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25/11/2014 | MONACO | N°TS/2014-20

Monaco | Tribunal Suprême, 25 novembre 2014, Dame j. LA. née SA c/ Centre Hospitalier Princesse Grace, TS/2014-20


Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2014-20

Affaire :

Madame j. LA. née SA.

Contre

Centre Hospitalier Princesse Grace

et État de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 18 NOVEMBRE 2014

Lecture du 25 novembre 2014

Requête en annulation de la décision notifiée le 6 juin 2014 par le Directeur des Affaires Médicales du Centre Hospitalier Princesse Grace par laquelle était rejetée la candidature de Madame j. LA. au poste de Chef du Service de Pédiatrie du Centre hospitalier Princesse Grace et de la décision de no

mination de Madame m. BE-BA. en qualité de Chef du Service de Pédiatrie du Centre Hospitalier Princesse Grace à compter du 5 juille...

Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2014-20

Affaire :

Madame j. LA. née SA.

Contre

Centre Hospitalier Princesse Grace

et État de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 18 NOVEMBRE 2014

Lecture du 25 novembre 2014

Requête en annulation de la décision notifiée le 6 juin 2014 par le Directeur des Affaires Médicales du Centre Hospitalier Princesse Grace par laquelle était rejetée la candidature de Madame j. LA. au poste de Chef du Service de Pédiatrie du Centre hospitalier Princesse Grace et de la décision de nomination de Madame m. BE-BA. en qualité de Chef du Service de Pédiatrie du Centre Hospitalier Princesse Grace à compter du 5 juillet 2014, portée à la connaissance des personnels du Centre Hospitalier Princesse Grace par une note de service de la direction du Centre Hospitalier Princesse Grace datée du 7 juillet 2014.

En la cause de :

- Madame j. LA. née SA., docteur en médecine, domiciliée X, à Beausoleil (06240);

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

Contre :

Le Centre Hospitalier Princesse Grace, ayant pour avocat-défenseur Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur à la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

L'État de Monaco, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur à la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par la S. C. P. PIWNICA-MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière,

Vu la requête présentée par Mme le Dr j. LA., enregistrée au Greffe Général le 25 juillet 2014, tendant à l'annulation, d'une part d'une décision notifiée le 6 juin 2014 par le Directeur des Affaires Médicales du Centre Hospitalier Princesse Grace ayant rejeté sa candidature au poste de Chef de Service de Pédiatrie, et d'autre part de la décision de nomination de Mme le Dr m. BE-BA. en qualité de Chef de Service de Pédiatrie à compter du 5 juillet 2014, portée à la connaissance des personnels du Centre Hospitalier Princesse Grace par une note de service de la Direction du Centre Hospitalier Princesse Grace en date du 7 juillet 2014.

CE FAIRE,

Attendu que, installée près de Monaco depuis 2004 pour des raisons familiales, Mme j. LA. a été nommée Chef de service adjoint du Service de Pédiatrie du Centre Hospitalier Princesse Grace le 7 juin 2004 ; qu'elle a présenté sa candidature au poste de Chef de service du même service sur la base d'un avis de concours publié le 3 janvier 2014, avis qui a été remplacé par un nouvel avis publié le 7 mars 2014 ; qu'elle a déposé sa candidature après la publication de chacun de ces deux avis ; que deux candidatures ont été présentée après la publication du second avis, la sienne et celle du Dr m. BE-BA. ; que, à la suite d'une campagne de calomnie dirigée contre elle et d'informations officieuses sur le choix de sa concurrente, son avocat a écrit le 14 avril 2014 au Directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace pour se plaindre des conditions de déroulement du concours et lui demander d'en reconsidérer les résultats ; que ce Directeur, dans sa réponse du 17 avril 2014, n'a contesté aucun des griefs de cet avocat ; qu'il en a été de même du « Département de Tutelle » du Centre Hospitalier, également saisi par l'avocat ; que, le 6 juin 2014, le Directeur des Affaires Médicales du Centre Hospitalier a informé le Dr j. LA. de ce que sa candidature n'avait pas été retenue ; enfin qu'elle a appris officiellement la nomination du Dr m. BE-BA. par une note de service de la Direction du Centre Hospitalier datée du 7 juillet 2014 ;

Attendu que, selon Mme j. LA., alors que le jury du concours devait retenir le candidat le plus titré, il a fait exactement le contraire ; qu'en effet, sa qualification, son expérience professionnelle et ses activités scientifiques sont sans comparaison avec celles de Mme m. BE-BA., ainsi qu'en témoignent plusieurs attestations de professeurs de médecine et de collègues ; que, la presse s'étant faite l'écho d'anomalies dans le déroulement du concours, le Gouvernement Princier a répondu dans des termes laissant transparaître le défaut d'impartialité du jury ; que les décisions attaquées notifiées le 6 juin 2014 et le 7 juillet 2014 ne pourront donc qu'être annulées ;

