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19/12/2014 | MONACO | N°TS/2014-10

Monaco | Tribunal Suprême, 19 décembre 2014, SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS Á MONACO (SBM) c/ État de Monaco, TS/2014-10


Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2014-10

Affaire :

SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS Á MONACO (SBM)

Contre

État de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 11 DÉCEMBRE 2014

Lecture du 19 décembre 2014

Requête en annulation de l'Arrêté ministériel n° 2013-449 du 6 septembre 2013 approuvant la modification des statuts du syndicat dénommé « Syndicat des Agents de Maîtrise de la SBM » et de la décision du 5 mars 2014 par laquelle le Ministre d'Etat a implicitement rejeté le recours gracieu

x formé le 5 novembre 2013 par la Société des Bains de Mer contre cet arrêté ministériel n°2013-449.

En la cause de :

- La Société Ano...

Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2014-10

Affaire :

SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS Á MONACO (SBM)

Contre

État de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 11 DÉCEMBRE 2014

Lecture du 19 décembre 2014

Requête en annulation de l'Arrêté ministériel n° 2013-449 du 6 septembre 2013 approuvant la modification des statuts du syndicat dénommé « Syndicat des Agents de Maîtrise de la SBM » et de la décision du 5 mars 2014 par laquelle le Ministre d'Etat a implicitement rejeté le recours gracieux formé le 5 novembre 2013 par la Société des Bains de Mer contre cet arrêté ministériel n°2013-449.

En la cause de :

- La Société Anonyme Monégasque dénommée SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS Á MONACO, dont le siège social est sis « Sporting d'Hiver », place du Casino à Monaco, représenté par son Président Délégué en exercice, domicilié ès-qualité audit siège;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

Contre :

- L'ÉTAT DE MONACO, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur à la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par la S. C. P. PIWNICA-MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière,

Vu la requête présentée par la SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS Á MONACO (SBM), enregistrée au Greffe Général le 5 mai 2014, tendant à l'annulation, d'une part de l'Arrêté ministériel n° 2013-449 du 6 septembre 2013 par lequel le Ministre d'État a autorisé la modification des statuts du Syndicat des Agents de Maîtrise de la Société des Bains de Mer, désormais dénommé « Syndicat Non Jeux Unifié de la Société des Bains de Mer », d'autre part de la décision du 5 mars 2014 par laquelle le Ministre d'État a implicitement rejeté le recours gracieux formé le 5 novembre 2013 par la Société des Bains de Mer contre ledit arrêté ministériel n° 2013-449 du 6 septembre 2013.

CE FAIRE,

Vu la requête, enregistrée au Greffe Général le 5 mai 2014, par laquelle la SBM expose que les syndicats de son personnel, en tant qu'interlocuteurs de la SBM pour la défense des intérêts des professions qu'ils représentent, jouent un rôle déterminant dans une période économique difficile ; que la modification des statuts du Syndicat des agents de maîtrise, telle qu'elle a été autorisée par l'arrêté attaqué, permettra à ce syndicat de représenter près de 300 métiers différents au sein de la SBM, de sorte qu'il devient un syndicat généraliste ou une sorte de fédération de syndicats ; que, en effet, les nouveaux statuts prévoient que le syndicat a vocation à regrouper l'ensemble des personnels de la SBM, hors secteur hôtelier, qu'ils soient ouvriers, employés administratifs, techniciens, agents de maîtrise ou cadre, à la seule exception des personnels de jeux de table (croupiers), cadres de jeux et cadres supérieurs ; que, pourtant, ces différents métiers ne partageront pas forcément les mêmes intérêts ; que certaines de ces professions sont déjà représentées par d'autres syndicats susceptibles de prendre des positions différentes de celles de ce nouveau syndicat ; qu'une telle situation est source de difficultés et de blocages dans les négociations à intervenir ; que l'intérêt de la SBM à contester l'arrêté ministériel du 6 septembre 2013 est donc certain ;

Attendu que, selon la requête, l'autorisation de modification des statuts du Syndicat des agents de maîtrise viole de l'article 2 de l'Ordonnance-Loi n° 399 du 6 octobre 1944 autorisant la création de syndicats professionnels, qui dispose : « Les syndicats constitués ne pourront grouper que des personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des professions connexes » ; qu'en effet ce texte prohibe les syndicats généralistes alors que tel est l'effet de la modification contestée puisque les salariés susceptibles d'adhérer à ce syndicat occupent des postes représentant 293 professions, qu'aucun lien de connexité systématique ne peut être établi entre ces professions, lesquelles ne s'exercent pas toutes dans la même unité de travail ni même ne concourent à la même activité ; que l'arrêté attaqué est donc soit directement contraire à cet article 2, soit entaché d'erreur de droit par fausse interprétation de ce même article 2 ;

