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03/12/2002 | MONACO | N°26957

Monaco | Tribunal Suprême, 3 décembre 2002, Sieurs R. G., J.-L. N. et J.-M. R. c/ Ministre d'État


Abstract

Compétence

Contentieux constitutionnel - Recours en annulation - Dispositions législatives

Droits et libertés constitutionnels

Loi n ° 1.250 du 9 avril 2002 modifiant la loi n ° 839 du 23 février 1968 relative aux élections nationales et communales - Mode de scrutin

Droits et libertés constitutionnels

Droits et libertés fondamentaux : logique institutionnelle (non) - logique de technique de vote (non) - logique liée au mode de scrutin (non) - Atteinte à la liberté d'opinion (non) - Violation du principe d'égalité (non) - Manque d

e clarté et d'intelligibilité de la loi (moyen inopérant) - Violation de l'article 53 de la Const...

Abstract

Compétence

Contentieux constitutionnel - Recours en annulation - Dispositions législatives

Droits et libertés constitutionnels

Loi n ° 1.250 du 9 avril 2002 modifiant la loi n ° 839 du 23 février 1968 relative aux élections nationales et communales - Mode de scrutin

Droits et libertés constitutionnels

Droits et libertés fondamentaux : logique institutionnelle (non) - logique de technique de vote (non) - logique liée au mode de scrutin (non) - Atteinte à la liberté d'opinion (non) - Violation du principe d'égalité (non) - Manque de clarté et d'intelligibilité de la loi (moyen inopérant) - Violation de l'article 53 de la Constitution (moyen non invocable en matière constitutionnelle)

Motifs

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière constitutionnelle,

Vu la requête, enregistrée le 7 juin 2002, de MM. R. G., J.-L. N., J.-M. R., tendant à l'annulation des articles 8 et 9 de la loi n ° 1250 du 9 avril 2002, modifiant l'article 20 de la loi n ° 839 du 23 février 1968 sur les élections nationales et communales et insérant un article 20-1 dans la même loi ;

Ce faire :

Attendu que les élections nationales sont régies par la loi n ° 839 du 23 février 1968 ; que son article 20 prévoyait que les dix-huit membres du Conseil National sont élus au suffrage universel et direct, au scrutin plurinominal à deux tours, avec panachage et sans vote préférentiel, et n'imposait aucun nombre minimum de candidats sur une même liste pour pouvoir se présenter, ce qui permettait la présentation de candidats indépendants ou de listes composées de peu de candidats ;

Que la loi n ° 839 du 9 avril 2002 modifie la loi du 23 février 1968 :

* d'une part, par son article 8, modifiant l'article 20, dont le quatrième alinéa dispose que « les élections au Conseil National se font au scrutin de liste, plurinominal, à un tour, avec possibilité de panachage et sans vote préférentiel. Les listes en présence doivent comporter un nombre de candidats au moins égal à celui correspondant au chiffre de la majorité absolue au sein de cette assemblée soit treize, classés par ordre alphabétique » ;

* d'autre part, par son article 9, créant un article 20-1 organisant un nouveau mode de scrutin, dont la partie proportionnelle est réglée comme suit : « Les huit sièges restants sont attribués aux listes en présence, ayant obtenu au moins cinq pour cent des suffrages valablement exprimés, selon les modalités de la représentation proportionnelle. Chaque liste obtient un nombre de sièges égal en nombre de fois où le quotient électoral est contenu dans le total des suffrages valablement exprimés en faveur de l'ensemble de ses candidats. Le quotient électoral est obtenu en divisant le nombre total de suffrages valablement exprimés par le nombre de sièges à pourvoir à la proportionnelle » ;

Attendu que l'article 8 de la loi du 9 avril 2002 viole l'article 23 de la Constitution dont l'alinéa 1 garantit  « la liberté de manifester ses opinions en toutes matières » ; que la nouvelle exigence d'un nombre minimum de candidats sur une liste, en empêchant certains Monégasques de se présenter aux élections, porte atteinte à la liberté d'opinion aussi bien des candidats privés de la possibilité de se présenter que des électeurs privés de la possibilité de voter pour eux ;

Que, contrairement à l'exposé des motifs, il n'est ni « indispensable » ni « la moindre des choses » que des listes se présentent avec le moyen de défendre le programme qu'elles soutiennent puisque le régime monégasque n'est pas un régime parlementaire ;

