier III à Monaco, représenté par son Secrétaire Général en exercice, domicilié ès-qualité audit siège ;

2°) ...

Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2015-07

Affaire :

Syndicat Non Jeux Unifié de la SBM (SNJU),

Union des Syndicats de Monaco (USM)

Contre

Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers à Monaco (SBM)

État de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 4 FÉVRIER 2016

Lecture du 19 février 2016

Requête en tierce opposition tendant à la rétractation de la décision TS 2014-10 du Tribunal Suprême du 19 décembre 2014.

En la cause de :

1°) Le Syndicat Non Jeux Unifié de la SBM (SNJU), dont le siège social est sis 28, boulevard Rainier III à Monaco, représenté par son Secrétaire Général en exercice, domicilié ès-qualité audit siège ;

2°) L'Union des Syndicats de Monaco (USM), dont le siège social est sis 28, boulevard Rainier III à Monaco, représenté par son Secrétaire Général en exercice, domicilié ès-qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

Contre :

1°) La Société Anonyme Monégasque dénommée SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS Á MONACO, dont le siège social est sis « Sporting d'Hiver », place du Casino à Monaco, représenté par son Président Délégué en exercice, domicilié ès-qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

2°) L'État de Monaco, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur à la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par la S. C. P. PIWNICA-MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière,

Vu la requête en tierce opposition présentée par le Syndicat Non Jeux Unifié de la SBM (SNJU) et l'Union des Syndicats de Monaco (USM), enregistrée au Greffe Général le 6 mars 2015, tendant à la rétractation de la décision TS 2014-10 du Tribunal Suprême du 19 décembre 2014 rendue dans l'affaire Société des Bains de Mer et du Cercle des étrangers à Monaco (SBM) contre l'État de Monaco ; au rejet du recours en annulation de la S.B.M à l'encontre de l'Arrêté ministériel n° 2013-449 du 6 septembre 2014 approuvant la modification des statuts du syndicat dénommé « Syndicat des Agents de Maîtrise de la SBM », ainsi qu'à la condamnation de tout contestant aux entiers dépens.

CE FAIRE :

Attendu que par requête, enregistrée au Greffe Général le 6 mars 2015, les Syndicats SNJU et l'USM exposent qu'en décembre 2012 le Syndicat des agents de maîtrise de la SBM, affilié à l'USM, a adopté de nouveaux statuts pour permettre un rassemblement plus large des personnels de la SBM, dépassant les différences catégorielles, et devenir le SNJU de la SBM ; que l'article 1er de ses nouveaux statuts prévoit qu'il « a vocation à regrouper l'ensemble des personnels de la Société, hors Secteur Hôtelier : qu'ils soient ouvriers, employés administratifs, techniciens, agents de maîtrise ou cadres ; à l'exception des personnels des Jeux de Table (croupiers), cadres jeux et cadres supérieurs ; sans distinction de nationalité ou de sexe » ; que ces nouveaux statuts ont été approuvés par l'arrêté ministériel n° 2013-449 du 6 septembre 2013, lequel a été annulé en décembre 2014 par le Tribunal Suprême, sur recours de la SBM, pour méconnaissance de l'article 2 de l'Ordonnance-loi n° 399 du 6 octobre 1944 modifiée autorisant les syndicats professionnels ;

Attendu que, le SNUJ de la SBM et l'USM font valoir que leur recours est recevable car ils ont intérêt et qualité à agir en tierce opposition contre cette décision, car, d'une part, ils n'ont pas été appelés à intervenir pour faire valoir leurs observations et que, d'autre part, leurs droits ont été méconnus par cette décision qui impacte le SNJU et porte préjudice aux intérêts que l'USM, auquel le SNJU de la SBM est affilié, a pour objet de défendre (TS 29 février 2000 USM et syndicat des agents de l'hôpital / État) ;

Attendu que, les syndicats font ensuite valoir, sur le fond, être en désaccord avec la décision contestée qui a considéré qu'il ressortait de l'instruction que plusieurs des métiers ou professions concernées par le regroupement prévu au nouvel article 1er des statuts du syndicat participent à des activités manifestement différentes au sein de l'entreprise ; que la notion monégasque de syndicat est inspirée de la pratique française d'un syndicalisme d'industrie et non de métier, qu'en conséquence la condition de connexité requise par l'article 2 de l'Ordonnance-loi du 6 octobre 1944 qui dispose que « Les syndicats constitués ne pourront grouper que des personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des professions connexes » doit être appréciée au regard des produits ou des services fournis par l'entreprise ; qu'il importe donc peu que les activités regroupées par un syndicat soient différentes, voire sensiblement différentes, si elles concourent à apporter le même type de service ; qu'ainsi, dès lors que les professions que le SNJU a vocation à regrouper participent à la même activité finale de la SBM, à savoir permettre au casino de fonctionner (hors-jeux et hors secteur hôtelier), celles-ci elles auraient dues être considérées comme connexes au sens de l'article 2 précité ;

