La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/05/2013 | MONACO | N°TS/2012-09

Monaco | Tribunal Suprême, 29 mai 2013, Commune de Beausoleil c/ État de Monaco, TS/2012-09


Motifs

LE TRIBUNAL SUPRÊME,

Siégeant et délibérant en assemblée plénière

Vu la requête de la commune de Beausoleil agissant par son maire dûment autorisé par délibération du Conseil municipal en date du 14 juin 2011, enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 11 mai 2012 sous le numéro TS 2012-09, tendant à l'annulation de l'Ordonnance Souveraine n° 3.485 du 11 Octobre 2011, modifiant l'Ordonnance Souveraine n° 831 du 14 décembre 2006 portant délimitation, plans de coordination et règlement particulier d'urbanisme, de construc

tion et de voirie du quartier ordonnancé de Saint-Roman, ensemble la décision de rejet opposée...

Motifs

LE TRIBUNAL SUPRÊME,

Siégeant et délibérant en assemblée plénière

Vu la requête de la commune de Beausoleil agissant par son maire dûment autorisé par délibération du Conseil municipal en date du 14 juin 2011, enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 11 mai 2012 sous le numéro TS 2012-09, tendant à l'annulation de l'Ordonnance Souveraine n° 3.485 du 11 Octobre 2011, modifiant l'Ordonnance Souveraine n° 831 du 14 décembre 2006 portant délimitation, plans de coordination et règlement particulier d'urbanisme, de construction et de voirie du quartier ordonnancé de Saint-Roman, ensemble la décision de rejet opposée par S.E. M. le Ministre d'État le 9 mars 2012 à la requête gracieuse présentée le 21 décembre 2011 d'annulation de ladite Ordonnance Souveraine.

Ce faire :

Attendu que le 11 mai 2012, la commune de Beausoleil, agissant par son maire, faisait enregistrer au Greffe Général du Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco une requête aux fins d'annulation de l'Ordonnance Souveraine n° 3.485 portant délimitation, plans de coordination et règlement particulier d'urbanisme, de construction et de voirie, publiée au Journal de Monaco le 21 octobre 2011, modifiant les règles d'urbanisme préalablement applicables au quartier de Saint-Roman régi jusque là par l'Ordonnance Souveraine n° 831 du 14 décembre 2006, en instaurant de nouvelles dispositions particulières d'urbanisme, notamment en ses articles 3 relatif à l'implantation des constructions par rapport aux emprises publiques, 4 relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, 5 relatif à l'emprise des constructions et 7 relatif à l'indice de construction.

Attendu qu'ainsi l'Ordonnance litigieuse permet l'édification sur le territoire monégasque, en limite avec le territoire de la requérante, de bâtiments imposants qui auront des conséquences préjudiciables sur l'urbanisation du territoire communal.

Attendu que l'article 32 de la Constitution monégasque du 17 décembre 1962 dispose : « l'étranger jouit dans la Principauté de tous les droits publics et privés qui ne sont pas formellement réservés aux nationaux » ; que le Tribunal Suprême a admis sur la base de cette disposition la recevabilité d'un recours formé par deux étrangers résidant hors de Monaco et sollicitant l'annulation d'un acte administratif monégasque lui faisant grief (T.S. 17 mai 2010 Dame DP et Dlle EG) ; qu'il s'agissait pour les requérantes de contester la construction d'un immeuble à usage d'habitation et de bureaux sur des terrains situés en limite territoriale de la commune de Beausoleil, à quelques mètres de la propriété des requérantes.

Attendu en l'espèce que la commune de Beausoleil, personne morale de droit public, est dotée de la personnalité morale et peut donc librement ester en justice, contre un acte administratif lui faisant grief ; que tel est bien le cas en l'espèce dès lors que le quartier de Saint-Roman se situe en limite territoriale de la commune ; que l'Ordonnance Souveraine le concernant emporte des effets sur la commune et que le Boulevard du Ténao qui débouche au droit du quartier ordonnancé Saint-Roman appartient au domaine public de la voirie communale.