Que le but avéré de la loi est « de ne pas bouleverser les habitudes du Code électoral », afin de reconduire les sortants, ce que confirme notamment la suppression du second tour de scrutin pour éviter les alliances stratégiques dont la solidité serait aléatoire et source d'instabilité, alors que des majorités peuvent se dégager sur le vote de chaque texte ;

Que l'exigence d'un nombre minimum de candidats, ne répondant ni à une logique institutionnelle, ni à une logique de technique de vote, ni à une logique liée au mode de scrutin, a pour seule logique d'entraver la liberté d'opinion du peuple monégasque ;

Attendu que l'article 9 de la loi du 9 avril 2002 viole l'article 17 de la Constitution qui dispose que « les Monégasques sont égaux devant la loi », ainsi que l'article 23 alinéa 1 déjà cité ;

Que l'article 9, en sa partie proportionnelle, maintient le panachage, qui est une hérésie pour un scrutin proportionnel et revient à attribuer une voix à la liste de laquelle est issu le candidat pour lequel l'électeur a voté au moyen du panachage, alors que précisément l'électeur n'a pas voulu voter pour cette liste, ce qui constitue une déviation du vote portant atteinte à la liberté de l'électeur de manifester son opinion politique en votant pour les candidats de son choix et entraînant rupture de l'égalité entre l'électeur qui aura utilisé le panachage et celui qui ne l'aura pas utilisé ;

Vu la contre-requête, enregistrée le 29 juillet 2002, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les motifs :

* que la modification de la loi n ° 839 du 23 février 1968 est intervenue pour la mise en conformité de la norme législative avec la prescription constitutionnelle résultant du nouvel article 53 de la Constitution selon lequel « le Conseil National comprend vingt-quatre membres élus pour cinq ans au suffrage universel et au scrutin de liste dans les conditions prévues par la loi » ; qu'elle résulte d'une proposition de loi reprise dans un projet de loi ;

* que s'agissant de l'article 8, le moyen tiré de la liberté d'opinion pour contester le mode de scrutin constitue un artifice puisque n'est pas en cause la garantie du suffrage universel comme mode de désignation des représentants des citoyens ;

* que la disposition critiquée ne prive pas les Monégasques du droit d'exprimer leur conviction personnelle à l'occasion des élections au Conseil National, aménageant seulement les modalités de candidature, et permettant de concilier les exigences de pluralisme et d'efficacité indispensables au fonctionnement de tout parlement démocratique ;

* qu'en exigeant que le nombre de candidats figurant sur chaque liste atteigne la majorité absolue des sièges au Conseil National, elle conduit chaque liste à se présenter avec les moyens de défendre le programme qu'elle soutient au cas où elle recueillerait la majorité ;

* que dans le pays voisin, où plusieurs milliers de communes moins peuplées que Monaco ont un conseil municipal de taille comparable à celle du Conseil National, jamais une liste d'opposition ne fait défaut ;

* que l'argumentation selon laquelle l'exigence d'un minimum de treize candidats ne répondrait ni à une logique institutionnelle, ni à une logique de technique de vote, ni à une logique liée au mode de scrutin, est de pure opportunité, et ne peut relever de l'office du Tribunal Suprême statuant en matière constitutionnelle en vertu de l'article 90 A de la Constitution ;

* que par la stabilité que garantit la formation d'une majorité parlementaire n'est pas au premier chef celle du Gouvernement, mais celle de la politique législative ; que l'existence d'une majorité est nécessaire au fonctionnement de toute assemblée politique ; que le législateur a voulu que la liste gagnante, quelle que soit sa tendance, soit à même de mettre en œuvre son programme ;

* que l'article 53 de la Constitution prévoit expressément que les membres du Conseil National sont élus au scrutin de liste, ce qui est plus exigeant que l'ancienne formule de scrutin plurinominal et exclut les candidatures isolées ;

* que, s'agissant de l'article 9, introduisant par l'article 20-1 nouveau de la loi du 23 février 1968 la représentation proportionnelle pour la désignation de huit des vingt-quatre membres du Conseil National, la requête ne peut démontrer la violation des articles 17 et 23 de la Constitution qu'elle invoque ;

* que si sont combinés deux modes de scrutin, le scrutin majoritaire avec panachage et la représentation proportionnelle, ils s'appliquent à la désignation de sièges distincts : les seize premiers tout d'abord, les huit restants ensuite ; qu'après que sont proclamés élus les seize candidats ayant obtenu le plus de voix, il est pourvu à la représentation proportionnelle pour les huit autres sièges en fonction du total des suffrages exprimés en faveur de l'ensemble des candidats composant chacune des listes en présence, ce qui est conforme à un système de scrutin de liste ;

