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25/11/2014 | MONACO | N°TS/2014-04

Monaco | Tribunal Suprême, 25 novembre 2014, Sieur m. SC. c/ État de Monaco, TS/2014-04


Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2014 - 04

Affaire :

M. m. SC.

Contre

Etat de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 17 NOVEMBRE 2014

Lecture du 25 novembre 2014

Recours en annulation de la décision prise par M. le Directeur du Travail en date du 12 août 2013 refusant de délivrer à M. m. SC. un permis de travail, ensemble les décisions de M. le Ministre d'Etat des 22 octobre et 9 décembre 2013 rejetant les recours hiérarchiques formés contre cette décision.

En la cause de :

- M. m. SC., né le 3 mai

1959 à Battice en Belgique, de nationalité belge, sans profession, résidant au X à Cap-d'Ail (06320),

admis au bénéfice de l'assistance...

Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2014 - 04

Affaire :

M. m. SC.

Contre

Etat de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 17 NOVEMBRE 2014

Lecture du 25 novembre 2014

Recours en annulation de la décision prise par M. le Directeur du Travail en date du 12 août 2013 refusant de délivrer à M. m. SC. un permis de travail, ensemble les décisions de M. le Ministre d'Etat des 22 octobre et 9 décembre 2013 rejetant les recours hiérarchiques formés contre cette décision.

En la cause de :

- M. m. SC., né le 3 mai 1959 à Battice en Belgique, de nationalité belge, sans profession, résidant au X à Cap-d'Ail (06320),

admis au bénéfice de l'assistance judiciaire par décision du Bureau n°107 BAJ 14 en date du 13 mars 2014

Ayant pour avocat défenseur Maître Franck MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

Contre :

- L'Etat de Monaco pris en la personne de S. E. M. le Ministre d'Etat de la Principauté de Monaco, ayant pour Avocat défenseur Maître Christiane PALMERO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de Cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME,

siégeant et délibérant en Assemblée plénière,

Vu la requête enregistrée au greffe du Tribunal Suprême le 10 février 2014 par laquelle M. m. SC. demande au Tribunal Suprême l'annulation de la décision de M. le Directeur du travail en date du 12 août 2013 lui notifiant une interdiction d'exercer une activité salariée sur le territoire de la Principauté, ainsi que des décisions de M. le Ministre d'État en date du 22 octobre et du 9 décembre 2013 rejetant les recours hiérarchiques dirigés contre cette décision.

CE FAIRE :

Attendu que, selon la requête, M. m. SC., né le 3 mai 1959 à Battice en Belgique, de nationalité belge, sans profession, résidant au X à Cap-d'Ail, s'est vu refuser, par décision du Directeur du travail en date du 12 août 2013, l'autorisation d'exercer une activité salariée sur le territoire de la Principauté en raison de faits de menaces verbales et voies de fait commis à Monaco en 2007, et d'infractions à la législation sur les armes commises à Monaco en 2013 ; que M. m. SC. ayant interrogé M. le Directeur du travail sur la possibilité de lever cette interdiction, celui-ci lui aurait suggéré de contacter, par voie de recours hiérarchique, M. le Ministre d'État ; que M. m. SC. sollicita donc Monsieur le Ministre d'État par un premier recours en date du 14 août 2013 ; que celui-ci lui ayant, par courrier du 22 octobre 2013, fait part de son refus de lever la décision au motif que la nature et la gravité des faits reprochés démontraient un comportement incompatible avec l'occupation d'un emploi en Principauté, M. m. SC. sollicita à nouveau Monsieur le Ministre d'État le 28 octobre 2013 ; que le 9 décembre, Monsieur le Ministre d'État, reprenant les motivations précitées, réitéra son refus de lever la décision du 12 août 2013 ; que telle est la décision contestée, ensemble les décisions de M. le Ministre d'État des 22 octobre et du 9 décembre refusant de les rapporter ;

Attendu que, le 12 février 2014, un courrier de M. le Président du Tribunal Suprême à M. m. SC., prenant acte du dépôt de sa requête le 10 février, a attiré son attention sur le fait qu'en vertu de l'article 17 de l'Ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême, « le recours est introduit par une requête signée d'un Avocat défenseur, contenant l'exposé des faits, les moyens et les conclusions. Elle est accompagnée de la décision attaquée ou de la réclamation implicitement rejetée. Elle est déposée au greffe général contre récépissé », et qu'ainsi, le recours déposé par M. m. SC., l'ayant été sous sa seule signature, encourait de ce chef un rejet pour irrecevabilité ; que « compte tenu des circonstances », M. le Président du Tribunal Suprême a accordé à M. m. SC. un délai de deux mois à la réception dudit courrier pour régulariser la demande par apposition de la signature d'un Avocat défenseur ;

