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11/03/2003 | MONACO | N°26958

Monaco | Tribunal Suprême, 11 mars 2003, Sieur S. G. c/ Ministre d'État


Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Fonctionnaires et agents publics

Fonctionnaire de l'État - Droits et obligations - Régime disciplinaire - Sanction - Révocation

Fonctionnaires et agents publics

Effets de l'annulation contentieuse d'une sanction - Nouvelle sanction plus sévère que celle précédemment infligée - Erreur manifeste d'appréciation (oui)

Motifs

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière admin

istrative,

Vu la requête de Monsieur S. G., enregistrée au Greffe général de la Principauté de Monaco le 9 juillet 200...

Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Fonctionnaires et agents publics

Fonctionnaire de l'État - Droits et obligations - Régime disciplinaire - Sanction - Révocation

Fonctionnaires et agents publics

Effets de l'annulation contentieuse d'une sanction - Nouvelle sanction plus sévère que celle précédemment infligée - Erreur manifeste d'appréciation (oui)

Motifs

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête de Monsieur S. G., enregistrée au Greffe général de la Principauté de Monaco le 9 juillet 2002 sous le numéro 2002-11 et tendant à l'annulation de l'Ordonnance souveraine n° 15-342 du 6 mai 2002, publiée le 10 mai 2002, portant révocation du Brigadier de Police S. G. ;

Ce faire :

Attendu que le requérant rappelle les faits et la procédure disciplinaire ayant conduit à l'Ordonnance souveraine attaquée, notamment la décision du Tribunal Suprême du 7 novembre 2001 annulant, en raison d'une procédure irrégulière, une première Ordonnance Souveraine le rétrogradant ; avant de souligner que la sanction prononcée de la révocation pure et simple pour des faits identiques sanctionne en vérité son impudence en ayant saisi la Haute Juridiction, révélant par là un grief à l'encontre du fonctionnaire poursuivi qui n'a rien de professionnel ou de disciplinaire ;

Attendu que la décision attaquée est illégale au plan de la légalité externe d'abord ; en effet l'administration a refusé de délivrer au défenseur de M. S. G. et à ses frais une copie intégrale des pièces du dossier ce qui constitue une atteinte aux droits légitimes de la défense ; de plus, la garantie d'un procès équitable n'a pas été respectée puisque le Directeur de la sûreté publique a été entendu à sa demande par le conseil de discipline, malgré l'opposition du défenseur du fonctionnaire, alors qu'il se trouve à l'origine des poursuites et ne peut constituer un témoin objectif et impartial ; enfin, le témoignage de satisfaction délivré à M. S. G. et faisant état de son comportement héroïque postérieurement à sa rétrogradation ne figurant pas au dossier, l'intéressé a dû le produire lui-même à l'occasion des débats ;

Attendu que la décision attaquée est illégale également au plan de la légalité interne puisque l'avis motivé du conseil de discipline ensuite duquel la décision critiquée a été prise repose sur des erreurs de fait ou des omissions substantielles ; le détournement de pouvoir est aussi évident puisque la révocation de M. S. G. a correspondu à la volonté de le sanctionner, non pour les faits qui lui étaient reprochés et qui lui avaient valu sa rétrogradation dans le cadre d'une précédente procédure annulée, mais pour avoir judiciairement contesté sa précédente sanction ; enfin, la motivation de l'avis du conseil de discipline est inexistante et manifeste une grave contradiction sur un aspect déterminant qui est le fait d'avoir proposé une sanction plus grave pour des faits identiques à ceux qui avaient entraîné une rétrogradation ;

Vu la contre-requête présentée au nom de S.E. Monsieur le Ministre d'État, déposée le 11 septembre 2002 au Greffe général, concluant au rejet de la requête aux motifs que M. S. G., recruté en 1980 à la direction de la sûreté publique, titularisé en 1981, nommé brigadier en 1992, affecté au groupe de sécurité en 1993, en a été écarté la même année après avoir fait l'objet d'un blâme ; qu'il a adopté alors une attitude d'opposition systématique ; qu'à la suite d'un contrôle des autorisations de détention d'armes à titre sportif en 2000, la division de police administrative de la direction de la sûreté publique, après audition de l'intéressé, a relevé qu'il avait vendu deux des trois armes à feu dont il était propriétaire à des personnes à la moralité douteuse qui n'étaient pas autorisées à détenir des armes de cette catégorie sans déclarer ces cessions conformément à la loi, obtenant même une autorisation de renouvellement de détention d'un révolver déclarant faussement le posséder toujours ;

Attendu que ces comportements ont conduit l'autorité administrative à diligenter une procédure disciplinaire qui a abouti à une sanction de rétrogradation prononcée par Ordonnance Souveraine du 15 décembre 2000, acte annulé par le Tribunal Suprême dans sa décision du 7 novembre 2001 en raison de l'absence de notification de l'avis motivé du conseil de discipline à l'intéressé ;

Attendu qu'une nouvelle procédure disciplinaire a été mise en œuvre, après invitation de M. S. G. à prendre connaissance de son dossier et audition de celui-ci par le conseil de discipline, ce dernier proposant la révocation prononcée par l'Ordonnance Souveraine du 6 mai 2002, notifiée le 13 mai suivant ;

