La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2004 | MONACO | N°27039

Monaco | Tribunal Suprême, 7 juin 2004, Sieur T. M. c/ Centre hospitalier Princesse Grace


Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Recours en indemnisation - Acte administratif individuel

Fonctionnaires et agents publics

Établissement public - Personnel hospitalier - Agent contractuel - Droits et obligations - Licenciement

Recours pour excès de pouvoir

Décision de licenciement - Faits matériellement inexacts (non) - Erreur manifeste d'appréciation (non) - Détournement de pouvoir (non) - Légalité de la décision au regard des dispositions réglementaires en vigueur (oui)

Principes généraux du

droit

Respect des droits de la défense (oui)

Motifs

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en...

Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Recours en indemnisation - Acte administratif individuel

Fonctionnaires et agents publics

Établissement public - Personnel hospitalier - Agent contractuel - Droits et obligations - Licenciement

Recours pour excès de pouvoir

Décision de licenciement - Faits matériellement inexacts (non) - Erreur manifeste d'appréciation (non) - Détournement de pouvoir (non) - Légalité de la décision au regard des dispositions réglementaires en vigueur (oui)

Principes généraux du droit

Respect des droits de la défense (oui)

Motifs

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête présentée par M. T. M., enregistrée au Greffe général de la Principauté de Monaco, le 22 septembre 2003 et tendant à l'annulation de la décision du Directeur du Centre hospitalier Princesse Grace en date du 21 juillet 2003 prononçant son licenciement pour faute professionnelle ainsi qu'à la condamnation du Centre hospitalier à lui verser 100 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Ce faire,

Attendu que le Docteur T. M. a été engagé au Centre hospitalier Princesse Grace comme résident de spécialité, en sa qualité de médecin hygiéniste aux termes d'un contrat de travail en date du 10 janvier 1994, à compter du 1er janvier 1994 et ce pour une durée de 3 ans ; qu'il est resté en fonction au-delà de la date d'expiration de ce contrat, que cependant le 10 décembre 1998, le Directeur du Centre lui a notifié la fin de cet engagement ; que sur recours du Docteur T. M. le Tribunal Suprême annulait cette décision le 17 novembre 1999 ; que le 12 janvier 2000 le Directeur du Centre lui notifiait à nouveau la fin de son contrat au motif de manque de résultats et insatisfaction générale manifestée à son égard ; que sur un nouveau recours du Docteur T. M., le Tribunal Suprême par une décision du 23 novembre 2000 en prononçait à nouveau l'annulation ; que ce praticien a été convoqué devant la commission d'insuffisance professionnelle ; que cet organisme a transmis au Directeur du Centre son avis retenant l'absence d'action « concrète et les difficultés relationnelles » ; que le 21 juillet 2003 le Directeur du Centre notifiait au Docteur T. M. une nouvelle lettre de licenciement qui constitue la décision attaquée ;

Attendu que le requérant invoque en un premier moyen le détournement de pouvoir et de procédure ; qu'il souligne que son cas, soumis à la Commission d'insuffisance professionnelle, relevait du Conseil de discipline et non de cette Commission et qu'ainsi la procédure n'était qu'un « habillage » d'une décision de licenciement prise de longue date et annulée à deux reprises ; que d'ailleurs, dès la décision du Tribunal Suprême en date du 23 novembre 2000 qui devait conduire à la réintégration, le Centre engageait un autre praticien comme médecin hygiéniste à temps plein, que cette nomination ne laissait d'autre choix que de licencier le Docteur T. M. puisqu'il n'existe au Centre qu'un seul poste de médecin hygiéniste ; qu'en réalité la décision du 21 juillet 2003 était une réitération de celle du 10 décembre 1998, cependant annulée par le Tribunal Suprême et non pas une nouvelle décision ; que par suite les droits de la défense n'ont pas été réellement respectés puisque la décision incriminée était en tout état de cause prise ; qu'il en résulte que le détournement de pouvoir et de procédure est patent ;

Attendu que par un second moyen le requérant invoque l'illégalité des motifs de fait de la décision, l'inexactitude matérielle des faits et leur absence de justification de l'insuffisance professionnelle ; que l'incompétence alléguée de l'intéressé est contredite par nombre d'éléments ; qu'en particulier il résulte d'un procès-verbal du conseil d'administration du 1er juillet 1999 que le Docteur T. M., selon le directeur de l'époque, a fait preuve de son intérêt et de son efficacité ; qu'en outre les problèmes relationnels invoqués ont été notablement majorés et sont en tout cas sans rapport avec une insuffisance professionnelle ; que d'ailleurs il n'a jamais reçu aucun avertissement ; qu'ainsi les griefs figurant dans le rapport sont fabriqués et contradictoires ; que cette situation a causé au requérant des préjudices tant professionnel que moral qui peuvent être réparés par une indemnisation de 100 000 euros ;