Attendu, en l'absence de jurisprudence monégasque, que le Conseil d'État français considère que les communes limitrophes ont intérêt à contester les documents d'urbanisme qui auraient une incidence sur elles-mêmes (CE 2 avril 1993 SA Michel C.) ; que tel est incontestablement le cas de la commune de Beausoleil sur l'urbanisation de laquelle la modification de la règlementation d'urbanisme contestée aura indubitablement des effets (équipements publics, intensification du trafic automobile, impact visuel, remise en cause des règles d'implantation fixées par le PLU de la commune, etc.) ;

Que son intérêt à agir est ainsi incontestable ;

Attendu que l'Ordonnance Souveraine n° 3.485 du 11 octobre 2011 est entachée de trois vices de procédure majeurs tiré pour le premier de l'absence d'étude d'impact préalable en méconnaissance des principes généraux du droit international alors que la Principauté de Monaco y est soumise par application de l'article 1er de la Constitution du 17 décembre 1962.

Attendu qu'à l'occasion de la ratification de la Convention européenne des Droits de l'Homme, la Principauté a précisé qu'elle reconnaissait le principe de hiérarchie des normes ; qu'ainsi les Ordonnances Souveraines se doivent de respecter les principes généraux du droit qui lui sont des normes supérieures.

Attendu que la Cour Internationale de Justice de La Haye a reconnu la nécessité d'une étude d'impact sur l'environnement, comme principe général du droit international, corollaire du principe de précaution ; que cette nécessité est rappelée dans l'exposé des motifs d'un projet de loi monégasque.

Attendu que l'objectif de l'Ordonnance Souveraine n° 3.485 du 11 octobre 2011 est de permettre l'édification future, sur l'emprise EB2 d'un immeuble de grande hauteur ; que cet immeuble impactera nécessairement l'environnement immédiat, tant sur le territoire monégasque que sur le territoire limitrophe de la commune de Beausoleil, située à quelques dizaines de mètres ; qu'en application des dispositions françaises, l'édification de cet IGH monégasque entraînera la création d'une zone « non aedificandi » sur le territoire la commune de Beausoleil, d'une largeur de 8 mètres, et d'une longueur égale à celle des façades de l'IGH construit le long de la frontière ;

Qu'ainsi il appartenait aux autorités monégasques de procéder à une étude d'impact préalable ; qu'à défaut l'Ordonnance attaquée est entachée d'illégalité.

Attendu ensuite que par application de l'article 1er de la Constitution du 17 décembre 1962, la Principauté de Monaco est soumise aux conventions particulières avec la France, lesquelles ont la même valeur obligatoire, qu'elles soient formellement intervenues par traités ou par accords en la forme simplifiée.

Attendu que s'agissant de l'urbanisme transfrontalier entre la Principauté de Monaco et l'État français, un échange de lettres est intervenu le 18 mai 1963, lequel prévoit leur consultation réciproque préalablement à tout établissement ou modification des plans d'urbanisme.

Attendu que par un second échange de lettres en date des 7 et 23 janvier 1970, les deux États ont donné leur accord à la création d'une commission mixte paritaire qui doit être consultée préalablement à tout projet urbanistique d'ampleur ;

Que l'Ordonnance attaquée doit être annulée pour ne pas avoir été précédée de cette consultation et ne comportait aucun visa au titre de l'accord international précité.

Attendu que l'Ordonnance Souveraine attaquée est entachée au surplus d'une rupture du principe général du droit qu'est le principe d'égalité ; qu'en effet, l'objectif de l'Ordonnance Souveraine n° 3.485 du 11 octobre 2011 est de permettre l'édification future, sur 30 % maximum de la surface totale de l'emprise EB2, d'un immeuble de grande hauteur pour l'édification duquel aucune règle de recul ni de volume de protection par rapport aux constructions voisines n'est prévue.

Attendu que la commune de Beausoleil devra, quant à elle, procéder à une étude d'impact de ce bâtiment sur son territoire où elle devra de surcroît créer une zone « non aedificandi ».

Attendu au surplus que tout règlement d'urbanisme entrepris par la Principauté, qui ne tiendrait pas compte de ses effets transfrontaliers, porte également atteinte au principe général du droit d'équité ; que l'ordonnance attaquée encourt l'annulation de ces nouveaux chefs.

Attendu sur la légalité interne qu'il est de jurisprudence constante en droit français qu'un document d'urbanisme doit être exempt de toute incohérence sous peine d'illégalité.