* que le total des suffrages exprimés correspond au total des voix recueillies par chaque candidat, ces suffrages étant additionnés par listes pour obtenir le score obtenu par chacune d'elles et établir en fonction du quotient électoral le nombre de sièges qu'elle emporte ;

* que si l'électeur usant du panachage pour un seul candidat apporte de surcroît, pour la partie proportionnelle du scrutin, une voix à la liste à laquelle ce candidat est rattaché, tous les candidats sont membres d'une liste et le vote porté sur leur nom doit bénéficier à la liste dont ils sont politiquement solidaires, ce qui correspond au scrutin de liste inscrit dans la Constitution ;

* qu'il n'est porté atteinte ni à la liberté d'opinion, ni à l'égalité des citoyens, ni à aucun droit garanti par le titre III de la Constitution ;

Vu la réplique, enregistrée le 30 août 2002, par laquelle MM. G., N. et R. persistent en leurs conclusions, par les motifs que :

* sur l'article 8, celui-ci prive les Monégasques, ou au moins certains d'entre eux, du droit d'exprimer leur conviction personnelle puisqu'ils ne pourront voter pour les candidats de leur choix qui, en raison de l'exigence de listes d'au moins treize candidats, ne peuvent se présenter ; cette exigence ne constitue pas une simple modalité de candidature ; il n'y a aucun rapport entre scrutin de liste et formation d'une majorité, le scrutin pouvant être entièrement proportionnel ; tous les courants doivent pouvoir se présenter aux élections, indépendamment du nombre de candidats qu'ils peuvent réunir ; la vocation de l'opposition à devenir majoritaire est hors de propos puisque la liberté d'opinion n'a rien à voir avec la majorité et que le régime monégasque n'est pas un régime parlementaire ; la comparaison entre les élections communales dans un pays voisin et les élections nationales dans l'État ne peut être faite puisque l'enjeu démocratique n'est pas le même et que les ressortissants d'un État ne peuvent être privés de la liberté d'exprimer leur opinion politique par le vote ; pour interpréter les articles de la Constitution relatifs aux droits fondamentaux, il faut tenir compte du contexte institutionnel et historique, comme l'a fait le Tribunal Suprême en prenant en compte le critère géographique à propos du droit de propriété ; la constitution d'une majorité au Conseil National est un faux problème, puisque le gouvernement n'est pas issu de cette majorité et ne peut être renversé par elle et qu'une loi peut être votée avec une seule voix favorable, les abstentions n'étant pas comptées ; la nouvelle rédaction de l'article 53 n'a rien changé en ce qui concerne « le scrutin de liste », qui figurait déjà dans l'ancienne rédaction ; la formule n'impose pas que la liste doit être entière ou comporter un minimum de candidats ;

* sur l'article 9, l'invocation des articles 17 et 23 de la Constitution n'est pas faite pour la forme, le mode de scrutin contesté ayant pour effet de porter atteinte à la liberté d'opinion ; la représentation proportionnelle peut fonctionner avec des candidatures individuelles, comme le montrent d'autres systèmes électoraux ; ce qui est contesté est le mélange du scrutin majoritaire et de la représentation proportionnelle pour les huit sièges qui doivent être attribués à la proportionnelle ; les articles 8 et 9 sont contraires à l'article 53 de la Constitution en ce que, pour la partie proportionnelle du scrutin, le mode de scrutin n'est pas un scrutin de liste, mais un scrutin majoritaire déguisé, les effets proportionnels du système étant quasiment nuls, et le système étant au surplus inintelligible pour l'électeur, et portant atteinte à l'égalité entre électeurs et entre candidats ;

