La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/11/2000 | MONACO | N°26799

Monaco | Tribunal Suprême, 23 novembre 2000, Sieur T. M. c/ Centre Hospitalier Princesse Grace


Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Agent contractuel de droit public - Recours en annulation - Décision faisant grief.

Fonctionnaires et agents publics

Agent contractuel - Applicabilité du statut du personnel médical.

Responsabilité de la puissance publique

Absence de préjudice - Absence de droit à indemnité.

Motifs

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en formation plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête présentée par Monsieur T. M., médecin hygiéniste, enregistrÃ

©e au greffe général de la Principauté de Monaco le 9 mars 2000 et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision d...

Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Agent contractuel de droit public - Recours en annulation - Décision faisant grief.

Fonctionnaires et agents publics

Agent contractuel - Applicabilité du statut du personnel médical.

Responsabilité de la puissance publique

Absence de préjudice - Absence de droit à indemnité.

Motifs

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en formation plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête présentée par Monsieur T. M., médecin hygiéniste, enregistrée au greffe général de la Principauté de Monaco le 9 mars 2000 et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du Directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace en date du 12 janvier 2000 mettant fin au contrat de travail de ce praticien, ainsi qu'à la condamnation du Centre Hospitalier à lui verser 100 000 francs à titre de dommages et intérêts ;

Ce faire :

Attendu que M. M., médecin hygiéniste au Centre Hospitalier Princesse Grace a été informé par lettre du Directeur en date du 10 décembre 1998, de la rupture du contrat qu'il avait signé le 12 janvier 1994 ; que le 17 novembre 1999, le Tribunal Suprême a annulé cette décision au motif qu'ayant été « prise sans que l'intéressé ait pu connaître les faits qui lui étaient imputés et présenter ses explications », elle avait méconnu « les principes généraux du droit, notamment le respect des droits de la défense obligeant l'autorité compétente à faire connaître à l'intéressé les motifs d'une mesure prise en considération de la personne et à lui permettre de s'expliquer » : que par lettre du 25 novembre 1999, restée sans réponse, M. M. a mis en demeure le Centre Hospitalier de le réintégrer sans délai et de payer ses arriérés de salaires ; que reçu à sa demande par le Directeur en présence de deux autres membres de la Direction le 7 janvier 2000, il était immédiatement informé de son nouveau licenciement en application de la décision du Conseil d'Administration du 25 novembre 1998, sans avoir été mis en mesure de préparer et de présenter sa défense ;

Attendu que par lettre du 12 janvier 2000 qui constitue la décision attaquée le Directeur du Centre mettait fin à son contrat aux motifs : - manque de résultats dans son activité et - insatisfaction générale de ses collègues ; que prise en application de la décision du Conseil d'Administration du 25 novembre 1998, cette décision du Directeur ne ferait que réitérer la décision annulée sans davantage respecter les droits de la défense ; que M. M. en demande l'annulation car même si le Tribunal Suprême estimait qu'il s'agissait d'une nouvelle décision, cette dernière serait entachée de la même nullité que celle du 10 décembre 1998 ; il demande en outre le paiement par le Centre Hospitalier d'une somme de 100 000 francs à titre de dommages et intérêts ;

Vu la contre-requête présentée au nom du Centre Hospitalier Princesse Grace, enregistrée le 11 mai 2000 et concluant au rejet de la requête aux motifs que :

* la décision attaquée n'est pas une réitération de la décision du 10 décembre 1998 ; que l'annulation de la décision du 10 décembre 1998 étant intervenue pour méconnaissance des droits de la défense et non pour un motif de fond, l'Administration est fondée à prendre une nouvelle décision dans le respect des règles de procédure dont la violation avait provoqué l'annulation de la décision antérieure et dont l'objet est identique ; qu'à la suite d'une lettre du 3 janvier 2000 par laquelle le Directeur du Centre convoquait M. M. pour un entretien concernant sa situation, lors de la réunion du 7 janvier le requérant invité à présenter ses observations s'est abstenu de s'expliquer ; qu'en conséquence, les motifs ayant fondé la décision du 10 décembre 1998 subsistant, le Directeur du Centre a pu à bon droit notifier à M. M. la fin de son contrat par la lettre du 12 janvier qui constitue une nouvelle décision ;