Attendu que l'article 12 C de l'Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 9 septembre 1966 divise le secteur des opérations urbanisées en zone à gabarit moyen, zone à gabarit élevé et zone frontière ; que chacune de ces zones est soumise à ses règles propres.

Attendu dès lors que l'Ordonnance attaquée en situant la mise en œuvre de l'opération d'ensemble correspondant à l'emprise bâtie EB2 dans une zone classée à la fois en gabarit moyen et gabarit élevé présente une incohérence majeure s'agissant de zones aux règles de construction incompatibles ; qu'elle devra donc être annulée ;

Vu la contre-requête enregistrée le 12 juillet 2012 au Greffe Général par laquelle S.E. M. le Ministre d'État observe que la commune de Beausoleil, collectivité territoriale française, étrangère à l'État de Monaco, n'a ni qualité, ni capacité pour contester sur le territoire de la Principauté, un acte relevant de la Souveraineté monégasque ; que si le Tribunal Suprême a jugé, sur le fondement de l'article 32 de la Constitution aux termes duquel « l'étranger jouit dans la Principauté de tous les droits publics et privés qui ne sont pas formellement réservés aux nationaux », que des propriétaires privés, demeurant à B., pouvaient avoir qualité à agir à l'encontre d'un arrêté du Ministre d'État (T.S. 17 mai 2010, Mme P. et Melle G.) ; qu'il s'agissait en l'espèce d'un arrêté portant autorisation de construire, acte administratif individuel susceptible de faire directement grief aux propriétaires voisins de la construction autorisée ; qu'en l'espèce, l'Ordonnance attaquée est un acte réglementaire régissant l'urbanisation d'une partie du territoire de la Principauté de Monaco, le quartier ordonnancé de Saint-Roman, et que la solution adoptée par le Tribunal Suprême dans sa décision du 17 mai 2010 n'est donc pas transposable.

Attendu qu'admettre la recevabilité de la requête de la commune de Beausoleil, collectivité publique relevant d'un État étranger, reviendrait à remettre en cause la souveraineté et l'indépendance de la Principauté.

Attendu que cette Souveraineté s'oppose évidemment à ce que des considérations inspirées par des intérêts extérieurs à la Principauté soient prises en compte au titre du contrôle juridictionnel ; que ce n'est dès lors qu'à titre subsidiaire que S.E. M. le Ministre d'État défendra au fond.

Attendu que l'article 1er de la Constitution aux termes duquel « la Principauté de Monaco est un État Souverain et indépendant dans le cadre des principes généraux du droit international et des conventions particulières avec la France » ne signifie pas que la Principauté de Monaco serait soumise aux principes généraux du droit international, mais bien qu'elle exerce sa souveraineté et son indépendance dans le cadre de ces principes, ce qui est différent.

Attendu que la ratification de la Convention européenne des Droits de l'Homme par Monaco, approuvée par la loi n° 1.304 du 3 novembre 2005 et rendue exécutoire par l'Ordonnance n° 408 du 15 février 2006, a fait l'objet de la déclaration suivante :

« La Principauté de Monaco reconnaît le principe de la hiérarchie des normes, garantie essentielle de l'État de droit. Dans l'ordre juridique monégasque, la Constitution, librement octroyée à ses sujets par le Prince Souverain qui en est la source, constitue la norme suprême dont Il est le gardien et l'arbitre, tout comme les autres normes à valeur constitutionnelle constituées par les conventions particulières avec la France, les principes généraux du droit international relatifs à la souveraineté et à l'indépendance des États, ainsi que les Statuts de la Famille souveraine. Les traités et accords internationaux régulièrement signés et ratifiés par le Prince ont une autorité supérieure à la loi. Par conséquent, la Convention européenne des Droits de l'Homme a une force infra-constitutionnelle mais supra législative » ;

Qu'il en résulte que seuls les principes généraux du droit international relatifs à la souveraineté et à l'indépendance des États sont applicables aux actes administratifs de la Principauté ; que s'agissant des autres règles de droit international, elles ne peuvent résulter que des traités et accords internationaux régulièrement signés et ratifiés par le Prince ;

Qu'en l'espèce la commune de Beausoleil n'est pas fondée à se prévaloir de la Déclaration de Rio de 1992 sur l'environnement, laquelle n'a qu'une valeur déclarative pour ne pas constituer un traité ni un accord international soumis à ratification ;

Qu'en toute hypothèse, les principes contenus dans cette Déclaration ne sauraient être regardés comme des normes applicables aux actes législatifs ou administratifs de la Principauté ;

Que le principe d'une étude d'impact préalable ne peut être invoqué à l'encontre de l'Ordonnance Souveraine attaquée.

