La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/06/2011 | MONACO | N°8700

Monaco | Tribunal Suprême, 17 juin 2011, Société « SEA VIEW ESTATE CONSULTING GROUP SA » c/ Ministre d'État


Motifs

Le Tribunal Suprême

Siégeant et délibérant en assemblée plénière

Vu le recours en annulation de la décision du Directeur de l'Habitat, formulée par ses lettres en date des 29 juillet, 30 août et 30 novembre 2010, enregistré au Greffe Général le 31 janvier 2011.

Ce faire :

Attendu que la société SEA VIEW ESTATE CONSULTING GROUP SA a acquis à Monaco, [adresse], un appartement situé au 2e étage de l'immeuble dénommé « Villa M. » pour le transformer, avec surélévation d'un étage supplémentaire, en un appartement duplex sit

ué aux deuxième et troisième étages dudit immeuble, soit l'adjonction d'une superficie supérieure à la superfic...

Motifs

Le Tribunal Suprême

Siégeant et délibérant en assemblée plénière

Vu le recours en annulation de la décision du Directeur de l'Habitat, formulée par ses lettres en date des 29 juillet, 30 août et 30 novembre 2010, enregistré au Greffe Général le 31 janvier 2011.

Ce faire :

Attendu que la société SEA VIEW ESTATE CONSULTING GROUP SA a acquis à Monaco, [adresse], un appartement situé au 2e étage de l'immeuble dénommé « Villa M. » pour le transformer, avec surélévation d'un étage supplémentaire, en un appartement duplex situé aux deuxième et troisième étages dudit immeuble, soit l'adjonction d'une superficie supérieure à la superficie initiale.

Attendu que ces travaux de restructuration ont été autorisés par l'arrêté ministériel 2001-706 du 19 décembre 2001 et les autorisations 2003-16390 du 9 mai 2003 et 2003-18587 du 14 juillet 2003 ;

Que les travaux achevés au 31 décembre 2004, le certificat d'habitabilité a été délivré le 4 juin 2007, date à compter de laquelle la société requérante a disposé librement de son bien ;

Que c'est ainsi que l'appartement, désormais composé de 7 pièces principales, a été loué librement dès le 27 juin 2007 pour une durée de 3 ans moyennant un loyer annuel de 240.000 €, suivant bail enregistré le 26 juillet 2007, folio 132, case 17 ;

Qu'au bénéfice du même locataire, un nouveau contrat est intervenu le 24 mai 2010 pour une durée également de 3 ans, enregistré le 8 juin 2010, folio 88, case 30.

Attendu que les 29 juillet et 30 août 2010, l'Inspecteur Principal de la Direction de l'Habitat demandait la justification de ce que le locataire, présent dans les lieux depuis le 1er juillet 2007, remplissait les conditions prévues par l'article 3 de la loi n° 887 du 25 juin 1970 ;

Que dans sa réponse du 12 octobre 2010, le Conseil de la Société SEA VIEW ESTATE CONSULTING GROUP SA sollicitait du Directeur de l'Habitat qu'il reconsidère sa position au double motif que les travaux ayant été achevés avant le 31 décembre 2007 devaient de ce fait sortir du champ d'application du secteur dit « protégé » et qu'en tout état de cause, la création d'un étage supplémentaire et la restructuration complète du bien avaient pour conséquence que celui-ci ne pouvait plus être considéré comme « construit ou achevé avant le 1er septembre 1947 » ;

Qu'après une réponse d'attente du 19 octobre 2010, le Directeur de l'Habitat, dans un courrier du 30 novembre 2010, maintenait sa position au motif que le certificat d'habitabilité n'avait été délivré que le 4 juin 2007 ;

Qu'une telle décision manque de base légale.

Attendu en effet que la loi 887 est une loi d'exception à l'ordonnance-loi 669 aujourd'hui remplacé pour l'essentiel, par la loi 1.235 du 28 décembre 2000 ;

Que l'ordonnance-loi 669 comme la loi 1.235, ne s'appliquaient qu'aux locaux « construits ou achevés avant le 1er septembre 1947 » ;

Que dès lors la décision du Directeur de l'Habitat manque de base légale en ce qu'elle a pour conséquence de faire entrer dans le champ d'application du secteur protégé, un appartement qui a été construit ou achevé après le 1er septembre 1947 et plus précisément le 4 juin 2007 selon les propres déclarations de l'Administration.

Attendu que les textes codifiant le secteur protégé constituent un régime d'exception dérogatoire au droit commun ; qu'ils sont dès lors d'interprétation stricte et n'ont pas vocation à s'appliquer à un appartement totalement démoli et reconstruit entre 2003 et 2007.

