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22/03/2006 | MONACO | N°27244

Monaco | Tribunal Suprême, 22 mars 2006, SCI E. et a. c/ Ministre d'État


Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Recours en annulation - Acte administratif réglementaire

Biens immobiliers

Loi n° 1235 du 28 décembre 2000 relative aux conditions de location de certains locaux à usage d'habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947, modifiée - Arrêté ministériel d'application. Dispositions réglementaires sans lien avec les dispositions législatives

Recours pour excès de pouvoir

Arrêté ministériel portant application de la loi n° 1235 du 28 décembre 2000 relative

aux conditions de location de certains locaux à usage d'habitation construits ou achevés avant le 1er...

Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Recours en annulation - Acte administratif réglementaire

Biens immobiliers

Loi n° 1235 du 28 décembre 2000 relative aux conditions de location de certains locaux à usage d'habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947, modifiée - Arrêté ministériel d'application. Dispositions réglementaires sans lien avec les dispositions législatives

Recours pour excès de pouvoir

Arrêté ministériel portant application de la loi n° 1235 du 28 décembre 2000 relative aux conditions de location de certains locaux à usage d'habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947, modifiée - Dispositions réglementaires distinctes des dispositions législatives annulées. Validité (oui) - Compétence du Ministre d'État pour instituer des aides imputées sur des crédits autorisés par la loi du budget (oui) - Règles différentes applicables à des situations différentes et justifiées par leur objet. Méconnaissance du principe d'égalité (non) -Exclusion du bénéfice de l'aide financière - Atteinte à l'exercice du droit de reprise. Obligation pour l'État de prendre en charge le coût des travaux de mise en conformité en l'absence de disposition législative ou réglementaire (non)

Motifs

Le Tribunal Suprême

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête présentée par la SCI E., la SCI de l'O., la SCI S., la SAM L., la SAM P., la SCI R., la SCI des V., ladite requête enregistrée au Greffe général de la Principauté de Monaco le 5 août 2005 et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté ministériel n° 2005-75 du 7 juin 2005 relatif aux aides aux propriétaires de locaux à usage d'habitation soumis aux dispositions de la loi n° 1235 du 28 décembre 2000, modifiée ;

Ce faire,

Attendu que l'annulation de la loi n° 1291 du 21 décembre 2004, qui a fait l'objet, de la part des exposantes, d'un recours enregistré sous le n° 2005/10, entraînera par voie de conséquence l'annulation de l'arrêté attaqué, qui a institué des aides aux propriétaires afin de leur permettre la mise aux normes et le ravalement des immeubles régis par cette loi ; que le Ministre d'État n'était pas compétent pour instituer des subventions et des prêts qui relèvent de la compétence du Conseil national en vertu des articles 39 et 70 de la Constitution ; que les différences de traitement établies par l'article 2 de l'arrêté attaqué entre propriétaires, selon qu'ils possèdent ou non plus de cinq appartements et par les articles 8 et 14, selon qu'ils reprennent leurs locaux ou les offrent à la location, violent le principe d'égalité devant la loi ; qu'en excluant du bénéfice des aides les propriétaires qui reprennent leur local, l'arrêté attaqué viole l'article 16-2 de la loi du 28 décembre 2000 modifiée par la loi du 21 décembre 2004, qui accorde au propriétaire le droit de reprise ; que l'arrêté attaqué est illégal au motif que le montant des subventions qu'il prévoit pour couvrir le coût des travaux de mise aux normes ;

Vu, enregistrée comme ci-dessus le 5 octobre 2005, la contre-requête présentée par le Ministre d'État et tendant au rejet de la requête, par les motifs que l'arrêté attaqué a été prise pour l'application de la loi de finances, qui comporte en son article 600-211 « amélioration de l'habitat » et dans le compte spécial du Trésor n° 85-30 « prêts immobiliers » des crédits pour l'octroi des aides instituées par l'arrêté attaqué ; que cet arrêté, qui n'établit pas une contribution directe ou indirecte, n'empiète pas sur la compétence attribuée au législateur par les articles 39 et 70 de la Constitution ; que le principe d'égalité n'impose s'appliquer les mêmes règles qu'aux personnes se trouvant dans des situations identiques ; que les différences de traitement entre les propriétaires de plus de cinq appartements et les autres et entre ceux qui reprennent leur logement et ceux qui le louent et sont seuls obligés de le mettre aux normes, sont justifiées par des différences de situation en rapport direct avec l'objet de l'arrêté ; qu'en excluant du bénéfice de l'aide des propriétaires qui exercent le droit de reprise l'arrêté attaqué n'a violé ni le principe d'égalité, ni l'article 16-1 de la loi du 29 décembre 2004, qui consacre le droit de reprise du propriétaire ; qu'aucune règle ni aucun principe n'impose à l'État de prendre en charge la totalité des frais de mise aux normes ;