Vu la requête fondée sur l'article 26 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême, par laquelle le Centre Hospitalier Princesse Grace a saisi le Président du Tribunal Suprême d'une demande de réduction des délais de procédure au motif que les articles parus dans la presse et sur certains sites internet depuis le 4 août 2014, dénigrant le Dr m. BE-BA. et diffamant le Centre Hospitalier, apparemment suscités par le Dr j. LA., suscitent l'inquiétude chez les parents des enfants qui se présentent aux urgences pédiatriques, ont provoqué l'indignation de plusieurs membres du corps médical de l'établissement, et plus généralement nuisent à la sérénité indispensable à la mission de service public confiée au Centre Hospitalier ; qu'il est donc impératif que le recours formé par le Dr j. LA. soit jugé dans les plus brefs délais ;

Vu l' ordonnance du 22 septembre 2014 par laquelle, en raison des motifs invoqués par le Centre Hospitalier et considérant qu'il est nécessaire d'assurer dans les meilleurs délais le fonctionnement régulier et continu du service public hospitalier dans le service de pédiatrie, le Président du Tribunal Suprême a décidé que les délais pour produire les réplique et duplique dans le cadre du recours du Dr j. LA. seront réduits de moitié ;

Vu la contre-requête du Centre Hospitalier Princesse Grace, enregistrée au Greffe Général le 25 septembre 2014, tendant au rejet de la requête, à titre principal au motif qu'elle est irrecevable, et à titre subsidiaire qu'elle est mal fondée ;

Que la requête est en effet irrecevable comme dirigée contre des actes qui ne sont pas des « décisions » faisant grief mais de simples mesures d'information ; que la lettre du Directeur des Affaires Médicales du 6 juin 2014 ne notifiait pas une décision de rejet de la candidature du Dr j. LA. mais, suivant sur ce point une pratique constante de l'établissement, avait pour seul objet de lui restituer son dossier, en précisant simplement, pour sa parfaite information, que le jury du concours ne s'était pas prononcé en faveur de sa candidature ; que les propositions du jury de lient d'ailleurs pas la Commission Médicale d'Établissement et le Conseil d'Administration du Centre Hospitalier, ni le Gouvernement Princier ; que, de même, la note de service du 7 juillet 2014 n'est qu'un acte interne d'information, sans nature décisoire, qui ne fait en outre pas grief à la requérante ; qu'aux termes de l'article 9 de l'Ordonnance Souveraine n° 13.839 du 29 décembre 1998, la seule autorité compétente pour nommer un chef de service, même à titre probatoire, est le Ministre d'État ; que la requête est aussi irrecevable en ce que, contrairement à ce qu'exige l'article 17 alinéa 1er de l'Ordonnance n°2.984 du 16 avril 1963, elle n'est pas accompagnée de la décision de nomination de Mme m. BE-BA. ; que l'avis d'un jury de concours n'étant qu'un acte préparatoire insusceptible de recours, la requête est encore irrecevable à ce titre ; qu'enfin elle est aussi irrecevable pour ne pas contenir de façon explicite les moyens d'annulation sur lesquels elle serait fondée ;

Que, sur le fond, si par extraordinaire la requête devait être déclarée recevable, elle sera en tout cas rejetée aux motifs que la requérante n'invoque aucune irrégularité dans le déroulement du concours ; que sa conviction d'avoir des titres supérieurs à ceux de sa consœur lui est toute personnelle ; qu'elle ne produit aucun témoignage relatif aux prétendues rumeurs qui auraient été destinées à lui nuire ; que, étant déjà chef de service adjoint, le Dr j. LA. était en réalité en situation plus favorable que sa concurrente, venue d'un autre établissement ; que le jury s'est prononcé à l'unanimité en faveur de Mme m. BE-BA. ; qu'en tout état de cause, l'appréciation des mérites des candidats à un concours relève de la décision souveraine du jury et ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir ; qu'en conséquence, non seulement le Tribunal Suprême devra déclarer le recours irrecevable, ou en tout cas mal fondé, mais qu'il devra en outre condamner la requérant au paiement de l'amende maximale prévue à l'article 36 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 ;

Vu la contre requête du Ministre d'État, enregistrée au Greffe Général le 26 septembre 2014, concluant au rejet du recours du Dr j. LA. au motif que le moyen unique soulevé contre les deux décisions attaquées ne relève pas du contrôle exercé par le Tribunal Suprême dont la jurisprudence a déjà consacré le principe de souveraineté des jurys de concours ; qu'au surplus, le jury a statué à l'unanimité en faveur du Dr m. BE-BA. ;

Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 10 octobre 2014, par laquelle la requérante maintient ses conclusions par les mêmes moyens que dans sa requête, ajoutant que l'État ne soulève pas l'irrecevabilité de sa requête ; que cela confirme que les moyens d'irrecevabilité soulevés par le Centre Hospitalier Princesse Grace ne sont pas sérieux ; qu'en particulier le Dr j. LA. n'a pu produire que les documents auxquels elle a eu accès et qui prouvent l'existence des décisions attaquées, ce qui suffit à fonder la recevabilité ; que, sur le fond, les pièces produites par le Centre Hospitalier démontre que le concours s'est déroulé de manière irrégulière ; que le procès-verbal du jury produit par le Centre Hospitalier montre que le jury a été fortement influencé par le Directeur du Centre Hospitalier ; qu'il est d'ailleurs contraire aux usages que ce jury n'ait pas été composé exclusivement de médecins ; que les propos tenus par certains membres du jury sont tantôt mensongers, tantôt calomnieux, tantôt révélateur d'une ignorance flagrante des conditions de fonctionnement du service de pédiatrie du Centre Hospitalier, voire de la médecine elle-même, en particulier de la néonatologie ; qu'au total la partialité de la totalité de la procédure est patente ;