Que les syndicats soutiennent enfin qu'en soumettant à approbation les statuts des syndicats, l'article 2 de l'ordonnance n° 2.942 du 4 décembre 1944 est inconstitutionnel et inconventionnel comme contraire aux articles 28 de la Constitution et 11 de la Convention européenne des droits de l'homme sur la liberté syndicale ; que par voie de conséquence l'arrêté annulé était illégal, qu'il était donc superfétatoire les statuts du syndicat n'ayant pas à être approuvés et donc inutile et que de ce fait le recours de la SBM était sans objet.

Vu la contre requête, enregistrée au Greffe Général le 27 avril 2015, par laquelle la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers à Monaco (SBM) conclut, tout d'abord, à l'irrecevabilité de la requête en tierce opposition de l'Union des Syndicats de Monaco (USM), cette voie de recours étant ouverte aux seules personnes dont les droits ont été méconnus et non à celles qui justifient seulement d'un intérêt à agir, alors de plus que la décision annulée était une décision individuelle, non créatrice de droits à son égard ;

Attendu que la SBM conclut ensuite au rejet du recours en tierce opposition formé par le SNJU ; qu'en effet si la connexité exigée pour les professions peut s'entendre comme regroupant celles qui participent à la même activité, à la fabrication d'un même produit ou à la fourniture de services déterminés ce n'est que pour autant qu'un lien suffisant existe entre elles quant à l'objectif professionnel qu'elles sont chargées d'atteindre, en l'occurrence l'appartenance à la même branche d'activité ; qu'en l'espèce, tel n'est pas le cas des salariés qui concourent aux activités de spectacle ou aux activités immobilière de la SBM, car ils ne participent pas à une même activité d'accès et de fonctionnement du Casino ; que c'est donc par une motivation exempte de critiques qu'il a été jugé que plusieurs métiers ou professions ayant vocation à adhérer au SNJU ne participaient pas à une même activité ;

Que la SBM soutient, en outre, que la demande des syndicats requérants tendant à voir déclarer sans objet son recours en annulation de l'arrêté ministériel approuvant la modification des statuts du syndicat est doublement irrecevable, d'une part, pour ne pas compter parmi les demandes pouvant être valablement formées au titre de l'article 90 B de la Constitution et, d'autre part, pour défaut d'intérêt à agir des syndicats requérants, la sanction finale d'un tel moyen étant l'annulation de l'arrêté ministériel prononcée par la décision déférée ; que la SBM fait valoir, qu'à le supposer même recevable, le moyen n'est pas fondé, la loi pouvant, sans violation de la Constitution ou de la Convention, aménager et organiser l'exercice d'un droit fondamental pour en éviter tout abus et que, en l'espèce, ni l'article 28 de la Constitution ni l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme ne sont méconnus par l'approbation prévue qui ne permet qu'une vérification du respect des conditions légales.

Vu la contre requête, enregistrée au Greffe Général le 7 mai 2015, par laquelle le Ministre d'État s'en remet à la sagesse du Tribunal.

Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 28 mai 2015, par laquelle le SNJU de la SBM et l'USM reprennent les mêmes moyens que dans leur requête et y ajoutant soutiennent que la tierce opposition de l'USM est bien recevable, car intérêts à agir et droits méconnus se confondent, les droits méconnus étant les droits à faire valoir non reconnus par le juge, soit en l'espèce la faculté d'ouverture d'un syndicat affilié et la liberté constitutionnelle de s'organiser librement en syndicats ;

Attendu que les syndicats soutiennent ensuite sur le fond, que, hormis par un listing qu'elle s'est constituée à elle-même et qui devra être écarté des débats, la SBM n'établit pas qu'au sein de l'entreprise 293 professions ou métiers différents seraient susceptibles d'adhérer au SNJU ; que la connexité des professions exigée par les textes n'est pas la seule appartenance à une même branche d'activité mais le concours apporté à l'activité principale de l'entreprise, en l'espèce l'activité de casino laquelle comprend aussi des spectacles ; que la convention collective française des casinos est en ce sens qui s'applique aux salariés « composant le personnel des casinos autorisés et des autres activités expressément visées par le cahier des charges dès lors que l'activité du casino correspond à la principale activité de la société » ; qu'à suivre l'interprétation restrictive de la SBM il n'y aurait plus de syndicats de l'hôtellerie, des agents hospitaliers ou du commerce ;

