La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2009 | MONACO | N°27358

Monaco | Tribunal Suprême, 15 juin 2009, Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble « Le Régina » c/ Ministre d'État


Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Urbanisme

Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 9 septembre 1966 relative à l'urbanisme, la construction et la voirie - Demande d'autorisation de construire - Communication des pièces justificatives - Exigence satisfaite - Ordonnance n° 36 du 12 mai 2005 portant délimitation, plans de coordination, et règlement particulier d'urbanisme, de construction et de voirie du quartier ordonnancé des Moulins - Détermination de l'affectation des locaux commerciaux ou d'ac

tivité - Exigence satisfaite

Recours pour excès de pouvoir

Autorisation de con...

Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Urbanisme

Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 9 septembre 1966 relative à l'urbanisme, la construction et la voirie - Demande d'autorisation de construire - Communication des pièces justificatives - Exigence satisfaite - Ordonnance n° 36 du 12 mai 2005 portant délimitation, plans de coordination, et règlement particulier d'urbanisme, de construction et de voirie du quartier ordonnancé des Moulins - Détermination de l'affectation des locaux commerciaux ou d'activité - Exigence satisfaite

Recours pour excès de pouvoir

Autorisation de construire - Délivrance de l'autorisation sous réserve des droits des tiers - Autorité administrative incompétente pour apprécier une servitude conventionnelle - Valeur maximale de l'indice de construction réglementairement fixée - Conformité de la demande - Volumes construits et habitables autorisés excédant ladite valeur maximale - Autorisation illégale (oui)

Motifs

Le Tribunal Suprême

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative.

Vu la requête du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble dénommé « LE RÉGINA » enregistrée au Greffe Général le 21 juillet 2008, tendant à l'annulation de l'arrêté ministériel n° 2007-616, en date du 5 décembre 2007, valant autorisation de démolir et de construire au profit de la SCI OSMOSE, ensemble la décision explicite de rejet du recours gracieux en date du 20 mai 2008 émanant de S.E. Le Ministre d'État de la Principauté de Monaco, demeurant Hôtel du Gouvernement, Place de la Visitation à (98000) Monaco Ville.

CE FAIRE :

Attendu que par arrêté ministériel n° 2007-616 en date du 5 décembre 2007, Monsieur le Ministre d'État a délivré une autorisation de démolir et de construire portant sur un immeuble dénommé LA LESTRA, au profit de la SCI OSMOSE, Société Civile Monégasque inscrite au RCI sous le numéro 03 SC 10741, dont le siège social est immeuble..., MC (98000) Monaco ;

Que le projet autorisé se situe au 12 Bld des Moulins à Monaco, c'est-à-dire précisément en face, de l'autre côté de la voie publique, de l'immeuble « LE RÉGINA », Communauté Immobilière régie par la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007, dont Monsieur M. G. est le Syndic en exercice ; que la nouvelle façade de l'immeuble LA LESTRA sera constituée d'un rez-de-chaussée et 5 étages atteignant dans sa partie la plus haute la cote altimétrique + 67,50 NGM, soit une cote au sol de 54,51 NGM ;

Attendu cependant qu'il résulte des titres de propriété antérieurs du RÉGINA, que les constructions érigées en vis-à-vis de ce dernier, Bld des Moulins (ancienne route de Menton) sont grevées en qualité de fonds servant, d'une servitude « non altius tollendi » au profit de la Communauté Immobilière LE RÉGINA, en qualité de fonds dominant, rédigée comme suit :

« À imposer aux acquéreurs des lots de terrains se trouvant de l'autre côté de la route de Menton, en façade de cette route, et sur la longueur faisant vis-à-vis aux terrains acquis par Madame Le G. et Monsieur Le G., » l'obligation de ne pouvoir élever des constructions qui dépasseraient une hauteur de 8,50 mètres à partir du niveau actuel de la route de Monaco jusqu'à la corniche desdites constructions « ;

