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03/12/2002 | MONACO | N°26956

Monaco | Tribunal Suprême, 3 décembre 2002, Madame F. B. et Madame F. B. c/ Ministre d'État


Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Urbanisme et construction

Autorisation de construire - Nature des documents à joindre à la demande d'autorisation

Recours pour excès de pouvoir

Décision d'autorisation de construire - Violation de l'Ordonnance Souveraine n° 3647 du 9 septembre 1966 concernant l'urbanisme, la construction et la voirie (non)

Procédure devant le Tribunal Suprême

Requête en intervention de la Société Sea View Estate Consulting Group Corp. - Tardive

té de la requête - Recevabilité (non)

Motifs

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en assemblée p...

Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Urbanisme et construction

Autorisation de construire - Nature des documents à joindre à la demande d'autorisation

Recours pour excès de pouvoir

Décision d'autorisation de construire - Violation de l'Ordonnance Souveraine n° 3647 du 9 septembre 1966 concernant l'urbanisme, la construction et la voirie (non)

Procédure devant le Tribunal Suprême

Requête en intervention de la Société Sea View Estate Consulting Group Corp. - Tardiveté de la requête - Recevabilité (non)

Motifs

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête présentée par Madame F. B., née H. et Monsieur J.-L. B., ladite requête enregistrée au greffe général de la Principauté de Monaco, le 31 mai 2002 et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 19 décembre 2001, par lequel le Ministre d'État a autorisé la société Sea View Estate Consulting Group Corp. à réhabiliter le 2e étage et à surélever d'un 3e étage l'immeuble dit « Villa M. » à Monaco-Ville ;

Ce faire :

Attendu que la requête, déposée moins de deux mois après le rejet du recours gracieux formé contre le permis de construire accordé à la société Sea View Estate Consulting Group Corp., est recevable ; qu'au fond l'autorisation attaquée a été délivrée au vu d'un dossier qui, contrairement aux prescriptions de l'article 3 de l'ordonnance n° 3647 du 9 septembre 1966, ne comportait ni les plans des façades latérales visibles de la voie publique ni une délibération de l'assemblée générale des copropriétaires de la « Villa M. » autorisant la société Sea View Estate Consulting Group Corp. à effectuer des travaux de surélévation affectant les souches de cheminées de la toiture-terrasse, qui constituent des parties communes ; qu'en violation de l'article 7 de l'ordonnance précitée, la surélévation de la « Villa M. » porterait atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, notamment du fait que les persiennes et fenêtres de la surélévation et du 2e étage seraient réalisées en aluminium laqué au four ;

Vu la contre-requête présentée par le Ministre d'État, ladite contre-requête enregistrée au Greffe général le 5 juillet 2002 et tendant au rejet de la requête par les motifs que, s'agissant de travaux d'aménagement de bâtiments déjà construits, les pièces à fournir en vertu de l'article 3 de l'ordonnance n° 3647 du 9 septembre 1966 se limitent à celles nécessaires à la parfaite compréhension du projet ; que cette solution de bon sens est d'ailleurs conforme à la jurisprudence du Conseil d'État français ; que la production d'un plan de la façade Est, constituée d'un mur pignon aveugle, était inutile ; qu'il en est de même du plan de coupe transversale du 3e étage, les plans de coupe figurant au dossier permettant d'apprécier l'état des lieux existants et projetés ; que la société pétitionnaire a joint à son dossier de demande le compte rendu de l'assemblée générale des copropriétaires de la « Villa M. » en date du 7 octobre 1996, autorisant le propriétaire du 2e étage à faire exécuter tous travaux de construction au niveau de la toiture-terrasse sans demander de nouvelles autorisations aux copropriétaires ; qu'en cours d'instruction du dossier, la société a également produit une attestation des copropriétaires de la « Villa M. », exprimant leur accord au projet faisant l'objet de la demande de permis de construire de la société Sea View Estate Consulting Group Corp. ; qu'enfin la « Villa M. », qui après sa surélévation aura sensiblement la même hauteur que la villa B. et aura des persiennes en aluminium comme cette villa, s'intégrera parfaitement aux lieux avoisinants et ne portera aucune atteinte à leur caractère ;

