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14/06/2006 | MONACO | N°27246

Monaco | Tribunal Suprême, 14 juin 2006, Dame M. M. épouse S. c/ Ministre d'État


Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Biens immobiliers

Loi n° 1235 du 28 décembre 2000 relative aux conditions de location de certains locaux à usage d'habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947 - Aliénation volontaire à titre onéreux d'un bien immobilier - Droit de préemption du Ministre d'État - Délai de procédure de notification de la décision administrative - Nullité de la décisions administrative (oui)

Motifs

Le Tribunal Suprême

Siégeant et d

élibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête déposée au Greffe Gé...

Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Biens immobiliers

Loi n° 1235 du 28 décembre 2000 relative aux conditions de location de certains locaux à usage d'habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947 - Aliénation volontaire à titre onéreux d'un bien immobilier - Droit de préemption du Ministre d'État - Délai de procédure de notification de la décision administrative - Nullité de la décisions administrative (oui)

Motifs

Le Tribunal Suprême

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête déposée au Greffe Général le 5 septembre 2005 par laquelle Mme M. M., épouse S. a saisi le Tribunal Suprême aux fins d'annulation de la décision du Ministre d'État portant la date du 18 mai 2005 d'acquérir un bien immobilier par application de l'article 38 de la loi du 28 décembre 2000 modifiée ;

Ce faire,

Attendu que cette décision est contestée par Mme S. aux motifs qu'elle considère d'abord que n'a pas été respecté le délai prévu par l'article 38 de la loi du 28 décembre 2000 modifiée ; que selon ce texte le délai imposé au Ministre d'État est d'un mois pour faire connaître son intention d'acquérir à compter de la notification de la décision d'aliéner ; que le notaire a procédé à la notification par lettre recommandée avec avis de réception le 20 avril 2005 ; que ce courrier a été reçu le 21 avril ; que la lettre contenant la décision du Ministre d'État de se porter acquéreur du 18 mai 2005 a été reçue le 23 mai 2005 c'est-à-dire plus d'un mois après réception de la déclaration ; qu'il s'ensuit que la décision en cause est nulle ; qu'en second lieu la décision devait être notifiée au propriétaire et à l'acquéreur du bien et non au seul notaire ; qu'enfin la décision d'acquisition n'était fondée ni sur des motifs d'intérêt général ni par des considérations d'utilité publique ;

Vu la contre-requête enregistrée le 7 novembre 2005 par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les motifs que l'article 38 de la loi du 28 décembre 2000 impose seulement au Ministre d'État de faire connaître sa décision au sujet d'une éventuelle préemption et ce, sans aucun formalisme ; que cette décision est en pratique portée à l'étude du notaire qui a instrumenté et non pas postée ; que ce notaire n'a pas pris connaissance de cette lettre portant date du 18 mai avant le 23 mai suivant, en raison de la fermeture de l'étude pendant quelques jours ; qu'ainsi l'officier ministériel a simplement précisé la date à laquelle il a pris connaissance du document sans prendre position sur celle du dépôt ; qu'en second lieu les règles de computation des délais selon les dispositions du Code de procédure civile peuvent s'appliquer à certaines procédures administratives telles que la préemption ; qu'ainsi d'une part les délais de procédure ne comprennent pas le jour d'où ils partent et son prolongés d'un jour ouvrable lorsque le dernier jour tombe un jour férié ou un samedi ; qu'il en résulte que, le Ministre d'État ayant reçu la déclaration d'intention d'aliéner le 21 avril, le délai d'un mois prévu par la loi précitée a couru à compter du 22 avril et n'a expiré que le 23 mai, le 22 étant un dimanche ; qu'en troisième lieu la déclaration d'intention d'aliéner peut selon l'article 38 du texte susvisé émaner soit du propriétaire soit du notaire sans que soit précisée la personne qui doit être destinataire de la décision de préemption ; qu'enfin on ne saurait contester que la décision de préemption était justifiée par des motifs d'intérêt général ou des considérations d'utilité publique ; que cette décision n'avait pas à être motivée ; qu'ainsi qu'il résulte du document produit, le droit de préemption a été exercé pour des motifs d'urbanisme et des considérations sociales ; qu'ainsi l'autorité étatique avait un large pouvoir d'appréciation des motifs qui l'incitaient à prendre la mesure envisagée ; que, dans ces conditions, le Ministre d'État pouvait agir ainsi qu'il l'a fait sans encourir l'annulation de la décision entreprise ;