Qu'il résulte de ladite servitude, constitutive d'un droit réel, que la hauteur maximale de la façade des constructions devant être édifiée sur l'ensemble immobilier LA LESTRA ne peut pas dépasser la cote maximale de + 63,02 NGM (54,52 NGM + 8,50 mètres) ;

Qu'en l'espèce, le projet de construction autorisé aboutirait à un dépassement de l'ordre de 13 mètres, c'est-à-dire plus de 4 étages, par rapport aux obligations prévues par ladite servitude ;

Qu'au surplus, une servitude de même nature grève également les fonds situés au 8 et au 10 Bld des Moulins à fins de préserver la vue et l'ensoleillement des occupants de l'immeuble LE RÉGINA, confortant ainsi de façon substantielle sa valeur patrimoniale ;

Attendu que sur interrogation du Syndic de la copropriété requérante en date de mars 2006, le service de l'urbanisme de la Principauté de Monaco lui avait alors indiqué, par un courrier en date du 21 avril 2006, que les servitudes » non altius tollendi «, même s'appliquant à des terrains privés, étaient prises en considération dans l'examen des demandes de permis de construire, lesquels au surplus étaient toujours accordés sous réserve des droits des tiers et aux risques et périls des intéressés ;

Que c'est donc avec surprise que les copropriétaires de l'immeuble LE RÉGINA ont pris connaissance des caractéristiques des constructions autorisées par l'arrêté ministériel n° 2007-616 du 5 décembre 2007, dépassant de beaucoup la hauteur prévue par la servitude » non altius tollendi «, privant ainsi de la vue sur mer certains appartements de leur résidence, et réduisant de façon importante l'ensoleillement de tous, entraînant ainsi une dévalorisation de la valeur patrimoniale des appartements ;

Que dès lors par courrier recommandé avec Accusé de Réception en date du 14 avril 2008 Monsieur Michel G., ès qualité de Syndic de l'immeuble, dûment habilité par l'Assemblée Générale des copropriétaires de la communauté immobilière de l'immeuble LE RÉGINA, a saisi Monsieur le Ministre d'État d'un recours gracieux en annulation et/ou retrait de son arrêté ministériel n° 2007-616 en date du 5 décembre 2007, par lequel il avait donné à la SCI OSMOSE l'autorisation de démolir l'immeuble existant sur l'ensemble immobilier dénommé LA LESTRA, situé 12 Bld des Moulins à Monaco et de reconstruire sur celui-ci un nouvel immeuble à usage d'habitation et de commerce ;

Attendu que ce recours gracieux a été purement et simplement rejeté par courrier en date du 20 mai 2008 par Monsieur le Ministre d'État ; que dès lors la copropriété de l'immeuble dénommé » LE RÉGINA « se trouve dans l'obligation de saisir le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco pour solliciter l'annulation de l'arrêté ministériel critiqué ainsi que celle de la décision explicite de rejet du recours gracieux ;

Attendu qu'il résulte de l'article 3 de l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1966 relative à l'Urbanisme, la Construction et la Voirie, qu'au nombre des pièces et documents obligatoirement joints à la demande d'autorisation de construire doit figurer un acte notarié attestant que le signataire des plans est bien propriétaire de l'immeuble ou des terrains pour lesquels l'autorisation est requise ; qu'il n'apparaît pas qu'un tel document complet ait effectivement été produit par la SCI OSMOSE dans la mesure où celui-ci aurait nécessairement fait référence à la servitude » non altius tollendi « grevant l'ensemble immobilier dénommé LA LESTRA ; qu'il est constant en effet que si les services instructeurs de la demande d'autorisation de construire avaient eu connaissance d'un tel document, ils n'auraient pas autorisé une construction dépassant, de façon très substantielle, celle visée dans la servitude conventionnelle de droit réel grevant l'ensemble immobilier LA LESTRA ; que l'omission de la production de l'ensemble des documents prévus par l'article 3 de l'Ordonnance du 9 septembre 1966 a donc été de nature à vicier la décision d'autorisation de construire contestée ;