Attendu qu'une requête régularisée, signée par Maître Franck MICHEL, Avocat défenseur, a été enregistrée au greffe du Tribunal Suprême le 11 avril 2014 ; qu'après avoir rappelé les faits, celle-ci a entendu contester tant la légalité externe que la légalité interne de la décision du 12 août 2013, ainsi que des décisions subséquentes du 22 octobre et du 9 décembre ;

Attendu qu'au titre de légalité externe, les décisions attaquées ne satisfont pas aux exigences de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs, dont elles relèvent en tant qu'elles constituent des décisions individuelles ayant refusé une autorisation ou un agrément ; que l'article 2 de la loi n°1.312 précise que « la motivation doit être écrite et comporter, dans le corps de la décision, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement » ; que la décision du Directeur du travail du 12 août 2013, comme celles de M. le Ministre d'État, se bornaient à indiquer que l'autorisation ne saurait être accordée à M. m. SC. en raison de menaces verbales et voies de fait remontant à 2007, et d'une infraction à la législation des armes dont il s'est rendu coupable à Monaco en 2013 ; qu'une telle motivation s'avère insuffisante au regard des dispositions de la loi n° 1.312, dans la mesure où n'est donnée aucune précision sur la nature et les circonstances des faits soi-disant commis par M. m. SC., dont on se contente d'indiquer qu'ils ont eu lieu, les uns en 2007, l'autre en 2013, et dans la mesure où il n'est pas précisé comment auraient été constatées et établies ces prétendues infractions, dont M. m. SC. conteste en partie l'existence ; que d'autre part, les considérations de droit justifiant un tel refus ne sont pas énoncées dans le corps des décision attaquées ; que l'insuffisance de motivation entraîne l'illégalité externe de celles-ci ;

Attendu que c'est à la suite d'une erreur manifeste d'appréciation qu'il a pu être considéré que la tentative de suicide commise par M. m. SC. au moyen d'un couteau domestique à l'issue d'une audience d'appel au Palais de justice de Monaco, constituait un motif de considérer que M. m. SC. représentait une menace pour l'ordre public monégasque, incompatible avec l'occupation d'un emploi en Principauté ;

Attendu que c'est pour ces griefs d'illégalité tant externe qu' interne qu'est sollicitée du Tribunal Suprême l'annulation de la décision du 12 août et des décisions subséquentes, ainsi que la condamnation de l'État de Monaco aux entiers dépens ;

Vu la contre-requête enregistrée au Greffe général le 11 avril 2014 ;

Attendu qu'une première contre-requête de M. le Ministre d'État a été déposée le même jour que la seconde requête déposée par Maître Franck Michel au nom de M m. SC. ; qu'elle n'était en mesure de répondre qu'à la requête déposée par celui-ci en son nom propre ; que cette première contre-requête concluait à l'irrecevabilité de la première requête à un triple titre : comme n'évoquant aucun moyen d'annulation intelligible, contrairement à ce qu'exige l'article 17 de l'Ordonnance n° 2.984 du 16 avril 1963 sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ; comme n'ayant pas été déposée sous la signature d'un Avocat défenseur, ainsi que le requiert le même article ; et, en tant qu'elle serait dirigée contre une décision purement confirmative, celle du Ministre d'État en date du 9 décembre 2013 ;

Attendu qu'une nouvelle contre-requête de Monsieur le Ministre d'État, enregistrée au greffe général le 10 juin 2014, a été produite afin de répondre à la seconde requête de M. m. SC. ;

Attendu qu'à titre principal, elle conteste la recevabilité de ladite requête; que d'une part, en effet, la requête déposée par M. m. SC. le 10 février, n'invoquant aucun moyen d'annulation intelligible, était entachée d'une irrecevabilité que la seconde requête, intervenue postérieurement à l'expiration du délai de recours, n'a pu couvrir ; que d'autre part, la requête régularisée, tendant à l'annulation de la décision du Directeur du travail en date du 12 août 2013, était irrecevable comme tardive, le délai contentieux ayant certes été conservé par le premier recours hiérarchique, présenté le 14 août 2013, mais non par le second, daté du 28 octobre 2013 ; que le premier recours ayant été rejeté par M. le Ministre d'État le 22 octobre, le délai de recours expirait au plus tard le 29 décembre 2013 ; que de son caractère tardif résulte l'irrecevabilité du recours enregistré le 10 février 2014 ; qu'enfin, ledit recours serait irrecevable même si le Tribunal Suprême considérait qu'il est dirigé, non contre la décision initiale du 12 août 2013, mais contre la décision du Ministre d'État en date du 9 décembre confirmant ce refus ; que son irrecevabilité ne résulterait pas alors du caractère tardif de la requête, mais de ce que cette dernière serait dirigée contre une décision purement confirmative, insusceptible à ce titre de faire l'objet d'un recours en annulation ;

