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23/11/2000 | MONACO | N°26800

Monaco | Tribunal Suprême, 23 novembre 2000, Mme I. A. c/ Ministre d'Etat


Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Fonctionnaire - Recours en annulation - Décision faisant grief

Fonctionnaires et agents publics

Recrutement par voie de concours - Priorité d'accès des monégasques aux emplois publics - Conditions nécessaires pour la nomination aux emplois permanents de l'État - Distinction fonction à mi-temps et emploi permanent

Motifs

Le Tribunal Suprême

siégeant et délibérant en formation plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête présentée par Mme I. A., enregistrée

au greffe général de la Principauté de Monaco le 16 mars 2000 et tendant à :

1° l'annulation pour excès de pouvoi...

Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Fonctionnaire - Recours en annulation - Décision faisant grief

Fonctionnaires et agents publics

Recrutement par voie de concours - Priorité d'accès des monégasques aux emplois publics - Conditions nécessaires pour la nomination aux emplois permanents de l'État - Distinction fonction à mi-temps et emploi permanent

Motifs

Le Tribunal Suprême

siégeant et délibérant en formation plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête présentée par Mme I. A., enregistrée au greffe général de la Principauté de Monaco le 16 mars 2000 et tendant à :

1° l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de portée à la connaissance du personnel du Lycée Albert 1er par note de service du proviseur, en date du 17 janvier 2000, par laquelle le Ministre d'État a chargé Madame S.-A. R. du suivi des activités culturelles à caractère éducatif auprès de la Direction de l'Éducation Nationale de la jeunesse et des sports ;

2° la condamnation de l'État de Monaco à payer à Mme A. la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Ce faire :

Attendu que la décision attaquée est intervenue en méconnaissance tant du principe du recrutement par concours posé par les articles 6 et 9 de l'Ordonnance n° 6365 du 17 août 1978, que la priorité accordée aux monégasques par l'article 1er de la Loi n° 188 du 18 juillet 1934 pour l'attribution des fonctions publiques ; que le comportement de l'Administration devra être sanctionné par l'allocation au profit de Mme A. de dommages-intérêts d'un montant de 50 000 francs en réparation du préjudice moral qu'elle a subi ;

Vu la contre-requête présentée par le Ministre d'État, ladite contre-requête enregistrée comme ci-dessus le 18 mai 2000 et tendant au rejet de la requête par les motifs que, d'après le 1er alinéa de l'article 2, de la Loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l'État, seules les personnes nommées dans un emploi permanent ont la qualité de fonctionnaire ; que le suivi des affaires culturelles ne constitue pas un emploi permanent juridiquement et budgétairement isolé des autres ; que, dès lors, les textes invoqués par la requérante, qui prévoient que les fonctionnaires sont recrutés par concours, sont inapplicables en l'espèce ; que la priorité de recrutement accordée aux monégasques par la Loi n° 188 du 18 juillet 1934 relative aux fonctions publiques n'était pas applicable dès lors que la fonction attribuée par la décision attaquée ne constituait pas un emploi permanent et que l'accès à ces fonctions n'était ouvert qu'à des personnes déjà titulaires d'un emploi public ; que le rejet de la requête en annulation emporte le rejet de la demande d'indemnité ;

Vu, enregistrée comme ci-dessus le 20 juin 2000, la réplique présentée par Mme A. et tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et en outre par les motifs, que, dès lors que le poste de chargé du suivi des activités culturelles n'était offert qu'à des fonctionnaires, les dispositions du statut des fonctionnaires relatives au recrutement par concours étaient applicables au recrutement du fonctionnaire destiné à occuper ce poste ; que le silence gardé par l'Administration sur les conditions dans lesquelles la candidature de Mme R. a été retenue constitue un aveu de l'illégalité du recrutement ;

Vu l'Ordonnance, en date du 10 juillet 2000, par laquelle, le Président du Tribunal Suprême a ordonné la communication de la procédure à Mme S.-A. R., qui n'a pas présenté d'observations ;

Vu, enregistrée comme ci-dessus le 21 juillet 2000, la duplique présentée par le Ministre d'État tendant aux mêmes fins que la contre-requête, par les mêmes moyens et en outre par les motifs que Mme R., agrégée de l'Université comme Mme A., possède en outre une maîtrise d'histoire de lettres classiques et deux DEA ; qu'elle participe à une équipe de recherche du CNRS, justifie d'une solide formation musicale, a suivi pendant trois ans les cours d'histoire de l'art à l'École du Louvre, a assumé la responsabilité d'un club d'antiquité gréco-latine au collège de Moissy-Cramayel et a animé le club de théâtre du Lycée Albert 1er pendant plusieurs années ; que c'est après appréciation des mérites respectifs de Mesdames A. et R. que la candidature de cette dernière a été retenue ; qu'en l'absence d'un abus du pouvoir discrétionnaire, cette appréciation n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Loi n° 188 du 18 juillet 1934 relative aux fonctions publiques ;

Vu la Loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 6365 fixant les conditions d'application de la Loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires ;

Vu l'Ordonnance constitutionnelle du 17 décembre 1962, notamment les articles 89 à 92 ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance du 4 octobre 2000 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du 22 novembre 2000 ;