Attendu que la commune de Beausoleil n'est pas davantage fondée à se réclamer de la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice, laquelle au demeurant, n'a jamais posé comme principe général l'obligation de soumettre à une étude préalable d'impact sur l'environnement, les actes relatifs à l'urbanisation ou à l'aménagement du territoire ;

Qu'ainsi dans l'affaire « usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay » (C.I.J., 20 avril 2010, ARGENTINE C/ URUGUAY), elle a jugé : … « qu'il existe, en droit international général, une obligation de procéder à une évaluation de l'impact sur l'environnement lorsque l'activité industrielle projetée risque d'avoir un impact préjudiciable important dans un cadre transfrontière, et en particulier sur une ressource partagée… Dès lors la Cour estime qu'il revient à chaque État de déterminer, dans le cadre de sa législation nationale ou du processus d'autorisation du projet, la teneur exacte de l'évaluation de l'impact sur l'environnement requise dans chaque cas en prenant en compte la nature et l'ampleur du projet en cause et son impact négatif probable sur l'environnement… » ;

Qu'ainsi la Cour Internationale de Justice n'impose, comme principe général, l'obligation de soumettre à une étude préalable d'impact sur l'environnement que les seuls actes susceptibles de porter atteinte à l'environnement ;

Que tel n'est pas le cas de l'Ordonnance Souveraine du 11 octobre 2011 qui a pour seul objet de réglementer l'urbanisation du quartier ordonnancé de Saint-Roman, d'ores et déjà urbanisé, sans qu'une ressource environnementale soit en cause.

Attendu qu'en tout état de cause l'obligation de procéder à une évaluation de l'impact environnemental « lorsque l'activité industrielle projetée risque d'avoir un impact préjudiciable important dans un cadre transfrontière, et en particulier sur une ressource partagée » ne saurait être invoquée à l'appui d'un recours contentieux interne.

Que le moyen tiré de la méconnaissance des principes généraux du droit international sera donc écarté.

Attendu que c'est à tort que la commune de Beausoleil prétend que l'Ordonnance du 11 octobre 2011 attaquée serait intervenue sur une procédure irrégulière en l'absence de consultation de la Commission mixte franco-monégasque prévue par les échanges de lettres du 18 mai 1963 et des 7 et 23 janvier 1970 intervenus entre l'État français et la Principauté de Monaco, dès lors que de tels échanges ne figurent pas au nombre des normes internationales introduites dans l'ordre juridique interne monégasque.

Attendu qu'aux termes de l'article 14 de la Constitution du 17 décembre 1962 « après consultation du Conseil de la Couronne, le Prince signe et ratifie les traités et accords internationaux. Il les communique au Conseil National, par l'intermédiaire du Ministre d'État, avant leur ratification », alors que les échanges de lettre invoqués n'ont pas fait l'objet d'une ratification et n'ont donc pas été introduits dans l'ordre juridique interne monégasque ;

Que le Tribunal Suprême a d'ailleurs déjà jugé :

« Considérant qu'un échange de lettres a eu lieu entre l'État monégasque et l'État français le 18 mai 1963, modifié par un nouvel échange de lettres des 7 et 23 janvier 1970 afin de permettre une coordination des règles d'urbanisme sur l'ensemble des secteurs frontaliers ; que cependant, à défaut de ratification, ces échanges de lettres n'ont pas été intégrés dans l'ordre juridique monégasque ; que, dès lors, le moyen tiré de l'absence de consultation d'une commission mixte franco-monégasque prévue par l'échange de lettres des 7 et 23 janvier 1970 ne peut qu'être rejeté » (T.S. 17 mai 2010 Mme P. et Melle G.).

Attendu que le grief selon lequel l'Ordonnance Souveraine attaquée serait entachée d'un autre vice de procédure pour non-respect des principes d'égalité et d'équité n'est pas mieux fondé que les précédents ;

Qu'en effet, si le principe général du droit d'égalité est garanti par les articles 17 et 32 de la Constitution du 17 décembre 1962, sa méconnaissance ne peut être invoquée à l'encontre d'un acte que dans la mesure où cet acte traite différemment des situations qui sont comparables ou analogues.