Vu la contre requête, enregistrée au Greffe Général le 7 juillet 2014, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête aux motifs qu'aux termes de l'article 2 de l'Ordonnance-loi n° 399 du 6 octobre 1944 autorisant la création de syndicats professionnels, « les syndicats constitués ne pourront grouper que des personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des professions connexes » ; que ce texte, rédigé presque dans les mêmes termes que l'article L. 2131-2 du Code du travail français, ne prohibe donc nullement les syndicats « généralistes » ; que, si la jurisprudence française d'application de cette disposition considère que ne satisfait pas à la condition de connexité l'organisation professionnelle ouverte à tout salarié, quel que soit son type de travail ou sa branche d'activité, tous les salariés d'un même employeur peuvent adhérer au même syndicat quel que soit leur métier ; qu'en effet les différents métiers exercés pour le même employeur participent à la même activité globale de l'entreprise, à la seule exception du cas où celle-ci exerce des activités distinctes bien différenciées ; qu'en l'espèce, tous les métiers visés, « hors secteur hôtelier et jeux » concourent à la même activité de la SBM dédiée aux loisirs (sports, spectacles, restauration) ;

Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 29 juillet 2014, par laquelle la SBM soutient que la jurisprudence française citée par le Ministre d'État interdit bien les syndicats « généralistes » ; qu'en l'espèce, l'exclusion statutaire prévue, à savoir « hors secteur hôtelier » et hors « personnel des jeux de table (croupiers), cadre de jeux et cadres supérieurs », confirme ce qui est expressément prévu par les statuts du syndicat, à savoir la possibilité de regrouper « les ouvriers, employés, techniciens, agents de maîtrise ou cadres de la SBM », sans considération de la branche d'activité à laquelle ils appartiennent ou des métiers ou professions qu'ils exercent ; que le Ministre d'État convient qu'il ne s'agit donc ni de « la même profession » ni de « métiers similaires » puisqu'il circonscrit le débat à la notion de « métiers connexes » ; que l'article L. 2131-2 du Code du travail français précisent que ne sont connexes que les métiers qui concourent « à l'établissement de produits déterminés » ; que, s'agissant du personnel de la même entreprise, il ne peut donc s'agir que de salariés qui participent à la même unité de travail en vue de produire un même produit ou un même service, donc appartenant à la même branche d'activité ; que la « branche d'activité » est définie par l'INSEE français comme regroupant « des unités de production homogènes, c'est-à-dire qui fabriquent des produits (ou rendent des services) qui appartiennent au même item de la nomenclature d'activité économique considérée » ; que cette nomenclature fait apparaître que les activités sportives et les activités de spectacle ne relèvent pas de la même branche d'activité, ou encore que l'activité de restauration ne relève même pas du même « secteur » d'activité ; que, par exemple, il n'y a pas de connexité entre un caissier affecté aux jeux (non compris dans l'exclusion « jeux de table » et les nombreuses professions participant à l'activité de spectacle ou les emplois exercé pour l'activité de night club (physionomiste, vestiaire…) ; qu'ainsi, en autorisant l'adhésion des « ouvriers, employés administratifs, techniciens, agents de maîtrise ou cadres » sans distinction de branche d'activité, de profession ou de métier, donc en autorisant le regroupement de métiers dont certains n'ont aucune connexion entre eux, l'arrêté ministériel attaqué est bien illégal ;

Vu la duplique enregistrée au Greffe Général le 28 août 2014, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que dans sa contre requête, ajoutant d'une part que la SBM n'établit pas que la nomenclature de l'INSEE qu'elle invoque, qui ne correspond qu'à une classification administrative, traduirait l'existence d'une distinction de principe susceptible de trouver application à Monaco, et d'autre part que les deux activités de la SBM qui correspondent à des branches d'activités spécifiques, les jeux et l'hôtellerie, ne peuvent pas être représentées au sein du SNJU, de sorte que celui-ci ne pourra bien regrouper que les seuls métiers de l'activité de loisirs qui présentent entre eux un lien de connexité ;

SUR CE :

Vu les décisions attaquées ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'article 90-B de la Constitution ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n°2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur le Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance-loi n° 399 du 6 octobre 1944 modifiée, autorisant la création de syndicats professionnels ;

Vu l'Ordonnance n° 2.942 du 4 décembre 1944 modifiée, portant règlement de la formation et du fonctionnement des syndicats ;