Vu la duplique, enregistrée le 2 octobre 2002, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les motifs que : si l'éligibilité et le droit de vote peuvent être considérés comme des manifestations de la liberté d'opinion, une loi électorale les régissant n'y est pas attentatoire ; il n'existe jamais de système électoral totalement inconditionné ; si le suffrage universel garantit le droit de vote à tous les citoyens, il n'est pas incompatible avec l'organisation d'un scrutin de liste et ne postule pas un droit à la candidature isolée ; la loi n'empêche personne de voter et subordonne seulement la présentation des candidatures à la constitution de listes se formant librement pour refléter les opinions librement formées ; le scrutin de liste est le choix opéré par le Constituant ; le scrutin proportionnel est une forme, parmi d'autres, du scrutin de liste ; le scrutin de liste est un mode d'élection des candidats, la proportionnelle, un mode de répartition des sièges, comme le mode majoritaire ; l'existence d'une majorité au Conseil National est une question qui relève d'une appréciation de pure opportunité politique, et est nécessaire pour faire aboutir certaines idées, orienter l'action politique ; les arguments tirés des logiques politiques, institutionnelles, électorales sont des considérations de pure opportunité qui ne peuvent être retenues au titre du contrôle de constitutionnalité ; l'article 53 de la Constitution imposant l'élection du Conseil national au scrutin de liste, la loi met en œuvre ce principe en prévoyant la constitution d'une liste de treize noms et ne pouvant admettre des candidatures isolées ; la référence à d'autres systèmes électoraux est sans portée dès lors que le système monégasque est conforme à la Constitution ; chaque nom mentionné sur un bulletin de vote correspond à un suffrage qui, après avoir déterminé l'attribution des seize premiers sièges (scrutin pluri-nominal majoritaire), est affecté à la liste de candidats sur laquelle il figure pour déterminer l'élection à la proportionnelle des huit sièges restants, selon un ordre établi en fonction des voix recueillies par chacun des candidats ; le total des suffrages obtenus par la liste détermine l'élection suivant le mode de la représentation proportionnelle ; ainsi est mis en œuvre un scrutin de liste ; la prétendue inintelligibilité du dispositif électoral est inopérant en tant que l'article 53 fixe un mode de scrutin et non un objectif à atteindre et que le Tribunal Suprême n'a jamais consacré la notion d'objectif constitutionnel, et inconsistant puisque, pour être mixte et novateur, le mode de scrutin contesté n'a rien d'inintelligible ; le principe d'égalité est respecté tant pour les électeurs, qui sont tous appelés aux urnes suivant les mêmes modalités de scrutin, que pour les candidats, qui sont tous assujettis aux mêmes règles ;

Vu les dispositions attaquées ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, et notamment ses articles 17, 23, 53 et 90.A.2° ;

Vu la loi n° 839 du 23 février 1968 sur les élections nationales et communales ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance du 16 octobre 2002 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du Tribunal Suprême du 3 décembre 2002 ;

Ouï M. Pierre Delvolvé, membre du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Licari, avocat-défenseur, pour MM. G., N. et R. ;

Ouï Maître Molinié, avocat aux Conseils, pour le Ministre d'État ;

Ouï Monsieur le Procureur général en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré,

Considérant que l'article 53 alinéa 1 de la Constitution, tel qu'il a été modifié par la loi du 2 avril 2002 dispose : « Le Conseil National comprend vingt-quatre membres élus pour cinq ans au suffrage universel direct et au scrutin de liste dans les conditions prévues par la loi » ;

Que pour l'application de ces dispositions, la loi n° 1250 du 9 avril 2002 modifie la loi n° 839 du 23 février 1968 sur les élections nationales et communales, en donnant, par son article 8, une nouvelle rédaction de l'article 20, et en lui ajoutant par son article 9, un article 20-1 ;

Que, selon le quatrième alinéa de l'article 20 dans sa nouvelle rédaction, « Les élections au Conseil National se font au scrutin de liste, plurinominal, à un tour, avec possibilité de panachage et sans vote préférentiel. Les listes en présence doivent comporter un nombre de candidats au moins égal à celui correspondant au chiffre de la majorité absolue au sein de cette assemblée soit treize, classés par ordre alphabétique » ;

Que selon l'article 20-1 nouveau :

« Les deux tiers des sièges au Conseil National sont attribués au scrutin majoritaire. Le tiers restant est attribué au scrutin proportionnel. Sont tout d'abord élus les seize candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix.

En cas d'égalité des suffrages, le plus âgé des candidats est proclamé élu.

Les huit sièges restants sont attribués aux listes en présence, ayant obtenu au moins cinq pour cent des suffrages valablement exprimés, selon les modalités de la représentation proportionnelle.

Chaque liste obtient un nombre de sièges égal au nombre de fois où le quotient électoral est contenu dans le total des suffrages valablement exprimés en faveur de l'ensemble de ses candidats.

Le quotient électoral est obtenu en divisant le nombre total des suffrages valablement exprimés par le nombre de sièges à pourvoir à la proportionnelle.

Les sièges éventuellement restants sont attribués par application de la règle de la plus forte moyenne.

La moyenne est déterminée pour chaque liste en ajoutant, chaque fois qu'il y a un siège restant, un siège fictif au nombre de sièges qui lui sont attribués au scrutin proportionnel et en divisant le total des voix qu'elle a obtenues par le nombre de sièges, y compris le siège fictif ajouté.