Qu'en l'espèce, la commune requérante ne peut invoquer aucune rupture d'égalité de traitement entre le quartier ordonnancé de Saint-Roman, situé à Monaco et la zone frontalière située sur le territoire de commune de Beausoleil, dès lors que l'Ordonnance Souveraine attaquée n'est territorialement applicable qu'à Monaco et a pour seul objet de réglementer l'urbanisation du quartier de Saint-Roman.

Attendu que le principe d'équité invoqué, n'a jamais été érigé en principe général du droit par le Tribunal Suprême.

Attendu en toute hypothèse que l'Ordonnance Souveraine attaquée n'ayant pas pour objet de réglementer l'urbanisation de commune de Beausoleil, celle-ci n'est pas fondée à soutenir qu'elle méconnaîtrait le principe d'équité à son détriment, alors que les dispositions contestées ne lui sont pas applicables.

Attendu enfin, qu'à supposer opérant, le moyen tiré de ce que l'Ordonnance Souveraine du 11 octobre 2011 introduirait une incohérence majeure avec l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1966 manque en fait.

Attendu en effet, qu'aux termes de l'article 12 modifié de l'ordonnance du 9 septembre 1966, « le territoire de la Principauté est divisé en trois secteurs :

A – Le secteur réservé…

B – Le secteur des quartiers ordonnancés qui comprend les quartiers (au nombre desquels figure le quartier de Saint-Roman) dont la destination ou le caractère justifient des dispositions particulières.

Les Ordonnances Souveraines portant règlement particulier d'urbanisme, de construction et de voirie des quartiers ordonnancés, rappellent les limites des quartiers ordonnancés, définissent, si nécessaire, la division en zones de chacun des quartiers ordonnancés et, éventuellement, la subdivision en îlots de ces zones.

Elles définissent également les dispositions générales des constructions à édifier dans chaque quartier ordonnancé…

C – Les secteurs des opérations urbanisées qui comporte :

– une zone à gabarit moyen,

– une zone à gabarit élevé,

– une zone frontière.

Le plan de zone PU-ZG-PTE-D7, annexé à la présente ordonnance, en fixe les limites.

Toutes les constructions à édifier sur le territoire de la Principauté doivent être établies en conformité des dispositions définies par les articles ci-après.

Enfin, attendu qu'il résulte de ces dispositions que le quartier de Saint-Roman relève expressément du B de l'article 12 et fait partie à ce titre du secteur des quartiers ordonnancés, distinct du secteur des opérations urbanisées.

Attendu que dans ces conditions, et contrairement à ce qui est soutenu, le quartier de Saint-Roman, seul, concerné par l'Ordonnance Souveraine n° 3.485 du 11 octobre 2011 attaquée, n'est pas divisé en trois zones, ce que l'Ordonnance du 9 septembre 1966 ne prévoit que pour le seul secteur des opérations urbanisées.

Qu'ainsi aucune incohérence ne peut être dénoncée et que le moyen doit être rejeté comme les précédents, ce qui entraînera, par voie de conséquence, le rejet de la requête.

Vu la réplique enregistrée le 9 août 2012 au Greffe Général par laquelle la commune de Beausoleil poursuit les mêmes fins par les mêmes moyens, commençant par souligner que dès lors que des requêtes en annulation dirigées contre des actes administratifs réglementaires tels que le plan de coordination et le règlement particulier d'urbanisme du quartier ordonnancé du Port Hercule, ont été déclarés recevables s'agissant de requérants monégasques, le principe d'égalité entre nationaux et étrangers posé par l'article 32 de la Constitution consacre la qualité pour agir d'une collectivité territoriale française.

Attendu par ailleurs, que la collectivité territoriale de B. est une structure administrative distincte de l'État français, et qu'elle défend ses intérêts propres devant le Tribunal Suprême, ce à quoi, la souveraineté de la Principauté de Monaco ne saurait faire obstacle.