* le requérant soutient à tort qu'il n'a pas été « informé des griefs qui lui étaient faits, n'a (pas) eu accès à son dossier et n'a (pas) été convoqué pour s'expliquer, avec l'avertissement qu'il devait préparer sa défense » ; qu'en effet, dès 1994, différentes lettres l'ont averti que son travail et son comportement n'étaient pas satisfaisants ; que ces griefs ont été explicités dans la contre-requête déposée au cours de la procédure précédente devant le Tribunal Suprême ; qu'il ne peut valablement prétendre avoir ignoré l'objet de l'entretien du 7 janvier dès lors que la convocation du 3 janvier concernait sa « situation » et qu'il était donc en mesure de préparer sa défense ; qu'enfin, au cours de la réunion du 7 janvier il s'est abstenu de toute explication ;

* la demande d'indemnisation du préjudice que M. M. aurait subi est également dépourvue de tout fondement ; qu'à la suite de la décision du Tribunal Suprême il a perçu l'intégralité des rémunérations dues au titre de l'année 1999 ; que, consécutivement à la décision administrative du 14 janvier 2000, il a perçu une somme correspondant à deux mois de préavis et le montant d'un mois de congé annuel, de même qu'une indemnité pour perte d'emploi à compter du 15 avril 2000 et pendant trente-cinq mois dont neuf mois au taux normal et vingt-sept mois au tarif dégressif ;

Vu la réplique présentée par M. M., enregistrée le 8 juin 2000, tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et en outre par les motifs que la règle « non bis in idem » s'appliquant aussi en matière disciplinaire, le Centre Hospitalier ne pouvait répéter une mesure d'exclusion précédemment annulée, fût-ce pour des raisons de forme et se fondant sur les mêmes motifs ;

Que la forme n'a de nouveau pas été respectée ; qu'en l'absence de toute précision relative à l'objet réel de la réunion dans la lettre de convocation du 3 janvier 2000 à un entretien concernant sa « situation », M. M. avait pu en effet espérer qu'il s'agissait de préciser les conditions de sa réintégration ; qu'il n'avait donc pas cru utile de se faire assister par un défenseur ; qu'en l'absence de toute indication relative à la possibilité d'avoir accès à son dossier avant l'entretien, règle indissociable des droits de la défense, en particulier pour les agents publics lorsqu'ils font l'objet de mesures prises en considération de la personne, M. M. n'avait pu s'en prévaloir pour préparer sa défense ; qu'aucun des participants à la réunion du 7 janvier ne lui avait demandé quoi que ce soit ; que d'ailleurs la décision avait déjà été prise en application de celle du Conseil d'Administration du 25 novembre 1998 ;

Vu la duplique du Centre Hospitalier Princesse Grace, déposée le 12 juillet 2000, tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et, en outre, par les motifs que la nouvelle décision attaquée n'étant pas une mesure de licenciement mais une mesure de non-renouvellement du contrat, la règle « non bis in idem » ne peut s'appliquer en l'espèce ;

Que la prétendue violation de la forme est dénuée de tout fondement ; que le fait d'organiser un entretien prouve bien que la décision n'avait pas été prise avant le 7 janvier 2000 ; que l'organisation de cet entretien est bien conforme à la décision du juge administratif ; que le requérant avait déjà eu connaissance des griefs ; qu'il a été expressément invité à s'expliquer ; que l'assistance d'un défenseur n'est obligatoire que si un texte la prévoit ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Loi n° 127 du 15 janvier 1930 constituant l'Hôpital en établissement public autonome ;

Vu la Loi n° 918 du 27 décembre 1971 sur les établissements publics ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 5095 du 13 février 1973 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Centre Hospitalier Princesse Grace ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 7928 du 6 mars 1984 portant statut du personnel médical et assimilé au Centre Hospitalier Princesse Grace ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 13839 du 29 décembre 1998 portant statut des praticiens hospitaliers au Centre Hospitalier Princesse Grace ;

Vu l'Ordonnance constitutionnelle du 17 décembre 1962, notamment son article 90 ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance du Président du Tribunal Suprême renvoyant la cause à l'audience du 22 novembre 2000 ;