Que les syndicats font valoir enfin que leur demande tendant à voir déclarer sans objet le recours initial formé par la SBM est bien recevable car l'article 90 B 1°) de la Constitution ne fixe que les grandes lignes des recours sans entrer dans le détail des demandes devant le Tribunal Suprême, lequel a admis, de manière prétorienne, la possibilité d'examiner par voie d'exception, dans le cadre d'un recours administratif, la constitutionnalité d'un texte intermédiaire (TS 20 juin 1979 et 14 juin 1983) ; qu'ils ont intérêt, dans le cadre d'un recours en tierce opposition, prévu par l'article 38 de l'Ordonnance du 16 avril 1963 et non en annulation d'une décision administrative, à voir modifier la décision contestée sur un fondement juridique différent pour voir reconnaître l'inconstitutionnalité et l'inconventionnalité d'un texte qui restreint la liberté syndicale, qui n'est qu'une forme de la liberté d'association pour laquelle la législation monégasque est passée de l'autorisation préalable à la déclaration préalable (loi n°1.355 du 25 décembre 2008) afin de se conformer aux règles européennes.

Vu la duplique, enregistrée au Greffe Général le 26 juin 2015, par laquelle la SBM maintient l'irrecevabilité du recours de l'USM dès lors qu'il ressort du Précis du recueil des décisions du Tribunal Suprême que, comme en droit administratif français, la tierce opposition n'est ouverte qu'aux personnes dont les droits ont été méconnus et non pas à celles qui justifient seulement d'un intérêt à agir, lequel ne confère pas au-delà de la faculté d'action l'existence d'un droit qu'une décision de justice pourrait méconnaître ; que, de plus, la décision administrative relative à un syndicat, doté d'une personnalité juridique distincte de l'intérêt collectif de ses membres, a un caractère individuel et n'est créatrice de droit qu'à son endroit, que l'USM ne peut donc se prévaloir à raison de l'adhésion du SNJU d'un droit méconnu ;

Attendu que la SBM soutient, sur le bien-fondé de la décision TS 2014/10, que pour répondre à la condition de connexité les professions doivent appartenir à une même branche d'activité, laquelle est définie par l'INSEE français comme regroupant « des unités de production homogènes, c'est-à-dire qui fabriquent des produits (ou rendent des services) qui appartiennent au même item de la nomenclature d'activité économique considérée » ; que la jurisprudence française a sanctionné au visa de l'article L 411-2 du Code du travail, similaire au texte monégasque, un syndicat qui avait vocation à regrouper « tout salarié, quel que soit le type de son travail ou sa branche d'activité » ; que la nomenclature fait apparaître que activités sportives et de spectacles ne relèvent pas du même « secteur » d'activité ; que les dispositions invoquées par les requérants de la convention collective française du 29 mars 2002 des casinos sont relatives non à la création de syndicats mais au champ d'application de cette convention, laquelle résulte d'une négociation libre entre partenaires sociaux et n'est pas applicable à Monaco où la SBM a sa propre convention collective ; que les activités de la SBM ne sont pas toutes liées aux jeux de hasard, ni ne concourent systématiquement à celle-ci ; qu'elle a développé des activités de spectacles et des activités immobilières, sans liens entre elles ni avec l'activité de casino, que les salariés ayant vocation à adhérer au SNJU de par ses nouveaux statuts ne concourent pas à la production du même produit ou du même type de services ; que le listing communiqué, issu de la documentation tenue au titre du personnel embauché, est un extrait informatique des professions et métiers exercés en son sein ; qu'à toutes fins une nouvelle liste mise à jour et certifiée par le commissaire aux comptes de la SBM a été établie, qu'il en ressort qu'en l'état de la création de nouveaux postes c'est désormais 345 professions différentes qui pourraient prétendre adhérer au SNJU alors qu'elles n'ont aucun lien de connexité ;

