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19/12/2014 | MONACO | N°TS/2014-07

Monaco | Tribunal Suprême, 19 décembre 2014, Dame e. AU. épouse DE GO. c/ État de Monaco, TS/2014-07


Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2014-07

Affaire :

Mme e. AU. épouse DE GO.

Contre

État de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 11 DÉCEMBRE 2014

Lecture du 19 décembre 2014

Requête en annulation de la décision prise le 16 juillet 2013 par le Directeur de la Prospective, de l'Urbanisme et de la Mobilité ayant autorisé la société SEA VIEW ESTATE CONSULTING à installer un ascenseur dans l'immeuble Villa Mariquita et de la décision du 16 janvier 2014 ayant implicitement rejeté le recours gracieux formé contre

cette autorisation par Madame e. AU. épouse DE GO..

En la cause de :

- Madame e. AU. épouse DE GO., domiciliée X, 1253 VANDŒUVR...

Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2014-07

Affaire :

Mme e. AU. épouse DE GO.

Contre

État de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 11 DÉCEMBRE 2014

Lecture du 19 décembre 2014

Requête en annulation de la décision prise le 16 juillet 2013 par le Directeur de la Prospective, de l'Urbanisme et de la Mobilité ayant autorisé la société SEA VIEW ESTATE CONSULTING à installer un ascenseur dans l'immeuble Villa Mariquita et de la décision du 16 janvier 2014 ayant implicitement rejeté le recours gracieux formé contre cette autorisation par Madame e. AU. épouse DE GO..

En la cause de :

- Madame e. AU. épouse DE GO., domiciliée X, 1253 VANDŒUVRES (SUISSE) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

Contre :

- L'ÉTAT DE MONACO, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur à la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par la S. C. P. PIWNICA-MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière,

Vu la requête présentée par Mme e. AU. épouse DE GO., enregistrée au Greffe Général le 14 mars 2014, tendant à l'annulation de la décision prise le 16 juillet 2013 par le Directeur de la Prospective, de l'Urbanisme et de la Mobilité ayant autorisé la société SEA VIEW ESTATE CONSULTING à installer un ascenseur dans l'immeuble Villa Mariquita et de la décision du 16 janvier 2014 ayant implicitement rejeté le recours gracieux formé contre cette autorisation par Madame e. AU. épouse DE GO.

CE FAIRE,

Attendu que, selon la requête, Mme AU. épouse DE GO. est copropriétaire de l'immeuble « Villa Mariquita », soit de l'entier premier étage, tandis que la société SEA VIEW ESTATE CONSULTING, représentée par M. FI. est également copropriétaire, soit de l'entier deuxième étage ; que, le 4 mai 2003, une convention a été conclue entre ces deux parties, aux termes de laquelle Mme DE GO. autorisait la surélévation d'un étage entier au profit du seul M. FI., sous certaines conditions ; qu'en particulier, parmi ces conditions, figurait une « autorisation irrévocable, valant décision en assemblée, à l'installation d'un ascenseur pour autant qu'il parte du rez-de-chaussée, qu'il soit compris dans l'espace libre au milieu des escaliers actuels et que la fenêtre actuelle subsiste, sous réserve d'un accord portant sur la question esthétique » ;

Que, par lettre du 14 juin 2013 et télécopie du 17 juin 2013, Mme DE GO. a refusé de donner son accord au projet d'installation d'un ascenseur daté du 18 avril 2013 qui lui avait été présenté pour le compte de la société SEA VIEW ESTATE CONSULTING ; qu'elle a cependant découvert en juillet 2013 que, malgré son opposition, une autorisation d'installer cet ascenseur avait été délivrée par le Directeur de la Prospective, de l'Urbanisme et de la Mobilité le 16 juillet 2013 ; que, autorisée à consulter la demande de permis de construire déposée à la Direction de la Prospective, de l'Urbanisme et de la Mobilité, Mme DE GO. a constaté le 10 septembre 2013 que les « autorisations des copropriétaires de la Villa » annoncées comme annexées au dossier n'y figuraient pas, de sorte qu'elle n'a pu les consulter ; qu'en outre, les plans sur le fondement desquels l'autorisation a été délivrée comportaient de nombreuses et importantes anomalies ;

Que, le 16 septembre 2013, Mme DE GO. a formé un recours gracieux contre cette autorisation ; qu'en l'absence de réponse à ce recours gracieux dans un délai de quatre mois, celui-ci est réputé avoir été implicitement rejeté le 16 janvier 2014 alors que ladite autorisation est manifestement entachée d'illégalité ;

