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08/02/2010 | MONACO | N°2367

Monaco | Tribunal Suprême, 8 février 2010, Dame S. S., épouse T. c/ Ministre d'État


Abstract

Compétence - Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel - Exercice de la profession de comptable agréé - Demande d'autorisation - Décision administrative de refus

Procédure - Demande initiale - Réitération de la demande d'autorisation - Décision administrative de refus devenue définitive - Nouvelle demande - Absence de modification des circonstances de fait ou de droit ayant une incidence sur l'appréciation des droits du requérant - Nouveau rejet - Décision confirmative - Irrecevabilité du recours (oui)

Motifs>
Le Tribunal Suprême

Siégeant et délibérant en assemblée plénière,

Vu la requê...

Abstract

Compétence - Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel - Exercice de la profession de comptable agréé - Demande d'autorisation - Décision administrative de refus

Procédure - Demande initiale - Réitération de la demande d'autorisation - Décision administrative de refus devenue définitive - Nouvelle demande - Absence de modification des circonstances de fait ou de droit ayant une incidence sur l'appréciation des droits du requérant - Nouveau rejet - Décision confirmative - Irrecevabilité du recours (oui)

Motifs

Le Tribunal Suprême

Siégeant et délibérant en assemblée plénière,

Vu la requête de Madame S. S. tendant à l'annulation de la décision prise par S.E. le Ministre d'État le 16 octobre 2008 par laquelle a été rejetée sa demande tendant à être autorisée à exercer la profession de comptable agréé, et à la condamnation de l'État aux entiers dépens.

Ce faire :

Attendu que dans sa requête enregistrée au greffe général le 14 avril 2009, Madame S. fait valoir qu'après avoir obtenu le diplôme préparatoire aux études comptables et financières et le diplôme d'études comptables et financières, elle a créé une entreprise dont l'objet social est liée à toutes les activités d'études, d'assistance et de conseil en matière administrative, commerciale et gestion d'entreprise ; que forte de cette expérience, elle a sollicité le 28 mars 2007 l'autorisation d'exercer en Principauté la profession de comptable agréé ;

Attendu que par décision du 24 avril 2007, le Ministre d'État a rejeté cette demande aux motifs d'une part que le gouvernement princier avait décidé de ne plus autoriser les nouveaux comptables agréés afin d'inciter ceux-ci à obtenir le diplôme d'expert comptable, et aux motifs, d'autre part, après avis du Conseil de l'Ordre, que les quatre unités de valeur des diplômes d'études comptables et financières dont la requérante était titulaire ne présentaient pas un diplôme technique comptable qui puisse être retenu en vue de l'exercice de la profession de comptable agréé ;

Attendu que le 5 juin 2008, Madame S. a présenté une nouvelle demande auprès du Ministre d'État tendant à être autorisée à exercer la profession de comptable agréé ; que par décision du 16 octobre 2008, le Ministre d'État a rejeté cette demande par des motifs quasi-identiques sans avoir pris la peine de consulter le Conseil de l'Ordre des experts-comptables comme le prévoit le texte ; que le 15 décembre 2008, Madame S. a formé un recours gracieux auprès du Ministre d'État lequel faisait l'objet d'une décision de rejet en date du 13 février 2009 réceptionnée le 15 février 2009, lui précisant à nouveau que le Gouvernement Princier n'autorisait plus de comptable agréé à exercer à titre libéral et qu'en outre ses titres et références ne représentaient pas un diplôme de techniques comptables susceptible d'être reconnu par l'article 9 de la loi du 12 juillet 2000 ;

Attendu que la requérante rappelle, à titre liminaire, que la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000 a nettement différencié les experts comptables et les comptables agréés ; que les premiers doivent être titulaires d'un diplôme d'expert-comptable (article 5 loi n° 1.231) tandis que les seconds doivent avoir obtenu « un diplôme de technique comptable reconnu par le Ministre d'État après avis du Conseil de l'Ordre et avoir accompli un stage de 3 années auprès d'un expert comptable ou d'un comptable agréé » ;

Attendu que la requérante soutient en premier lieu que la décision attaquée méconnaît l'article 17 de la Constitution disposant que «les monégasques sont égaux devant la loi » ; qu'il appartient à Monsieur le Ministre d'État d'apporter la preuve dans le cadre du présent recours que les comptables agréés exerçant en Principauté disposent de diplômes supérieurs aux siens ;