Au sein de chaque liste, les sièges obtenus sont attribués aux candidats dans l'ordre du nombre de suffrages qu'ils ont obtenus. En cas d'égalité du nombre de suffrages, le plus âgé des candidats est élu » ;

Sur l'article 8 de la loi du 9 avril 2002 en tant qu'il modifie l'article 20 de la loi du 23 février 1968 :

Considérant que, selon les requérants, l'obligation de constituer les listes comprenant au moins treize candidats porte atteinte à la liberté de manifester ses opinions garantie par l'article 23 de la Constitution en excluant les candidatures isolées, qui étaient admises antérieurement ;

Considérant que seul un système électoral ayant pour effet d'empêcher la manifestation des opinions serait contraire à la liberté garantie par l'article 23 de la Constitution ;

Considérant que l'article 53 de la Constitution impose l'élection des membres du Conseil National au scrutin de liste dans les conditions prévues par la loi ; qu'en exigeant la présentation des candidatures sous forme de liste comportant au moins treize candidats, le quatrième alinéa de l'article 20 fixe une des conditions prévues par l'article 53 de la Constitution : qu'il n'a ni pour objet ni pour effet d'empêcher quiconque de manifester ses opinions que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 23 de la Constitution est sans fondement ;

Considérant que les moyens tirés de la violation de la logique institutionnelle, de la logique de technique de vote, de la logique liée au mode de scrutin, ne concernent pas une atteinte aux libertés et droits consacrés par le titre III de la Constitution ; qu'ils ne relèvent pas de la compétence du Tribunal Suprême ;

Sur l'article 9 de la loi du 9 avril 2002, ajoutant un article 20-1 à la loi du 23 février 1968 :

Considérant que, selon les requérants, la prise en compte, lors de la détermination des sièges attribués à la représentation proportionnelle, des suffrages exprimés par panachage sur une liste, pour calculer le nombre de voix obtenues par la liste de laquelle font partie les candidats dont le nom a été porté sur une autre, constitue un détournement du vote des électeurs, violant la liberté d'opinion garantie par l'article 23 et le principe d'égalité garanti par l'article 17 de la Constitution ;

Considérant que par le panachage, les électeurs manifestent leur volonté de substituer aux candidats figurant sur une liste ceux d'une autre liste ; qu'en additionnant, pour obtenir le nombre total des voix obtenues par chaque liste, les voix obtenues par les candidats aussi bien par panachage avec une autre liste que sans panachage, les dispositions attaquées ont pour objet et pour effet de déterminer le total des voix obtenues par chaque liste ; que, loin de détourner la volonté des électeurs, elles en établissent un compte exact ; que le vote de tous les électeurs, les voix obtenues par chaque candidat et le total des voix obtenues par chaque liste sont traités de la même manière ; que, par suite, les moyens tirés de la violation de l'article 23 et de l'article 17 de la Constitution ne sont pas fondés ;

Considérant que le moyen tiré du manque de clarté et d'intelligibilité de la loi est, en toute hypothèse, inopérant ;

Considérant que le moyen tiré de la violation de l'article 53 de la Constitution n'est pas de ceux qui peuvent être invoqués à l'appui d'un recours exercé en vertu de l'article 90.A.2° de la Constitution ;

Considérant, en conséquence, que les conclusions de la requête dirigées tant contre l'article 8 que contre l'article 9 de la loi du 9 avril 2002 doivent être rejetées ;

Dispositif

Décide :

Article 1er

La requête est rejetée.

Article 2

Les dépens sont mis à la charge de MM. G., N. et R.

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26957
Date de la décision : 03/12/2002

Analyses

Public - Général ; Élection


Parties
Demandeurs : Sieurs R. G., J.-L. N. et J.-M. R.
Défendeurs : Ministre d'État

Références :

articles 17 et 23 de la Constitution
loi n° 1250 du 9 avril 2002
article 9 de la loi du 9 avril 2002
loi n ° 839 du 23 février 1968
loi n ° 839 du 9 avril 2002
Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
article 20 de la loi du 23 février 1968
articles 8 et 9 de la loi n ° 1250 du 9 avril 2002
article 8 de la loi du 9 avril 2002
article 20 de la loi n ° 839 du 23 février 1968
Vu la Constitution
loi du 23 février 1968
Loi n ° 1.250 du 9 avril 2002
article 23 de la Constitution
article 17 de la Constitution
article 90 A de la Constitution
article 53 de la Constitution
Ordonnance du 16 octobre 2002
loi du 2 avril 2002


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2002-12-03;26957 ?

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