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16/06/2014 | MONACO | N°TS/2013-18

Monaco | Tribunal Suprême, 16 juin 2014, SAM PATRICIA et SAM ROCCABELLA c/ le Ministre d'Etat, TS/2013-18


Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

---------------

TS 2013 - 18

Affaire :

SAM PATRICIA

et

SAM ROCCABELLA

Contre

S. E. M. le Ministre d'Etat

DÉCISION

AUDIENCE DU 5 JUIN 2014

Lecture du 16 juin 2014

Recours en annulation de la décision emportant, au profit de la Société des bains de mer, le droit de déroger aux dispositions de la loi n° 834 du 8 décembre 1967 et à celles de l'ordonnance n° 10. 885 du 12 mai 1993, telle que révélée par le courrier du Ministre d'État du 20 juin 2013 adressé à ladite soc

iété.

En la cause de :

- la société anonyme monégasque dénommée PATRICIA SAM, dont le siège social est sis à Monaco, « Le Formentor », 27, ...

Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

---------------

TS 2013 - 18

Affaire :

SAM PATRICIA

et

SAM ROCCABELLA

Contre

S. E. M. le Ministre d'Etat

DÉCISION

AUDIENCE DU 5 JUIN 2014

Lecture du 16 juin 2014

Recours en annulation de la décision emportant, au profit de la Société des bains de mer, le droit de déroger aux dispositions de la loi n° 834 du 8 décembre 1967 et à celles de l'ordonnance n° 10. 885 du 12 mai 1993, telle que révélée par le courrier du Ministre d'État du 20 juin 2013 adressé à ladite société.

En la cause de :

- la société anonyme monégasque dénommée PATRICIA SAM, dont le siège social est sis à Monaco, « Le Formentor », 27, avenue princesse Grace,

- la société anonyme monégasque dénommée ROCCABELLA SAM, dont le siège social est sis à Monaco, « Le Formentor », 27, avenue princesse Grace,

Ayant pour avocat défenseur Me Richard MULLOT, avocat défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, y demeurant « Le Saint André », 20, Boulevard de la Suisse, en l'étude duquel elles élisent domicile, et plaidant par ledit avocat défenseur.

Contre :

- S. E. M. le Ministre d'Etat de la Principauté de Monaco ayant pour avocat défenseur Maître Christophe SOSSO, avocat défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, avocat au Conseil d'État et à la Cour de Cassation de France.

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière

Vu la requête enregistrée au greffe général le 2 août 2013, présentée par la société anonyme monégasque dénommée « P. » SAM et la société anonyme monégasque dénommée « R. » SAM, dont les sièges sociaux sont sis à Monaco, « Le Formentor », 27, avenue Princesse Grace, demandant au Tribunal Suprême d'annuler la décision du Ministre d'État en date du 20 juin 2013 portant dérogation aux dispositions de la loi n° 834 du 8 décembre 1967 visant à limiter et diminuer l'intensité du bruit et à réprimer les bruits troublants la tranquillité publique, ainsi qu'à celles de l'ordonnance n° 10.885 du 12 mai 1993 fixant les conditions d'application de l'article 1er de la loi 8 décembre 1967 ; et de condamner l'État de Monaco aux entiers frais et dépens.