Attendu qu'au fond, M. m. SC. juge la décision attaquée insuffisamment motivée au regard des exigences de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 ; qu'il lui reproche de ne pas avoir indiqué la date exacte des faits reprochés, de ne pas avoir précisé comment ces faits auraient été constatés et de ne pas avoir mentionné les considérations de droit motivant le refus opposé à sa demande ; que cependant, en vertu de la loi n° 1.312, la décision n'avait à préciser ni la date exacte des faits, ni la façon dont ils ont été établis ; que les motifs de droit ne pouvaient être ignorés de M. m. SC., la décision attaquée répondant à sa demande expresse ; que ce premier grief ne peut qu'être rejeté ;

Attendu, en second lieu, que M. m. SC. affirme que la décision du 12 août 2013 était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, l'infraction à la législation sur les armes qui lui a été reprochée suite à sa tentative de suicide du 8 janvier 2013 ne constituant pas une menace pour l'ordre public, mais un acte de désespoir qu'il serait inhumain de sanctionner par une interdiction de travail ; que cependant, le reproche fait à M. m. SC., et justifiant cette décision, n'était pas de constituer une menace pour l'ordre public, mais d'avoir méconnu la législation sur les armes ; que cette infraction, rapprochée des menaces verbales et voies de fait relevées en 2007, suffisait à caractériser un comportement incompatible avec l'occupation d'un emploi en Principauté ; qu'il en résulte l'absence d'erreur manifeste d'appréciation dans la décision de refus d'un permis de travail opposé à M. m. SC. le 12 août 2013 ;

SUR CE,

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 B ;

Vu l'Ordonnance souveraine n°2.984 du 16 avril 1963 sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu l'Ordonnance du Président du Tribunal Suprême du 12 février 2014 désignant Monsieur Frédéric ROUVILLOIS, membre suppléant, comme rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture établi le 17 juillet 2014 par Mme Le greffier en chef ;

À l'audience du 17 novembre 2014 sur le rapport de Monsieur Frédéric ROUVILLOIS, membre suppléant du Tribunal Suprême ;

Ouï Maître Franck MICHEL, Avocat défenseur, pour M. m. SC. ;

Ouï Maître Jacques MOLINIÉ, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour l'État de Monaco ;

Ouï le Ministère Public en ses conclusions ;

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;

Considérant que la décision du Directeur du travail portant refus de permis de travail à M. m. SC. ayant été prise 12 août 2013, le délai de recours contentieux a été conservé par le recours hiérarchique présenté par ce dernier à Monsieur le Ministre d'État le 14 août 2013 ; que ce recours hiérarchique ayant été rejeté le 22 octobre 2013, le délai de recours expirait deux mois plus tard, un second recours hiérarchique, comme celui que M. m. SC. présenta le 28 octobre 2013, n'étant pas susceptible de proroger ledit délai ;

Considérant que la lettre du Président du Tribunal Suprême en date du 12 février 2014, accordant à M. m. SC. un délai de deux mois pour régulariser sa demande par l'apposition de la signature d'un avocat, n'a eu ni pour objet ni pour effet de proroger le délai de recours ;

Considérant par suite que le recours de M. m. SC. enregistré le 10 février 2014 était tardif, et donc irrecevable ;

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours de M. m. SC. est rejeté.

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge du Trésor.

Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

Composition

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de M. Didier LINOTTE, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, président, M. Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES, officier de l'ordre de Saint-Charles, vice-président, Mme Martine LUC-THALER, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, membre titulaire, Mme Magali INGALL-MONTAGNIER, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, et M. Frédéric ROUVILLOIS, membres suppléants, rapporteur,

et prononcé le vingt-cinq novembre deux mille quatorze en présence de Monsieur Jean-Pierre DRÉNO, Procureur général par Monsieur Didier LINOTTE, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Béatrice BARDY, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, greffier en chef.

Le Greffier en Chef, le Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2014-04
Date de la décision : 25/11/2014

Analyses

Droit des personnes - Etat civil (identité - domicile - - - )  - Autorités de contrôle et de régulation  - Contrats de travail  - Loi et actes administratifs unilatéraux  - Travailleurs étrangers.

CompétenceContentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel.


Parties
Demandeurs : Sieur m. SC.
Défendeurs : État de Monaco

Références :

article 17 de l'Ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
loi n° 1.312 du 29 juin 2006
Vu la Constitution
Ordonnance souveraine n°2.984 du 16 avril 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2014-11-25;ts.2014.04 ?

Source

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