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19/12/2014 | MONACO | N°TS/2014-08

Monaco | Tribunal Suprême, 19 décembre 2014, Sieur p. PE. c/ État de Monaco, TS/2014-08


Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2014-08

Affaire :

M. p. PE.

Contre :

Etat de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 12 DÉCEMBRE 2014

Lecture du 19 décembre 2014

Requête de M. p. PE., tendant d'une part à l'annulation de la décision en date du 21 janvier 2014 du Directeur du Travail refusant de procéder au renouvellement de son permis de travail en qualité de maçon, et d'autre part à la condamnation de l'Etat de Monaco à la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts.

En la cause de :

M.

p. PE., né le 22 février 1971 à Nice (France), de nationalité française, exerçant la profession de maçon, domicilié et demeurant X à 06320 CAP...

Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2014-08

Affaire :

M. p. PE.

Contre :

Etat de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 12 DÉCEMBRE 2014

Lecture du 19 décembre 2014

Requête de M. p. PE., tendant d'une part à l'annulation de la décision en date du 21 janvier 2014 du Directeur du Travail refusant de procéder au renouvellement de son permis de travail en qualité de maçon, et d'autre part à la condamnation de l'Etat de Monaco à la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts.

En la cause de :

M. p. PE., né le 22 février 1971 à Nice (France), de nationalité française, exerçant la profession de maçon, domicilié et demeurant X à 06320 CAP D'AIL (France).

Elisant domicile, au bénéfice d'une décision du Bureau d'Assistance Judiciaire n° 97BAJ14 en date du 13 mars 2014, en l'étude de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

Contre :

S. E. M. le Ministre d'Etat de la Principauté de Monaco, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation de France.

LE TRIBUNAL SUPREME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière

Vu la requête, enregistrée au Greffe Général du Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco le 20 mars 2014 sous le numéro TS 2014-08, par laquelle M p. PE. réclame l'annulation d'une décision rendue par la Direction du Travail, Service de l'emploi, le 21 janvier 2014 ainsi que lui soit versée la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts.

CE FAIRE :

Attendu, selon la requête, que M. p. PE. était embauché par la S.A.M. MONACOLOR dont le siège est sis 21, Bd Rainier III à Monaco, le 18 juillet 2011, société à laquelle il a toujours donné satisfaction jusqu'à ce qu'il reçoive un courrier du Directeur du Travail daté du 21 janvier 2014 refusant de procéder au renouvellement de son permis de travail et l'informant en conséquence qu'il n'était plus autorisé à travailler en Principauté ;

Que ce refus était motivé par le fait que M. p. PE. avait fait l'objet d'une condamnation par le Tribunal Correctionnel de Nice au mois d'octobre 2012 à une peine de 18 mois d'emprisonnement pour « violences » à l'encontre de son ex-compagne, ainsi qu'à une condamnation par le Tribunal Correctionnel de Monaco le 22 juillet 2013 à 15 jours d'emprisonnement pour « conduite sous l'empire d'un état alcoolique » ;

Que la décision attaquée a pour effet de priver le requérant de son emploi pour des faits pour lesquels il a d'ores et déjà été sanctionné, M. p. PE. ayant exécuté lesdites condamnations ;

Qu'ainsi la décision querellée est illégale en ce qu'elle inflige à M. p. PE. une « double peine ».

Vu la contre-requête enregistrée au Greffe Général du Tribunal Suprême le 21 mai 2014, dans laquelle le Ministre d'État rappelle que, recruté par la S.A.M. MONACOLOR en qualité de maçon le 18 juillet 2011, M. p. PE. était condamné au mois d'octobre 2012 par le Tribunal Correctionnel de Nice à 18 mois d'emprisonnement pour violences à l'encontre de sa compagne avant d'être condamné par le Tribunal Correctionnel de Monaco le 22 juillet 2013 à 15 jours d'emprisonnement pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique ;

Attendu, selon la contre-requête, qu'au mois de janvier 2014, M. p. PE. sollicitait par l'intermédiaire de son employeur le renouvellement de son permis de travail, demande rejetée le 21 janvier 2014 par la Direction du Travail se fondant expressément sur les faits ayant entrainé ces deux condamnations ;

Que le requérant ne conteste pas les motifs de la décision du 21 janvier 2014 portant refus de permis de travail fondée sur des faits dont la matérialité constatée par le Juge pénal, traduit un comportement incompatible avec la poursuite d'une activité professionnelle sur le territoire monégasque ;

