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13/03/2002 | MONACO | N°26870

Monaco | Tribunal Suprême, 13 mars 2002, Dame A. S. c/ Commune de Monaco,


Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Recours en indemnisation. Acte administratif individuel

Fonctionnaires et Agents publics

Agent contractuel de la Commune. Licenciement

Recours pour excès de pouvoir

Décision de licenciement. Procédure irrégulière. Décision prise en considération de la personne en méconnaissance des droits de la défense

Procédure

Recevabilité. Décision faisant grief

Motifs

Le Tribunal Suprême

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statu

ant en matière administrative,

Vu la requête de Madame A. S., enregistrée au Greffe général le 24 septembre 2001, tendant :

* d'une...

Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Recours en indemnisation. Acte administratif individuel

Fonctionnaires et Agents publics

Agent contractuel de la Commune. Licenciement

Recours pour excès de pouvoir

Décision de licenciement. Procédure irrégulière. Décision prise en considération de la personne en méconnaissance des droits de la défense

Procédure

Recevabilité. Décision faisant grief

Motifs

Le Tribunal Suprême

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête de Madame A. S., enregistrée au Greffe général le 24 septembre 2001, tendant :

* d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du Maire de Monaco, en date du 12 février 2001 licenciant la requérante de son emploi de bibliothécaire suppléante à la bibliothèque L. N. ;

* d'autre part à la condamnation de la Commune à lui payer la somme forfaitaire de 223 000 francs au titre de la réparation du préjudice résultant de la décision annulée ;

Ce faire :

Attendu que Madame S. a été embauchée le 24 octobre 1997 par le Maire de Monaco en qualité de bibliothécaire suppléante à la bibliothèque L. N. pour une période de six mois au terme de laquelle ses connaissances en culture générale seront évaluées ; que le 31 août 1998 le contrat de travail a été prorogé pour une année à compter du 1er septembre suivant, puis tacitement reconduit jusqu'à la décision attaquée ;

Attendu que, du 28 mars au 8 octobre 1998, Madame S. a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail pour cause de maladie amenant le service des prestations médicales de l'État (SPME) à avertir la commune que, en application de la loi, la durée maximale du congé maladie serait atteinte le 8 octobre suivant, le médecin conseil n'estimant pas justifiée une prolongation au-delà de cette date ;

Attendu que Madame S., sur certificat de son médecin traitant, a repris le travail du 9 au 23 octobre 2000, avant de nouveaux arrêts pour maladie prescrits par ses médecins et régulièrement adressés à l'employeur ;

Attendu que la mairie de Monaco a décidé de ne plus verser de salaire à partir du mois de novembre 2000, alors même que la requérante a continué à être prise en charge par le service des prestations médicales, au moins jusqu'au mois de mai 2001, et que le médecin conseil du SPME l'ayant orienté vers le médecin conseil de la médecine du travail, ce dernier concluait le 22 décembre 2000 à l'inaptitude temporaire à une reprise d'activité professionnelle ;

Attendu que, par lettre recommandée AR du 16 février 2001 Madame S. demandait au Maire de reconsidérer sa position avant d'intenter un recours gracieux daté du 5 avril 2001 aboutissant à une décision de refus de la mairie en date du 25 juillet 2001 ;

Attendu que le recours contre la décision de licenciement critiquée et la condamnation de la commune à réparer le préjudice causé relève de la compétence du Tribunal Suprême en application de la Constitution et de la jurisprudence de cette juridiction ; que ces demandes sont recevables s'agissant de l'irrégularité d'un acte administratif individuel concernant un agent de la commune régi par le droit public selon la loi n° 959 du 24 juillet 1974 ;

Attendu que la décision en cause aurait dû être précédée de la consultation du conseil communal ; que celle-ci n'a probablement jamais eu lieu, les démarches pour en obtenir communication s'étant heurtées à un refus de l'administration, circonstance laissant présumer l'omission d'une formalité substantielle méconnaissant de plus les droits de la défense ; que le licenciement a été pris dans un but personnel distinct de l'intérêt général et autre que celui pour lequel il pouvait être légalement décidé, constituant un détournement de pouvoir ; que la motivation de l'acte repose à la fois sur une erreur de fait, la prétendue rupture de contrat de travail à l'initiative du cocontractant, et sur une qualification juridique des faits inexacte en l'absence de volonté clairement exprimée et sans équivoque de Madame S. de rompre son contrat, la décision s'analysant alors en un licenciement abusif ;

Attendu que l'indemnité demandée pour le préjudice subi du fait de l'annulation de la décision se décompose en :

un préjudice financier égal aux arriérés de salaires non perçus, soit 123 144 francs ;

* un préjudice moral fixé à 70 000 francs ;

* et un préjudice résultant de l'obligation d'ester en justice évalué à 30 000 francs ;

ce qui toutes causes confondues est ramené à un montant forfaitaire de 223 000 francs ;

Vu la contre-requête au nom de la Commune de Monaco, déposée le 21 novembre 2001, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Madame S. aux dépens ;

Attendu que cette dernière n'a plus perçu de salaire depuis le 24 octobre 2000 et n'a jamais protesté de la cessation de ce versement ; que depuis le 8 novembre 2000 elle bénéficie de la couverture sociale au titre de conjoint d'un fonctionnaire ; que la commune n'a eu d'autre alternative que de prendre acte de la rupture unilatérale du contrat du fait de la requérante, ce que la lettre critiquée du 12 février 2001 a fait sans qu'on puisse l'assimiler à une décision de licenciement ;