Attendu en second lieu que les pièces jointes à la demande de permis de construire déposée par la SCI OSMOSE sont également insuffisantes et incomplètes au regard de l'article 3 de l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1966 ; qu'il en est ainsi notamment du plan de situation, du plan de masse, des plans détaillés, du travail projeté, des coupes longitudinales et transversales, des élévations, des plans complets de la terrasse de couverture ; qu'au surplus les plans joints à la demande de permis de construire ne sont pas tous cotés et la cote de l'égout, qui sert de référence pour déterminer la hauteur d'un bâtiment, est difficilement identifiable sur les plans ; qu'il n'apparaît pas que le » volet paysager « du dossier de demande de permis de construire réponde aux exigences de précision des alinéas 8 à 17 de l'article 3 de l'Ordonnance n° 3647 du 9 septembre 1966 ;

Attendu que la réglementation résultant de l'Ordonnance Souveraine n° 36 du 12 mai 2005 impose d'autre part que l'affectation des locaux commerciaux ou d'activité, soit précisée dans le dossier de demande de permis de construire et que celle-ci doit participer à l'animation du quartier ; qu'en espèce, l'affectation du local commercial implanté au rez-de-chaussée sur le Boulevard des Moulins n'est pas mentionnée ;

Attendu en outre que l'article 2.2 de l'Ordonnance Souveraine n° 1.172 du 15 juin 2007 n'autorise la réalisation de locaux à usage de bureaux, de services et de commerces que pour une part ne pouvant pas dépasser 40 % de la surface des planchers de chaque bâtiment édifié dans la zone, alors qu'en l'espèce les documents figurant au dossier de demande de permis de construire ne permettent pas de vérifier si ce pourcentage est respecté ; qu'un magasin fait apparaître une surface commerciale limitée à environ 50 m2 (voir plan PC 07) sur le Bld des Moulins (3e étage) sans que son affectation soit précisée ;

Attendu que ni les distances entre façades, ni les cotes des saillies de balcons et oriels, ne sont précisées dans les documents du dossier de permis de construire, de telle sorte qu'il n'est pas possible d'apprécier les dispositions architecturales prévues dans le projet vis-à-vis de la réglementation et notamment des articles 27 et suivants de l'Ordonnance générale de voirie n° 3.647 du 9 septembre 1966 applicable en matière de saillies en façade ;

Que dès lors ces insuffisances cumulatives constituent une violation substantielle des formalités requises et justifient l'annulation de l'arrêté ministériel attaqué n° 2007-616 du 5 décembre 2007 et de la décision de rejet du recours gracieux notifiée le 20 mai 2008 ;

Attendu au plan de la légalité interne que lors de la session du Conseil Communal du 16 mai 2007 il a été décidé de se prononcer favorablement sur le projet de modification du règlement d'urbanisme du quartier ordonnancé des Moulins zone n° 1 ; que ce projet modificatif prévoit qu'il ne peut pas être réalisé de constructions sur une profondeur excédant 8 mètres et que celles-ci ne doivent pas gêner les perspectives visuelles des bâtiments ; qu'en l'espèce, les constructions autorisées ne respectent pas cette finalité, ce qui constitue la violation d'une règle de fond au regard des dispositions des articles 12 et suivants de l'Ordonnance n° 3.467 du 9 septembre 1966 ;

Attendu que la servitude réelle de droit privé qui grève l'ensemble immobilier LA LESTRA rend impossible, en l'absence même de violation d'une règle d'urbanisme, la réalisation effective des travaux projetés par la SCI OSMOSE ; que l'annulation de l'arrêté ministériel n° 2007-616 du 5 décembre 2007 peut dès lors intervenir par analogie à ce qui a été jugé en droit français (Cour Administrative d'appel de Nantes, 2e Ch. 30 décembre 1998, arrêt n° 96 NT 00663) ;

