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20/03/2006 | MONACO | N°27163

Monaco | Tribunal Suprême, 20 mars 2006, Dame M. S., épouse G. c/ Ministre d'État


Abstract

Compétence

Contentieux administratif. Recours en annulation. Acte administratif individuel

Recours pour excès de pouvoir

Décision de refoulement. Obligation pour l'autorité administrative de mettre le juge à même de contrôler la légalité de la décision attaquée (oui)

Procédure

Mesure d'instruction. Arrêt avant dire droit

Motifs

Le Tribunal Suprême

Siégeant en assemblée plénière et statuant en matière administrative

Vu la requête déposée au Greffe général le 14 juin 2005, par laquelle Mme S. Ã

©pouse G., de nationalité hongroise, a saisi le Tribunal Suprême aux fins d'annulation de la décision de refoulement du territoire m...

Abstract

Compétence

Contentieux administratif. Recours en annulation. Acte administratif individuel

Recours pour excès de pouvoir

Décision de refoulement. Obligation pour l'autorité administrative de mettre le juge à même de contrôler la légalité de la décision attaquée (oui)

Procédure

Mesure d'instruction. Arrêt avant dire droit

Motifs

Le Tribunal Suprême

Siégeant en assemblée plénière et statuant en matière administrative

Vu la requête déposée au Greffe général le 14 juin 2005, par laquelle Mme S. épouse G., de nationalité hongroise, a saisi le Tribunal Suprême aux fins d'annulation de la décision de refoulement du territoire monégasque prise à son encontre par le Ministre d'État le 7 mars 2005, et notifiée le 24 mars 2005 ;

Ce faire,

Attendu que Mme S. épouse G. ne présente aucune menace pour l'ordre public de la Principauté de Monaco ni pour la sécurité des biens et des personnes privées ; qu'il appartient à l'Administration de préciser les motifs prétendus pour lesquels la décision attaquée a été prise, afin de permettre au Tribunal Suprême, conformément à sa jurisprudence, d'exercer son contrôle ; que les motifs qui ont pu conduire à la décision attaquée procèdent d'une erreur manifeste d'appréciation ; que cette décision comporte une disposition inhabituelle puisqu'elle prévoit un délai pour son entrée en vigueur le 1er juillet 2005, afin de permettre à la fille de l'intéressée de terminer son année scolaire en Principauté - ce qui affecte la décision d'une grave contradiction ;

Vu la contre-requête, enregistrée le 17 août 2005, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête, au motif que Madame M. K., née le 17 novembre 1956, est la femme de Monsieur V. G., notoirement connu des services de police européens spécialisés, comme étant l'un des dirigeants de l'organisation criminelle Solntsevo, et associé au chef mafieux S. M. ; qu'à la suite d'investigations consécutives à un mandat d'arrêt, Mme G. et son mari ont cherché à s'établir sur le territoire monégasque ; que Mme G. a sollicité un titre de séjour et s'est provisoirement installée sous son nom de jeune fille K. ; que M. G. est impliqué dans de nombreuses activités criminelles telles qu'extorsion de fonds, blanchiment de capitaux, fraude en matière de santé, corruption et trafic de stupéfiants ; que la présence de sa femme sur le territoire monégasque est destiné à favoriser ses activités illicites ; que Mme G. s'est abstenue, lors de son arrivée à Monaco, de communiquer sa véritable identité ; qu'au lieu d'indiquer son patronyme de jeune fille (K.), elle s'est prévalue de celui de K., qui aurait été celui de son premier mari, qu'elle a utilisé lors de ses séjours au Méridien Beach Plaza Hôtel, pour sa demande de carte de séjour et sa demande de lignes téléphoniques ; qu'elle a présenté sa requête au Tribunal Suprême sous le nom de S., après s'être présentée au service de police comme étant M. B., divorcée K. - ce comportement laissant suspecter que Mme G. n'entendait s'installer à Monaco que pour aider son mari dans ses activités frauduleuses, ce qui justifie, dans le cadre des engagements internationaux souscrits par l'État monégasque pour la lutte contre le blanchiment de capitaux, la mesure de refoulement ; que le moyen tiré de la contradiction entre la décision de refoulement et le délai accordé pour son exécution est inopérant, car c'est la requérante elle-même qui a demandé un délai pour permettre à sa fille de terminer l'année scolaire, et il n'y a pas de contradiction entre un refoulement décidé et, en l'absence d'urgence absolue, un délai pour l'exécuter, à l'instar de ce que prévoit la législation française pour l'expulsion ;

