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03/02/1994 | MONACO | N°26391

Monaco | Tribunal Suprême, 3 février 1994, Monsieur G. c/ Ministre d'Etat


Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours pour excès de pouvoir - Mesure individuelle prise en exécution d'une loi - Exception d'inconstitutionnalité de la loi Rejet

Droits et libertés constitutionnels

Liberté du travail - Exercice par les étrangers des droits non exclusivement réservés aux nationaux.

Actes administratifs

Acte individuel - Autorisation d'embauchage - Motivation non obligatoire.

Motifs

Le Tribunal Suprême

Siégeant en section administrative,

Vu la requête présentée par le sieur A. 

G., de nationalité tunisienne, aide-maçon, demeurant ..., Italie, ladite requête enregistrée au Greffe Général le 23 avril...

Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours pour excès de pouvoir - Mesure individuelle prise en exécution d'une loi - Exception d'inconstitutionnalité de la loi Rejet

Droits et libertés constitutionnels

Liberté du travail - Exercice par les étrangers des droits non exclusivement réservés aux nationaux.

Actes administratifs

Acte individuel - Autorisation d'embauchage - Motivation non obligatoire.

Motifs

Le Tribunal Suprême

Siégeant en section administrative,

Vu la requête présentée par le sieur A. G., de nationalité tunisienne, aide-maçon, demeurant ..., Italie, ladite requête enregistrée au Greffe Général le 23 avril 1993 et tendant à ce qu'il plaise au Tribunal Suprême d'annuler une décision en date du 25 février 1993 prise par la direction des Travaux Publics et des Affaires Sociales par laquelle le sieur G. se voyait refuser son autorisation d'embauchage ;

Ce faisant,

Attendu que le requérant fait valoir qu'il a déposé une demande d'autorisation d'embauchage et de permis de travail datée du 23 février 1993, reçu le lendemain 24 par le service compétent ;

Dès le 25 février, une décision de refus était prise sans motivation ;

Régulièrement domicilié et ayant travaillé à Monaco il y a plusieurs années, ne faisant objet d'aucun renseignement défavorable, il ne pouvait se voir opposer aucun motif valable à l'obtention du permis de travail ;

La priorité d'emploi pour les Monégasques ne peut être en cause car aucun Monégasque n'est intéressé par l'emploi proposé ;

Il serait donc inconstitutionnel de faire une distinction entre diverses catégories d'étrangers ;

Cet état de fait serait contraire aux articles 25 et 32 de la Constitution qui, sous réserve de la priorité accordée aux Monégasques, garantissent la liberté du travail pour les étrangers ;

Vu la décision attaquée ;

Vu la contre-requête de son Excellence Monsieur le Ministre d'État en date du 25 juin 1993 demandant que la requête soit rejetée avec toutes conséquences de droit ;

Attendu que les conditions d'embauchage en Principauté de Monaco sont régies par les dispositions de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 modifiée qui institue un régime d'autorisation préalable à l'emploi, dans le secteur privé, de salariés étrangers, dont les modalités sont déterminées par ses articles 2 à 5 ;

S'agissant du bénéficiaire de l'embauche et à aptitudes égales, l'Administration a compétence liée pour la délivrance des autorisations au regard d'un ordre de priorité entre catégories d'étrangers, hiérarchie qui procède exclusivement de la prise en considération de la nature des liens avec la Principauté des personnes considérées, quelle que soit leur nationalité, sur le fondement de critères précis et objectifs ;

En dehors du respect de cet ordre de priorités, les dispositions susvisées n'assortissent la délivrance ou le refus des autorisations en cause d'aucune autre condition légale de fond, l'Administration disposant donc d'un pouvoir discrétionnaire ;

L'Administration n'a pas à motiver ses décisions de refus en la matière dès lors que la loi ne le lui impose pas expressément, conformément aux travaux préparatoires au cours desquels la question a été explicitement traitée et à un principe général dégagé par la jurisprudence du Tribunal Suprême ;

Au titre du droit comparé, le Code français du travail admet également un régime d'autorisation préalable pour l'étranger désireux d'exercer une activité professionnelle, le refus étant d'après la jurisprudence citée justifié par des considérations d'emploi local ;

Le service compétent, a, en conséquence, respecté la procédure légale. En effet, trois candidatures de travailleurs demeurant dans les communes limitrophes, donc prioritaires selon la loi, ont été présentées à l'employeur pour un emploi ne nécessitant aucune qualification particulière ;

L'employeur a néanmoins refusé l'embauche des candidats et opté pour celle du requérant. Or, selon l'article 3 de la loi n° 629, l'employeur ne peut proposer de lui-même un candidat que dans le cas où aucune présentation n'a été effectuée par l'Administration dans le délai de quatre jours francs à compter du dépôt de l'offre d'emploi. La prétention de l'employeur ne pouvait donc donner lieu qu'à un refus d'autorisation ;