Qu'un tel refus ne s'analyse pas comme une sanction, mais comme une décision par laquelle l'autorité administrative tire les conséquences d'une situation de fait tenant au comportement répréhensible du demandeur à l'autorisation, lequel ne peut plus être regardé comme remplissant les conditions requises pour obtenir le permis de travail qu'il sollicite ;

Qu'il résulte d'une abondante jurisprudence, tant du Tribunal Suprême, que du juge administratif français, que ne présentent pas le caractère de sanctions pénales ou disciplinaires, et ne peuvent donc s'analyser comme constituant « une double peine » s'ajoutant aux condamnations pénales déjà prononcées, les mesures reposant sur les faits ayant justifié ces condamnations ;

Qu'en l'espèce le refus de permis de travail litigieux n'a pas la nature d'une sanction et ne constitue pas en conséquence une « double peine » qui serait « illégale » ; que le moyen unique d'annulation invoqué sera donc rejeté ;

Qu'aux termes de l'article 90 B II de la Constitution, le Tribunal Suprême ne peut prononcer des condamnations indemnitaires qu'en conséquence de l'annulation d'une décision de l'Administration ; que le rejet des conclusions en annulation de M. p. PE. entraînera le rejet de ses conclusions aux fins d'indemnisation.

SUR CE,

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'article 90 B de la Constitution ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 629 du 17 juillet 1957 tendant à réglementer les conditions d'embauchage et de licenciement en Principauté ;

Vu l'Ordonnance du 25 mars 2014 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a nommé M. José SAVOYE, Membre Titulaire, comme Rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture de la procédure du 17 juillet 2014.

Vu l'Ordonnance en date du 12 novembre 2014 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du 12 décembre 2014 ;

Ouï M. José SAVOYE, Membre titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour M. p. PE. ;

Ouï Maître François MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;

Ouï le Ministère Public en ses conclusions.

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ

Sur le moyen unique d'annulation

Considérant que le Directeur du Travail, par décision du 21 janvier 2014 a refusé de procéder au renouvellement du permis de travail de M. p. PE. ; que ce refus est motivé par des faits, tant de violences sanctionnés d'une peine de 18 mois d'emprisonnement prononcée par le Tribunal Correctionnel de Nice au mois d'octobre 2012, que de conduite sous l'empire d'un état alcoolique sanctionnée d'une peine de 15 jours d'emprisonnement par le Tribunal Correctionnel de Monaco le 22 juillet 2013 ;

Considérant que le refus d'autorisation administrative attaqué ne constitue ni une sanction pénale, ni une sanction disciplinaire, mais une mesure de police prise par le Directeur du Travail, se bornant à tirer les conséquences de faits révélant de la part du requérant un comportement incompatible avec la poursuite d'une activité professionnelle sur le territoire monégasque ; qu'ainsi le refus est justifié ; que la requête en annulation sera donc rejetée ;

Sur la demande d'indemnités

Considérant qu'il résulte de l'article 90 B 1er de la Constitution que le rejet des conclusions à fin d'annulation entraîne par voie de conséquence celui des conclusions à fin indemnitaire .

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge du trésor.

Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise à S.E. M. le Ministre d'État.

Composition

Ainsi jugé et délibéré par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de M. Didier LINOTTE, Chevalier de l'Ordre de Saint Charles, Président, M. Jean-Michel LEMOYNE de-FORGES, Officier de l'Ordre de Saint Charles, Vice-président, M. José SAVOYE Chevalier de l'Ordre de Saint Charles, Rapporteur, membre titulaire, M. Frédéric ROUVILLOIS et Mme Magali INGALL-MONTAGNIER, Chevalier de l'Ordre de Saint Charles, membres suppléants,

et prononcé le dix-neuf décembre deux mille quatorze en présence de M. Michael BONNET, Premier substitut du Procureur général par Monsieur Didier LINOTTE, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Président assisté de Madame Béatrice BARDY, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Greffier en chef.

Le Greffier en Chef, le Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2014-08
Date de la décision : 19/12/2014

Analyses

Droit des étrangers  - Mesures de sûreté et peines  - Rupture du contrat de travail  - Limitation légale d'activité professionnelle  - Loi et actes administratifs unilatéraux.

CompétenceContentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel.


Parties
Demandeurs : Sieur p. PE.
Défendeurs : État de Monaco

Références :

article 90 B 1er de la Constitution
article 90 B de la Constitution
Ordonnance du 25 mars 2014
loi n° 629 du 17 juillet 1957
Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2014-12-19;ts.2014.08 ?

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