Attendu que la requérante soutient en second lieu que la décision attaquée méconnaît les articles 3 et 9 de la loi du 12 juillet 2000, dès lors que le gouvernement en décidant de ne plus autoriser de comptables agréés, supprime purement et simplement cette profession en violation flagrante de la loi ;

Attendu que la requérante soutient en troisième lieu que le Ministre d'État a commis une erreur manifeste d'appréciation ou un abus de pouvoir dès lors qu'il considère que les diplômes qu'elle possède ne sont pas suffisants et qu'il semble exiger un diplôme d'expertise comptable, ce qui est contraire à la loi, et qu'il s'abstient de prendre en compte son expérience professionnelle ce qui n'est conforme ni à la profession ni à l'esprit du texte ;

Attendu que la requérante soutient enfin que la décision attaquée est entachée d'irrégularité dans la mesure où elle ne repose pas sur un avis récent du Conseil de l'Ordre des experts-comptables et experts comptables agréés qui n'a pas été réuni depuis la décision du 24 avril 2007, alors qu'une modification sensible des circonstances de fait s'est produite en raison de l'expérience professionnelle complémentaire acquise, de la loi du 8 janvier 2007 imposant dans certains cas le recours à un expert comptable ou à un expert comptable agréé, et de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 obligeant Monsieur le Ministre d'État à solliciter un nouvel avis motivé du Conseil de l'Ordre pour permettre un contrôle par le juge ;

Vu la contre-requête du Ministre d'État, enregistrée le 15 juin 2009 tendant au rejet de la requête ; le Ministre d'État estime que la demande est irrecevable en ce qu'elle est dirigée contre une décision purement confirmative de celle du 24 avril 2007 devenue définitive ; que les motifs de rejet de la demande n'ont subi aucune modification ni en droit, ni en fait entre la décision du 24 avril 2007 et celle du 16 octobre 2008 ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, à titre subsidiaire, en ce qui concerne la légalité externe, qu'un avis émis par un organisme consultatif peut légalement servir de base à une décision prise longtemps après, à la condition que les circonstances soient restées inchangées, ce qui est le cas en l'espèce ; qu'en effet la loi relative à l'obligation de motivation ne s'applique pas aux avis émis par les organismes consultatifs consultés à l'occasion de l'élaboration de décisions individuelles et qu'au surplus, cette loi était déjà en vigueur en 2007 ; qu'il n'y a eu aucun changement dans les circonstances de fait puisque les refus opposés à la demande de Madame S. ne sont pas justifiés par l'insuffisance de son expérience professionnelle mais par l'insuffisance de ses diplômes et que la loi n° 1.331 du 8 janvier 2007 ne modifie pas la situation de fait mais se borne à prendre acte de la situation préexistante ;

Attendu sur la légalité interne, que Monsieur le Ministre d'État conteste la violation du principe d'égalité consacré par l'article 17 de la Constitution dès lors que Madame S. ne se trouve pas dans la même situation que les comptables déjà agréés ; que le moyen tiré de la violation des articles 3 et 9 de la loi du 12 juillet 2000 est inopérant dans la mesure où la décision attaquée est également fondée sur le caractère insuffisant des diplômes professionnels de Madame S. ; qu'au surplus le législateur a entendu maintenir non la profession de comptable agréé mais «son cadre législatif » qui permet de respecter les droits acquis des personnes exerçant cette profession tout en incitant les candidats à obtenir le diplôme d'expert-comptable afin de rehausser le niveau de cette profession ; qu'en ce qui concerne l'abus de pouvoir et l'erreur manifeste d'appréciation, il rappelle que c'est le Conseil de l'Ordre qui a estimé que les unités de valeur obtenues par Madame S. ne représentaient pas un diplôme de techniques comptables suffisant pour l'exercice de la profession de comptable agréé ; que la loi du 12 juillet 2000 ne prévoit pas la prise en compte de l'expérience professionnelle ;