Quant à l'invocation des dispositions constitutionnelles, elle s'avère inopérante dès lors que l'acte déféré au juge administratif a été pris conformément à la loi, celle-ci faisant écran entre ledit acte et la Constitution ;

À titre tout à fait subsidiaire, il est rappelé que, si le requérant a pu dans le passé travailler à Monaco, c'est qu'il était régulièrement domicilié dans la commune limitrophe de Roquebrune et conséquemment prioritaire au sens de la loi n° 629. Or, d'après les renseignements recueillis par la police monégasque, l'intéressé aurait fait l'objet d'une mesure d'interdiction de séjour en France et ne pourrait plus justifier d'une autorisation régulière d'entrée sur le territoire français faisant obstacle en application des règles en vigueur issues de la Convention de voisinage du 18 mai 1963 et de l'Ordonnance Souveraine d'application n° 3153, à l'entrée sur le territoire monégasque. Une précédente demande d'embauche avait d'ailleurs déjà été refusée en 1985 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution et notamment ses articles 25 et 32 ;

Vu la loi n° 629 du 17 juillet 1957, modifiée, tendant à réglementer les conditions d'embauchage et de licenciement en Principauté ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1983, modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance de renvoi de Monsieur le Président du Tribunal Suprême en date du 27 décembre 1993 ;

Ouï Monsieur Charles, Membre Suppléant du Tribunal Suprême en son rapport ;

Ouï Maîtres Pastor et Sbarrato, avocats-défenseurs, en leurs observations orales ;

Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions ;

Considérant que Monsieur G. demande l'annulation de la décision de refus de l'autorisation d'embauchage et de délivrance de permis de travail en date du 25 février 1993 le concernant ;

Considérant que, selon l'article premier de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 « aucun étranger ne peut occuper un emploi privé à Monaco s'il n'est titulaire d'un permis de travail » ; que l'article 2 du même texte prescrit que « toute offre d'emploi doit être déclarée par l'employeur à la direction de la main d'œuvre et des emplois qui lui adresse, dans les quatre jours francs de la déclaration, le ou les candidats à l'emploi. À défaut de présentation dans ce délai, l'employeur peut proposer un autre candidat ». Que l'article 5 dans la rédaction issue de la loi n° 1091 du 26 décembre 1985 énonce que « pour les candidats possédant les aptitudes nécessaires à l'emploi, et à défaut de travailleurs de nationalité monégasque, l'autorisation prévue à l'article précédent est délivrée selon l'ordre de priorité suivant :

1° étrangers mariés à une monégasque ayant conservé sa nationalité et non légalement séparés et étrangers nés d'un auteur direct monégasque,

2° étrangers domiciliés à Monaco et y ayant déjà exercé une activité professionnelle,

3° étrangers domiciliés dans les communes limitrophes et autorisés à y travailler ».

Sur l'absence de motivation de la décision attaquée :

Considérant que ces textes ne font aucune obligation à l'Administration de motiver la mesure de refus ; que, par la suite, le requérant ne peut utilement soutenir que la décision attaquée n'était pas motivée ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant que l'entreprise C.L. Technic Bâtiment a effectué le 22 février 1993 la déclaration d'offre d'un emploi de manœuvre ; que le lendemain le service de l'emploi a présenté trois candidats, tous de nationalité étrangère demeurant dans des communes limitrophes, donc entrant dans la troisième catégorie prévue à l'article 5 susvisé et possédant les aptitudes nécessaires à l'emploi en cause ; que l'entreprise a refusé les trois candidatures prioritaires et opté pour le requérant, de nationalité tunisienne, demeurant en Italie, sans justifier des raisons de ses refus ;

Considérant que, dans ces conditions, l'autorité compétente était tenue de refuser l'embauchage d'un candidat non présenté par le service de l'emploi ;

Sur l'exception d'inconstitutionnalité :

Considérant que la liberté du travail, dont l'article 25 de la Constitution précise que son exercice est réglementé par la loi, n'est pas remise en cause par la décision critiquée ;

Considérant que l'ordre de priorité établi par la loi n° 629 du 17 juillet 1957 repose sur des critères indifférents à la nationalité de l'étranger postulant et qui ne sont pas incompatibles avec l'article 32 de la Constitution assurant à l'étranger la jouissance dans la Principauté de tous les droits publics et privés qui ne sont pas formellement réservés aux nationaux ;

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er

- La requête susvisée en date du 23 avril 1993 au sieur G. est rejetée ;

Article 2

- Les dépens sont mis à la charge du sieur G. ;

Article 3

- Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26391
Date de la décision : 03/02/1994

Analyses

Contrats de travail ; Loi et actes administratifs unilatéraux


Parties
Demandeurs : Monsieur G.
Défendeurs : Ministre d'Etat

Références :

article premier de la loi n° 629 du 17 juillet 1957
Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1983
articles 25 et 32 de la Constitution
article 32 de la Constitution
Vu la Constitution
loi n° 1091 du 26 décembre 1985
article 25 de la Constitution
loi n° 629 du 17 juillet 1957


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;1994-02-03;26391 ?

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