Que l'article 2 de l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1966 exige que toute demande tendant à l'autorisation d'exécuter des travaux soit « signée par le propriétaire, son mandataire ou toute personne intéressée aux travaux agissant avec l'autorisation du propriétaire » ; que Mme AU. épouse DE GO. soutient que n'ayant pas donné son autorisation, les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure substantiel ; qu'elles sont entachées d'une erreur de fait à raison de l'absence de l'autorisation de Mme DE GO. ainsi qu'à raison de l'inexactitude des plans déposés à l'appui de la demande d'autorisation de construire ; que, si la société SEA VIEW ESTATE CONSULTING avait joint la convention précitée du 4 mai 2003 en la présentant comme l'autorisation prévue par l'article 2 de l'Ordonnance n° 3.647, les décisions attaquées devraient être annulées pour erreur de qualification juridique des faits puisque, les conditions prévues par cette convention n'étaient satisfaites ni sur le plan technique, ni sur le plan juridique ;

Vu la contre-requête du Ministre d'État, enregistrée au Greffe Général le 14 mai 2014, qui tend au rejet de la requête aux motifs :

Que si, en vertu de l'article 2 de l'Ordonnance n° 3.647, les travaux projetés sur une partie commune d'un immeuble en copropriété nécessitent l'assentiment de l'assemblée des copropriétaires, l'autorité administrative n'est pas tenue de se livrer à un examen approfondi des documents qui lui sont présentés, dont l'interprétation relève du droit privé, mais peut légalement s'en tenir à l'apparence, d'autant qu'elle n'était saisie d'aucune contestation ; qu'au cas d'espèce, la rédaction de la convention du 4 mai 2003 conclue entre Mme AU. épouse DE GO. et la société SEA VIEW ESTATE CONSULTING permettait à l'administration de considérer que l'accord de la requérante était acquis ; que les décisions attaquées ne sont donc entachées d'aucun vice de procédure ;

Que ces décisions ne sont pas davantage entachées d'erreur de droit dès lors qu'il est établi qu'elles ont été prises au vu d'un dossier comportant la convention précitée du 4 mai 2003, et donc de l'accord des copropriétaires ; qu'en outre, les erreurs qui affecteraient le descriptif des travaux produits à l'appui de la demande d'autorisation ne sont pas établies ; que du reste, le seraient-elles, qu'elles sont tout à fait minimes et ne sauraient donc affecter la légalité des décisions attaquées ;

Qu'elles ne sont pas davantage entachées d'une erreur de qualification juridique dès lors, d'une part, que les anomalies techniques dénoncées par la requérante ne sont pas établies et que, d'autre part, l'autorisation délivrée au titre de l'Ordonnance n° 3.647 n'a pas vocation à assurer le respect de règles purement privées dont la violation implique seulement des sanctions civiles ;

Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 13 juin 2014 par laquelle la requérante maintient ses conclusions par les mêmes moyens que dans sa requête, ajoutant :

Que, si l'autorisation contestée s'est appuyée sur la convention du 4 mai 2003, celle-ci était suffisamment claire pour ne pas prêter à interprétation ni conduire l'administration à s'immiscer dans des rapports de droit privé ; qu'en outre l'administration ne peut sérieusement s'appuyer sur la circonstance qu'elle n'avait été saisi d'aucune contestation dès lors que Mme DE GO. n'a appris l'existence de l'autorisation critiquée que postérieurement à sa délivrance, par un affichage, d'ailleurs incomplet, de cette autorisation sur l'immeuble ;

Que, si Mme DE GO. a pu consulter le dossier à la Direction de la Prospective, de l'Urbanisme et de la Mobilité, elle n'a pas été autorisée à en prendre copie ; qu'il appartient donc à l'État de produire ce dossier pour permettre au Tribunal d'exercer son contrôle ; qu'à défaut de cette production, le Tribunal Suprême devra, avant dire droit, inviter le Ministre d'État à produire l'intégralité du dossier sur le fondement duquel l'autorisation attaquée a été délivrée ; que Mme DE GO. produit seulement un croquis manuscrit des plans et descriptifs qu'elle a pu relever lors de la consultation du dossier ; que ce croquis suffit à établir le bien fondé des griefs reprochés, en particulier en ce qui concerne la non-conformité des travaux projetés aux conditions posées dans la convention du 4 mai 2003 ;

Vu la duplique du Ministre d'État, enregistrée au Greffe Général le 15 juillet 2014, concluant aux mêmes fins et par les mêmes moyens que la contre-requête, ajoutant seulement que, dès lors que l'autorisation critiquée se référait à la convention du 4 mai 2003, l'administration n'était pas tenue d'exiger une nouvelle autorisation des copropriétaires, ni au sujet des aspects techniques des travaux, ni à celui de la question esthétique, laquelle ne relève pas en l'espèce des règles d'urbanisme.