Attendu que la commune requérante soutient ensuite qu'il résulte de l'article 1er de la Constitution monégasque que la Principauté est bien soumise aux principes généraux du droit international, sans distinction, et qu'en conséquence, l'Ordonnance Souveraine attaquée devait respecter la nécessité d'une étude d'impact environnementale préalable dès lors que la nécessité de ladite étude d'impact a bien été admise comme principe général du droit international, corollaire du principe de précaution, par la Cour internationale de justice.

Attendu que cette obligation n'est pas limitée par la C.I.J. aux seuls projets qui risquent d'avoir un impact préjudiciable sur une ressource partagée comme le soutient M. le Ministre d'État, mais applicable » sur tout projet susceptible de causer des préjudices sensibles, transfrontières à un autre État « ; que le projet d'immeuble de grande hauteur est incontestablement susceptible de causer des préjudices à la requérante en ce qu'il aura nécessairement un impact sur l'environnement immédiat de l'emprise EB2, y compris sur le territoire limitrophe de B.

Attendu ensuite que si la C.I.J. laisse à chaque État la possibilité de déterminer librement, dans le cadre de sa législation nationale, la teneur de l'évaluation de l'impact sur l'environnement, pour autant ces derniers ne peuvent pas s'abstenir de mettre en œuvre cette évaluation ; que pour le surplus, la requérante maintient le caractère obligatoire de l'échange de lettres franco-monégasque et de la consultation de la Commission mixte paritaire franco-monégasque, comme elle maintient la rupture du principe d'égalité provenant de ce que l'implantation d'un immeuble de grande hauteur sur le territoire monégasque aura pour conséquence, en application des lois françaises, l'inconstructibilité d'une partie du territoire communal.

Vu la duplique enregistrée le 10 septembre 2012 au Greffe Général par laquelle S.E. M. le Ministre d'État persiste dans son argumentaire précisant que l'article 32 de la Constitution ne concerne que les droits de la personne et ne saurait être invoqué par une collectivité publique étrangère ;

Qu'ainsi le Tribunal Suprême dans sa décision invoquée du 17 mars 2010 a seulement admis la recevabilité des recours des ressortissants étrangers, personnes physiques ;

Qu'il est ajouté qu'une collectivité publique française ne saurait, de quelque façon que ce soit, s'immiscer dans la politique d'aménagement urbain de la Principauté de Monaco et remettre en cause, de ce fait, sa souveraineté et son indépendance proclamée dans le cadre des principes généraux du droit international et des conventions particulières avec la France.

Attendu ensuite que M. le Ministre d'État relève que la requérante fait une inexacte interprétation de la jurisprudence judiciaire monégasque dont elle croit pouvoir tirer la conclusion que les principes généraux du droit international seraient directement applicables en droit interne ;

Qu'au surplus aucun principe général du droit international n'impose la réalisation d'une étude d'impact lors de l'édiction d'un règlement d'urbanisme ;

Que la Cour Internationale de Justice n'a reconnu l'existence d'une obligation de procéder à une évaluation de l'impact environnemental que préalablement aux opérations susceptibles d'avoir des impacts transfrontières sur l'environnement, ce qui n'est évidemment pas le cas d'une Ordonnance Souveraine se bornant à réglementer l'urbanisation d'une zone déjà urbanisée.

Attendu sur le fond qu'il ne peut y avoir rupture du principe d'égalité dès lors que la commune de Beausoleil se trouve dans une situation différente de celle des habitants du quartier de Saint-Roman et qu'un État souverain n'est pas tenu, lorsqu'il prend un acte réglementaire d'assurer le principe d'égalité entre ses résidents et ceux des États voisins.

Attendu enfin que l'Ordonnance Souveraine attaquée n'introduit aucune incohérence avec l'article 12 de l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1966, lequel dispose :

» Toutes les constructions à édifier sur le territoire de la Principauté doivent être établies en conformité des dispositions définies par les articles ci-après, sauf dispositions contraires des règlements et des plans de coordination relatifs aux quartiers compris dans le secteur des quartiers ordonnancés  « ;

Qu'il s'ensuit que la requête ne peut prospérer.

Vu l'ordonnance en date du 4 octobre 2012 par laquelle M. le Président du Tribunal Suprême a autorisé la commune de Beausoleil à produire exceptionnellement une triplique.

