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08/06/2004 | MONACO | N°27041

Monaco | Tribunal Suprême, 8 juin 2004, Dame G. M. c/ Ministre d'État


Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Fonctionnaires et agents publics

Fonctionnaire de l'État - Droits et obligations - Mutation dans l'intérêt du service

Recours pour excès de pouvoir

Ordonnance Souveraine portant mutation dans l'intérêt du service - Sanction disciplinaire déguisée (non) - Détournement de pouvoir (non)

Motifs

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requêt

e présentée par Mme G. M., enregistrée au greffe général de la Principauté de Monaco le 22 décembre 2003 et tendant à l'annula...

Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Fonctionnaires et agents publics

Fonctionnaire de l'État - Droits et obligations - Mutation dans l'intérêt du service

Recours pour excès de pouvoir

Ordonnance Souveraine portant mutation dans l'intérêt du service - Sanction disciplinaire déguisée (non) - Détournement de pouvoir (non)

Motifs

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête présentée par Mme G. M., enregistrée au greffe général de la Principauté de Monaco le 22 décembre 2003 et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'ordonnance souveraine n° 15.809 du 16 mai 2003, par laquelle elle a été mutée dans l'intérêt du service de la direction de la sûreté publique à la compagnie des sapeurs-pompiers ;

Ce faire,

Attendu que Mme G. M., secrétaire sténodactylographe à la direction de la sûreté publique, vit en concubinage avec un lieutenant-inspecteur de police, en instance de divorce, qui se trouve être le gendre du précédent directeur de la sûreté publique ; que ce dernier s'est plaint de manière mensongère auprès de l'actuel directeur d'avoir été à plusieurs reprises insulté par téléphone par la requérante ; que celle-ci, convoquée par son directeur, le 14 octobre 2002, pour s'expliquer sur ces faits, les a vigoureusement contestés ; qu'étant alors enceinte et sa santé étant très affectée par une grossesse difficile, elle a dû mettre fin à l'entretien pour aller consulter immédiatement son médecin, qui lui a prescrit un arrêt de travail ; que par courrier du 10 janvier 2003, elle a été avisée qu'elle avait fait l'objet d'un blâme, qui sera retiré le 26 septembre 2003 ; qu'entre temps elle a été mutée d'office par ordonnance souveraine n° 15.714 du 3 mars 2003 à la compagnie des sapeurs-pompiers ; que, la mutation d'office ne pouvant être motivée que par une maladie ou un accident, cette ordonnance a été abrogée par l'ordonnance attaquée n° 15.809 du 16 mai 2003, qui prononce à nouveau la mutation, cette fois dans l'intérêt du service ; que la requête a été présentée dans le délai du recours contentieux, qui a été conservé par un recours gracieux du 20 juin 2003 ; que la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir ; que, faisant suite à un blâme frappé d'un recours gracieux, elle constitue en réalité une sanction déguisée, qui trouve son origine dans l'animosité personnelle vouée à la requérante par le directeur de la sûreté publique en raison de faits concernant sa vie privée ; que cette décision est intervenue quelques jours après la plainte déposée par Mme G. M. contre son directeur pour « harcèlement moral, atteintes à sa vie privée, violences et voies de fait » ; qu'aucune faute ou aucun manquement professionnel ne pouvait lui être légitimement reproché par sa hiérarchie qui, au mois d'août 2002, l'a proposée pour un avancement au grand choix ; qu'à titre subsidiaire, si la décision attaquée n'était pas annulée pour détournement de pouvoir, elle devrait l'être pour défaut de motivation ; qu'en effet le fait que la mutation ait d'abord été prononcée d'office prouve qu'elle ne l'a pas été dans l'intérêt du Service Informatique ;

