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16/11/2004 | MONACO | N°27064

Monaco | Tribunal Suprême, 16 novembre 2004, Dame M. G. c/ Centre Hospitalier Princesse Grace


Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel - Compétence (oui)

Fonctionnaires et agents publics

Établissement public - Personnel hospitalier - Agent contractuel - Droits et obligations - Licenciement - Radiation des cadres du personnel

Recours pour excès de pouvoir

Décision de radiation - Décision de licenciement antérieure faisant obstacle à la décision de radiation - Décision illégale (oui)

Procédure

Recours en indemnisation devant le juge judiciaire - Sursis à statu

er (non)

Motifs

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière ...

Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel - Compétence (oui)

Fonctionnaires et agents publics

Établissement public - Personnel hospitalier - Agent contractuel - Droits et obligations - Licenciement - Radiation des cadres du personnel

Recours pour excès de pouvoir

Décision de radiation - Décision de licenciement antérieure faisant obstacle à la décision de radiation - Décision illégale (oui)

Procédure

Recours en indemnisation devant le juge judiciaire - Sursis à statuer (non)

Motifs

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête présentée par M. G., enregistrée au Greffe général le 12 février 2004, et tendant à l'annulation de la décision du Directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace en date du 16 décembre 2003 portant sa radiation des cadres du personnel médical du CHPG ;

Attendu que Mme G. a été engagée en juillet 1981 en qualité d'interne médecin au Centre Hospitalier Princesse Grace, que le 30 avril 2003 elle a reçu une lettre de licenciement précédée d'un courrier relatif à l'entretien préalable, d'usage, le motif invoqué étant le manque de postes disponibles en référence à l'arrêté ministériel du 29 décembre 1998 aux termes duquel les résidents qui ne peuvent être intégrés faute de postes sont licenciés, qu'il était cependant suggéré à l'intéressée une candidature à un poste de praticien hospitalier ouvert au concours, que Mme G., par une lettre du 6 mai 2003 contestait ce licenciement comme étant irrégulier et abusif et assignait le Centre Hospitalier Princesse Grace devant le Tribunal de première instance de Monaco, que le 16 octobre suivant le Centre notifiait à Mme G. sa réintégration dans les fonctions de résident à mi-temps réitérant cette décision le 10 novembre, qu'à ceci la requérante répondait que cette mesure était impossible en raison de la disparition de la fonction de résident, qu'après avoir adressé des chèques (correspondant à son salaire) à celle-ci qui les retournait aussitôt le Centre la mettait en demeure de réintégrer son poste faute de quoi elle serait exclue définitivement pour abandon de poste sans procédure disciplinaire, que le Centre lui notifiait le 16 décembre 2003 une décision de radiation des cadres pour abandon de poste contre laquelle elle formait pour illégalité le présent recours pour excès de pouvoir ;

Attendu que la requérante soulève un premier moyen de légalité interne ;

Que sa radiation est présentée comme résultant d'un abandon de poste, que les textes législatifs invoqués à l'appui de cette décision, en particulier l'Ordonnance souveraine n° 7928 du 6 mars 1984 portant statut du personnel du Centre ne s'appliquent pas dans leurs modalités à la situation considérée, qu'en effet Mme G. ayant été précédemment licenciée n'avait plus de lien contractuel avec le Centre, qu'au surplus la radiation des cadres obéissant à certaines conditions fixées par le texte précité ne sont pas satisfaites en l'espèce, qu'ainsi la mesure prise doit suivre une position de disponibilité ou concerner un départ à la retraite ou une inaptitude définitive, que tel n'a pas été le cas, que la radiation des cadres constitue une sanction qui ne figure pas dans les dispositions de l'Ordonnance du 6 mars 1984, qu'en outre l'abandon de poste retenu par le Centre constituerait une faute grave entraînant non la radiation mais la révocation ;

Que c'est de la part de l'Administration une erreur de droit par mauvaise interprétation de l'Ordonnance considérée ;

Attendu que par un second moyen de légalité interne la requérante soulève l'exception d'illégalité des décisions des 10 novembre et 4 décembre 2003 ;