Vu la duplique du Centre Hospitalier Princesse Grace, enregistrée au Greffe Général le 24 octobre 2014, concluant aux mêmes fins et par les mêmes moyens que la contre requête, ajoutant seulement que, le Dr m. BE-BA. ayant été autorisée à exercer à titre libéral dans les mêmes conditions que nombre de ses confrères, cette circonstance ne révèle en rien le moindre favoritisme ;

Vu la duplique du Ministre d'État, enregistrée au Greffe Général le 28 octobre 2014, concluant aux mêmes fins et par les mêmes moyens que la contre requête, ajoutant seulement d'une part que la requérante ne conteste pas que le jury se soit prononcé exclusivement sur la base des titres et mérites des deux candidates, et d'autre part que, contrairement aux affirmations de la requérante, on ne voit pas en quoi le procès-verbal de la réunion du jury du 28 mars 2014 révèlerait en quoi que ce soit le caractère irrégulier du déroulement du concours ;

Vu le procès-verbal de clôture de la procédure du 3 novembre 2014 ;

SUR CE :

Vu les décisions attaquées ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'article 90-B de la Constitution ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n°2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur le Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 13.839 du 29 décembre 1998 modifiée portant statut des praticiens hospitaliers au Centre Hospitalier Princesse Grace ;

Vu l'Ordonnance du 4 août 2014 par laquelle M. le Président du Tribunal Suprême a nommé M. Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES, Vice-président, en qualité de rapporteur ;

Vu l'Ordonnance du 4 novembre 2014 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 18 novembre 2014 ;

À l'audience du 18 novembre 2014 sur le rapport de M. Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES, Vice-président du Tribunal Suprême ;

Ouï Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel, pour Madame j. LA. née SA.;

Ouï Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel, pour le Centre Hospitalier Princesse Grace ;

Ouï Maître Jacques MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;

Ouï le Ministère Public en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré ;

Sur la recevabilité :

Considérant que la requête de Madame j. LA. tend à l'annulation de mesures de natures différentes prises par des autorités administratives distinctes ; que ces mesures présentent cependant entre elles un lien étroit en ce qu'elles présentent à juger la même question de la régularité des opérations du concours qui a eu lieu le 28 mars 2014 ; que les candidats à un concours sont recevables à critiquer les actes nommant leurs concurrents en contestant devant le Tribunal Suprême la régularité des opérations dudit concours ; qu'ainsi la requête de Madame j. LA. est recevable ;

Sur la légalité des actes attaqués :

Considérant qu'il ne ressort ni du procès-verbal de la réunion du jury ni des autres pièces du dossier que, pour procéder à la proposition de Madame m. BE-BA. comme Chef du service de pédiatrie du Centre Hospitalier Princesse Grace, le jury ait tenu compte d'autres éléments que les titres, références et qualités professionnelles des candidates ; que l'appréciation du jury sur ces éléments n'est pas susceptible d'être discutée devant le Tribunal Suprême ;

Dispositif

DÉCIDE

Article 1er : La requête de Madame j. LA. née SA. est rejetée.

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge de Madame j. LA. née SA.

Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

Composition

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Didier LINOTTE, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, président, Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES, officier de l'ordre de Saint-Charles, vice-président, rapporteur, M. José SAVOYE, Chevalier de l'Ordre de Saint Charles, Mme Martine LUC-THALER, Chevalier de l'Ordre de Saint Charles, rapporteur, membres titulaires, et Mme Magali INGALL-MONTAGNIER, Chevalier de l'Ordre de Saint Charles, rapporteur, membres suppléants,

et prononcé le vingt-cinq novembre deux mille quatorze en présence de Monsieur Jean-Pierre DRÉNO, Procureur général par Monsieur Didier LINOTTE, assisté de Madame Béatrice BARDY, greffier en chef, chevalier de l'ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2014-20
Date de la décision : 25/11/2014

Analyses

Procédure administrative  - Professions médicales et paramédicales  - Autorités de contrôle et de régulation  - Loi et actes administratifs unilatéraux.

CompétenceContentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel.


Parties
Demandeurs : Dame j. LA. née SA
Défendeurs : Centre Hospitalier Princesse Grace

Références :

Ordonnance n°2.984 du 16 avril 1963
Ordonnance Souveraine n° 13.839 du 29 décembre 1998
article 26 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
article 9 de l'Ordonnance Souveraine n° 13.839 du 29 décembre 1998
Ordonnance du 4 août 2014
article 90-B de la Constitution
ordonnance du 22 septembre 2014
article 36 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
Ordonnance du 4 novembre 2014


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2014-11-25;ts.2014.20 ?

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