Vu la contre-requête présentée par le Ministre d'État, ladite contre-requête enregistrée comme ci-dessus le 20 février 2004 et tendant au rejet de la requête par les motifs que la mutation dans l'intérêt du service peut être rendue nécessaire par la mauvaise entente régnant entre l'agent et son supérieur hiérarchique ou par le comportement du fonctionnaire préjudiciable au bon fonctionnement du service ; que même dans ce dernier cas elle ne constitue pas une sanction disciplinaire déguisée sauf si elle entraîne un préjudice révélant l'intention de punir ; que tel n'est pas le cas de la mutation de Mme G. M., qui n'entraîne pour elle ni changement de résidence, ni diminution de traitement, ni réduction des tâches et qui a été rendue nécessaire par une dégradation de ses relations avec sa hiérarchie incompatible avec le bon fonctionnement du service ; que ni la circonstance que la mutation ait d'abord été qualifiée à tort de mutation d'office, ni celle que Mme G. M. avait fait l'objet en raison de son attitude lors de l'entretien du 14 octobre 2002, d'un blâme qui devait être rapporté le 22 septembre 2003, ne prouvent que la mutation n'a pas été prononcée dans l'intérêt du service ; qu'au contraire le fait que la requérante faisait alors l'objet d'une sanction disciplinaire démontre que la mutation était décidée dans l'intérêt du service, en dehors de tout grief disciplinaire ; que le directeur de la sûreté publique était en droit d'obtenir de Mme G. M. des explications sur les comportements qui lui étaient reprochés, même s'ils se rattachaient à sa vie privée ; qu'en agissant ainsi il n'a pas fait preuve d'animosité à rencontre de la requérante, dont la plainte pour harcèlement, classée sans suite, démontre bien l'état de dégradation des rapports de Mme G. M. avec sa hiérarchie rendant nécessaire sa mutation pour rétablir le fonctionnement normal du service ; que cette mutation n'était donc pas une sanction déguisée et n'était pas entachée de détournement de pouvoir ; que le moyen tiré du défaut de motivation n'est pas fondé, aucune disposition législative ou réglementaire n'exigeant qu'une mutation dans l'intérêt du service soit motivée ;

Vu, enregistrée comme ci-dessus le 23 mars 2004, la réplique présentée par Mme G. M., tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et en outre par les motifs que c'est uniquement en raison d'une urgence médicale qu'elle a dû quitter précipitamment le bureau de son directeur lors de l'entretien du 14 octobre 2002 ; qu'elle en a averti son brigadier-chef et ne peut être considérée comme ayant abandonné son poste ; que dans la mesure où, comme le prétend l'État, la mutation de la requérante a été motivée par les relations difficiles qu'elle entretenait avec ses supérieurs, elle présente bien un caractère disciplinaire ; que, de surcroît, Mme G. M. n'a jamais entretenu de relations difficiles avec sa hiérarchie, qui, au contraire, l'avait proposée pour une promotion au grand choix ; qu'en outre, à la suite de l'entretien du 14 octobre 2002, elle a bénéficié d'un congé de maladie, de congés administratifs, de congés de maternité et n'a pas repris son service à la direction de la sûreté publique ; qu'elle n'a donc pas pu avoir de relations difficiles avec la hiérarchie de cette direction ; que, contrairement à ce que soutient l'État, la décision attaquée cause un préjudice important à Mme G. M., dont les attributions sont moins valorisantes à la compagnie des sapeurs-pompiers qu'à la direction de la sûreté publique et qui a été rétrogradée de fait d'un poste de secrétaire du chef de division à un emploi de simple dactylographe ; que ses nouveaux horaires perturbent sa vie familiale ; qu'elle perd certains avantages sociaux liés à la qualité de fonctionnaire de la sûreté publique ; que l'ensemble des préjudices résultant de la mutation lui donne le caractère d'une sanction disciplinaire ; que l'intérêt du service invoqué en défense n'est que l'habillage d'une décision prise en raison de l'animosité personnelle d'un chef de service à l'encontre de sa subordonnée, par ailleurs irréprochable sur le plan professionnel ;