Ce faire,

Attendu que, selon la requête, les requérantes sont chacune propriétaires d'un immeuble de haut standing, respectivement le Formentor et le R., sis avenue Princesse Grace à Monaco, où elles louent des appartements de luxe occupés pour la plupart à titre d'habitation principale ; que ces immeubles sont situés à proximité du Monte-Carlo Sporting club exploité par la Société des Bains de Mer (SBM), et en particulier, de la salle de spectacle dite « Salle des étoiles » où sont organisés, durant le printemps et l'été, des concerts à ciel ouvert ; que les nuisances entraînées par ces concerts ont conduit les riverains à s'adresser aux requérantes afin que ces dernières prennent toutes les mesures nécessaires pour y mettre fin ; qu'en ce sens, les requérantes ont saisi à plusieurs reprises la SBM avant de faire procéder à un mesurage de l'intensité sonore ; qu'au vu des résultats, elles ont saisi le 3 août 2009 le juge des référés aux fins d'ordonner une expertise judiciaire et de faire cesser ces troubles ; que ce dernier ayant fait droit à ces demandes par ordonnance du 28 octobre 2009, l'expert ainsi désigné a déposé le 28 février 2011 un rapport dans lequel il constatait l'existence de nuisances sonores dommageables pour les résidents des deux immeubles ; que les requérantes ayant alors assigné la SBM devant le Tribunal de première instance, celui-ci, par jugement avant dire droit du 30 juin 2011, a ordonné que soit procédé à une expertise complémentaire afin de déterminer si les conditions de diffusion sonore liées aux concerts donnés dans les années 2009-2011 étaient ou non équivalentes à celles existant au moment de l'acquisition des immeubles ; que l'expert ayant déposé son rapport les 3 et 31 janvier 2012, le Tribunal de première instance, par un jugement du 13 juillet 2012, a homologué ce dernier, déclaré la SBM responsable des troubles subis, enjoint à ladite société de faire réaliser les travaux nécessaires à compter du 3 septembre 2012 sous astreinte de 5 000 € par jour de retard, ordonné que les concerts se déroulent désormais à toit fermé jusqu'à l'achèvement desdits travaux, et condamné la SBM à verser à chacune des deux sociétés la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ; que la SBM ayant interjeté Appel de ce jugement, la Cour d'Appel, dans un arrêt du 28 juillet 2013, a confirmé le jugement et rejeté de surcroît une note en délibéré enregistrée le 27 juin 2013 dans laquelle la SBM produisait une lettre du Ministre d'État en date du 20 juin où celui-ci déclarait confirmer que « cette affaire avait fait l'objet d'une évocation préalable en Conseil de gouvernement le 18 juillet 2012, que l'attestation fournie par l'autorité concédante reflétait bien » la position émise à cette occasion « et que l'animation exercée par la SBM présentait » sans conteste le caractère de manifestations publiques présentant un caractère d'intérêt général pour la Principauté de Monaco telles que visées dans l'article 5 de la loi n° 834 du 8 décembre 1967, ce qui permet de facto et de jure à la SBM de bénéficier des dérogations visées audit article, une telle dérogation concernant aussi bien les obligations d'animation de la SBM pour la période d'été que celle d'hiver « ; qu'en produisant ce courrier, la SBM a entendu se prévaloir du bénéfice d'une décision du Ministre d'État emportant à son profit dérogation aux dispositions de la loi n° 834 du 8 décembre 1967 ; que telle est la décision, révélée par le crier du Ministre d'État en date du 20 juin 2013, qui est attaquée par les sociétés requérantes ;

Attendu, en premier lieu, que la décision doit être annulée pour vice de forme ; que l'article 5 de la loi du 8 décembre 1967 visé par le Ministre d'État dans sa lettre du 20 juin prévoit en effet que des dérogations aux dispositions de la loi » pourront être accordées par le Ministre d'État pour des motifs d'utilité publique ainsi que pour des manifestations publiques ou privées présentant un caractère d'intérêt général « ; qu'une telle dérogation ne peut être octroyée que sous la forme d'un arrêté ministériel, dans le respect des exigences formelles prévues par l'article 47 de la constitution, lequel prévoit que lesdits arrêtés ministériels sont délibérés en Conseil de gouvernement, signés par le Ministre d'État, et font mention des délibérations auxquelles ils se rapportent, l'article 47 précisant en outre qu'ils » sont transmis au Prince dans les 24 heures de leur signature et ne deviennent exécutoire qu'en l'absence d'opposition expresse du Prince dans les 10 jours qui suivent la transmission faite par le Ministre d'État « ; qu'en l'occurrence, si la décision a fait l'objet d'une délibération préalable au conseil de gouvernement, elle n'a pas pris la forme d'un arrêté signé par le Ministre d'État et n'a pas été transmise au Prince dans les 24 heures qui ont suivi ; que la décision révélée par le courrier du 20 juin 2013 a ainsi été prise selon une procédure irrégulière, et doit pour cette raison être annulée ; que même si la décision accordant à la SBM le droit de déroger aux dispositions de la loi du 8 décembre 1967 avait pu être accordée sous la forme d'une simple décision administrative, le Ministre d'État, en faisant précéder sa décision par une délibération préalable du Conseil de gouvernement le 18 juillet 2012, a manifesté sa volonté de faire usage de la procédure prévue par l'article 47 de la constitution ; qu'un tel choix imposait que la décision ainsi prise le soit dans le respect de l'ensemble des obligations formelles prévues par l'article 47 ; qu'en méconnaissant ces obligations, le Ministre d'État a entaché la décision dont l'existence a été révélée par son courrier du 20 juin 2013 d'un vice de forme justifiant son annulation ;