Attendu que la communication du dossier a été réalisée conformément aux exigences des textes, le refus tacite opposé à une demande de copie que l'autorité administrative n'était pas tenue de satisfaire ne constituant pas une violation du contradictoire ; de plus, le témoignage du directeur de la sûreté publique a pu être valablement recueilli par le conseil de discipline dès lors que ce témoin n'a pris part, ni aux délibérations, ni aux votes ; au fond, enfin, aucune erreur ou omission n'entache l'avis rendu par le conseil de discipline ;

Attendu que la sanction prononcée à l'issue de la seconde procédure disciplinaire n'avait pas pour mobile de réprimer l'exercice tout à fait légitime d'une voie de recours, mais de « punir » un fonctionnaire de police défaillant à la mesure de la gravité des faits dont il s'était rendu coupable ; l'autorité disciplinaire pouvait ainsi sans contradiction des motifs retenir, pour des faits inchangés, une sanction plus lourde que celle initialement prononcée, peu important le témoignage de satisfaction intervenu dans l'intervalle, lequel était sans rapport avec les faits poursuivis ; enfin, la disproportion entre les faits reprochés et la sanction prononcée ne peut donner lieu qu'au contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation, qui n'est pas en l'espèce constituée ;

Vu la réplique présentée par M. S. G., enregistrée au Greffe général le 10 octobre 2002 tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et en outre par les motifs que, s'agissant d'une prétendue fausse déclaration à sa hiérarchie lors d'une mission en France, il a toujours contesté les faits reprochés, qui d'ailleurs ne font pas partie des circonstances ayant entraîné sa comparution devant le conseil de discipline ; de même, l'attitude reprochée d'opposition systématique, voire frondeuse, n'a jamais existé et notamment il n'avait jamais fait preuve d'absentéisme, accusation d'ailleurs abandonnée lors de la seconde procédure, seule l'absence de déclaration immédiate de la seconde cession d'armes pouvant être reprochée, faits jusqu'ici sanctionnés dans des cas similaires par un blâme ; encore, le requérant conteste avoir reconnu les faits qui lui étaient reprochés et souligne le caractère incomplet et erroné de la motivation de l'avis du conseil de discipline ayant eu pour effet d'empêcher l'autorité titulaire du pouvoir de sanction de se prononcer en parfaite connaissance de cause ;

Vu la duplique présentée et enregistrée comme ci-dessus le 8 novembre 2002 tendant aux mêmes fins que la contre-requête, par les mêmes moyens et en outre en précisant que, d'abord, il n'y a aucune présentation tendancieuse des faits dans la contre-requête ; ensuite, la communication du dossier se fait sur place sans droit de prendre copie et porte sur les griefs invoqués et la manière de servir, le témoignage de satisfaction invoqué étant sans rapport avec ceux-ci ; enfin le conseil de discipline a considéré les faits établis au regard des pièces du dossier, les omissions ou erreurs prétendues ne pouvant constituer la méconnaissance d'une formalité substantielle ; aussi la sanction prononcée exprime un pouvoir discrétionnaire qui ne repose sur aucune erreur manifeste d'appréciation, détournement de pouvoir ou contradiction de motifs ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance du 6 janvier 2003 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du Tribunal Suprême du 11 mars 2003 ;

Ouï M. Hubert Charles, membre suppléant du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Michel, avocat-défenseur au nom de S. G. ;

Ouï Maître Molinié, avocat, assisté de Maître Escaut, avocat-défenseur au nom de S.E. Monsieur le Ministre d'État ;

Ouï le Procureur général en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré,

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que la requête de M. S. G. fait suite à la décision du Tribunal Suprême du 7 novembre 2001 annulant l'Ordonnance Souveraine du 15 décembre 2000 qui portait rétrogradation de l'intéressé du grade de brigadier de police à celui d'agent de police pour le motif qu'il n'avait pas reçu notification régulière de l'avis motivé du conseil de discipline s'étant prononcé sur son cas ;

Considérant que l'autorité disciplinaire, en infligeant à M. S. G. la sanction la plus élevée que constitue la révocation, alors qu'antérieurement elle avait décidé une rétrogradation et qu'ultérieurement a été décerné à M. S. G. un témoignage de satisfaction du directeur de la sûreté publique, a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Monsieur S. G. est fondé à demander l'annulation de l'Ordonnance Souveraine attaquée ;

Dispositif

Décide :

Article 1er

L'Ordonnance Souveraine n° 15-342 du 6 mai 2002 est annulée.

Article 2

Les dépens sont mis à la charge de l'État.

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26958
Date de la décision : 11/03/2003

Analyses

Public - Général ; Pouvoir disciplinaire ; Fonction publique


Parties
Demandeurs : Sieur S. G.
Défendeurs : Ministre d'État

Références :

Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
Ordonnance Souveraine du 15 décembre 2000
Ordonnance souveraine n° 15-342 du 6 mai 2002
Vu la Constitution
Ordonnance du 6 janvier 2003
Ordonnance Souveraine du 6 mai 2002


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2003-03-11;26958 ?

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