Vu la réplique enregistrée le 7 décembre 2005 par laquelle Mme S. persiste en ses conclusions au motif que la notification de la décision de préemption n'a pas été effectuée en temps utile ; qu'en effet, selon elle, dans un courrier du notaire Maître Rey, il est indiqué, que le document a été daté du 18 mai et reçu le 23 mai ; qu'elle ajoute que selon la contre-requête l'étude était fermée du 19 mai au 22 mai pendant le grand prix et que par suite l'étude était bien ouverte le 18 ; que d'ailleurs, pendant cette période, les distributions de courrier n'étaient pas perturbées ; qu'ainsi l'Administration ne peut soutenir que la notification a eu lieu dans les délais ; que la requérante soutient ensuite que l'article 970 du Code de procédure civile n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce quant à la question du délai ; que ce texte ne concerne que les délais prévus par ce code et non ceux relatifs aux formalités extrajudiciaires, ainsi par exemple les commandements de payer en matière de bail, et non en matière d'exercice du droit de préemption ; que Mme S. fait état en outre d'une lettre adressée par M. Biancheri, conseiller de Gouvernement pour les finances à M. Boisson, vice-président du Conseil national, au sujet de cette affaire, dans laquelle il indique que l'État doit faire connaître sa position avant le 19 mai ; qu'il en résulte que l'Administration considérait cette date comme le dernier délai utile ; qu'enfin le notaire n'était pas habilité à recevoir la décision de préemption aux lieu et place de l'acquéreur sans que soit rapportée la preuve d'un mandat explicite en ce sens ; que le motif d'intérêt général invoqué par l'Administration n'apparaît pas en l'espèce, l'intérêt urbanistique invoqué n'étant nullement justifié ; qu'au contraire l'État fait mention d'un remembrement mais seulement en tant qu'éventualité ; qu'un autre projet envisagé est celui de loger un foyer monégasque, ceci étant éloigné d'un motif d'intérêt général ou d'utilité publique qui justifierait l'exercice de la préemption ; que par conséquent, l'État a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu la duplique déposée par le Ministre d'État et enregistrée le 13 janvier 2005 tendant aux mêmes fins que la contre-requête et par les mêmes moyens et en outre par les motifs que le délai de notification de la préemption ne peut être réduite par un événement contingent tel que la fermeture d'une étude de notaire ; qu'en outre l'Administration a le choix du destinataire de la décision de préemption ; que la loi du 28 décembre 2000 ne contient aucune exigence à cet égard ; qu'enfin cette décision est bien justifiée par l'intérêt général, s'agissant pour l'État de s'assurer de la maîtrise foncière nécessaire pour la mise en œuvre d'une future opération d'urbanisme ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 B 1° ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu le Code de procédure civile ;

Vu la loi n° 1235 du 28 décembre 2000 relative aux conditions de location de certains locaux à usage d'habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947, modifiée par la loi n° 1291 du 21 décembre 2004, et notamment son article 38 ;

Vu l'Ordonnance du 21 mars 2006 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du 12 juin 2006 ;

Ouï M. Jean Michaud, membre du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Me Michel, avocat-défenseur, pour Madame S. ;

Ouï Me Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cessation, pour l'État de Monaco ;

Ouï Mme le Procureur Général en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré,

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 de la loi du 28 décembre susvisée : « Les aliénations volontaires à titre onéreux et apports en société, sous quelque forme que ce soit, portant sur des immeubles, des parties d'immeubles ou des locaux à usage d'habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947 doivent, à peine de nullité, faire l'objet par les propriétaires ou les notaires instrumentaires d'une déclaration au Ministre d'État... / Cette déclaration ... vaut offre de vente irrévocable pendant un délai d'un mois à compter de sa notification ... / Dans ce délai, le Ministre d'État peut faire connaître sa décision de se porter acquéreur aux conditions fixées dans la déclaration... » ;

Considérant que les dispositions des articles 970 à 972 du Code de procédure civile, qui concernent uniquement les délais prévus par ce code, ne sont pas applicables au délai imparti au Ministre d'État par l'article 38 précité de la loi du 28 décembre 2000 ;

Considérant que, par lettre recommandée avec avis de réception, le notaire instrumentaire a déclaré au Ministre d'État, l'aliénation volontaire, au profit de Mme S., d'un appartement à usage d'habitation ; que cette lettre a été reçue par le Ministre d'État le 21 avril 2005 ; que le délai d'un mois imparti au Ministre d'État pour faire connaître sa décision de se porter acquéreur expirait le 21 mai 2005 ; que, si la décision du Ministre d'État de faire jouer la faculté pour l'État de se porter acquéreur a été prise le 18 mai 2005, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision ait été portée à la connaissance du notaire au plus tard le 21 mai 2005 ; que la tardiveté de la notification de la décision entache celle-ci d'illégalité ; que, par suite, Mme S. est fondée à en demander l'annulation ;

Dispositif

Décide :

Article 1er

La décision susvisée du Ministre d'État en date du 18 mai 2005 est annulée.

Article 2

Les dépens sont mis à la charge de l'État

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27246
Date de la décision : 14/06/2006

Analyses

Baux


Parties
Demandeurs : Dame M. M. épouse S.
Défendeurs : Ministre d'État

Références :

loi n° 1291 du 21 décembre 2004
Loi n° 1235 du 28 décembre 2000
article 970 du Code de procédure civile
Ordonnance du 21 mars 2006
Vu la Constitution
Code de procédure civile
loi du 28 décembre 2000
Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
article 38 de la loi du 28 décembre 2000


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2006-06-14;27246 ?

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