Attendu que l'autorisation de construire attaquée va très au-delà de l'indice de construction maximum défini par les limites d'emprise et la cote 76,00 mètres NGM, ce qui constitue une violation des dispositions de l'article 7.2 de l'Ordonnance 1.172 du 15 juin 2007, ce qui entraînera l'annulation de l'arrêté ministériel du 5 décembre 2007 et de la décision explicite de rejet du recours gracieux ;

Attendu enfin que la cote maximale de la construction est de 76 mètres NGM au regard des articles 6.1 et 6.2 de l'Ordonnance Souveraine n° 1.172 du 15 juin 2007 ; que l'article 6.3, confirmant les termes de l'article 3.2. de ladite Ordonnance, impose au 5e étage un recul de 2 mètres par rapport à l'alignement de la façade, elle-même implantée côté Bld des Moulins sur la limite d'emprise obligatoire des constructions ; que cette cote est calculée par rapport à l'égout, avec 50 cm de tolérance ;

Attendu qu'en l'espèce la hauteur maximale autorisée est très largement dépassée en raison de l'existence d'ouvrages en combles, recevant des volumes habités et des équipements techniques, dont le gabarit va très au-delà de la tolérance et qui doivent être considérés comme des volumes construits et utiles ;

Que pour ces motifs il y aura lieu d'annuler l'arrêté ministériel n° 2007-616 en date du 5 décembre 2007 ainsi que la décision explicite de rejet en date du 20 mai 2008 ;

Vu la contre-requête présentée par S.E. Monsieur le Ministre d'État le 25 septembre 2008 commençant par rappeler que la SCI OSMOSE a déposé le 23 janvier 2006 une demande en vue d'être autorisée à édifier un immeuble au 12 du Bld des Moulins à Monaco ; que cet emplacement est situé dans l'îlot n° 3 de la zone 1 du quartier ordonnancé des Moulins régi par les dispositions de l'Ordonnance Souveraine n° 36 du 12 mai 2005, modifiée par l'Ordonnance Souveraine n° 1.172 du 15 juin 2007 ; qu'après avoir recueilli l'avis du Comité consultatif pour la construction et du Conseil communal, le Ministre d'État a accordé l'autorisation sollicitée par arrêté n° 2007-616 du 5 décembre 2007 ; qu'après rejet explicite le 20 mai 2008 de leur recours gracieux formé le 14 avril 2008, les copropriétaires de l'immeuble LE RÉGINA ont formé une requête en annulation, ensemble de l'arrêté du 5 décembre 2007 et la décision de rejet du 20 mai 2008 ;

Attendu en premier lieu que contrairement à ce qui est soutenu le dossier de demande de permis de construire comportait bien, conformément à l'article 3 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 9 septembre 1966, l'acte de vente » complet « établi par Maître Henry REY, Notaire, et transcrit au Bureau des Hypothèques de Monaco le 16 juin 2003 ;

Qu'en réalité, le syndicat requérant entend déduire le caractère incomplet du dossier de demande, de la circonstance que l'acte notarié de Maître REY devait nécessairement mentionner » une servitude de droit réel « au vu de laquelle l'autorisation aurait dû être refusée ; qu'un tel grief manque en fait dès lors qu'ainsi que le rappelle expressément le § III de l'article 9 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.647, l'autorisation de construire est toujours délivrée » sous réserve des droits des tiers « ; que dès lors l'autorité administrative ne se prononce, sur les demandes dont elle est saisie, qu'au regard des seules règles d'urbanisme et que l'éventuelle existence d'une servitude de droit privé ne fait pas obstacle à la délivrance de l'autorisation ; que d'ailleurs l'article 7 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.647 modifiée précise que l'examen des pièces est effectué » du point de vue de l'observation des lois et règlements et du point de vue des conditions esthétiques du projet et de l'intérêt général «, à l'exception de toute autre considération et notamment l'existence d'une éventuelle servitude de droit privé ;