SUR CE :

Vu la décision du 16 juillet 2013 attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'article 90-B de la Constitution ;

Vu l'Ordonnance n°2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur le Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 9 septembre 1966 concernant l'urbanisme, la construction et la voirie, notamment son article 2 ;

Vu l'Ordonnance du 14 mars 2014 par laquelle M. le Président du Tribunal Suprême a nommé M. Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES, Vice-président, en qualité de rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture de la procédure du 11 septembre 2014 ;

Vu l'Ordonnance du 11 novembre 2014 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 12 décembre 2014 ;

Vu le courrier en date du 25 novembre 2014 fixant la date de l'audience de ce Tribunal au 11 décembre 2014 en lieu et place du 12 décembre 2014 ;

À l'audience du 11 décembre 2014 sur le rapport de M. Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES, Vice-président du Tribunal Suprême ;

Ouï Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel, pour Madame e. AU. épouse DE GO. ;

Ouï Maître Jacques MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;

Ouï le Ministère Public en ses conclusions ;

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ ;

Considérant que la société SEA VIEW ESTATE CONSULTING a demandé et obtenu du Directeur de la Prospective, de l'Urbanisme et de la Mobilité l'autorisation, en date du 16 juillet 2013, d'installer un ascenseur dans les parties communes de l'immeuble dénommé « Villa Mariquita » dont Madame AU. épouse DE GO., en sa qualité de copropriétaire de cet immeuble, demande l'annulation en même temps que celle de la décision implicite du 16 janvier 2014 ayant rejeté le recours gracieux qu'elle avait formé contre cette autorisation ;

Considérant qu'il n'est pas contesté par le Ministre d'État que, en application de l'article 2 de l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1996, l'installation de cet ascenseur ne pouvait être légalement autorisée sans l'accord de Madame AU. épouse DE GO. ;

Considérant que le Ministre d'État invoque, sans la produire, une convention conclue le 4 mai 2003 entre Madame AU. épouse DE GO. et la société SEA VIEW ESTATE CONSULTING ; qu'il soutient que cette convention figurait dans le dossier de demande déposée le 20 juin 2013 à la Direction de la Prospective, de l'Urbanisme et de la Mobilité et qu'il en ressortirait que Madame AU. épouse DE GO. avait donné son accord à l'installation de cet ascenseur ;

Considérant que, le 10 septembre 2013, Madame AU. épouse DE GO. a été autorisée à consulter, dans les bureaux de la Direction de la Prospective, de l'Urbanisme et de la Mobilité, le dossier déposé par la société SEA VIEW ESTATE CONSULTING à l'appui de sa demande ; qu'elle soutient que les « autorisations des copropriétaires de la Villa » annoncées comme annexées à ce dossier n'y figuraient pas; qu'en conséquence, elle demande à titre subsidiaire au Tribunal Suprême qu'il invite le Ministre d'État à produire l'intégralité du dossier déposé par la société SEA VIEW ESTATE CONSULTING ;

Considérant toutefois que ladite convention est produite par Madame AU. épouse DE GO. ; que, sans qu'il soit besoin d'en interpréter les termes, il en ressort que les conditions posées dans cette convention pour que l'accord de Madame AU. épouse DE GO. soit acquis n'étaient manifestement pas réunies lorsque l'autorisation litigieuse a été délivrée; qu'ainsi, sans qu'il soit utile de faire droit à la demande subsidiaire de la requérante, il est établi que l'autorisation attaquée a été délivrée en méconnaissance des dispositions de l'article 2 de l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1966.

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er : Les décisions du 16 juillet 2013 et du 16 janvier 2014 attaquées par Madame AU. épouse DE GO. sont annulées.

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge de l'État.

Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

Composition

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Didier LINOTTE, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, président, Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES, officier de l'ordre de Saint-Charles, vice-président, rapporteur, M. José SAVOYE, chevalier de l'Ordre de Saint Charles, membre titulaire et M. Frédéric ROUVILLOIS, membre suppléant,

et prononcé le dix-neuf décembre deux mille quatorze en présence de M. Michael BONNET, Premier substitut du Procureur général par Monsieur Didier LINOTTE, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Président assisté de Madame Béatrice BARDY, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Greffier en chef.

Le Greffier en Chef, le Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2014-07
Date de la décision : 19/12/2014

Analyses

Immeuble à usage d'habitation  - Normes techniques et de sécurité de construction  - Permis de construire  - Loi et actes administratifs unilatéraux.

CompétenceContentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel.


Parties
Demandeurs : Dame e. AU. épouse DE GO.
Défendeurs : État de Monaco

Références :

Ordonnance du 11 novembre 2014
article 2 de l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1966
article 2 de l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1996
Ordonnance n°2.984 du 16 avril 1963
article 90-B de la Constitution
Ordonnance du 14 mars 2014
Ordonnance n° 3.647 du 9 octobre 1966
Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 9 septembre 1966


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2014-12-19;ts.2014.07 ?

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