Attendu de plus fort que le projet de loi n° 867 déposé le 24 juin 2009, modifiant la loi 1.235 du 28 décembre 2000 dispose notamment en ses articles 10 et 11 que : « lorsque le propriétaire réalise une extension de construction, les nouveaux logements ainsi créés ne relèvent pas du secteur protégé… tel sera le cas lorsque la superficie habitable du lot ne relevant pas du secteur protégé est la plus importante. De même, en cas d'agrandissement d'un logement existant par extension de construction, ce logement ne continuera à relever du secteur protégé que si l'extension est d'une superficie inférieure ou égale à celle du lot préexistant ».

Attendu que le seul fait que l'administration ait pris la décision de légiférer en la matière démontre qu'il n'existe, à l'heure actuelle, aucun texte de nature à faire entrer les surélévations et les extensions réalisées postérieurement au 1er septembre 1947 dans le champ du secteur protégé ;

Qu'ainsi, l'administration par ses courriers du 29 juillet, 30 août et 30 novembre 2010 a pris une décision qui est dénuée de base légale et droit, de ce seul fait, faire l'objet d'une annulation ;

Qu'en effet, l'appartement sis aux 2e et 3e étage [adresse], Villa M., ne relève pas des dispositions de la loi 887 dès lors qu'il a fait l'objet d'une restructuration complète conduisant à des modifications substantielles de nature à considérer qu'il a été construit ou achevé après le 1er septembre 1947, que le principe selon lequel l'accessoire suit le principal ne s'applique pas à un texte d'exception ; que quand bien même s'appliquerait-il, en l'espèce le principal relève du droit commun dès lors que la surélévation présente une superficie plus importante que l'étage d'origine ;

Vu les conclusions aux fins de non lieu à statuer enregistrées le 1er avril 2011 au Greffe Général, par lequel le Directeur de l'Habitat informe le Tribunal Suprême de ce qu'il a rapporté les décisions des 29 juillet, 30 août et 30 novembre 2010, objet du recours déposé le 31 janvier 2011 devant le Tribunal Suprême, cette décision de retrait ayant été notifiée au conseil de la société SEA VIEW ESTATE CONSULTING GROUP SA par courrier du 31 mars 2011 ;

Qu'il est conclu dès lors à ce qu'il n'y a plus lieu pour le Tribunal Suprême de statuer sur la requête.

Vu le courrier en date du 5 mai 2011 de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur acceptant au nom de la Société Anonyme panaméenne dénommée « SEA VIEW ESTATE CONSULTING GROUP SA » le désistement de l'État de Monaco ;

Vu la décision attaquée ;

Vu la décision de retrait du 31 mars 2011 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'article 90-B de la Constitution,

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance du 2 février 2011 par laquelle M. le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur José SAVOYE, Membre Titulaire, comme rapporteur ;

Vu l'Ordonnance du 6 mai 2011 par laquelle M. le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 10 juin ;

À l'audience du 10 juin 2011, ouï Monsieur José SAVOYE, Membre Titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près de la Cour d'Appel de Monaco, pour la Société Anonyme panaméenne dénommée « SEA VIEW ESTATE CONSULTING GROUP SA »  ;

Ouï Maître Jacques MOLINIÉ, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;

Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions.

Après en avoir délibéré

Considérant qu'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une décision administrative n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif ;

Que si, avant que le juge ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite de la requête dont il était saisi ;

Considérant qu'en procédant par courrier du 31 mars 2011 du Directeur de l'Habitat au retrait de la décision attaquée, l'administration a fait droit à la requête dont elle supportera donc les dépens.

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er

Il n'y a lieu de statuer sur la requête.

Article 2

Les dépens sont mis à la charge de l'État de Monaco.

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise à S.E. M. le Ministre d'État et à la Société Anonyme panaméenne dénommée « SEA VIEW ESTATE CONSULTING GROUP SA » .

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 8700
Date de la décision : 17/06/2011

Analyses

Procédure administrative  - Loi et actes administratifs unilatéraux  - Immobilier - Général.

CompétenceContentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel.


Parties
Demandeurs : Société « SEA VIEW ESTATE CONSULTING GROUP SA »
Défendeurs : Ministre d'État

Références :

article 3 de la loi n° 887 du 25 juin 1970
Ordonnance du 6 mai 2011
Ordonnance du 2 février 2011
article 90-B de la Constitution
Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2011-06-17;8700 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award