Vu, enregistrée comme ci-dessus le 22 avril 2004, la duplique présentée par le Ministre d'État, tendant aux mêmes fins que la contre-requête, par les mêmes moyens et en outre par les motifs que la requérante a fait l'objet d'un blâme en raison non pas des propos injurieux qui lui ont été imputés, à tort ou à raison, mais de son comportement constitutif d'un manquement au principe hiérarchique, lors de l'entretien du 14 octobre 2002 ; que ce comportement a rendu conflictuelles ses relations avec sa hiérarchie, même si elle n'a pas repris son service à la direction de la sûreté publique après cet entretien ; que sa mutation était, dès lors, justifiée par l'intérêt du service ; que Mme G. M. a été mutée sans réduction de traitement dans un emploi correspondant à son grade ; qu'elle y effectue un travail de secrétariat de même nature que celui dont elle était chargée précédemment ; que les avantages sociaux qu'elle prétend avoir perdus n'ont pas un caractère statutaire ; que les horaires de travail peuvent être modifiés dans l'intérêt du service ; que les préjudices invoqués par Mme G. M., même s'ils étaient établis, ne révèlent aucune intention de punir de la part de l'autorité ayant procédé à la mutation.

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 B 1° ;

Vu l'ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l'État ;

Vu l'ordonnance, en date du 4 mai 2004, par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du 8 juin 2004 ;

Ouï M. Michel Bernard, membre du Tribunal Suprême en son rapport ;

Ouï Maître Franck Michel, avocat-défenseur pour Mme G. M. ;

Ouï Maître Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation pour l'État de Monaco ;

Ouï Monsieur le Procureur général en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré ;

Considérant qu'aux termes de l'article 67 de la loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l'État :

« L'affectation donnée à un fonctionnaire par sa nomination à un emploi permanent peut être modifiée par voie de mutation dans un autre service à un emploi correspondant au grade dont il est titulaire.

La mutation est prononcée soit dans l'intérêt du service, soit sur demande du fonctionnaire si elle n'est pas contraire audit intérêt, soit d'office pour l'une des causes visées aux articles 54 et 55.

Le fonctionnaire intéressé ne peut recevoir un traitement inférieur à celui dont il bénéficiait précédemment » ;

Sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée :

Considérant que ni le texte précité, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne fait obligation de motiver une décision prononçant la mutation d'un fonctionnaire ; que, dès lors, Mme G. M. n'est pas fondée à soutenir que, faute d'énoncer expressément les motifs sur lesquels elle se fonde, l'ordonnance souveraine attaquée, par laquelle elle a été mutée dans l'intérêt du service de la direction de la sûreté publique à la compagnie des sapeurs-pompiers, est entachée d'excès de pouvoir ;

Sur le moyen tiré de ce que la décision attaquée constituerait une sanction disciplinaire déguisée et serait entachée de détournement de pouvoir :

Considérant qu'il ressort des observations présentées par le Ministre d'État devant le Tribunal Suprême que la mutation de Mme G. M. a été prononcée en raison de la dégradation de ses relations avec le directeur de la sûreté publique, qui s'est manifestée, notamment, par le dépôt par la requérante d'une plainte auprès du Procureur général contre ce directeur pour abus d'autorité, voies de fait, violences morales et atteintes à sa vie privée ; que cette plainte a été classée sans suite, au motif que les faits dénoncés n'étaient pas susceptibles de recevoir une quelconque qualification pénale ; que la nouvelle affectation de Mme G. M., qui correspondait à son grade et n'avait aucune incidence défavorable sur son traitement, ne s'est pas traduite pour elle par un déclassement ; que cette décision n'a pas constitué une sanction disciplinaire déguisée, mais une mutation dans l'intérêt du service ; qu'il n'est pas établi qu'elle ait été inspirée par une animosité personnelle du directeur de la sûreté publique à l'encontre de Mme G. M. ; que celle-ci n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'ordonnance souveraine attaquée est entachée de détournement de pouvoir ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de Mme G. M. doit être rejetée ;

Dispositif

Décide :

Article 1er

La requête de Mme G. M. est rejetée.

Article 2

Mme G. M. est condamnée aux dépens.

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27041
Date de la décision : 08/06/2004

Analyses

Fonction publique ; Pouvoir disciplinaire


Parties
Demandeurs : Dame G. M.
Défendeurs : Ministre d'État

Références :

Vu la Constitution
article 67 de la loi n° 975 du 12 juillet 1975
ordonnance souveraine n° 15.809 du 16 mai 2003
loi n° 975 du 12 juillet 1975
ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
ordonnance souveraine n° 15.714 du 3 mars 2003


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2004-06-08;27041 ?

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