Attendu en second lieu que la demande d'autorisation de construire satisfait pleinement aux exigences de l'article 3 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.647 en ce qui concerne la composition du dossier ; qu'ainsi elle comportait bien l'ensemble des plans requis et notamment le plan n° PC 10 indice B pour les façades schématiques situées de part et d'autre de l'immeuble à réaliser, ainsi que le plan n° PC 14 indice B coupe CC qui indique, à l'échelle, la coupe longitudinale de la terrasse et coupe AA pour la coupe transversale, permettant (rapprochée du plan PC 08 indice B) de se rendre compte de l'ensemble des ouvrages de la terrasse.

Attendu que ni le plan de situation, ni les cotes de certains plans, ni le » volet paysager « n'étaient entachés d'insuffisances qui auraient vicié l'appréciation de l'autorité administrative lors de l'instruction de la demande ;

Attendu qu'en ce qui concerne l'affectation des locaux commerciaux, dont le pourcentage maximum de 40 % par rapport aux autres locaux est respecté, l'article 3 de l'arrêté attaqué précise, qu'avant le commencement des travaux, le bénéficiaire de l'autorisation devra faire agréer un dossier technique spécifique concernant notamment » l'affectation de la surface commerciale donnant sur le Bld des Moulins à une entité commerciale ou de service dont l'activité participe à l'animation du quartier (équipement de la personne ou de la maison, culture loisirs, service ou commerce de proximité, etc...) « ; que dès lors, l'Ordonnance Souveraine n° 36 du 12 mai 2005 modifiée est également sur ce point respectée ;

Attendu sur la légalité interne qu'ainsi qu'il a déjà été exposé le permis de construire est délivré sous réserve du droit des tiers en application de l'article 9 § III de l'Ordonnance Souveraine n° 3.647, et qu'ainsi le grief tiré de la violation d'une servitude de droit privé ne constitue pas un moyen de légalité ;

Qu'il a d'ailleurs été expressément jugé par le Tribunal Suprême : » le moyen tiré de la méconnaissance d'une servitude contractuelle de droit privé n'est pas au nombre de ceux qui peuvent être utilement invoqués à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un permis de construire « (TS 1er juillet 1981 Dame N. D., Demoiselle E. F., Sieur J.L. B.) ;

Qu'au surplus, il résulte de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Monaco le 25 mai 1959 que la clause » non altius tollendi « invoquée par le syndicat requérant » n'a pas été génératrice d'une servitude mais d'une obligation personnelle souscrite... au profit des vendeurs et que cette obligation est nulle comme atteinte du vice de perpétuité « ;

Que dès lors, le moyen pris de ce que l'autorisation attaquée méconnaîtrait une servitude de droit privé n'est pas seulement inopérant : il manque en fait ;

Attendu en ce qui concerne la violation des perspectives visuelles, le dépassement de l'indice de construction et la hauteur autorisée du bâtiment, que les seules règles de fond applicables dans le quartier ordonnancé des Moulins, sont celles résultant de l'Ordonnance Souveraine n° 36 du 12 mai 2005 modifiée par l'Ordonnance Souveraine n° 1.172 du 15 juin 2007 portant délimitation, plans de coordination et règlement particulier d'Urbanisme, de Construction et de Voirie du quartier ordonnancé des Moulins ;

Attendu qu'il résulte de ces textes et plus spécialement de l'alinéa 2 de l'article 4-2-1 de l'Ordonnance Souveraine n° 36 modifiée » qu'en partie aval du Bld des Moulins, un volume utilisable peut être édifié jusqu'en limite séparative menant aux voies, dans les conditions de hauteur prévues à l'article 6, sur une profondeur correspondant à 30 % de la longueur de ladite limite séparative, avec un maximum de 8 mètres... « ; que l'article 6.5 de la même Ordonnance dispose, s'agissant des volumes utilisables pouvant être édifiés jusqu'en limite séparative menant aux » voies « prévues à l'article 4, que la cote maximale du niveau supérieur de ces volumes ne peut » excéder la cote du trottoir du Bld des Moulins au droit de la construction... « ; qu'en l'espèce, ces prescriptions sont respectées, puisque la construction autorisée n'occupe que 7 mètres linéaires de la limite séparative correspondant à seulement 14 % de la longueur de cette limite, tandis que la hauteur de la construction n'excède pas la cote du trottoir du Bld des Moulins, ménageant ainsi des trous et permettant le maintien des perspectives visuelles ;