Ouï Monsieur Maurice Torrelli, vice-président, en son rapport ;

Ouï Maître Licari, avocat défenseur près la Cour d'appel pour M. M. ;

Ouï Maître Evelyne Karczag-Mencarelli, avocat défenseur près la Cour d'appel pour le Centre Hospitalier ;

Ouï Monsieur le Procureur Général ;

Après en avoir délibéré,

Considérant que par une décision du 17 novembre 1999 le Tribunal Suprême a annulé la décision du Directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace en date du 10 décembre 1998 mettant fin au contrat de médecin hygiéniste à plein temps de M. M. au motif que :

« S'il appartenait à l'établissement public, en l'absence de toute disposition applicable à cette catégorie d'agents contractuels, de mettre fin à tout moment à son engagement dans le seul intérêt du service, la décision ne pouvait être prise sans que l'intéressé ait pu connaître les faits qui lui étaient imputés et présenter ses explications ; que la décision méconnaît donc les principes généraux du droit, notamment le respect des droits de la défense obligeant l'autorité compétente à faire connaître à l'intéressé les motifs d'une mesure prise en considération de la personne et à lui permettre de s'expliquer » ;

Considérant que M. M. demande l'annulation de la décision prise par le Directeur du Centre Hospitalier qui, après l'avoir entendu et en application de la décision du Conseil d'Administration du 25 novembre 1998, l'a informé par lettre du 12 janvier 2000 qu'il était mis fin à son contrat aux motifs suivants : - manque de résultats concernant l'activité qui lui incombait et - insatisfaction générale manifestée par ses collègues à son encontre ;

Considérant que l'annulation de la décision du 10 décembre 1998 n'empêchait pas l'autorité compétente de prendre une nouvelle décision dans le respect des règles en vigueur à la date de son adoption ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête :

Considérant que l'annulation de la décision du 10 décembre 1998 du Directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace a entraîné de plein droit la réintégration du requérant dans sa fonction à compter de la date de son éviction ; que l'Ordonnance souveraine n° 13839 du 29 décembre 1998 portant nouveau statut des praticiens hospitaliers est, d'après son article 134, entrée en vigueur à partir du 1er janvier 1999 ; que d'après son article 133, l'ensemble de ses dispositions sont « applicables aux praticiens hospitaliers recrutés à titre contractuel sur décision du Conseil d'Administration » à l'exception des dispositions expressément écartées ; que dès lors M. M. était en droit de bénéficier des garanties prévues par les articles 88 et suivants, lui permettant notamment, de comparaître devant la Commission appelée à statuer sur l'insuffisance professionnelle du praticien (art. 92) et d'avoir « communication de son dossier deux mois avant sa comparution devant la Commission... de se faire assister par un ou plusieurs experts de son choix et citer des témoins... » (art. 93) ; que la décision du 12 janvier 2000 doit être annulée pour vice de procédure ;

Sur les conclusions à fins d'indemnité :

Considérant qu'en vertu de l'article 90 B de la Constitution, le Tribunal Suprême est compétent pour octroyer les indemnités qui résultent d'une annulation pour excès de pouvoir ; qu'en l'absence de toute justification d'un préjudice directement lié à cette annulation, ces conclusions doivent être rejetées ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Décide :

Article 1er

La décision du directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace en date du 12 janvier 2000 est annulée.

Article 2

Le surplus des conclusions est rejeté.

Article 3

Les dépens sont mis à la charge du Centre Hospitalier Princesse Grace.

Article 4

- Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État et au Centre hospitalier Princesse Grace.

Décide :

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26799
Date de la décision : 23/11/2000

Analyses

Établissement de santé ; Professions médicales et paramédicales


Parties
Demandeurs : Sieur T. M.
Défendeurs : Centre Hospitalier Princesse Grace

Références :

Loi n° 918 du 27 décembre 1971
Ordonnance souveraine n° 5095 du 13 février 1973
Vu l'Ordonnance constitutionnelle du 17 décembre 1962
Ordonnance souveraine n° 7928 du 6 mars 1984
Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
article 90 B de la Constitution
Ordonnance souveraine n° 13839 du 29 décembre 1998
Loi n° 127 du 15 janvier 1930


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2000-11-23;26799 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award