Vu la réplique, enregistrée le 19 septembre 2005, par laquelle, persistant en sa demande d'annulation, Mme S. épouse G., rejette l'affirmation selon laquelle sa présence en territoire monégasque serait destinée à favoriser les activités illicites de son mari, ce que corroborerait l'utilisation de différents patronymes pour tromper les services de police ; qu'elle est née le 17 novembre 1956 à Léningrad, comme cela est établi par son certificat de naissance ; que sa mère est Mme N. S., son père M. M. K. ; que ses parents ont divorcé en 1962, et sa mère a épousé M. A. B. ; que le nom K. ayant une consonance israélite et les pays de l'Est ayant de fortes tendances à l'antisémitisme, elle a dans un premier temps porté le nom de S., puis, pour l'établissement de son passeport, comme le permettait la loi nationale, elle a opté pour le nom du second mari de sa mère, B., au féminin B. ; qu'elle a épousé en secondes noces de M. J. K., et utilisé à partir de cette date le nom de K. ; qu'elle a divorcé de M. K. et s'est remariée à M. V. G. ; que n'étant pas obligée d'utiliser le nom patronymique de son second époux, et dans la mesure où tous les documents étaient enregistrés au nom de K., elle a continué à utiliser ce patronyme en toute légalité ; que l'utilisation, dans sa vie, de plusieurs noms, comme c'est le cas des femmes mariées à plusieurs reprises, ne correspond pas à une volonté d'échapper à une surveillance policière imaginaire que jamais elle n'a fait l'objet de poursuite ou investigations dans quelque pays que ce soit ; qu'elle a épousé en 1999, M. G., homme d'affaires isralo-américain, dont elle a fait connaissance en Hongrie où il séjournait pour des raisons médicales ; que la contre-requête n'apporte aucun élément accréditant l'appartenance de M. G. à des activités criminelles, celui-ci étant un homme d'affaires parfaitement honnête, dont le casier judiciaire est vierge et qui n'a jamais fait l'objet de poursuites que le mandat d'arrêt international dont a fait l'objet M. M. ne concerne pas M. et Mme G., qui n'ont aucun lien avec lui ; que l'administration ne produit aucun document pour établir les griefs prétendus ; qu'il n'existe donc aucun motif de considérer que la requérante ait recherché à s'établir à Monaco pour fuir des poursuites judiciaires ; que d'ailleurs, contrairement à ce qu'affirme la contre-requête, seule Mme S. a demandé une carte de séjour, non M. G. ; qu'il existe une contradiction entre l'affirmation du péril que présenterait Mme S. pour l'ordre public et le délai qui lui a été accordé ; que les motifs de refoulement ne peuvent tenir qu'au comportement de l'intéressé, non à celui des membres de sa famille ;

Vu la duplique, enregistrée le 21 octobre 2005, par laquelle le Ministre d'État persiste dans ses conclusions au motif que l'argumentation de Mme G. est sans pertinence, que la décision de refoulement de M. G. est légale, que la décision prise à l'encontre de Mme G. n'est liée ni à sa qualité d'épouse de M. G., ni au fait d'avoir cherché à s'établir sur le territoire monégasque à la suite du mandat d'arrêt lancé contre M. M., mais au fait de s'y être installée pour favoriser les activités illicites de son mari ; que les explications données par Mme G. sur ses patronymes ne sont guère convaincantes, les documents produits étant rédigés en russe et en hongrois et n'étant pas traduits, et ne donnent pas la raison pour laquelle elle a utilisé pour son séjour à l'hôtel, sa demande de carte de séjour, sa demande de lignes téléphoniques, non le nom de son mari actuel ni celui pour lequel elle avait opté à l'âge de 16 ans (B.), mais celui de son père (K.), qu'elle n'a jamais porté depuis lors ; qu'enfin la requérante ne peut tirer argument du délai qui lui a été accordé sur sa demande et qui résulte de la bienveillance de l'administration ;

Vu le procès-verbal de clôture du 12 décembre 2005 ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 B 1° ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 3153 du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté ;

Vu l'ordonnance du 27 janvier 2006 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du 20 mars 2006 ;

Ouï M. Pierre Delvolvé, Vice-Président du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Me Frank Michel, avocat-défenseur, pour Mme G. ;

Ouï Me Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'État de Monaco ;

Ouï Mme le Premier Substitut du Procureur général en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré,

Considérant que, selon la décision attaquée de refoulement de Mme S. épouse G. du territoire de la Principauté, « la présence de cet étranger sur le territoire monégasque est de nature à compromettre la tranquillité ou la sécurité publique ou privée » ; qu'en réponse au moyen tiré par la requérante de l'inexactitude des faits retenus pour la refouler, le Ministre d'État s'est borné à énoncer, dans sa contre-requête, que le mari de Mme G., connu des services de police européens spécialisés comme lié à une organisation criminelle, est impliqué dans de nombreuses affaires criminelles, que la présence de sa femme sur le territoire monégasque est destinée à favoriser ses activités illicites, que l'utilisation à Monaco par Mme G. de plusieurs patronymes laisse suspecter qu'elle n'entendait s'y installer que pour aider son mari à y développer ses activités frauduleuses ;

Considérant que le Ministre d'État n'a versé au dossier aucun document de nature à corroborer ses affirmations, qui sont contredites par Mme G. ; qu'ainsi il n'a pas mis le Tribunal Suprême à même d'exercer son contrôle de légalité sur la décision attaquée ; qu'il y a lieu, dès lors, en application de l'article 32 de l'Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 susvisée, de prescrire une mesure d'instruction aux fins d'inviter le Ministre d'État à produire tous éléments permettant au Tribunal Suprême d'exercer son contrôle ;

Dispositif

Décide

Article 1er

-Le Ministre d'État est invité à produire dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision tous éléments permettant au Tribunal Suprême d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée.

Article 2

- Les dépens sont réservés.

Article 3

- Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27163
Date de la décision : 20/03/2006

Analyses

Lutte contre le financement du terrorisme, la corruption et le blanchiment ; Droit des étrangers ; Loi et actes administratifs unilatéraux


Parties
Demandeurs : Dame M. S., épouse G.
Défendeurs : Ministre d'État

Références :

article 32 de l'Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
Ordonnance Souveraine n° 3153 du 19 mars 1964
Vu la Constitution
Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
ordonnance du 27 janvier 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2006-03-20;27163 ?

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