Ouï Monsieur Michel Bernard, membre titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Licari, avocat défenseur près la Cour d'appel pour Mme A. ;

Ouï, Maître Escaut, avocat défenseur près la Cour d'appel pour l'État de Monaco ;

Ouï Monsieur le Procureur Général, en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré,

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation pour excès de pouvoir :

Sur le moyen tiré de la violation du principe du recrutement des fonctionnaires par voie de concours :

Considérant qu'en vertu de l'article 18 de la Loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l'État, nul ne peut être nommé dans un emploi permanent de l'État s'il n'a pas satisfait notamment aux conditions prévues à l'article 20, qui dispose que, sous réserve des dispositions de l'article 4 relatives aux emplois supérieurs pour lesquels les nominations sont laissées à la seule décision de l'autorité compétente, les fonctionnaires sont recrutés par voie de concours ; que l'Ordonnance n° 6365 du 17 août 1978 fixant les conditions d'application de la loi précitée dispose, en son article 9, que  « les concours sont ouverts par des arrêtés ministériels qui mentionnent notamment : 1° le nombre, la nature et s'il y a lieu la catégorie des emplois mis au concours... » ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'organisation d'un concours n'est exigée que pour le recrutement de fonctionnaires en vue de leur nomination à des emplois permanents ;

Considérant que, par circulaire n° 99-42 du 5 octobre 1999, le Directeur de la fonction publique et des ressources humaines a fait savoir qu'il allait être procédé au recrutement pour la durée de l'année scolaire en cours et à mi-temps d'un chargé du suivi des activités culturelles à caractère éducatif à la Direction de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ; qu'en prévoyant que les personnes intéressées devaient présenter leur candidature par la voie hiérarchique, cette circulaire permettait aux seules personnes ayant déjà la qualité de fonctionnaire d'être candidats ; qu'elle n'avait pas pour objet de procéder au recrutement d'un fonctionnaire appelé à occuper un emploi permanent, mais seulement d'attribuer, pour une durée déterminée, une fonction à temps partiel à un fonctionnaire en activité, qui devait continuer à occuper l'emploi auquel il avait été nommé ; que, par la décision attaquée,

Mme R., professeur agrégé de lettres classiques, a été nommée chargée du suivi des activités culturelles à caractère éducatif auprès de la Direction de l'Éducation Nationale de la jeunesse et des sports, tout en conservant son emploi de professeur ; que les dispositions précitées de la Loi du 12 juillet 1975 et de l'Ordonnance du 17 août 1978 n'exigeaient pas que l'attribution de cette fonction fît l'objet d'un concours ; que dès lors, Mme A. n'est pas fondée à soutenir que, faute d'avoir été précédée d'un concours, la décision attaquée est intervenue en violation de ces dispositions ;

Sur le moyen tiré de la violation de la Loi du 18 juillet 1934,

Considérant qu'aux termes de la Loi n° 188 du 18 juillet 1934 relative aux fonctions publiques :  « Article 1er - sous réserve des accords avec le Gouvernement français, les fonctions publiques de l'État, de la commune et des établissements reconnus d'utilité publique, seront attribuées par priorité aux Monégasques qui rempliront les conditions d'aptitude exigées. Article 2 - Un avis inséré au Journal de Monaco indiquera les emplois vacants dans les services publics et les conditions d'admission » ; que la priorité prévue à l'article 1er n'est applicable que pour la nomination aux emplois vacants mentionnés à l'article 2 ;

Considérant que la fonction de chargé du suivi des activités culturelles à la Direction de l'Éducation Nationale, de la jeunesse et des sports, attribuée par la décision attaquée à Mme R., qui a conservé l'emploi auquel elle avait été précédemment nommée, ne constitue pas un emploi, au sens des dispositions précitées de la Loi du 18 juillet 1934 ; que, dès lors, Mme A. n'est pas fondée à se prévaloir de ces dispositions pour contester la légalité de la décision attaquée ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnité :

Considérant que le rejet de la présente décision, comme non fondée, des conclusions à fin d'annulation à Mme A., entraîne, par voie de conséquence, celui des conclusions à fin d'indemnité qui en résultent ;

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er

- La requête de Madame A. est rejetée.

Article 2

- Les dépens sont mis à la charge de Madame A.

Article 3

- Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26800
Date de la décision : 23/11/2000

Analyses

Fonction publique civile et militaire


Parties
Demandeurs : Mme I. A.
Défendeurs : Ministre d'Etat

Références :

Loi du 12 juillet 1975
article 18 de la Loi n° 975 du 12 juillet 1975
Vu l'Ordonnance constitutionnelle du 17 décembre 1962
Loi du 18 juillet 1934
Loi n° 188 du 18 juillet 1934
article 1er de la Loi n° 188 du 18 juillet 1934
Ordonnance du 4 octobre 2000
Ordonnance n° 6365 du 17 août 1978
Loi n° 975 du 12 juillet 1975
Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
Ordonnance du 17 août 1978
articles 6 et 9 de l'Ordonnance n° 6365 du 17 août 1978


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2000-11-23;26800 ?

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