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07/04/2014 | MONACO | N°TS/2013-17

Monaco | Tribunal Suprême, 7 avril 2014, Syndicat de la Voirie, des Jardins et des Égouts c/ État de Monaco, TS/2013-17


Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2013-17

Affaire :

Syndicat de la Voirie, des Jardins

et des Egouts

Contre

État de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 28 MARS 2014

Lecture du 7 avril 2014

Requête en annulation de la décision du 17 juin 2013 par laquelle S. E. le Ministre d'Etat a rejeté un recours hiérarchique formé contre une décision prise le 26 décembre 2012 par le Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique relative aux conditions du maintien en fonction au-delà de s

oixante ans des membres du personnel des Services Urbains, ensemble ladite décision du 26 décembre 2012.

En la cause de :

Le Syn...

Motifs

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2013-17

Affaire :

Syndicat de la Voirie, des Jardins

et des Egouts

Contre

État de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 28 MARS 2014

Lecture du 7 avril 2014

Requête en annulation de la décision du 17 juin 2013 par laquelle S. E. le Ministre d'Etat a rejeté un recours hiérarchique formé contre une décision prise le 26 décembre 2012 par le Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique relative aux conditions du maintien en fonction au-delà de soixante ans des membres du personnel des Services Urbains, ensemble ladite décision du 26 décembre 2012.

En la cause de :

Le Syndicat de la Voirie, des Jardins et des Egouts, dont le siège social est sis 28, boulevard Rainier III, à Monaco, représenté par son Secrétaire Général en exercice,

Ayant élu domicile en l'étude de Monsieur le Bâtonnier Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

Contre :

- L'État de Monaco, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur à la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par la S. C. P. PIWNICA-MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière,

Vu la requête présentée par le Syndicat de la Voirie, des Jardins et des Égouts, enregistrée au Greffe Général le 26 juillet 2013, et tendant à l'annulation de la décision du 17 juin 2013 par laquelle le Ministre d'État a rejeté un recours hiérarchique formé contre une décision prise le 26 décembre 2012 par le Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique relative aux conditions du maintien en fonction au-delà de soixante ans des membres du personnel des Services Urbains et à l'annulation de ladite décision du 26 décembre 2012.

Ce faire,

Attendu que, selon la requête, les agents des Services Urbains de l'État ne sont pas régis par le statut de la fonction publique mais par les « Dispositions applicables au personnel des Services Urbains » rendues exécutoires par l'arrêté ministériel n° 2007-543 du 26 octobre 2007 ; qu'il résulte de l'article 69 de ces Dispositions que l'âge de la retraite applicable à ces agents est de 65 ans, et de l'article 70 que leurs droits sont ouverts à partir de 60 ans, de sorte qu'ils peuvent prendre leur retraite de façon anticipée ; que le Gouvernement considère cependant que l'âge de la retraite obligatoire est de 60 ans mais que les agents peuvent obtenir une prolongation jusqu'à l'âge maximum de 65 ans sur la base d'une demande individuelle annuelle ; qu'il résulte d'une décision du Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique en date du 26 décembre 2012 que, dans ce cadre, les agents peuvent être maintenus « à titre contractuel » et que les demandes de prolongation feront l'examen d'un examen individuel par le Gouvernement à l'issue d'une procédure supposant l'accord de plusieurs autorités administratives ;

Attendu que le Syndicat requérant a formé le 6 février 2013 un recours hiérarchique contre cette décision, recours rejeté par le Ministre d'État le 17 juin 2013 ; que ces deux décisions violent la loi n° 455 du 27 juin 1947 et l'arrêté ministériel n° 2007-543 ; que les dispositions d'ordre public de l'article 1er de la loi n° 455 prévoient l'ouverture du droit à pension à 65 ans mais aussi une ouverture anticipée, sans minoration de la pension, dès l'âge de 60 ans ; qu'il en résulte que les agents en cause ont le droit de travailler jusqu'à 65 ans, droit qui ne peut leur être retiré par un acte réglementaire ou de valeur juridique incertaine ; qu'on ne saurait donc soumettre la possibilité de travailler jusqu'à 65 ans à une quelconque condition ; que les décisions attaquées ont pour effet d'empêcher ces agents de compléter leur pension par un nombre d'annuités suffisant pour bénéficier d'une pension à taux plein ; que sont sans aucune pertinence juridique les arguments du Ministre d'État fondés sur la distinction entre limite d'âge et âge d'ouverture des droits à pension ou encore sur la prohibition des engagements perpétuels ; que le procédé de l'examen individuel pour autoriser les agents à travailler au-delà de 60 ans est arbitraire ;