Vu la réplique de Madame S., enregistrée le 17 juillet 2009, tendant aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens, ajoutant sur la recevabilité qu'elle a fait une demande dès le 31 août 2004, que le 28 mars 2007, elle a écrit au Ministre d'État qu'elle était toujours dans l'attente d'une réponse ; que par décision du 24 avril 2007, M. le Ministre d'État a en réalité rejeté la demande formulée le 31 août 2004, qu'il est manifeste qu'entre la décision de rejet du 24 avril 2007 rendue sur un dossier présenté le 31 août 2004 et la décision de rejet du 16 octobre 2008 rendue sur une demande présentée le 5 juin 2008 les circonstances de droit et de fait qu'elle invoquait dans sa requête ont changé ; qu'il en résulte que la requête est recevable et que l'avis consultatif du Conseil de l'Ordre devait être à nouveau sollicité ; qu'à défaut la décision ne peut qu'être annulée ; que sur le fond, le raisonnement du Ministre d'État sur le principe d'égalité revient à laisser au bon vouloir de l'État le degré d'exigence qu'il entend imposer pour accéder à la profession ; qu'en ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation au regard de la loi du 12 juillet 2000, le Ministre d'État se garde bien d'indiquer quels seraient les diplômes suffisants et se retranche derrière l'avis du Conseil de l'Ordre alors que l'article 9 de la loi prévoit que le diplôme en question doit être reconnu par le gouvernement « après avis du Conseil de l'Ordre » ; enfin que la volonté du gouvernement de ne plus autoriser de comptable agréé traduit bien une violation de l'esprit et de la lettre de la loi n° 1.331 du 8 janvier 2007 relative aux sociétés ;

Vu la duplique du Ministre d'État, enregistrée le 17 août 2009, concluant au rejet par les mêmes moyens que la contre-requête et rappelant notamment qu'en statuant le 24 avril 2007, le Ministre d'État avait déjà connaissance des circonstances de droit et de fait, prétendument nouvelles invoquées par Madame S. ; qu'en tout état de cause le changement de circonstances doit avoir une incidence sur la situation du requérant ; qu'à défaut, la décision est une décision confirmative ; qu'en l'espèce, les circonstances invoquées n'ont aucune incidence sur la situation de la requérante ; que le recours contre la décision du 16 octobre 2008, purement confirmative de celle du 24 avril 2007, est irrecevable.

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 17 et son article 90-B-1° ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 ;

Vu l'Ordonnance souveraine du 19 mars 1964 et notamment ses articles 1, 3 et 22 ;

Vu la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000 et la loi n° 1.331 du 8 janvier 2007 ;

Vu l'Ordonnance du 16 avril 2009 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Madame Martine LUC THALER, membre titulaire en qualité de rapporteur ;

Vu l'Ordonnance du 7 décembre 2009 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 25 janvier 2010 ;

Ouï Madame Martine LUC-THALER, membre titulaire du Tribunal Suprême en son rapport ;

Ouï Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur pour Madame S. ;

Ouï Maître Jacques MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation français pour Monsieur le Ministre d'État ;

Ouï le Ministre Public en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré,

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant qu'une décision qui se borne à réaffirmer une décision antérieure devenue définitive, en l'absence de modification des circonstances de fait ou de droit ayant une incidence sur l'appréciation des droits du requérant, est purement confirmative et ne peut ouvrir un nouveau délai de recours contentieux ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier qu'une demande tendant à être autorisée à exercer la profession de comptable agréé présentée par Madame S. le 31 août 2004 et réitérée par elle le 28 mars 2007, a fait l'objet d'une décision explicite de rejet le 24 avril 2007, décision devenue définitive ;

Considérant qu'une nouvelle demande ayant le même objet, présentée le 5 juin 2008, a été rejetée le 16 octobre 2008, décision confirmée sur recours gracieux de l'intéressée le 15 décembre 2009 ;

Considérant qu'aucune modification des circonstances de droit ou de fait ayant une incidence sur l'appréciation des droits de la requérante n'est intervenue entre le 24 avril 2007 et le 16 octobre 2008 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours est formé à l'encontre d'une décision purement confirmative et de ce fait irrecevable.

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er. – La requête de Madame S. est rejetée.

Article 2. – Les dépens sont mis à la charge de Madame S.

Article 3. – Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

Article 1er

La requête de Madame S. est rejetée.

Article 2

Les dépens sont mis à la charge de Madame S.

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2367
Date de la décision : 08/02/2010

Analyses

Experts comptables ; Loi et actes administratifs unilatéraux ; Limitation légale d'activité professionnelle ; Procédure administrative


Parties
Demandeurs : Dame S. S., épouse T.
Défendeurs : Ministre d'État

Références :

loi du 8 janvier 2007
articles 3 et 9 de la loi du 12 juillet 2000
Vu la Constitution
Ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
loi n° 1.231 du 12 juillet 2000
Ordonnance souveraine du 19 mars 1964
article 17 de la Constitution
loi n° 1.331 du 8 janvier 2007
Ordonnance du 16 avril 2009
loi du 12 juillet 2000
Ordonnance du 7 décembre 2009
loi n° 1.312 du 29 juin 2006
article 9 de la loi du 12 juillet 2000


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2010-02-08;2367 ?

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