Vu, enregistrée comme ci-dessus le 5 septembre 2002, la réplique présentée par Madame F. B., née H. et Monsieur J.-L. B., tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et en outre par les motifs que, à supposer que la surélévation d'un étage puisse être considérée comme le simple aménagement d'un bâtiment déjà construit, les plans de façade font partie des pièces nécessaires à la parfaite compréhension du projet ; que les plans de la façade Est étaient nécessaires pour savoir si la « Villa M. » disposerait d'une vue plongeante sur le jardin des consorts B. ; que le plan de la façade Ouest aurait permis de constater un dépassement par rapport à la « Villa C. » ; qu'aucune autre pièce du dossier ne permettait, comme dans l'affaire ayant donné lieu à la décision du Conseil d'État invoqué par le Ministre d'État, de déterminer les caractéristiques de ces façades et notamment de savoir si le mur pignon du 3e étage serait aveugle, comme l'est la partie qui s'arrête au 2e étage ; que selon un arrêt du Conseil d'État du 1er avril 1990 le renvoi à des plans d'exécution ne permet pas à l'administration de donner un accord complet au projet ; que le plan de coupe transversale n'était pas inutile et aurait dû également être joint au dossier conformément à l'article 3, 5° de l'ordonnance n° 3647, que la délibération de l'assemblée générale des copropriétaires du 7 octobre 1996 ne concerne que les parties privatives de la toiture-terrasse et n'autorisait pas les consorts B. à démolir les souches de cheminées bordant la terrasse, qui sont des parties communes ; que la déclaration écrite de trois copropriétaires ne constitue pas une délibération de l'assemblée générale et ne porte que sur l'aspect extérieur de l'immeuble ; que les plans produits ne prouvent pas que la « Villa M. » sera, après surélévation, d'une hauteur équivalente à celle de la « Villa G. », que l'utilisation d'aluminium laqué pour certaines seulement des fenêtres et persiennes conduira à une disharmonie ;

Vu, enregistrée comme ci-dessus le 7 octobre 2002, la duplique présentée par le Ministre d'État tendant aux mêmes fins que la contre-requête, par les mêmes moyens et en outre par les motifs que le plan de la façade Ouest n'aurait pas donné d'autre indication que le dépassement par rapport à la « Villa C. », qui apparaît sur les plans joints au dossier ; que le plan 01A montrait qu'aucune modification n'était prévue au 2e étage de la façade Est et qu'une terrasse d'angle était envisagée au 3e étage ; que l'existence d'une vue plongeante sur le jardin des requérants ne peut entraîner de conséquences qu'au regard du droit privé et est sans influence sur la légalité du permis de construire ; qu'un plan de coupe transversale du 3e étage n'était pas nécessaire en raison de la nature des travaux et de la présence au dossier d'autres plans de coupe ; que la décision du 11 juillet 1990 du Conseil d'État se borne à rejeter comme éventuel le préjudice résultant de l'absence de notification d'un permis de construire en constatant que l'administration des affaires culturelles avait, selon ce permis, la possibilité de remettre en cause ou de modifier substantiellement le projet ; que la délibération du 7 octobre 1996 autorise tous travaux sur la terrasse, sans exclure ceux sur les souches de cheminées, qui constituent les parties communes ; que l'autorité administrative n'a pas commis une erreur d'appréciation et moins encore une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne l'esthétique du projet ;

Vu, enregistrée comme ci-dessus, le 2 décembre 2002, la requête sur intervention présentée par la société Sea View Estate Consulting Group ;

Vu l'arrêté attaqué ;

Vu l'Ordonnance du 31 juillet 2002, par laquelle le Président du Tribunal Suprême a rejeté la requête des consorts B. n° 2002-6 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêté attaqué ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 3647 du 9 septembre 1966 concernant l'urbanisme, la construction et la voirie ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 B 1° ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'ordonnance en date du 21 octobre 2002 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du 3 décembre 2002 ;

Ouï M. Michel Bernard, membre du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Licari, avocat-défenseur pour les consorts B. ;

Ouï Maître Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation pour l'État de Monaco ;

Ouï M. le Procureur général, en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré,

Sur la requête en intervention de la société Sea View Estate Consulting Group :

Considérant que cette requête a été présentée après l'expiration des délais fixés par l'article 18 de l'ordonnance du 16 avril 1963 ; que, dès lors, elle n'est pas recevable ;

Sur le moyen de la requête des consorts B. tiré de ce que l'autorisation de construire attaquée a été accordée au vu d'un dossier incomplet :

Considérant qu'en vertu de l'article 3 de l'ordonnance n° 3647 du 9 septembre 1966, les pièces qui doivent être jointes à la demande d'autorisation de construire comprennent notamment : 1° pour les modifications à des constructions existantes soit une déclaration de l'intéressé certifiant qu'il est propriétaire de l'immeuble dont s'agit, soit une déclaration délivrée par le propriétaire autorisant l'intéressé à exécuter les travaux projetés et attestant son droit de propriété sur ledit immeuble ; 5° les coupes longitudinales et transversales cotées indiquant les profils du terrain, des constructions et des voies de bordure et les gabarits ; 6° les élévations des façades principales et des parties des façades latérales vues des voies publiques de l'immeuble à construire ou à surélever ;