Attendu, en second lieu, que la décision soumise au Tribunal Suprême est entachée d'un autre vice de forme en ce qu'elle méconnaît l'obligation imposée par la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ; que l'article premier de ladite loi dispose en effet que » doivent être motivées à peine de nullité les décisions administratives à caractère individuel qui (…) accordent une dérogation, conformément à des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur « ; que dans ce cas, l'article 2 de ladite loi prévoit que » la motivation doit être écrite et comporter, dans le corps de la décision, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement « ; que la décision prise par le Ministre d'État et révélée dans la lettre du 20 juin 2013 semble avoir été une simple décision orale insusceptible de satisfaire à l'obligation de motivation écrite imposée par l'article 2 de la loi du 29 juin 2006 ; que le fait que le Ministre d'État ait énoncé dans sa lettre du 20 juin 2013 les considérations de droit et de fait constituant le fondement de ladite décision n'efface pas cette irrégularité dès lors que la motivation exigée par la loi du 29 juin 2006 ne saurait être postérieure à l'acte dont elle précise les motifs ; que l'illégalité résultant de l'absence de motivation ne pouvait ainsi être régularisée après coup par la communication, dans le courrier du 20 juin 2013, des motifs de fait et de droit de ladite décision, laquelle se trouve en tout état de cause entachée d'un vice de forme ;

Attendu, en troisième lieu, que la décision attaquée doit être annulée pour violation de la loi, la dérogation accordée à la SBM révélant une erreur manifeste d'appréciation du Ministre d'État ; que l'article 5 de la loi du 8 décembre 1967 précise en effet que » des dérogations aux dispositions de la présente loi ou à celle des ordonnances souveraines prises pour son application pourront être accordées par le Ministre d'État pour des motifs d'utilité publique ainsi que pour des manifestations publiques ou privées présentant un caractère d'intérêt général « ; que le Ministre d'État, s'il peut donc accorder des dérogations particulières au cas par cas, ne saurait en revanche octroyer le droit de déroger de manière générale et absolue à l'ensemble des dispositions de la loi et des ordonnances prises pour son application ; que tel est le cas de la dérogation accordée à la SBM, qui a ainsi été octroyée en violation de l'article 5 de la loi du 8 décembre 1967, et doit être annulée ;

Attendu, en dernier lieu, que la décision du Ministre d'État est entachée d'une illégalité interne en ce que la dérogation qu'elle accorde a un effet rétroactif contraire aux principes généraux du droit ; qu'en effet, la rédaction du courrier en date du 20 juin 2013 ne paraît pas limiter dans le temps le droit de la SBM à bénéficier de la dérogation ainsi accordée, mais semble au contraire l'autoriser à faire état de ladite dérogation tant pour l'avenir que pour le passé ; qu'en conséquence, la décision attaquée est entachée d'une violation de la loi ;

Vu la contre requête de M. le Ministre d'État enregistrée au greffe général le 4 octobre 2013 et tendant au rejet de la requête des SAM P. et R., au motif que celle-ci est irrecevable en ce qu'elle est dirigée contre une lettre qui ne constitue en rien une décision ;

que ladite lettre se borne en effet a indiquer à la SBM qu'eu égard à son d'activité, celle-ci remplit a priori les conditions de fait et de droit permettant de bénéficier des dérogations visées à l'article 5 de la loi du 8 décembre 1967 ; qu'elle s'analyse par conséquent comme une simple information par laquelle le Ministre d'État, confirmant les termes de la lettre du 27 août 2012 du conseiller de gouvernement pour les finances, indique à la SBM qu'elle remplit les conditions pour bénéficier des dérogations en cause – sans pour autant accorder elle-même aucune dérogation, ainsi que l'avait déjà expressément relevé la Cour d'Appel de Monaco dans son arrêt du 28 juin 2013 à propos de la lettre précitée du conseiller de gouvernement, et comme l'indique la requête elle-même en relevant qu'aucun arrêté ministériel octroyant une telle dérogation n'a jamais été signé par le Ministre d'État : que, dirigée contre un acte qui ne fait pas grief, la requête est irrecevable ;