Qu'elle invoque la nullité de la décision du 10 novembre comme n'ayant pas rempli certaines conditions, qu'au surplus le retrait n'étant possible qu'à la condition de n'être pas devenu définitif et d'être encore exposé à une éventuelle décision juridictionnelle, que la décision du 16 décembre ne pouvait reposer sur une décision qui ne pouvait plus être annulée, et la décision portant réintégration ne pouvait intervenir pour les mêmes raisons que précédemment ;

Que par suite l'arrêté de radiation des cadres pris à l'encontre de Mme G. devrait être annulé ;

Vu la contre-requête déposée par le Centre Hospitalier Princesse Grace et enregistrée au Greffe général le 9 avril 2004, tendant principalement à ce que soit prononcé un sursis à statuer ;

Que le Centre expose qu'il entendait dans un premier temps licencier Mme G. en raison de changements dans l'organisation de l'établissement en conséquence de l'Ordonnance souveraine de 1998, qu'après annulation de cette décision, il a été exposé à l'intéressée de la réintégrer et de lui verser son salaire, qu'elle s'y est refusée, en ne reprenant pas ses fonctions et assignait le Centre Hospitalier Princesse Grace en indemnisation devant le Tribunal de première instance, que c'est dans ces conditions que le Centre constatait la rupture du contrat ayant lié les parties ;

Que le Centre souligne le caractère paradoxal de la position de Mme G. qui d'une part conteste le licenciement dont elle a été l'objet compte tenu du fait qu'elle ne faisait plus partie de l'établissement, d'autre part engage une procédure pour licenciement abusif, que le Tribunal de première instance étant saisi sur ce deuxième chef, au regard de la légalité du licenciement, le Tribunal Suprême ne saurait statuer en l'état sur un point de droit déjà soumis à une autre juridiction, qu'il est demandé au Tribunal Suprême de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal de première instance ;

Vu la réplique déposée par Mme G. et enregistrée le 7 mai 2004 ;

Qu'elle note tout d'abord que la présentation des faits par le Centre est quelque peu « arrangée », que la décision de réintégration est intervenue moins d'un mois après l'assignation devant le Tribunal de première instance pour à l'évidence contrecarrer cette procédure, que le Centre ne pouvait annuler unilatéralement la décision de licenciement au-delà du délai de deux mois, que la réintégration portait sur un poste existant, que Mme G. n'avait pas les diplômes exigés pour se présenter aux concours qui lui étaient proposés, qu'ainsi toutes les mesures prises par le Centre Hospitalier Princesse Grace postérieures au licenciement au-delà du délai de recours de deux mois sont entachées d'illégalité ;

Que le Centre n'a pas répondu sur le fond mais se borne à demander un sursis à statuer ;

Que cette demande est fondée sur l'article 30 de l'Ordonnance n° 2984 du 16 avril 1963, que d'un côté est présenté un recours en indemnité, de l'autre un recours portant sur la légalité d'une décision administrative ;

Qu'aucune connexion n'apparaît entre les deux actions ni aucune litispendance entre les deux juridictions ;

Qu'il n'y a aucune identité de cause et d'objet entre les deux instances, que par suite il n'y a pas lieu de surseoir à statuer ;

Qu'au surplus il n'est nul besoin d'attendre un renvoi préjudiciel puisque le Tribunal Suprême peut user de l'exception d'illégalité contre la décision de réintégration ;

Vu la duplique déposée par le Centre Hospitalier Princesse Grace et enregistrée le 7 juin 2004 ;

Que Mme G. aurait pu être réintégrée dans le poste qu'elle occupait précédemment, qu'elle pouvait postuler par concours aux postes qui correspondaient à ses diplômes, qu'elle n'avait pas à percevoir des indemnités à la suite d'un licenciement annulé puisqu'elle était en droit de toucher son traitement sans discontinuité ;

Qu'en ce qui concerne la demande de sursis à statuer :

Que Mme G. a été licenciée et n'a pas formé de recours contre cette décision dans les délais légaux, qu'elle en conteste cependant la légalité par le moyen d'une exception dont le Centre conteste la recevabilité, qu'il est de jurisprudence que hors délais de recours une décision administrative peut faire l'objet d'un examen de légalité par la voie du renvoi sur question préjudicielle ordonnée par le Tribunal de première instance, qu'il reviendrait ainsi au Tribunal Suprême à se prononcer sur une question préjudicielle dont il serait saisi, qu'il en résulte que la demande de sursis à statuer apparaît justifiée ;