Vu la contre-requête du Ministre d'État, enregistrée au Greffe Général le 27 septembre 2013, tendant au rejet de la requête au motif que l'article 70 des Dispositions applicables au personnel des services urbains fixe à 60 ans la limite d'âge d'activité de ces personnels ; qu'il convient de distinguer cette disposition de l'âge légal de départ à la retraite fixé par la loi n° 455 du 27 juin 1947 ; que cette loi n'interdit nullement à l'autorité réglementaire de fixer un âge limite d'activité adapté aux particularités de certaines fonctions, notamment en l'espèce à la spécificité et à la pénibilité des fonctions sans que, pour autant, soit remis en cause l'ouverture des droits à pension à 65 ans ni la possibilité, prévue par la même loi de 1947. de bénéficier d'une pension non minorée dès l'âge de 60 ans ; que l'article 69 des Dispositions a pour seul objet d'attribuer la liquidation et le versement des pensions de retraites des agents à la Caisse autonome de retraite à laquelle l'État employeur verse les cotisations concernant ces agents ;

Vu la réplique, enregistrées au Greffe Général le 4 novembre 2013 par laquelle le Syndicat de la Voirie, des Jardins et des Égouts maintient ses conclusions par le même moyen, ajoutant que l'argumentation de l'État est contradictoire dès lors qu'on ne peut à la fois affirmer qu'il existe une limite d'âge de 60 ans justifiée par la nature des fonctions et que, cependant, les agents peuvent continuer à travailler au-delà de cet âge comme le prévoit la loi n° 455 de 1947 ; que, précisément, les agents ne le peuvent pas puisqu'ils doivent présenter une demande individuelle renouvelable annuellement ; qu'il est faux de soutenir que la pension n'est pas minorée quand la retraite est prise à 60 ans ; que, de surcroît, l'argument tiré de la pénibilité du travail n'est applicable qu'au personnel des égouts, qui peuvent prendre leur retraite à 55 ans, mais n'a jamais été prise en compte pour les personnels des jardins et de la voirie ; qu'on ne comprend pas pourquoi les agents autorisés à travailler au-delà de 60 ans deviendraient « contractuels » ; enfin que l'État ne peut pas à la fois affilier ses agents à la Caisse autonome des retraites et s'affranchir des règles qui lui sont applicables ;

Vu la duplique, enregistrée au Greffe Général le 6 décembre 2013, par laquelle le Ministre d'État conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que dans sa contre-requête, ajoutant que l'article 45 de la loi n° 455 de 1947 exclut de son champ d'application les agents de l'État et de la Commune, de sorte que ses dispositions ne sont pas d'ordre public pour ces agents et que l'article 70 des Dispositions applicables au personnel des services urbains permet de fixer une limite d'âge d'activité sans pour autant prévoir une minoration des retraites ; que ces Dispositions ne font référence à cette loi n° 455 que pour les affilier au régime institué par la même loi n° 455 mais n'interdit pas de déroger à ses dispositions pour l'adapter aux caractéristiques des fonctions exercées par les agents ; que c'est pour répondre à une demande du Syndicat requérant que l'administration a accepté qu'il puisse être dérogé à la limite d'âge d'activité de 60 ans à conditions que les agents qui demandent à en bénéficier soient reconnus aptes ;

Sur ce :

Vu les décisions attaquées ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier :

Vu la Constitution et notamment son article 90-b ;