Attendu s'agissant du prétendu dépassement de l'indice de la construction et de la hauteur de la construction que les dispositions applicables sont celles des articles 7.2 et 6.1 de l'Ordonnance n° 36 du 12 mai 2005 modifiée, qui renvoient respectivement à » l'application des articles 3 à 6 et au plan masse «, et pour la cote maximale du niveau supérieur des bâtiments à la cote figurant sur le même plan masse, soit + 76,00 mètres, avec tolérance de 50 cm (article 12.2.1 des dispositions générales d'urbanisme applicables à l'ensemble du quartier) ;

Attendu que ces dispositions n'imposent aucune valeur maximum du point haut de la toiture, ce qui autorise une toiture de type Mansart dans laquelle la cassure entre les deux pans du toit (considérée comme l'égout de celui-ci) se situe à la cote 76,50 ; qu'ainsi ni la cote maximale du niveau supérieur des bâtiments, ni l'indice de construction ne sont dépassés par le projet ;

Que dès lors la requête du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble dénommé » LE RÉGINA « est vouée à l'échec ;

Vu la réplique enregistrée le 28 octobre 2008 qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens, y ajoutant que dans sa contre-requête S.E. Le Ministre d'État ne s'explique pas sur le fait que certains des plans, contrairement aux exigences de l'article 3 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 9 septembre 1966 ne sont pas cotés, notamment en ce qui concerne l'emprise au sol des constructions ainsi que la cote de l'égout, ce qui ne permet pas de déterminer avec précision les cotes en élévation du bâtiment ;

Attendu que le syndicat exposant maintient que les documents constituant le volet paysager sont beaucoup trop sommaires pour permettre d'apprécier concrètement et complètement la consistance du projet, ce même grief pouvant être également formulé à l'égard de la notice explicative ;

Qu'en ce qui concerne l'affectation du local commercial implanté au rez-de-chaussée, celle-ci devait être précisée dès le dépôt du dossier de demande, et non point a posteriori une fois l'autorisation accordée, ainsi que l'indique l'Ordonnance Souveraine n° 36 du 12 mai 2005 ; qu'aucun document figurant au dossier ne permet de vérifier si le pourcentage de 40 % affecté aux locaux de bureaux, de service et de commerce, par rapport à la surface totale des planchers est effectivement respecté ;

Qu'enfin, aucune réponse n'a été apportée relativement aux griefs tirés de l'absence de précision au titre des distances entre façades et de l'oubli des cotes des saillies de balcons et oriels ;

Attendu sur la légalité interne qu'en ce qui concerne la référence faite à l'arrêt de la Cour d'appel de Monaco du 25 mai 1959 ayant estimé qu'une clause » non altius tollendi « n'est pas génératrice d'une servitude de droit réel mais d'une simple obligation personnelle, de surcroit nulle comme étant atteinte du vice de perpétuité, il s'agit là d'un cas d'espèce ne pouvant être généralisé, puisque la solution retenue est étroitement subordonnée à la preuve de l'intention des parties ; qu'en l'espèce, ladite clause figurant dans l'ensemble des titres de propriété des deux biens immobiliers concernés, constitue bien une servitude de droit réel ; que dès lors ladite servitude rendant impossible la réalisation du projet de construction concerné, il y a lieu de prononcer l'annulation de l'autorisation administrative s'y rapportant ;

