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03/12/2012 | MONACO | N°TS/2012-07

Monaco | Tribunal Suprême, 3 décembre 2012, M. l. DI MA. c/ Etat de Monaco, TS/2012-07


Motifs

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TRIBUNAL SUPRÊME

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TS 2012-07

Affaire :

l. DI MA.

Contre :

Etat de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 21 NOVEMBRE 2012

Lecture du 3 décembre 2012

Recours en annulation du refus opposé le 20 février 2012 par S. E. M. le Ministre d'Etat à la requête en abrogation de la décision de refoulement n° 07-34 du 26 juillet 2007.

En la cause de :

- M. l. DI MA., né le 08 mai 1960 à ROME, de nationalité italienne, administrateur de société, demeurant à X1 à PINO TORIN

ESE, 10025 Italie.

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par M...

Motifs

-------------

TRIBUNAL SUPRÊME

-------------

TS 2012-07

Affaire :

l. DI MA.

Contre :

Etat de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 21 NOVEMBRE 2012

Lecture du 3 décembre 2012

Recours en annulation du refus opposé le 20 février 2012 par S. E. M. le Ministre d'Etat à la requête en abrogation de la décision de refoulement n° 07-34 du 26 juillet 2007.

En la cause de :

- M. l. DI MA., né le 08 mai 1960 à ROME, de nationalité italienne, administrateur de société, demeurant à X1 à PINO TORINESE, 10025 Italie.

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Elie COHEN, avocat au Barreau de Nice

Contre :

- S. E. M. le Ministre d'Etat de la Principauté de Monaco, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation de France.

LE TRIBUNAL SUPREME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière

Vu la requête de M. L. D. M., enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 10 avril 2012 sous le numéro TS 2012-07, tendant à l'annulation de la décision de rejet opposée par S.E. M. le Ministre d'État le 10 février 2012 à la requête présentée le 18 octobre 2011 en abrogation de la décision de refoulement n° 07-34 en date du 26 juillet 2007 ;

Ce faire :

Attendu qu'en décembre 1999 une instruction judiciaire était ouverte à Monaco, où il s'était installé quelques années auparavant avec sa famille, à l'encontre de L. D. M., inculpé de blanchiment et détention de fonds provenant d'un trafic de stupéfiants, faux et usage de faux en écriture privée, de commerce ou de banque, à l'issue de laquelle le Tribunal Correctionnel de Monaco par jugement du 22 mai 2007 relaxait M. D. M. du chef de blanchiment et de détention de fonds, mais le reconnaissait coupable de faux en écritures, ce dont la Cour d'Appel correctionnelle devait également le relaxer par arrêt du 10 mars 2008 ;

Attendu que le Tribunal Suprême rejetait le 18 novembre 2008 la requête en annulation de M. D. M. de la décision de refoulement prononcée contre lui le 26 juillet 2007 à la suite du jugement précité du 22 mai 2007, estimant qu'il appartenait au requérant de demander au Ministre d'État d'abroger la mesure de refoulement dont il était l'objet en invoquant, s'il s'y croyait fondé, l'arrêt de la Cour d'Appel du 10 mars 2008 ;

Attendu que la requête en abrogation présentée le 23 décembre 2008 faisait l'objet d'un refus le 31 mars 2009, le Tribunal Suprême rejetant le 4 juin 2009 la requête en annulation d'une précédente décision de rejet ;

Attendu que par une décision du 8 février 2010, le Tribunal Suprême annulait la décision du Ministre d'État du 31 mars 2009 opposant un refus à une nouvelle demande d'abrogation du refoulement au motif que le Ministre d'État n'indiquait pas dans la décision attaquée en quoi les faits invoqués révèleraient que la présence de L. D. M. sur le territoire monégasque serait de nature à causer un trouble à l'ordre public ;

Attendu cependant que S.E. M. le Ministre d'État rejetait le 16 mars 2010 une requête de M. D. M. tendant à obtenir la restitution de sa carte de séjour, tout en précisant qu'il conservait la possibilité de présenter une nouvelle demande ; que le 26 juin 2010 S.E. M. le Ministre d'État confirmait sa position sur les conséquences de la décision rendue par le Tribunal Suprême le 8 février 2010 et invitait M. D. M. à présenter une nouvelle demande d'abrogation du refoulement, ce que celui-ci faisait le 18 octobre 2011 ; que toutefois par lettre du 10 février 2012, S.E. M. le Ministre d'État rejetait la demande d'abrogation de la mesure de refoulement pour des motifs que le requérant conteste ;