Vu, enregistrée comme ci-dessus le 4 novembre 2005, la réplique présentée par les sociétés E., de l'O., S., L., P., R. et des V., ladite réplique tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et en outre par les motifs que le Ministre d'État ne conteste pas que l'annulation de la loi du 21 décembre 2004 entraînera par voie de conséquence l'annulation de l'arrêté attaqué ; qu'en tant que de besoin les sociétés requérantes soulèvent ce moyen par la voie de l'exception d'inconstitutionnalité ; que la loi contestée n'était pas rendue nécessaire par la situation du logement à Monaco, comme le montrent les statistiques publiées dans le document « Monaco en chiffres » ; que la loi du 28 décembre 2000 n'autorise aucune discrimination entre propriétaires selon qu'ils possèdent ou non plus de cinq appartements ; qu'il serait paradoxal de refuser le bénéfice de l'aide aux propriétaires de plus de cinq appartements, qui auront à supporter les coûts les plus importants et qui ne sont pas tous des groupes immobiliers, mais peuvent aussi être des petits propriétaires ; que la loi du 21 décembre 2004 reconnaît au propriétaire le droit de reprendre son bien sans être sanctionné financièrement par la privation des aides prévues par l'arrêté attaqué ; que le Ministre d'État ne conteste pas que ces aides sont notoirement insuffisantes pour couvrir les dépenses nécessaires à la mise aux normes ;

Vu, enregistrée comme ci-dessus le 9 décembre 2005, la duplique présentée par le Ministre d'État, tendant aux mêmes fins que la contre-requête, par les mêmes moyens et en outre par les motifs que le rejet des requêtes dirigées contre la loi du 21 décembre 2004 entraînera le rejet du moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation de la loi ; que les sociétés requérantes ne sont pas recevables à exciper directement de l'inconstitutionnalité d'un arrêté pris pour l'application d'une loi ; qu'elles ne le sont pas non plus à produire le document intitulé « Monaco en chiffres », qui n'aurait pu être régulièrement versé aux débats qu'à l'appui des requêtes dirigées contre la loi ; qu'en toute hypothèse les arguments fondés sur ce document ne mettent en cause que l'opportunité de la loi et non sa constitutionnalité ou la légalité de l'arrêté ; que le refus d'accorder une aide aux propriétaires exerçant le droit de reprise pour exécuter des travaux qui ne leur sont pas imposés ne constitue pas une sanction financière et ne porte pas atteinte au principe d'égalité, ni au droit de reprise, dont seul le principe et non les modalités a été consacré par l'article 16-1 de la loi de 2000 modifiée ;

Vu l'arrêté attaqué ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 B 1° ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 1235 du 28 décembre 2000 relative aux conditions de location de certains locaux à usage d'habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947, modifiée par la loi n° 1291 du 21 décembre 2004 ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 16590 portant application de la loi n° 1291 du 21 décembre 2004 et définissant les normes d'habitabilité ;

Vu l'Ordonnance, en date du 27 janvier 2006, par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du 21 mars 2006 ;

Ouï M. Michel Bernard, membre du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Denis Garreau et Maître Rivoir, avocats, pour la SCI E., la SCI de l'O., la SCI S., la SAM L., la SAM P., la SCI R.et la SCI des V.;

Ouï Maître Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation pour le Ministre d'État ;

Ouï Madame le Procureur Général en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré,

Sur le moyen tiré de ce que l'annulation de la loi n° 1291 du 21 décembre 2004 modifiant la loi n° 1235 du 28 décembre 2000 entraînerait par voie de conséquence l'annulation de l'arrêté attaqué :

Considérant que l'article 20 de la loi du 21 décembre 2004 modifiant l'article 35 de la loi du 28 décembre 2000 dispose que l'offre de location d'un local d'habitation régi par la loi du 28 décembre 2000 « doit être accompagnée d'une attestation établissant que les normes de sécurité et de confort définies par ordonnance souveraine sont respectées » ; que ces normes ont été définies par l'Ordonnance souveraine n° 16 590 du 29 décembre 2004 ; que l'arrêté ministériel attaqué, en date du 7 juin 2005, a institué des aides sous forme de subvention ou de prêt, destinées aux propriétaires de locaux à usage d'habitation soumis à la loi du 28 décembre 2000 afin de permettre la mise aux normes de ces locaux ;