Attendu en outre, et surabondamment, que si la lettre du 20 juin 2013 pouvait être considérée comme une décision, elle devrait alors être regardée comme simplement confirmative de la lettre du conseiller de gouvernement pour les finances du 27 août 2012 ; que dans ce cas, c'est cette dernière que les requérantes auraient dû déférer à la censure du Tribunal Suprême dans les deux mois courants à compter du jour où elles ont eu connaissance, le 14 décembre 2012, date à laquelle la SBM l'a produite à l'appui de ses conclusions devant la Cour d'Appel ; que n'ayant pas déféré cette décision dans le délai légal, la requête, dirigé contre une lettre qui se borne à confirmer expressément les termes de la première est donc irrecevable ;

Attendu, à titre subsidiaire, que l'argumentation avancée selon laquelle la prétendue décision attaquée serait entachée d'un double vice de forme, s'avère inopérante, lesdites formes n'étant requises que pour une décision, laquelle n'a pas été prise, à quoi s'ajoute le fait qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que les dérogations prévues par l'article 5 de la loi de 1967 soient prises par arrêté ministériel ;

Attendu, du point de vue de la légalité interne, que l'argument selon lequel la décision du Ministre d'État violerait les dispositions de la loi du 8 décembre 1967 et de l'ordonnance du 12 mai 1993 prise pour son application, lesquelles ne permettraient que des dérogations individuelles décidées au cas par cas, est inopérant, dès lors que la lettre attaquée ne comporte par elle-même aucune dérogation, et infondé, dans la mesure où rien dans les termes de l'article 5 de la loi 8 décembre 1967 n'impose qu'une dérogation ne puisse être autorisée que pour une seule manifestation à la fois dès lors qu'elle est délivrée pour un motif d'intérêt général ; qu'enfin, la lettre attaquée ne présente aucun caractère rétroactif, se bornant à confirmer le courrier du conseiller de gouvernement pour les finances du 27 août 2012, sans pour autant indiquer que les dérogations évoquées s'appliqueraient au litige en cours entre la SBM et les SAM P. et R. ;

Vu la réplique des SAM P. et R. enregistrée au greffe général le 7 novembre 2013 ;