Qu'ainsi le Ministre d'État ne peut persister dans l'insuffisance de motivation de la décision de rejet de la demande d'abrogation du refoulement et doit tirer toutes les conséquences de la décision que le Tribunal Suprême a rendue le 8 février 2010 considérant que les faits invoqués ne révélaient pas en quoi la présence de L. D. M. sur le territoire monégasque serait de nature à causer un trouble à l'ordre public ;

Attendu en second lieu que S.E. M. le Ministre d'État indique dans son rejet de la demande d'abrogation de la mesure de refoulement que celle-ci aurait été prononcée « en considération de faits qui ressortaient notamment, mais pas exclusivement, des procédures pénales diligentées à son encontre » ; que ce faisant, il s'abstient d'indiquer, tant la nature des faits qui ne ressortaient pas desdites procédures pénales ni davantage en quoi de tels faits révèleraient que la présence du requérant serait de nature à causer un trouble à l'ordre public ;

Attendu en troisième lieu que le Ministre d'État ne peut se réfugier derrière l'autorité de la chose jugée, pour s'abstenir de motiver la décision de refoulement dès lors que c'est à l'invitation du Tribunal Suprême, réitérée par le Ministre d'État lui-même par courriers des 16 mars, 28 juin et 27 octobre 2010 que M. D. M. a présenté une requête en abrogation de la décision de refoulement ;

Que c'est le rejet opposé à cette requête en abrogation qui est aujourd'hui contesté pour défaut de motivation.

Attendu en quatrième lieu que pour écarter les motifs d'abrogation de la décision de refoulement tirés des difficultés économiques créées à la SAM ITS et les circonstances douloureuses familiales résultant de l'absence du territoire monégasque de M. D. M., le Ministre d'État se borne à constater qu'il s'agit là de simples considérations d'opportunité qui n'établissent pas que M. D. M. ne constituerait plus une menace pour l'ordre public et pour la tranquillité publique et privée de Monaco.

Attendu enfin, qu'au soutien de sa décision de rejet S.E. M. le Ministre d'État expose que M. D. M. « n'établit en rien qu'il aurait depuis lors, modifié son comportement et mis un terme à ses relations compromettantes » ; que ce faisant, le Ministre d'État réclame une preuve négative qu'il est impossible de rapporter et que M. D. M. ne peut qu'affirmer solennellement ne plus entretenir de relations quelconques avec ses anciens co-inculpés ; en conséquence, M. D. M. sollicite du Tribunal Suprême « qu'il l'autorise à se trouver sur le territoire de la Principauté de Monaco ».

Vu la contre-requête enregistrée au Greffe Central du Tribunal Suprême le 15 juin 2012 par laquelle S.E. M. le Ministre d'État observe en premier lieu que l'insuffisance de motivation sanctionnée par le Tribunal Suprême dans sa décision du 8 février 2010 est exclusivement celle entachant le refus d'abrogation du 31 mars 2009 ; qu'il résulte de cette décision que le Ministre d'État est tenu de motiver le refus d'abrogation, ce dont il n'est pas contesté que cela a été fait au soutien du rejet présentement déféré.

Attendu en suite que L. D. M. ne saurait sérieusement prétendre ignorer les motifs du refoulement dont il a été l'objet, étant souligné en tout état de cause que ceux de la décision de rejet de la demande d'abrogation du refoulement lui ont clairement été communiqués.

Attendu que ce n'est pas parce que M. D. M. est recevable à solliciter l'abrogation de la mesure de refoulement prise à son encontre qu'il peut, en cette occasion, mettre en cause la motivation de cette mesure ; que d'ailleurs, cela a déjà été invoqué et tout aussi expressément rejeté par le Tribunal Suprême dans sa décision du 1er décembre 2008.

Attendu enfin, que le requérant admet dans sa requête que le caractère préjudiciable pour sa famille et sa société, de son éloignement du territoire monégasque ne constitue pas un motif justifiant qu'il soit fait droit à sa demande d'abrogation ; qu'ainsi aucun des moyens invoqués au soutien de sa demande d'abrogation de la mesure de refoulement ne justifiait qu'il lui soit donné une suite favorable.

Attendu par ailleurs que lorsqu'il sollicite l'abrogation d'une mesure de refoulement, le demandeur doit apporter, sinon la preuve, du moins des éléments permettant d'estimer que ses errements anciens, qui ont été considérés comme des agissements générateurs de trouble à l'ordre public, ont disparu.

Que c'est ce qu'a jugé le Tribunal Suprême dans sa décision du 8 février 2010.