Attendu que la lettre précitée ne constitue pas une décision faisant grief ; que Madame S. ne peut contester être en situation irrégulière depuis le 24 octobre 2000, absente de son poste de son seul fait ; qu'il n'y avait pas lieu de consulter le conseil communal, consultation prévue pour les fonctionnaires titulaires, ce qui n'est pas son cas ; que le Tribunal Suprême est incompétent puisque le juge du contrat est, en l'espèce, le Tribunal de Première Instance de Monaco ;

Vu la réplique présentée au nom de Madame S., enregistrée au greffe général le 13 décembre 2001, concluant à débouter la commune de l'ensemble de ses moyens de défense, et, tout en demandant l'entier bénéfice de sa requête introductive d'instance, de limiter le montant du préjudice à la somme forfaitaire de 100 000 francs en renonçant à l'indemnité compensatrice du préjudice et de donner acte à la requérante qu'elle se réserve de réclamer le cas échéant réparation du préjudice financier devant la juridiction compétente ;

Attendu que la commune développe sa contre-requête sur la base de faits relatés de façon volontairement incomplète voire erronée ; que la décision critiquée fait bien grief et qu'elle est illégale tant sur le plan interne qu'externe et relève à ce titre de la compétence du Tribunal Suprême ; que la loi n° 959 sur l'organisation communale concerne les agents communaux et que la commune attaquée ne peut être considérée comme un acte préparatoire ; que le préjudice doit être évalué à 100 000 francs compte tenu du retrait du préjudice financier réservé à l'appréciation de la juridiction compétente ;

Vu la duplique déposée au nom de la Commune de Monaco au greffe général le 11 janvier 2002 et tendant au rejet de la requête comme portée devant une juridiction incompétente et au rejet du surplus des conclusions comme à la condamnation aux frais et dépens ;

Attendu que Madame S. n'est ni fonctionnaire, ni agent contractuel de la Commune, mais reste une salariée de droit commun de la collectivité territoriale, situation qui n'est pas incompatible avec l'affiliation au Service des prestations médicales de l'État ; qu'il ne pouvait y avoir aucune ambiguïté sur la situation de la requérante ; que l'écrit du 12 février ne saurait constituer un acte administratif et qu'il échappe donc au contrôle du juge administratif ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963, modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 959 du 24 juillet 1974 sur l'organisation communale ;

Vu la loi n° 1096 du 7 août 1986 portant statut des fonctionnaires de la commune ;

Vu l'Ordonnance de renvoi ;

Ouï Monsieur Hubert Charles, membre suppléant du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Sbarrato, avocat-défenseur au nom de la dame S. ;

Ouï Maître Léandri, avocat-défenseur, pour la Commune de Monaco ;

Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions ;

Sur la compétence :

Considérant qu'en vertu de l'article 90 B. de l'Ordonnance constitutionnelle du 17 décembre 1962, « Le tribunal Suprême statue souverainement 1° sur les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions des diverses autorités administratives... ainsi que sur l'octroi des indemnités qui en résultent. »

Considérant que le recours de Madame S., qui tend à l'annulation d'une décision du maire de la Commune de Monaco, en date du 12 février 2001, en se fondant sur des moyens de légalité, constitue un recours pour excès de pouvoir contre une décision d'une autorité administrative ; que dès lors le Tribunal Suprême est compétent pour en connaître en application des dispositions précitées ;

Sur la recevabilité :

Considérant qu'en décidant que Madame S. ne fait plus partie du personnel communal, le maire a pris un acte administratif individuel qui fait grief et qui peut être déféré, par elle, au juge de l'excès de pouvoir ;

Sur le fond :

Considérant que Madame S. a été recrutée le 24 octobre 1997 en qualité de bibliothécaire suppléante pour une période de six mois, puis reconduite pour une année à compter du 1er septembre 1998 avant de l'être tacitement par la suite ;

Considérant qu'elle a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail du 28 mars au 8 octobre 2000 ;

Considérant qu'elle a repris le travail du 9 octobre au 23 octobre 2000 et l'a interrompu le 24 octobre suivant, sur prescriptions réitérées de ses médecins traitants ;

Considérant que la mesure attaquée est intervenue sans que l'intéressée ait été mise en demeure de reprendre son activité et de faire valoir ses observations ; que cette mesure a été prise en considération de la personne sans que soient respectés les droits de la défense ; qu'il y a donc lieu d'en prononcer l'annulation ;

Sur le préjudice :

Considérant que le préjudice allégué n'est pas établi ;

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er

- La décision de Madame le Maire de Monaco en date du 12 février 2001 est annulée ;

Article 2

- Les dépens sont mis à la charge de la commune de Monaco ;

Article 3

- Expédition de la présente décision sera transmise à la Commune de Monaco et à Son Excellence Monsieur le Ministre d'État ;

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26870
Date de la décision : 13/03/2002

Analyses

Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : Dame A. S.
Défendeurs : Commune de Monaco,

Références :

Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
article 90 B. de l'Ordonnance constitutionnelle du 17 décembre 1962
Vu la Constitution
loi n° 1096 du 7 août 1986
loi n° 959 du 24 juillet 1974


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2002-03-13;26870 ?

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