Considérant que par décision du 16 janvier 2006, le Tribunal Suprême n'a annulé qu'une partie des dispositions de la loi du 21 décembre 2004 ; que l'article 20 de cette loi modifiant l'article 35 de la loi du 28 décembre 2000, n'a pas été annulé ; que les dispositions annulées, qui concernent les droits de reprise du propriétaire sont sans lien avec l'arrêté attaqué, qui s'applique uniquement aux locaux offerts à la location ; que, dès lors, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté attaqué doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de la loi du 21 décembre 2004 ;

Considérant que, si les sociétés requérantes déclarent contester à nouveau, par voie d'exception, la constitutionnalité de la loi du 21 décembre 2004, cette exception se heurte à l'autorité de la chose jugée par la décision précitée du 16 janvier 2006 rendue sur leur requête ;

Sur le moyen tiré de ce que le Ministre d'État serait incompétent pour instituer un régime d'aides sous forme de subvention ou de prêt :

Considérant qu'aux termes de la Constitution « Article 39 Le budget fait l'objet d'un projet de loi. Il est voté et promulgué en forme de loi (...) Article 70 Le Conseil national vote le budget. Aucune contribution directe ou indirecte ne peut être établie que par une loi » ; qu'en instituant, à l'exclusion de toute contribution, des aides aux propriétaires, qui ne pourront être payées que dans la limite des autorisations budgétaires, le Ministre d'État n'a pas empiété sur les compétences réservées au législateur par les dispositions constitutionnelles précitées ;

Sur les moyens tirés de la violation du principe d'égalité devant la loi :

Considérant que le principe d'égalité devant la loi inscrit dans l'article 17 de la Constitution n'interdit pas au pouvoir réglementaire de régler de façon différente des situations différentes pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la réglementation qui l'établit ;

Considérant, d'une part, que les propriétaires de plus de cinq appartements dans la Principauté ne se trouvent pas dans la même situation que les autres propriétaires ; que, dès lors, en excluant du bénéfice des aides instituées par l'arrêté attaqué les propriétaires de plus de cinq appartements dans la Principauté, l'article 2 de cet arrêté a établi une différence de traitement en rapport direct avec l'objet de l'arrêté et n'a pas méconnu le principe de l'égalité ;

Considérant, d'autre part, que l'article 35 de la loi du 28 décembre 2000 modifiée n'oblige à mettre aux normes que les locaux offerts à la location, ceux qui sont repris par leur propriétaire ne sont pas soumis à cette obligation ; que, dès lors, en réservant le bénéfice des subventions et des prêts institués par l'arrêté attaqué aux propriétaires qui offrent leurs locaux à la location, les articles 8 et 14 de cet arrêté ont établi une différence de traitement en rapport direct avec l'objet de l'arrêté et n'ont pas méconnu le principe d'égalité ;

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 16-1 de la loi du 28 décembre 2000 modifiée :

Considérant que, si les articles 8 et 14 de l'arrêté attaqué excluent les propriétaires exerçant le droit de reprise du bénéfice des aides instituées par l'arrêté, ils ne font pas obstacle à l'exercice de ce droit dans les conditions fixées par l'article 16-1 de la loi, dont ils ne méconnaissent pas les dispositions ;

Sur le moyen tiré de ce que le montant des subventions prévues par l'arrêté attaqué est insuffisant pour couvrir le coût des travaux de mise aux normes et de sécurité et de confort :

Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'État de prendre en charge le coût des travaux imposés aux propriétaires pour mettre en conformité avec les normes de sécurité et de confort les locaux qu'ils offrent à la location ; que, dès lors, le Ministre d'État n'a pas excédé ses pouvoirs en instituant des aides qui ne couvrent pas la totalité de ce coût ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les SCI E. et autres ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;

Dispositif

Décide :

Article 1er

La requête de la SCI E. et autres est rejetée ;

Article 2

Les dépens sont mis à la charge des sociétés requérantes ;

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27244
Date de la décision : 22/03/2006

Analyses

Baux


Parties
Demandeurs : SCI E. et a.
Défendeurs : Ministre d'État

Références :

articles 39 et 70 de la Constitution
loi n° 1291 du 21 décembre 2004
Loi n° 1235 du 28 décembre 2000
Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
article 16-2 de la loi du 28 décembre 2000
loi du 28 décembre 2000
article 17 de la Constitution
loi du 21 décembre 2004
arrêté ministériel n° 2005-75 du 7 juin 2005
article 35 de la loi du 28 décembre 2000
article 16-1 de la loi du 28 décembre 2000
article 16-1 de la loi du 29 décembre 2004
article 20 de la loi du 21 décembre 2004
Vu la Constitution


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2006-03-22;27244 ?

Source

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