Attendu que M. L. D. M. n'a fait état dans sa demande d'abrogation d'aucun élément de droit ou de fait nouveau intervenu depuis le refus d'abrogation du 31 mars 2009, de nature à modifier l'appréciation de l'autorité administrative ; que dès lors c'est exactement que le Ministre d'État a considéré qu'il n'y avait « pas lieu, pour l'heure, de revenir sur la mesure édictée à l'encontre de M. D. M. dont la présence sur le territoire de la Principauté constitue toujours une menace pour l'ordre public et la tranquillité publique et privée » ;

Qu'enfin, les affirmations du requérant selon lesquelles il ne serait plus en relation avec ses anciens co-inculpés résultent de ses seules déclarations dans un procès-verbal d'audition établi par un Procureur suisse et que la circonstance que lesdits co-inculpés soient actuellement poursuivis par la Justice suisse à la différence de L. D. M. ne modifie en rien la situation.

Que par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter la requête de M. L. D. M.

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'article 90 B de la Constitution ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance Suprême n° 3.153 du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Principauté ;

Vu la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu l'Ordonnance du 16 avril 2012 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a nommé M. José SAVOYE, Membre Titulaire, comme rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture de la procédure du 29 août 2012 ;

Vu l'Ordonnance du 4 octobre 2012 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du Tribunal Suprême du 21 novembre 2012 ;

Ouï M. José SAVOYE, Membre Titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Elie COHEN, avocat au Barreau de Nice pour M. D. M. ;

Ouï Maître Jacques MOLINIÉ, Avocat au Conseil d'État et de la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;

Ouï Monsieur le Ministère Public en ses conclusions.

Après en avoir délibéré

Considérant que suivant l'article 1er de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 « doivent être motivées à peine de nullité les décisions administratives à caractère individuel qui (…) restreignent l'exercice des libertés publiques ou constituent une mesure de police » ;

Considérant que la décision attaquée a explicitement mentionné les faits en considération desquels la mesure de refoulement de M. D. M. avait été prononcée y ajoutant que ce dernier n'établissait en rien qu'il aurait, depuis lors, modifié son comportement et mis un terme à ses relations compromettantes ; que c'est en se fondant sur les dispositions de l'article 22 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté modifiée que le Ministre d'État a estimé qu'il n'y avait pas lieu, pour l'heure, de revenir sur la mesure édictée à l'encontre de M. L. D. M. dont la présence sur le territoire de la Principauté constituait toujours une menace pour l'ordre public et pour la tranquillité publique et privée ; qu'ainsi les obligations énoncées par la loi précitée du 29 juin 2006 ont été respectées ;

Considérant que la décision attaquée a été prise en considération de faits constatés par la Cour d'Appel correctionnelle dans son arrêt du 10 mars 2008 établissant que M. D. M. a été mêlé à des opérations bancaires sans justification économique réelle et présentant un caractère éminemment suspect et de ce qu'il était en relations d'affaires privilégiées avec des clients et des apporteurs de fonds impliqués « dans les affaires de trafic international de stupéfiants » ;

Considérant que le requérant n'a apporté aucun élément nouveau susceptible de justifier une appréciation différente de la situation qui avait motivé le refoulement ; que c'est donc à juste titre que le Ministre d'État a pu considérer que la présence de M. D. M. sur le territoire de la Principauté constituait toujours une menace pour l'ordre public et pour la tranquillité publique et privée.

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. L. D. M. est rejetée

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge de M. L. D. M.,

Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise à S.E. M. le Ministre d'État et à M. L. D. M.

Composition

Ainsi jugé et délibéré par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Didier LINOTTE, chevalier de l'ordre de Saint Charles, Président, Jean-Michel LEMOYNE de FORGES, officier de l'ordre de Saint Charles, Vice-président, Monsieur José SAVOYE, rapporteur, Madame Martine LUC-THALER, membres titulaires, et Monsieur Frédéric ROUVILLOIS, membre suppléant,

et prononcé le trois décembre deux mille douze en présence de M. Jean-Pierre DRÉNO, Procureur général par Monsieur Didier LINOTTE, officier de l'ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Béatrice BARDY, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, greffier en chef.

Le Greffier en Chef, le Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2012-07
Date de la décision : 03/12/2012

Analyses

Procédure pénale - Exécution  - Mesures de sûreté et peines  - Droit des obligations - Responsabilité civile délictuelle et quasi-délictuelle.

CompétenceContentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel.


Parties
Demandeurs : M. l. DI MA.
Défendeurs : Etat de Monaco

Références :

Ordonnance du 4 octobre 2012
Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
article 90 B de la Constitution
Ordonnance du 16 avril 2012
article 22 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964
Loi n° 1.312 du 29 juin 2006
article 1er de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2012-12-03;ts.2012.07 ?

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