Qu'enfin la SBM maintient l'irrecevabilité de la demande tendant à voir déclarer son recours ayant donné lieu à la décision déférée sans objet car, en premier lieu, la tierce opposition, voie de recours destinée à solliciter la rétractation d'une décision d'annulation, ne peut contenir de nouvelles demandes qui n'auraient pu être proposées dans le recours lui-même, que l'article 38 de l'Ordonnance du 16 avril 1963 dispose d'ailleurs que la tierce opposition « est formée et jugée dans les mêmes conditions que le recours lui-même » ; qu'en second lieu, et sans remettre en cause la possibilité de former une exception d'inconstitutionnalité, elle ne peut que souligner que l'objectif poursuivi par le moyen tiré de cette exception qui n'aurait pour effet que de confirmer l'annulation prononcée par la décision déférée, le rend sans objet et donc irrecevable ; qu'en troisième lieu, l'inconventionnalité ne peut être soulevée dans le cadre d'une exception d'inconstitutionnalité, alors de plus que l'article 2 de l'Ordonnance n° 2.942 contestée n'est pas inconstitutionnel en l'absence d'atteinte à la liberté syndicale, toute personne étant libre de se constituer en syndicat en Principauté, sans que l'administration puisse s'y opposer de manière discrétionnaire, dès lors que les conditions légales sont respectées.

Vu le procès-verbal de clôture de la procédure du 10 juillet 2015.

SUR CE :

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'article 90-B de la Constitution ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur le Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance-loi n° 399 du 6 octobre 1944 modifiée, autorisant la création de syndicats professionnels ;

Vu l'Ordonnance n° 2.942 du 4 décembre 1944 modifiée, portant règlement de la formation et du fonctionnement des syndicats ;

Vu la Loi n° 416 du 7 juin 1945 modifiée, sur les conventions collectives de travail ;

Vu l'Ordonnance du 9 mars 2015 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a nommé Madame Magali INGALL-MONTAGNIER, Membre suppléant, en qualité de rapporteur ;

Vu l'Ordonnance du 17 décembre 2015 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 4 février 2016 ;

À l'audience du 4 février 2016 sur le rapport de Madame Magali INGALL-MONTAGNIER, Membre suppléant du Tribunal Suprême ;

Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions ;

Ouï Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel, pour le SNJU et l'USM, en ses observations ;

Ouï Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel, pour la SBM, en ses observations ;

Ouï Maître Jacques MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État.

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ ;

Sur la recevabilité de la tierce opposition

Considérant qu'aux termes de l'article 38 de l'Ordonnance n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême, « La tierce opposition ne peut être reçue que si elle émane d'une personne dont les droits ont été méconnus. Celle qui a été appelée à intervenir en application de l'article 18 est toutefois irrecevable à former tierce-opposition, alors même qu'elle n'aurait pas produit d'observations » ;

Considérant que le Syndicat Non Jeux Unifié de la SBM (SNJU) et l'Union des Syndicats de Monaco (USM) forment tierce opposition à la décision du 19 décembre 2014, par laquelle le Tribunal Suprême a annulé, à la demande de la Société des bains de Mer et du Cercle des étrangers à Monaco (SBM), l'Arrêté ministériel n° 2013-449 du 6 septembre 2013 approuvant la modification de l'article 1er des statuts du « Syndicat des Agents de Maîtrise de la SBM » devenu Syndicat Non Jeux Unifié de la SBM (SNJU) ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la SBM à la requête en tant qu'elle émane de l'Union des Syndicats de Monaco (USM)

Considérant que, si l'Union des syndicats de Monaco invoque, comme fédération de syndicats, un intérêt à agir pour la défense tant d'un syndicat affilié que de la liberté constitutionnelle et conventionnelle de s'organiser librement en syndicat, elle ne justifie pas d'un droit méconnu par la décision contestée ; qu'elle n'est donc pas recevable à former tierce opposition ;

Sur la recevabilité de la tierce opposition du Syndicat Non Jeux Unifié de la SBM (SNJU)

Considérant que le SNJU est recevable à former tierce opposition à l'encontre d'une décision juridictionnelle annulant, à l'issue d'une procédure à laquelle il n'a été ni partie, ni appelé à intervenir, l'approbation ministérielle dont il était bénéficiaire ; qu'il y a lieu, par suite, de statuer à nouveau sur la requête de la Société des bains de Mer ;

Sur la légalité de l'Arrêté ministériel n°2013-449 du 6 septembre 2013

Considérant que le SNJU, bénéficiaire de cet arrêté ministériel d'approbation de ses statuts, présente des conclusions et moyens tendant au rejet du recours en annulation de cet arrêté formé par la SBM ;