Vu la contre-requête déposée par le Centre hospitalier Princesse Grace, enregistrée le 21 novembre 2003 et concluant au rejet de la requête aux motifs que les reproches qui ont été adressés au Docteur T. M. ne concernaient pas seulement ses difficultés relationnelles mais aussi son insuffisance professionnelle sur divers points relevés par le conseil d'administration et la commission médicale d'établissement ; que la procédure suivie était donc bien destinée à sanctionner une insuffisance professionnelle ; que le Docteur T. M. a tenté d'échapper aux conséquences de cette décision en saisissant le Tribunal Suprême qui, par une décision d'annulation du 23 novembre 2000, a énoncé que le praticien s'était abstenu de se présenter devant la commission appelée à statuer sur son insuffisance professionnelle, jugeant donc que celui-ci devait comparaître devant cette Commission ; qu'il ne saurait être argué d'un détournement de procédure contre l'établissement qui s'est rangé à l'interprétation du Tribunal Suprême ; que le Centre hospitalier Princesse Grace conteste toute violation des droits de la défense au motif que la décision de licencier était prise à l'avance ; que si plusieurs années ont séparé la survenue des motifs de licenciement de la décision attaquée, ceci provient de la durée des procédures diligentées par le Docteur T. M. qui ont abouti à des décisions d'annulation pour des motifs purement formels qui n'ont nullement fait disparaître les causes du licenciement retenues à nouveau par une nouvelle décision en ce sens ; que la décision de la Commission notifiée le 21 juillet 2003 a été rendue après audition du Docteur T. M. qui a reconnu que la procédure, qui s'est conformée à l'ordonnance du 29 décembre 1998, était régulière ; qu'au surplus il est inexact de soutenir que le recrutement, en la personne du Docteur K.-P., sur le poste du Docteur T. M. a été effectué en dépit de la décision d'annulation du Tribunal Suprême du 17 novembre 1999 car ce recrutement procédait d'un concours antérieur à cette décision ; que le Centre ne s'est jamais opposé à la reprise d'activité du requérant qui ne l'a demandée qu'en janvier 2001 ; que le moyen de détournement de procédure et de violation des droits de la défense devrait être rejeté ; que, s'agissant de la légalité des motifs de la décision incriminée sur l'insuffisance professionnelle, elle répond tant aux textes (article 91 de l'ordonnance souveraine n° 13.839 du 29 décembre 1998) qu'à la jurisprudence ; que cette insuffisance est en l'espèce caractérisée par le rapport établi par le Docteur K.-P. énonçant les lacunes qu'on peut reprocher au requérant : absence de surveillance des infections nosocomiales, d'évaluation des services d'hygiène et de prévention des risques infectieux, bilan mince des indications d'activité ; qu'il s'y ajoute les difficultés relationnelles avec les confrères et le personnel ; que la demande d'annulation est donc infondée ; que, sur le préjudice invoqué, il convient de rappeler que la demande d'indemnité a déjà été rejetée à deux reprises et que le Docteur T. M., qui a bénéficié d'un traitement sans contrepartie pendant quatre ans, ne justifie pas d'un préjudice ; qu'en outre il n'est pas sans perspectives professionnelles, ayant été nommé médecin inspecteur de la santé publique à compter du 1er septembre 2003 ; qu'il en résulte que les dommages-intérêts sont injustifiés ;

Vu la réplique déposée par M. T. M. et enregistrée le 26 décembre 2003 où sont repris les deux moyens formulés dans la requête aux motifs suivants : que sur le détournement de pouvoir et de procédure, il conteste la volonté du Centre hospitalier Princesse Grace de le licencier pour insuffisance professionnelle ; que les documents produits à l'appui de cette assertion sont peu probants ; qu'au surplus aucun avertissement préalable ne lui a été adressé ; que la décision de la commission médicale d'établissement s'est conclue par un vote majoritairement favorable au Docteur T. M. ; que le grief d'insuffisance professionnelle n'a été formulé que pour faire écran au véritable motif de licenciement, les difficultés relationnelles, motif retenu initialement ; qu'en dépit des précédentes décisions d'annulation, l'intéressé n'a jamais été réintégré dans son poste, qui a été occupé par le Docteur K.-P. sans mise en demeure au Docteur T. M. de reprendre son activité ; que, sur l'illégalité des motifs de fait, les considérations présentées dans la requête sont maintenues ; que les développements du Centre cherchant à démontrer que des difficultés relationnelles seraient constitutives d'insuffisance professionnelle tendent à occulter le véritable motif du licenciement ; qu'enfin à l'inverse de ce qui est prétendu, M. T. M. a rempli les missions qui lui étaient confiées ; que s'agissant de l'indemnisation ce n'est pas parce qu'il a continué à percevoir un salaire qu'il n'a pas subi de préjudice professionnel ; qu'il n'a pas été nommé médecin inspecteur de la santé publique mais dans une spécialité différente de la sienne ; que son préjudice moral résulte de l'acharnement qu'il a subi et qui n'est pas sans conséquence sur son état de santé ;