Attendu que l'arrêté attaqué autorise un important dépassement de l'indice de construction défini par les limites d'emprise et la cote 76.00 mètres NGM ; qu'il y a dès lors violation de la réglementation même si aucune hauteur maximale de faitage de la toiture n'est imposée, ce qui est une notion distincte ; qu'enfin, la hauteur du bâtiment ne respecte pas la règle d'urbanisme applicable dès lors qu'en tout état de cause s'agissant de volumes construits et utiles, ils ne sauraient être assimilés à une simple toiture ;

Que l'annulation s'impose ;

Vu la duplique présentée par S.E. Monsieur le Ministre d'État le 3 décembre 2008 qui observe notamment que le » volet paysager « et les plans figurant dans la demande d'autorisation de construire ont été regardés par l'autorité administrative comme suffisamment précis pour lui permettre de statuer en toute connaissance de cause ; que de même l'Ordonnance Souveraine n° 36 du 12 mai 2005 modifiée, et plus particulièrement l'article 2 des dispositions applicables à l'ilot 3 de la zone 1 exigent seulement, en matière d'affectation commerciale des locaux construits, que soient mentionnés ceux qui font l'objet de cette affectation, afin de permettre de vérifier le respect du pourcentage maximal autorisé par rapport aux autres locaux (40 %) ; qu'à aucun moment ladite Ordonnance n'exige que soient déterminés avec précision les commerces occupant ces locaux ; que dès lors l'autorisation de construire peut parfaitement renvoyer sur ce point, comme cela a été le cas, à un agrément ultérieur de l'Administration, dont l'objet est précisément de vérifier que les commerces en cause ont bien une activité qui participe à l'animation du quartier ; que ces dispositions n'ont pas été méconnues ;

Attendu qu'en ce qui concerne la légalité interne, l'affirmation du syndicat requérant, selon laquelle les nouvelles constructions gêneraient les perspectives visuelles des bâtiments, n'est étayée d'aucun commencement de preuve ou même d'explication ; qu'enfin, les requérants ne peuvent contester que la cote maximale du niveau supérieur des bâtiments, tolérance comprise, est de + 76,50 mètres à l'égout du toit et qu'en conséquence le choix, autorisé, d'une toiture de type Mansart dans laquelle la cassure entre les deux pans du toit, considérée comme l'égout du toit, se situe précisément à cette cote de + 76,50 n'emporte dépassement, ni de la hauteur autorisée, ni de l'indice de construction, quand bien même cette toiture permettrait l'intégration de volumes habitables ou d'éléments d'équipements techniques ; que dès lors le moyen manque en fait dans ses deux branches et doit être rejeté.

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 B-1 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 9 septembre 1966 modifiée, concernant l'Urbanisme, la Construction et la Voirie ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 36 du 12 mai 2005 portant délimitation, plans de coordination, et règlement particulier d'Urbanisme, de Construction et de Voirie du quartier ordonnancé des Moulins, modifiée par l'Ordonnance Souveraine n° 1.172 du 15 juin 2007 ;

Vu l'Ordonnance du 18 mars 2009 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du 3 juin 2009 ;

Ouï Monsieur José SAVOYE, Membre Titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Geoffroy LE NOBLE, Avocat au Barreau de Paris pour le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble dénommé » LE RÉGINA « ;

Ouï Maître MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour l'État de Monaco ;

Ouï M. Procureur Général en ses conclusions.