Vu la Loi n° 416 du 7 juin 1945 modifiée, sur les conventions collectives de travail ;

Vu l'Ordonnance du 6 mai 2014 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a nommé M. Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES, Vice-président, en qualité de rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture de la procédure du 11 septembre 2014 ;

Vu l'Ordonnance du 12 novembre 2014 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 11 décembre 2014;

À l'audience du 11 décembre 2014 sur le rapport de M. Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES, Vice-président du Tribunal Suprême ;

Ouï Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel, pour la SBM;

Ouï Maître Jacques MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;

Ouï le Ministère Public en ses conclusions ;

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ ;

Considérant que l'article 2 de l'Ordonnance-loi n° 399 du 6 octobre 1944 modifiée dispose: « Les syndicats constitués ne pourront grouper que des personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des professions connexes » ; que son article 11 permet aux syndicats régulièrement constitués de former librement entre eux des fédérations pour l'étude et la défense de leurs intérêts professionnels ; que l'article 1er de la loi n° 416 du 7 juin 1945 modifiée définit la convention collective de travail comme « un accord conclu entre, d'une part, soit un employeur, un ou plusieurs syndicats, fédérations de syndicats ou groupements d'employeurs légalement constitués et, d'autre part, soit un ou plusieurs syndicats de salariés, soit une fédération de syndicats de salariés, légalement constitués, en vue de fixer les conditions de travail et les engagements mutuels des parties pour une ou plusieurs entreprises ou industries, pour toute une profession ou pour un ensemble de professions » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si des syndicats groupant des personnes exerçant des professions ou métiers différents, sans lien de connexité entre eux, peuvent se fédérer librement pour former l'interlocuteur unique d'un ou plusieurs employeurs, chacun de ces syndicats ne peut réunir que des personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des professions connexes ;

Considérant que, au sein d'une même entreprise, ne peuvent être regardés comme identiques, similaires ou connexes que des professions ou des métiers qui participent à la même activité ;

Considérant que, aux termes de l'article 1er de ses statuts approuvés par l'arrêté ministériel n° 2013-449 du 6 septembre 2013, le « Syndicat Non Jeux Unifié de la Société des Bains de Mer » « a vocation à regrouper l'ensemble des personnels de la Société, hors Secteur Hôtelier : qu'ils soient ouvriers, employés administratifs, techniciens, agents de maîtrise ou cadres ; à l'exception des personnels des Jeux de Table (croupiers), cadres jeux et cadres supérieurs ; sans distinction de nationalité ou de sexe » ; qu'il ressort de l'instruction que plusieurs des métiers ou professions concernés par le regroupement prévu par cet article 1er participent à des activités manifestement différentes ; que c'est donc en méconnaissance de l'article 2 de l'Ordonnance-loi n° 399 susvisé que le Ministre d'État a approuvé les statuts dudit syndicat.

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté ministériel n° 2013-449 du 6 septembre 2013 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 5 novembre 2013 contre cet arrêté sont annulés.

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge de l'État.

Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise à S.E. M. le Ministre d'État.

Composition

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Didier LINOTTE, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, président, Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES, officier de l'ordre de Saint-Charles, vice-président, rapporteur, M. José SAVOYE, chevalier de l'Ordre de Saint Charles, membre titulaire et M. Frédéric ROUVILLOIS, membre suppléant,

et prononcé le dix-neuf décembre deux mille quatorze en présence de M. Michael BONNET, Premier substitut du Procureur général par Monsieur Didier LINOTTE, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Président assisté de Madame Béatrice BARDY, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Greffier en chef.

Le Greffier en Chef, le Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2014-10
Date de la décision : 19/12/2014

Analyses

Contentieux (Social)  - Autorités de contrôle et de régulation  - Loi et actes administratifs unilatéraux  - Procédures collectives et opérations de restructuration.

CompétenceContentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif réglementaire.


Parties
Demandeurs : SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS Á MONACO (SBM)
Défendeurs : État de Monaco

Références :

Loi n° 416 du 7 juin 1945
Ordonnance du 6 mai 2014
arrêté ministériel du 6 septembre 2013
article 90-B de la Constitution
Ordonnance n° 2.942 du 4 décembre 1944
article 1er de la loi n° 416 du 7 juin 1945
Ordonnance Souveraine n°2.984 du 16 avril 1963
Ordonnance-loi n° 399 du 6 octobre 1944
Ordonnance du 12 novembre 2014
Arrêté ministériel n° 2013-449 du 6 septembre 2013
article 2 de l'Ordonnance-Loi n° 399 du 6 octobre 1944


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2014-12-19;ts.2014.10 ?

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