Vu la duplique déposée par le Centre hospitalier Princesse Grace le 29 janvier 2004 tendant au débouté de la requête où sont à nouveau contestés les deux moyens présentés par le requérant ; que, sur le détournement de pouvoir et de procédure, l'insuffisance professionnelle constitue le premier motif du licenciement ; qu'ainsi a été relevé à l'occasion d'un conseil d'administration que M. T. M. n'a pas mis en place les procédures dont il était chargé ; que sont en outre confirmés les griefs précédemment articulés à cet égard qui ont conduit à un avis du conseil d'administration défavorable au renouvellement de son contrat, auquel il a été mis fin par décision du 10 décembre 1998, annulée par le Tribunal Suprême pour un motif de pure forme ; que le 12 janvier 2000 il était derechef mis fin à son contrat pour manque de résultats et insatisfaction générale des collègues à son égard ; que le Tribunal Suprême a annulé cette décision également pour des motifs de forme ; qu'il s'en est suivi une troisième décision de licenciement ; que le reproche d'insuffisance professionnelle se trouve renforcé par le rapport établi par le Docteur K.-P. à son arrivée dans les services dont M. T. M. avait la charge ; que, s'agissant des droits de la défense, ils ont été respectés, le Docteur T. M. ayant été convoqué et entendu par la Commission d'insuffisance professionnelle et mis à même de se défendre ; que, sur l'illégalité des motifs, il est inexact de prétendre que les difficultés relationnelles sont à elles seules constitutives d'insuffisance professionnelle ; que l'insuffisance professionnelle est démontrée au regard des critères de l'article 91 de l'ordonnance souveraine n° 13.839 du 29 décembre 1998 ; que dès lors la légalité de la décision entreprise ne saurait être contestée ; que sur le préjudice le requérant n'en justifie pas, son préjudice moral étant inexistant ; qu'il a bénéficié d'une véritable rente de situation en percevant son traitement sans contrepartie de travail pendant cinq ans ; qu'enfin, nommé inspecteur stagiaire de la santé publique il ne voit pas compromis son avenir professionnel ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 ;

Vu l'ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'ordonnance n° 5095 du 14 février 1973 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Centre hospitalier Princesse Grace ;

Vu l'ordonnance souveraine n° 13.839 du 29 décembre 1998 portant statut des praticiens hospitaliers du Centre hospitalier Princesse Grace ;

Vu l'ordonnance du 1er mars 2004 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du 7 juin 2004 ;

Ouï M. Jean Michaud, membre titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Licari, avocat-défenseur, au nom M. T. M. ;

Ouï Maître Michel, avocat-défenseur, au nom du Centre hospitalier Princesse Grace ;

Ouï M. le Procureur général en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant que l'annulation par le Tribunal Suprême, pour vice de procédure, les 17 novembre 1999 et 23 novembre 2000, des décisions du directeur du Centre hospitalier Princesse Grace en date des 10 décembre 1998 et 12 janvier 2000, n'empêchait pas celui-ci de prendre une nouvelle décision dans le respect des règles en vigueur à la date de son adoption ;

Considérant que M. T. M. a fait l'objet, en application de l'article 91 de l'ordonnance susvisée du 29 décembre 1998, d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir qu'en prenant cette mesure après consultation de la commission pour insuffisance professionnelle prévue par l'article 91 et non du conseil de discipline prévu par l'article 80 de ladite ordonnance, le directeur du Centre hospitalier Princesse Grace a commis un détournement de procédure ;

Considérant que la décision attaquée rendue après audition du Docteur T. M. par la commission d'insuffisance professionnelle, n'a pas méconnu les droits de la défense ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'il ne ressort pas du dossier que la décision attaquée repose sur des faits matériellement inexacts ni qu'elle soit entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant que par suite les conclusions de la requête aux fins d'annulation pour excès de pouvoir doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'indemnité :

Considérant que le rejet par la présente décision comme non fondées, des conclusions de la requête aux fins d'annulation entraîne par voie de conséquence le rejet des conclusions aux fins d'indemnité ;

Dispositif

Décide :

Article 1

La requête de M. T. M. est rejetée.

Article 2

Les dépens sont mis à la charge de M. T. M..

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État et au directeur du Centre hospitalier Princesse Grace.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27039
Date de la décision : 07/06/2004

Analyses

Établissement de santé ; Social - Général ; Contrats de travail ; Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : Sieur T. M.
Défendeurs : Centre hospitalier Princesse Grace

Références :

Vu la Constitution
ordonnance n° 5095 du 14 février 1973
ordonnance du 1er mars 2004
ordonnance souveraine n° 13.839 du 29 décembre 1998
article 91 de l'ordonnance souveraine n° 13.839 du 29 décembre 1998
ordonnance du 29 décembre 1998
ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2004-06-07;27039 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award