Vu l'Ordonnance n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur le Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 455 du 27 juin 1947 sur les retraites des salariés, notamment ses articles 1er et 45 ;

Vu l'arrêté ministériel n° 2007-543 du 26 octobre 2007 relatif au personnel du service de l'aménagement urbain ;

Vu l'Ordonnance du 1er août 2013 par laquelle M. le Président du Tribunal Suprême a nommé M. Jean-Michel LEMOYNE de FORGES, Vice-président, en qualité de rapporteur ;

Vu l'Ordonnance du 24 janvier 2014 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 28 mars 2014 ;

À l'audience du 28 mars 2014 sur le rapport de M. Jean-Michel LEMOYNE de FORGES, Vice-président du Tribunal Suprême ;

Ouï Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel, pour le Syndicat de la Voirie, des Jardins et des Égouts ;

Ouï Maître Jacques MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;

Ouï le Ministère Public en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré ;

Considérant que le Syndicat requérant soutient que les décisions qu'il attaque, relatives aux possibilités de maintien en fonction des agents chargés de l'entretien des jardins, de la voirie et des égouts au-delà de l'âge de soixante ans, sont intervenues en violation de la loi n° 455 du 27 juin 1947 sur les retraites des salariés et de l'arrêté ministériel n° 2007-543 du 26 octobre 2007 relatif au personnel du service de l'aménagement urbain qui a rendu les « Dispositions applicables au personnel des services urbains » du 26 février 2003 applicables à « l'ensemble des agents du service de l'aménagement urbain chargés de l'entretien et de la surveillance des jardins, de la voirie et des réseaux d'assainissement » ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'ensemble des moyens de la requête

Considérant que l'article 70 des « Dispositions » précitées fixe à soixante ans la limite d'âge pour l'exercice des fonctions d'entretien et de surveillance des jardins, de la voirie et des égouts ; que la circonstance que, sur le fondement de l'article 69 de ces « Dispositions », les cotisations et les prestations de retraite des personnels en cause soient pour partie confiées à la Caisse autonome des retraites des salariés n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire au Ministre d'État de fixer par arrêté ministériel une telle limite d'âge ; que toutefois ni ces « Dispositions » ni aucun autre texte législatif ou réglementaire applicable au personnel en cause n'autorise le Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction publique à prévoir des dérogations à cette limite d'âge ; que la décision du Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique du 26 décembre 2012 prévoyant et organisant de telles dérogations a donc été prise par une autorité incompétente ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que, par sa décision du 17 juin 2013, le Ministre d'État a rejeté le recours hiérarchique du Syndicat requérant.

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er : Les décisions attaquées, prises respectivement le 17 juin 2013 par le Ministre d'État et le 26 décembre 2012 par le Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction publique sont annulées ;

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge de l'État ;

Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

Composition

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Didier LINOTTE, chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, président, Jean-Michel LEMOYNE de FORGES, officier de l'Ordre de Saint-Charles, vice-président, rapporteur, José SAVOYE, chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, membre titulaire, de Monsieur Frédéric ROUVILLOIS et de Madame Magali INGALL-MONTAGNIER, membres suppléants,

et prononcé le sept avril deux mille quatorze en présence Ministère Public par Monsieur Didier LINOTTE, chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Président assisté de Madame Béatrice BARDY, chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Greffier en chef.

Le Greffier en Chef, le Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2013-17
Date de la décision : 07/04/2014

Analyses

Compétence  - Loi et actes administratifs unilatéraux  - Service public  - Chômage et reclassement.

CompétenceContentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif réglementaire.


Parties
Demandeurs : Syndicat de la Voirie, des Jardins et des Égouts
Défendeurs : État de Monaco

Références :

Ordonnance du 1er août 2013
Vu la Constitution
Ordonnance du 24 janvier 2014
arrêté ministériel n° 2007-543 du 26 octobre 2007
Ordonnance n° 2.984 du 16 avril 1963
loi n° 455 du 27 juin 1947


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2014-04-07;ts.2013.17 ?

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