Vu la triplique, enregistrée le 7 novembre 2012 au Greffe Général par laquelle la commune de Beausoleil commence par rappeler que l'article 32 de la Constitution figure dans le titre III de cette dernière, intitulé : » les libertés et droits fondamentaux « c'est-à-dire qu'il concerne tous les sujets de droit, personnes physiques et morales, en ce inclus les collectivités territoriales, mêmes étrangères et que, dès lors, le Ministre d'État ne peut soutenir que l'article 32 ne concerne que les seuls » droits de la personne « ;

Qu'en conséquence, rien ne justifie une différence de traitement entre une requérante, personne physique et une collectivité territoriale française.

Attendu que lors de l'échange de lettres du 18 mai 1963 le gouvernement français précisait :

» … il y a lieu de coordonner l'action des deux États en matière d'urbanisme. À cet effet, mon Gouvernement propose que les administrations compétentes des deux pays se consultent préalablement à tout établissement ou modification des plans d'urbanisme intéressant les communes françaises de CAP D'AIL, LA TURBIE, B. et ROQUEBRUNE et des textes législatifs et réglementaires intéressant la zone frontière monégasque « ;

Qu'ainsi cinquante ans après ce échange de lettres, la Principauté serait mal fondée à considérer qu'une commune limitrophe n'a pas qualité pour contester un acte réglementaire intéressant un problème d'urbanisme transfrontalier.

Attendu que M. le Ministre d'État considère que seuls les principes du droit international relatifs à la souveraineté et l'indépendance des États seraient directement applicables aux actes administratifs de la Principauté alors que l'article 1er de la Constitution du 17 décembre 1962 soumet la Principauté de Monaco, sans aucune restriction, aux principes généraux du droit international.

Attendu ensuite qu'il est erroné de limiter la décision de la Cour Internationale de Justice ARGENTINE C/URUGUAY aux questions d'environnement, alors qu'elle s'inscrit dans un cadre plus général, celui de la coopération.

Qu'il suit de là qu'il existe bien un principe général du droit international relatif à la réalisation d'une étude d'impact préalable lorsque le projet d'un État a des conséquences sur le territoire voisin, au titre d'un devoir de coopération.

Attendu que M. le Ministre d'État soutient qu'il résulterait des dispositions de l'article 14 de la Constitution monégasque que ne sont applicables dans l'ordre juridique interne que les seuls traités et accords nationaux signés et ratifiés alors qu'une telle position est totalement contraire au droit public international ;

Qu'ainsi dans un arrêt du 5 septembre 1931 (affaire du régime douanier Austro-allemand), la Cour Permanente de Justice a estimé » au point de vue du caractère obligatoire des engagements internationaux, on sait que ceux-ci peuvent être pris sous forme de traités, de conventions, de déclarations, d'accords, de protocoles, de notes échangés " ;

Que de même la Haute Cour dans un arrêt du 5 avril 1933 (Affaire du statut juridique du GROENLAND oriental) a considéré que les déclarations d'un Ministre des Affaires Étrangères au nom du Gouvernement liait le pays dont il était ministre.

Que dès lors, les échanges de lettres entre la France et la Principauté de Monaco des 7 et 23 janvier 1970 étaient parfaitement opposables à l'État monégasque qui avait donc l'obligation de recueillir l'avis de la Commission mixte paritaire franco-monégasque.

Qu'à défaut il a vicié sa procédure.

Vu les observations en réponse enregistrées le 7 décembre 2012 au Greffe Général du Tribunal Suprême par S.E. M. le Ministre d'État qui maintient que l'article 32 de la Constitution ne concerne que les ressortissants étrangers personnes physiques et non les collectivités étrangères ;

Que par ailleurs, la coopération prévue en matière d'urbanisme entre l'État monégasque et les collectivités territoriales françaises limitrophes ne suffit pas à rendre ces collectivités recevables à contester un plan d'urbanisme adopté par cet État.

Attendu sur le fond qu'on n'aperçoit pas en quoi, à supposer même que la décision de la Cour Internationale de Justice du 20 avril 2010 (ARGENTINE/URUGUAY) pourrait s'inscrire dans le cadre de la coopération entre États en matière d'environnement, il s'en déduirait que cette décision aurait posé un principe général du droit international relatif à la réalisation d'une étude d'impact ; qu'au contraire il est incontestable que par cette décision, la Cour Internationale de Justice n'impose de procéder à une évaluation de l'impact que préalablement à des opérations susceptibles d'avoir des impacts frontaliers sur l'environnement et non préalablement à l'édiction d'un règlement destiné à maîtriser l'urbanisation dans une zone déjà urbanisée.