Sur le moyen en défense tiré du respect par l'arrêté ministériel de l'article 2 de l'Ordonnance-loi n° 399 du 6 octobre 1944 modifiée

Considérant que l'article 2 de l'Ordonnance-loi n° 399 du 6 octobre 1944 modifiée dispose que « Les syndicats constitués ne pourront grouper que des personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des professions connexes » ;

Considérant que la connexité des professions exigée par ce texte n'est pas le concours apporté à l'activité principale de l'entreprise mais l'appartenance à une même branche d'activité ; qu'ainsi, au sein d'une même entreprise, ne peuvent être regardés comme identiques, similaires ou connexes que des professions ou des métiers qui participent à la même activité ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de ses statuts approuvés par l'arrêté ministériel litigieux, le SNJU « a vocation à regrouper l'ensemble des personnels de la Société, hors Secteur Hôtelier : qu'ils soient ouvriers, employés administratifs, techniciens, agents de maîtrise ou cadres ; à l'exception des personnels des Jeux de Table (croupiers), cadres jeux et cadres supérieurs (€) » ; qu'il ressort des pièces du dossier que plusieurs des métiers ou professions concernés par le regroupement prévu par cet article 1er participent à des activités manifestement différentes ; que c'est donc bien en méconnaissance de l'article 2 de l'Ordonnance-loi n° 399 susvisé que le Ministre d'État a approuvé les statuts dudit syndicat ; que, par suite, le moyen soulevé en défense par le SNJU tiré du respect de cet article 2 par l'arrêté ministériel doit être écarté ;

Sur le moyen tiré de l'exception d'inconstitutionnalité de l'Ordonnance n° 2.942 du 14 décembre 1944 modifiée portant règlement de la formation et du fonctionnement des syndicats

Considérant que le moyen soulevé par le SNJU et tiré de l'exception d'inconstitutionnalité de cette ordonnance sur le fondement de laquelle a été pris l'arrêté ministériel litigieux tend à l'annulation de cet arrêté et non au rejet du recours en annulation formé à son encontre par la SBM ; qu'il est, par suite, irrecevable.

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er : La tierce opposition formée par l'Union des syndicats monégasque est irrecevable.

Article 2 : La tierce opposition formée par le Syndicat Non Jeux Unifié de la SBM est admise.

Article 3 : La requête du Syndicat Non Jeux Unifié de la SBM est rejetée.

Article 4 : Les dépens sont mis à la charge du Syndicat Non Jeux Unifié de la SBM et de l'Union des Syndicats de Monaco.

Article 5 : Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

Composition

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de M. Didier LINOTTE, président, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, M. Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES, vice-président, officier de l'ordre de Saint-Charles, rapporteur, M. Didier RIBES, membre titulaire, Mme Magali INGALL-MONTAGNIER, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, rapporteur et M. Guillaume DRAGO, membres suppléants.

et prononcé le dix-neuf février deux mille seize en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du procureur général, par Monsieur Didier LINOTTE, assisté de Madame Béatrice BARDY, greffier en chef, chevalier de l'ordre de Saint-Charles.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2015-07
Date de la décision : 19/02/2016

Analyses

Social - Général  - Relations collectives du travail  - Procédures spécifiques.

CompétenceContentieux administratif - Recours en rétractation.


Parties
Demandeurs : Syndicat Non Jeux Unifié de la SBM (SNJU) et Union des Syndicats de Monaco (USM)
Défendeurs : Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers à Monaco (SBM) et État de Monaco

Références :

article 2 de l'Ordonnance-loi du 6 octobre 1944
Loi n° 416 du 7 juin 1945
article 90 B de la Constitution
article 90-B de la Constitution
article 2 de l'ordonnance n° 2.942 du 4 décembre 1944
Ordonnance du 9 mars 2015
Ordonnance du 17 décembre 2015
Arrêté Ministériel n° 2013-449 du 6 septembre 2013
article 2 de l'Ordonnance-loi n° 399 du 6 octobre 1944
Ordonnance n° 2.942 du 4 décembre 1944
Arrêté ministériel n° 2013-449 du 6 septembre 2014
Ordonnance-loi n° 399 du 6 octobre 1944
Ordonnance n° 2.984 du 16 avril 1963
article 38 de l'Ordonnance du 16 avril 1963
article 38 de l'Ordonnance n° 2.984 du 16 avril 1963
articles 28 de la Constitution
Ordonnance n° 2.942 du 14 décembre 1944
loi n°1.355 du 25 décembre 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2016-02-19;ts.2015.07 ?

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