Attendu qu'un recours en annulation est recevable s'il est dirigé contre un acte décisoire pris par une autorité administrative ; qu'en l'espèce, la lettre adressée le 20 juin 2013 par le Ministre d'État a révélé la décision par laquelle le Ministre avait accordé à la SBM la dérogation prévue par l'article 5 de la loi 8 décembre 1967, ainsi que le démontre le contexte dans lequel ladite lettre a été rédigée, suite à une lettre adressée le 27 août 2012 par le conseiller de gouvernement pour les finances, lequel avait été saisi par la SBM d'une demande tendant à ce que » le gouvernement princier (prenne), d'une part, une décision valant confirmation pour la SBM du bénéfice du régime dérogatoire de l'article 5 de la loi 8 décembre 1967, et, d'autre part, portant application de ce régime dérogatoire à la présente saison d'été, et, par ailleurs, pour les spectacles prévus le 30 septembre et 3 novembre 2012 « ; que ladite demande, impliquant que la SBM n'avait jamais obtenu une telle dérogation en bonne et due forme, visait à suppléer cette lacune en obtenant des autorités une décision à effet rétroactif sur ce point ; que c'est donc à une telle demande que répond le conseiller de gouvernement pour les finances lorsqu'il déclare dans sa lettre précitée pouvoir » vous confirmer que ce régime dérogatoire vous est acquis pour tous les spectacles que vous organisez dans le cadre de vos obligations d'animation, que ce soit pour la période d'été ou pour la basse saison « ; que l'on doit donc considérer que le Ministre d'État, lorsqu'il fait expressément référence à ce premier courrier dans sa lettre du 20 juin 2013, révèle qu'il a bien accordé à la SBM, après avoir consulté le Conseil de gouvernement, une dérogation aux dispositions de la loi du 8 décembre 1967 ; que c'est pour cette raison que la SBM n'a pas manqué de produire ladite lettre devant la Cour d'Appel, afin de démontrer qu'elle bénéficiait bien d'une dérogation lui permettant de ne pas être astreinte au respect de la réglementation applicable en matière de lutte contre le bruit ; qu'ainsi, le contexte dans lequel a été rédigée la lettre du 20 juin 2013 démontre que celle-ci a officialisé la décision prise par le Ministre d'État d'accorder à la SBM la dérogation qu'elle avait sollicitée ; que cette interprétation est confirmée par les termes de la lettre du 20 juin 2013, dans lequel le Ministre d'État déclare à la SBM que le caractère d'intérêt général des animations qu'elle mène dans la Principauté lui » permet de facto et de jure (…) de bénéficier des dérogations visées « à l'article 5 de la loi, ajoutant à ce propos que » ledit régime dérogatoire concerne aussi bien les obligations d'animation de la société des bains de mer pour la période d'été que celle d'hiver « ; que ces termes indiquent que la lettre du Ministre d'État ne constitue pas un simple avis sur la situation juridique de la SBM. ; que si tel n'est pas le cas, c'est parce qu'une telle demande avait déjà été présentée et que la dérogation sollicitée avait été accordée par décision du Ministre d'État, la lettre du 20 juin 2013 se bornant à matérialiser ladite décision ; qu'il en résulte que la lettre du 20 juin 2013 révélait l'existence d'une décision, et qu'ainsi, le recours en annulation dirigée contre elle est pleinement recevable ;

Attendu, dans le même sens, qu'on ne saurait considérer la lettre du Ministre d'État comme simplement confirmative de la lettre du conseiller de gouvernement pour les finances du 27 août 2012, dès lors que la lettre du 20 juin 2013 révèle une décision qui n'a jamais été révélée par aucun courrier antérieur, fût-ce par la lettre du 27 août 2012 ; que cette dernière ne faisait en effet mention ni du Ministre d'État, ni de la réunion du Conseil du gouvernement du 18 juillet 2012 durant laquelle a été débattue la question du droit, pour la SBM, à déroger à la loi du 8 décembre 1967 ; qu'en outre, la lettre du 27 août 2012 n'était pas signée par le Ministre d'État, qui est seul en mesure d'accorder des dérogations aux dispositions de la loi précitée ; qu'il en résulte l'impossibilité de déduire de cette première lettre l'existence d'une quelconque décision du Ministre d'État ; que l'impossibilité d'en déduire l'existence d'une décision du Ministre d'État ne permettait pas de faire courir le délai de recours contentieux, lequel ne court qu'à partir du moment où une décision a été révélée sans ambiguïté ; que par suite, la lettre du 20 juin 2013 ne saurait être qualifiée de décision confirmative d'une précédente décision, celle-ci n'étant pas révélée par la lettre du conseiller de gouvernement du 27 août 2012 ; que le recours formé, n'étant pas dirigé contre une décision confirmative, est pleinement recevable ;

Attendu ensuite, en ce qui concerne la légalité externe de la décision contestée, que le Ministre d'État ne saurait affirmer qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que des dérogations soient prises par arrêté ministériel, puisqu'en choisissant de procéder par un simple arrêté, le Ministre d'État pourrait alors vider de sa substance la loi du 8 décembre 1967 tout en privant le Prince de la faculté d'exercer son droit d'opposition ;

Vu la duplique enregistrée au greffe général le 11 décembre 2013, réaffirmant l'irrecevabilité du recours formé par les SAM P.et R. ;