Attendu enfin que la question de savoir si les échanges de lettres franco-monégasque seraient applicables dans l'ordre juridique interne monégasque est tranchée par l'article 14 de la Constitution monégasque du 17 décembre 1962, soit postérieurement aux arrêts invoqués ;

Que la requête de la commune de Beausoleil sera donc rejetée.

Vu l'Ordonnance Souveraine attaquée n° 3.485 du 11 octobre 2011 modifiant l'Ordonnance Souveraine n° 831 du 14 décembre 2006 portant délimitation, plans de coordination et règlement particulier d'urbanisme, de construction et de voirie du quartier ordonnancé de Saint-Roman, ensemble le rejet opposé le 9 mars 2012 par S.E. M. le Ministre d'État au recours gracieux de la commune française de B. ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 1er-2-14-17-32 et 90 B ;

Vu la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales signée à ROME le 4 novembre 1950, approuvée par la loi n° 1.304 du 3 novembre 2005 et rendue exécutoire par l'Ordonnance Souveraine n° 408 du 15 février 2006 ;

Vu les échanges de lettres franco-monégasques intervenus le 18 mai 1963 et les 7 et 23 janvier 1970 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance du 26 juin 2012 par laquelle M. le Président du Tribunal Suprême a désigné M. José SAVOYE, Membre Titulaire, comme rapporteur ;

Vu l'Ordonnance du 4 octobre 2012 par laquelle M. le Président du Tribunal Suprême a autorisé la commune de Beausoleil à produire une triplique ;

Vu l'Ordonnance du 13 avril 2013 par laquelle M. le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 16 mai 2013 ;

Ouï M. José SAVOYE, Membre Titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Ali MOUSSA substituant Maître Jean-Marc SZEPETOWSKI, avocat au Barreau de Nice pour la commune de Beausoleil ;

Ouï Maître Jacques MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour l'État de Monaco ;

Ouï M. le Procureur Général en ses conclusions.

Après en avoir délibéré :

Considérant que dès lors que le territoire est un élément constitutif de l'État son libre aménagement est l'un des attributs de sa souveraineté ; qu'ainsi, s'il est possible à une personne étrangère, sur le fondement de l'article 32 de la Constitution, de réclamer l'annulation par la voie du recours pour excès de pouvoir d'un acte administratif non réglementaire pris dans les domaines de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, en revanche un tel recours dirigé contre un acte réglementaire pris dans les mêmes domaines n'est pas recevable ; que par voie de conséquence, la commune de Beausoleil n'est pas recevable à réclamer l'annulation de l'Ordonnance Souveraine n° 3.485 du 11 octobre 2011, modifiant l'Ordonnance Souveraine n° 831 du 14 décembre 2006 portant délimitation, plans de coordination et règlement particulier d'urbanisme, de construction et de voirie du quartier ordonnancé de Saint-Roman ;

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1 : La requête est rejetée.

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge de la commune de Beausoleil

Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise à S.E. le Ministre d'État et à M. le Maire de la commune de Beausoleil

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2012-09
Date de la décision : 29/05/2013

Analyses

Public - Général  - Règles d'urbanisme  - Procédure administrative.

CompétenceContentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif réglementaire.


Parties
Demandeurs : Commune de Beausoleil
Défendeurs : État de Monaco

Références :

ordonnance souveraine n° 831 du 14 décembre 2006
Vu la Constitution
Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1966
articles 17 et 32 de la Constitution du 17 décembre 1962
Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
article 1er de la Constitution du 17 décembre 1962
Ordonnance du 4 octobre 2012
Ordonnance n° 408 du 15 février 2006
article 12 C de l'Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 9 septembre 1966
loi n° 1.304 du 3 novembre 2005
ordonnance du 9 septembre 1966
Ordonnance souveraine n° 3.485 du 11 octobre 2011
article 14 de la Constitution du 17 décembre 1962
article 12 de l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1966
Ordonnance du 13 avril 2013
article 32 de la Constitution
Ordonnance du 26 juin 2012
Ordonnance Souveraine du 11 octobre 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2013-05-29;ts.2012.09 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award