Sur le moyen tiré d'une erreur de droit :

Que Mme G. soutient que la mesure incriminée devrait être précédée d'une mise en disponibilité et que l'abandon de poste est assimilable à une sanction pour faute grave qui implique des garanties, que le texte sur lequel elle se fonde : l'Ordonnance souveraine du 6 mars 1984 est devenue caduque depuis l'Ordonnance souveraine n° 13839 du 29 décembre 1998 portant nouveau statut des praticiens hospitaliers, qu'en outre le refus par la requérante de réintégrer son poste ne constitue pas une faute grave mais une rupture du contrat de travail ;

Sur l'illégalité de l'annulation du licenciement :

Qu'il n'est pas de jurisprudence ni de texte à Monaco selon lesquels une décision d'annulation d'une décision administrative ne peut intervenir au-delà de deux mois à compter de la notification de cette décision ;

Que s'il en allait autrement faudrait-il encore que la décision soit créatrice de droits ;

Sur l'illégalité de la décision du 4 décembre 2003, qu'il s'agit de la proposition de réintégration, qui n'est pas une décision administrative mais la conséquence d'une décision d'annulation du licenciement ;

Que par suite si celle-ci est légale la demande qui s'en suit l'est également ;

Qu'en conséquence les deux moyens produits par Mme G. doivent être rejetés ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces jointes au dossier ;

Vu la Constitution et notamment son article 90 ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 5095 du 14 février 1973 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Centre Hospitalier Princesse Grace ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 13839 du 29 décembre 1998 portant statut des praticiens du Centre hospitalier Princesse Grace ;

Vu l'Ordonnance en date du 18 septembre 2004 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du 16 novembre 2004 ;

Ouï Monsieur Jean Michaud, membre titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Richard Mullot, avocat-défenseur, au nom de M. G. ;

Ouï Maître Frank Michel, avocat-défenseur, au nom du Centre Hospitalier Princesse Grace ;

Ouï Monsieur le Procureur général en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré,

Considérant que Mme G. a assigné le Centre Hospitalier Princesse Grace devant le Tribunal de Première Instance de Monaco en vue de l'indemnisation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de son licenciement par le directeur de cet établissement ;

Qu'elle a d'autre part saisi le Tribunal Suprême aux fins d'annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle elle a été radiée des cadres du personnel du Centre en raison de la suppression de postes ;

Sur la demande de sursis à statuer formée par le CHPG :

Considérant que le mérite de la seconde action précitée qui pose uniquement la question de la légalité de la décision de radiation des cadres ne saurait dépendre de l'existence d'un droit à réparation du préjudice causé par le licenciement ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que Mme G. a été licenciée par la décision précitée qui n'a pas fait l'objet d'un retrait dans le délai du recours contentieux ; qu'ainsi elle avait cessé définitivement d'appartenir au personnel du Centre ; que par suite, en prononçant sa radiation des cadres par la décision attaquée, le directeur du Centre a excédé ses pouvoirs ;

Dispositif

Décide :

Article 1er

La décision du directeur du CHPG en date du 16 décembre 2003 est annulée ;

Article 2

Les dépens sont mis à la charge du CHPG ;

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État et au Centre Hospitalier Princesse Grace.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27064
Date de la décision : 16/11/2004

Analyses

Social - Général ; Contrats de travail ; Rupture du contrat de travail ; Établissement de santé ; Fonction publique


Parties
Demandeurs : Dame M. G.
Défendeurs : Centre Hospitalier Princesse Grace

Références :

Vu la Constitution
Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
Ordonnance souveraine n° 5095 du 14 février 1973
Ordonnance souveraine n° 13839 du 29 décembre 1998
article 30 de l'Ordonnance n° 2984 du 16 avril 1963
Ordonnance souveraine n° 7928 du 6 mars 1984
arrêté ministériel du 29 décembre 1998
Ordonnance du 6 mars 1984


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2004-11-16;27064 ?

Source

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