Attendu que la nature décisoire d'un acte dépend exclusivement de son contenu, et non de l'utilisation qui a pu en être faite par son destinataire ou du contexte dans lequel il a été rédigé ; qu'à cet égard, la lettre du 20 juin 2013 se borne à exprimer l'opinion selon laquelle la SBM, en raison de la nature de ses activités, remplirait les conditions requises pour pouvoir bénéficier, en droit et en fait, de la dérogation prévue à l'article 5 de la loi du 8 décembre 1967 ; qu'elle n'indique nullement que la SBM serait d'ores et déjà titulaire d'une telle dérogation ; qu'elle a donc un caractère simplement informatif, et qu'ainsi, elle ne constitue pas une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation ;

Sur ce :

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution du 17 décembre 1962 et notamment ses articles 47 et 90-B ;

Vu l'Ordonnance n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 834 du 8 décembre 1967 visant à limiter et diminuer l'intensité du bruit et réprimer les bruits troublants la tranquillité publique ;

Vu l'Ordonnance n° 10.885 du 12 mai 1993 fixant les conditions d'application de l'article 1er de la loi n° 834 du 8 décembre 1967 en ce qui concerne les limites d'intensité des bruits de voisinage ;

Vu la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu l'Ordonnance en date du 14 août 2013 par laquelle le président du Tribunal Suprême a désigné Mme Martine LUC-THALER, membre titulaire, comme rapporteur, modifiée par l'ordonnance du 9 septembre 2013 ayant désigné M. Frédéric ROUVILLOIS, membre suppléant, en qualité de rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture de la procédure établi par le greffier en chef le 7 avril 2014 ;

Vu l'Ordonnance du 6 mai 2014 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du jeudi 5 juin 2014 ;

Ouï M. Frédéric ROUVILLOIS, Membre suppléant du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Richard MULLOT, Avocat défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour les SAM P. et R. ;

Ouï Maître Jacques MOLINIE, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;

Ouï le Ministère public en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré ;

Considérant que la lettre du Ministre d'État du 20 juin 2013 avait pour objet d'informer son destinataire, le président de la Société des Bains de Mer, que les animations organisées par ladite société constituent des » manifestation publiques présentant un caractère d'intérêt général pour la Principauté de Monaco « au sens de l'article 5 de la loi n° 834 du 8 décembre 1967, ce qui, » de facto et de jure «, permettrait à la SBM » de bénéficier des dérogations visées audit article " ;

Considérant que la lettre attaquée, si elle fournit de telles informations, n'a ni pour objet ni pour effet d'accorder par elle-même une telle dérogation ; que dès lors, elle ne constitue pas une décision faisant grief ; que par suite, la requête doit être rejetée comme irrecevable.

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des SAM P. et R. est rejetée.

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge des SAM P. et R.

Composition

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de M. Didier LINOTTE, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, président, M. Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES, officier de l'ordre de Saint-Charles, vice-président, M. José SAVOYE, membre titulaire, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Mme Magali INGALL-MONTAGNIER, membre suppléant, et M. Frédéric ROUVILLOIS, membre suppléant, rapporteur,

et prononcé le seize juin en présence du Ministère Public par Monsieur Didier LINOTTE, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Béatrice BARDY, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, greffier en chef.

Le Greffier en Chef, le Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2013-18
Date de la décision : 16/06/2014

Analyses

Pollution et nuisances  - Loi et actes administratifs unilatéraux  - Propriété des personnes publiques et domaine public.

CompétenceContentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel.


Parties
Demandeurs : SAM PATRICIA et SAM ROCCABELLA
Défendeurs : le Ministre d'Etat

Références :

article 47 de la constitution
Ordonnance n° 2.984 du 16 avril 1963
Loi n° 834 du 8 décembre 1967
loi n° 1.312 du 29 juin 2006
ordonnance du 28 octobre 2009
article 5 de la loi du 8 décembre 1967
Vu la Constitution du 17 décembre 1962
loi du 8 décembre 1967
ordonnance du 9 septembre 2013
article 1er de la loi n° 834 du 8 décembre 1967
article 2 de la loi du 29 juin 2006
loi du 29 juin 2006
ordonnance n° 10.885 du 12 mai 1993
ordonnance du 12 mai 1993
Ordonnance du 6 mai 2014
article 5 de la loi n° 834 du 8 décembre 1967


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2014-06-16;ts.2013.18 ?

Source

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