Considérant que, selon le dernier alinéa du même article 3, dans le cas de travaux d'aménagement de bâtiments déjà construits, les pièces à joindre à la demande d'autorisation de construire « se limiteront à celles nécessaires à la parfaite compréhension du projet » ; que cette disposition était applicable dans le cas des travaux de réhabilitation du 2e étage et de surélévation par un 3e étage de la « Villa M. », qui ont été autorisés par l'arrêté attaqué ;

En ce qui concerne la déclaration du propriétaire :

Considérant que la société Sea View Estate Consulting Group Corp. a joint à sa demande d'autorisation de construire une attestation de Me Aureglia, notaire à Monaco certifiant qu'à la suite d'actes reçus par lui et d'une assemblée générale de copropriétaires du 7 octobre 1996, cette société est devenue propriétaire, dans la « Villa M. », de la totalité du 2e étage et de la toiture-terrasse et du droit de surélever l'immeuble sans nouvelle autorisation des copropriétaires ; qu'en outre au cours de l'instruction de la demande a été versée au dossier, une lettre par laquelle les autres copropriétaires de la « Villa M. » ont exprimé leur accord pour les travaux projetés par la société pétitionnaire ; que les travaux de surélévation ainsi autorisés devaient nécessairement affecter les souches de cheminées, qui constituent des parties communes ; que, dès lors, au vu des pièces produites, le Ministre d'État a pu, sans méconnaître les dispositions sus-analysées du 1° de l'article 3 de l'ordonnance du 9 septembre 1966, accorder à la société Sea View Estate Consulting Group Corp. l'autorisation qu'elle sollicitait ;

En ce qui concerne les plans de coupes transversales :

Considérant que, eu égard à la nature des travaux et compte tenu de l'ensemble des documents figurant au dossier, ces plans n'étaient pas nécessaires à la complète compréhension du projet ; que, dès lors, leur absence dans le dossier est sans influence sur la légalité de l'autorisation de construire attaquée ;

En ce qui concerne les plans des façades latérales Est et Ouest :

Considérant qu'il ressortait des pièces jointes à la demande de permis de construire que la façade Est resterait aveugle jusqu'au 2e étage et que, au 3e étage, elle comporterait une terrasse de 2,66 m de large ; qu'un plan de cette façade n'aurait apporté aucune autre information utile à l'examen de la demande ; que, de même, un plan de la façade ouest aurait seulement fait apparaître un dépassement par cette façade de l'immeuble voisin, qui ressortait déjà d'autres pièces du dossier ; que, dès lors, l'autorisation de construire a pu légalement être accordée sans que les plans de ces façades aient figuré au dossier ;

Sur le moyen de la requête des consorts B. tiré de la violation de l'article 7 de l'Ordonnance souveraine du 9 septembre 1966 :

Considérant qu'aux termes du 2e alinéa de cet article : « les constructions, par leur situation, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier, ne doivent pas porter atteinte... au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les immeubles voisins de la « Villa M. » n'ont pas tous la même hauteur ; qu'après surélévation la hauteur de cette villa restera inférieure à celle du plus haut de ces immeubles ainsi qu'au maximum autorisé par la réglementation que, dans ces conditions, les consorts B. ne sont pas fondés à soutenir que la surélévation de cette villa portera atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants ; qu'une telle atteinte ne résultera pas non plus du fait que les volets et fenêtres du 2e et du 3e étage seront en aluminium laqué, comme ceux de la villa des consorts B., alors que ceux des autres étages de la « Villa M. » seront en bois ; qu'ainsi le moyen tiré de la violation de l'article 7 de l'Ordonnance du 9 septembre 1966 ne peut être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts B. ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;

Dispositif

Décide :

Article 1er

L'intervention de la société Sea View Estate Consulting Group n'est pas admise.

Article 2

La requête des consorts B. est rejetée.

Article 3

Les dépens des requêtes n ° 2002-6 et 2002-7 sont mis à la charge des consorts B.

Article 4

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26956
Date de la décision : 03/12/2002

Analyses

Immobilier - Général ; Règles d'urbanisme


Parties
Demandeurs : Madame F. B. et Madame F. B.
Défendeurs : Ministre d'État

Références :

Ordonnance du 31 juillet 2002
Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
article 3 de l'ordonnance n° 3647 du 9 septembre 1966
Vu la Constitution
article 7 de l'Ordonnance souveraine du 9 septembre 1966
Ordonnance Souveraine n° 3647 du 9 septembre 1966
article 3 de l'ordonnance du 9 septembre 1966
article 18 de l'ordonnance du 16 avril 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2002-12-03;26956 ?

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