Après en avoir délibéré,

Sur la légalité externe :

Considérant que l'article 3 de l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1966 impose que soit joint à la demande d'autorisation de construire un certain nombre de pièces dont, en particulier, un acte notarié attestant que le signataire des plans est bien propriétaire de l'immeuble ou des terrains pour lesquels l'autorisation est demandée, ainsi que l'ensemble des plans requis ;

Considérant qu'étaient bien joint à la demande d'autorisation de construire l'ensemble des pièces exigées par cet article 3 ; que ni le plan de situation, ni les cotes de certains plans, ni le volet paysager n'étaient entachés d'insuffisances ou imprécisions de nature à vicier l'appréciation de l'administration lors de l'instruction de la demande ;

Considérant que l'Ordonnance n° 36 du 12 mai 2005 modifiée impose que l'affectation des locaux commerciaux ou d'activité soit précisée dans le dossier de demande de permis de construire et que cette affectation doit participer à l'animation du quartier ; que l'arrêté attaqué impose en son article 3 au bénéficiaire de ladite autorisation de faire agréer l'affectation de la surface commerciale donnant sur le Bld des Moulins à une entité commerciale ou de service dont l'activité participe à l'animation du quartier ; qu'il est ainsi satisfait aux exigences de l'Ordonnance n° 36 précitée ;

Sur la légalité interne :

Considérant en premier lieu, qu'en application de l'article 9 § III de l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1966 modifiée le permis de construire est délivré sous réserve des droits des tiers ; que dès lors l'autorité administrative ne peut légalement se fonder sur une servitude conventionnelle, dont elle n'a, au surplus, nulle compétence pour apprécier le caractère réel ou personnel, et moins encore l'éventuelle nullité dont elle pourrait être affectée, pour refuser une demande d'autorisation d'urbanisme ; qu'en conséquence le moyen tiré de la méconnaissance d'une servitude contractuelle de droit privé n'est pas au nombre de ceux qui peuvent être utilement invoqués à l'encontre d'un permis de construire devant le juge de l'excès de pouvoir ;

Considérant en deuxième lieu que le grief pris de la violation des perspectives visuelles n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé ;

Considérant en troisième lieu que les articles 6.1 et 7.2 de l'Ordonnance n° 36 du 12 mai 2005 modifiée, applicable à cette zone, renvoient respectivement pour la valeur maximale de l'indice de construction à » l'application des articles 3 à 6 et au plan masse « et, pour la cote maximale du niveau supérieur des bâtiments, à la cote figurant sur le même plan de masse, soit + 76,00 mètres, avec une tolérance de 50 cm prévue à l'article 12.2.1 des dispositions générales d'urbanisme applicables à l'ensemble du quartier des Moulins ;

Considérant que, bien qu'aucune valeur maximale du point haut de la toiture n'ait été fixée par l'arrêté attaqué, des volumes tout à la fois construits et habitables ou utiles excédant la cote + 76,50 NGM ont été autorisés, en violation des dispositions précitées.

Dispositif

Décide :

Article 1er

L'arrêté ministériel n° 2007-616 du 5 décembre 2007, ensemble la décision explicite de rejet du recours gracieux en date du 20 mai 2008, sont annulés en tant qu'ils autorisent des volumes habitables ou utiles au-delà de la cote + 76.50 NGM.

Article 2

Le surplus des conclusions est rejeté.

Article 3

Les dépens sont partagés par moitié entre le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble dénommé » LE RÉGINA « et l'État.

Article 4

Expédition de la présente décision sera transmise à M. Le Ministre d'État et au Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble dénommé » LE RÉGINA ".

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27358
Date de la décision : 15/06/2009

Analyses

Règles d'urbanisme ; Loi et actes administratifs unilatéraux


Parties
Demandeurs : Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble « Le Régina »
Défendeurs : Ministre d'État

Références :

Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 9 septembre 1966
arrêté ministériel n° 2007-616 du 5 décembre 2007
Ordonnance n° 3.467 du 9 septembre 1966
Ordonnance Souveraine n° 1.172 du 15 juin 2007
article 3 de l'Ordonnance du 9 septembre 1966
article 3 de l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1966
Ordonnance n° 36 du 12 mai 2005
Ordonnance du 18 mars 2009
loi n° 1.329 du 8 janvier 2007
arrêté ministériel du 5 décembre 2007
article 3 de l'Ordonnance n° 3647 du 9 septembre 1966
Vu la Constitution
Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2009-06-15;27358 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award