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26/06/1986 | MONACO | N°25052

Monaco | Tribunal Suprême, 26 juin 1986, Monsieur J. R. c/ Ministre d'État


Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Requête dirigée contre l'acte rejetant la candidature d'un concurrent - Requête regardée comme dirigée contre les opérations d'un concours administratif - Recevabilité.

Fonctionnaires et agents publics

Entrée en service - Concours - Valeurs et titres des candidats - Équivalence intervenant après l'admission à concourir - Irrégularité susceptible d'entacher la validité du concours - Caractère non substantiel - Appréciation du jury non susceptible d'être discutée devant le Tribu

nal Suprême

Motifs

LE TRIBUNAL SUPRÊME,

Réuni en Assemblée Plénière, siégeant et délibé...

Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Requête dirigée contre l'acte rejetant la candidature d'un concurrent - Requête regardée comme dirigée contre les opérations d'un concours administratif - Recevabilité.

Fonctionnaires et agents publics

Entrée en service - Concours - Valeurs et titres des candidats - Équivalence intervenant après l'admission à concourir - Irrégularité susceptible d'entacher la validité du concours - Caractère non substantiel - Appréciation du jury non susceptible d'être discutée devant le Tribunal Suprême

Motifs

LE TRIBUNAL SUPRÊME,

Réuni en Assemblée Plénière, siégeant et délibérant en matière administrative,

Vu la requête en date du 2 décembre 1985 présentée par Monsieur J. R. et tendant à ce qu'il plaise au Tribunal Suprême :

Annuler la décision du Gouvernement Princier à lui notifiée par lettre de Monsieur le Conseiller de Gouvernement pour l'Intérieur en date de 4 octobre 1985, rejetant sa candidature au poste de chirurgien-chef du service orthopédie au Centre Hospitalier Princesse Grace ;

Ce faire,

Attendu que, se réservant à titre préliminaire de soulever tous moyens de forme contre la décision elle-même ainsi que contre les avis émis par le jury de concours et le Comité Supérieur Médical après production par l'Administration de ces documents, le sieur R. soutient que le diplôme allemand de chirurgie orthopédique qui lui a été délivré en 1982 par le Land Bavière est l'équivalent du diplôme français de spécialiste en orthopédie tant au regard de la loi française (arrêté interministériel du 18 juin 1981) que des normes communautaires, équivalence légale expressément admise à Monaco où l'Ordre des médecins de la Principauté, lui a, à ce titre, reconnu, par décision du 10 septembre 1982, la qualification exclusive en orthopédie ; qu'il s'ensuit que le Comité supérieur médical n'avait aucun pouvoir d'appréciation sur ladite équivalence, que son avis doit, en conséquence, être considéré comme nul et non avenu et que la décision attaquée, qui n'a pas d'autre fondement, ne peut qu'être annulée ;

Vu la contre-requête présentée le 4 février 1986 par le Ministre d'État qui, produisant les procès-verbaux des réunions du jury et du Conseil Supérieur Médical demandées par Monsieur R. et déniant à celui-ci tout droit à une décision spécifique de rejet de sa candidature autre que l'information qui lui a été notifiée, conclut au rejet de la requête motif pris :

* que le requérant admis à concourir sans que lui soit opposée l'absence d'équivalence de ses titres avec ceux qui étaient exigés par l'avis de vacance d'emploi est sans intérêt à critiquer l'appréciation exprimée sur ce point par le Comité Supérieur Médical postérieurement à la décision du jury ; que, subsidiairement, il n'existe pas d'équivalence de plano entre les titres invoqués et ceux qu'exigeait l'avis de vacance ; que l'argumentation tirée des « normes communautaires » est au surplus vaine pour la Principauté qui n'est pas membre de la Communauté Économique Européenne ; qu'enfin, la requête s'abstient même de préciser laquelle des conditions exigées par l'avis de vacance d'emploi serait l'équivalente des titres produits ;

* que, d'autre part, l'appréciation du jury de concours ne saurait être discutée devant le Tribunal Suprême ;

Vu le mémoire en réplique présenté le 4 mars 1986 par lequel le requérant persiste dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens et, en outre, par les motifs suivants :

Qu'il résulte des termes de l'article 6 de l'avis de vacance d'emploi que les titres et diplômes produits ne sont pas des éléments de l'admission à concourir, mais des éléments déterminant le choix et le classement par ordre de mérite des candidats et qu'ainsi la contre-requête ne saurait prétendre que le requérant admis à concourir n'est plus recevable à critiquer l'appréciation portée par le jury sur la portée de ses titres et diplômes ;

Que, de même, le Ministre d'État ne peut valablement prétendre que l'avis du Comité Supérieur Médical communiqué à titre d'information à Monsieur R. ne lui fait pas grief, alors que le Tribunal Suprême (Demoiselle S. - 27 juin 1978) a jugé que la requête tendant à l'annulation de la décision portant à la connaissance d'un candidat écarté les résultats d'un concours doit être regardée comme dirigée contre les opérations du concours et qu'elle est donc recevable ;

Qu'il résulte des dates respectives des délibérations du Comité Supérieur Médical et du jury que celui-ci s'est prononcé en considération de titres et diplômes dont l'équivalence avec les titres et diplômes requis par l'avis de vacance était déterminante avant que le Comité Médical seul compétent pour apprécier celle-ci ait été consulté ; qu'en jugeant que seul le Docteur B. était apte à occuper le poste, le jury s'est nécessairement prononcé sur l'équivalence des titres et a outrepassé ses droits ;

Que le Comité Supérieur Médical lui-même, en sa délibération a méconnu ses pouvoirs en déclarant ne devoir délivrer qu'une « consultation » alors qu'il avait la mission d'exprimer un avis préalable devant déterminer l'appréciation du jury ;

Qu'enfin, le requérant a justifié de la condition requise d'avoir exercé au moins deux ans en qualité de chef de service titulaire dans un hôpital général public par la production du diplôme allemand d'orthopédie délivré par le Land de Bavière lequel implique la responsabilité d'un service pendant deux ans et demi ; qu'il ne pouvait donc être écarté qu'en considération du classement par ordre de mérite, et ce d'autant plus que l'équivalence de plein droit dont il se prévalait était parfaitement fondée, eu égard aux équivalences établies entre les diplômes allemands et français sur des bases communautaires et entre les diplômes français et monégasques sur des bases bi-latérales ;

Vu le mémoire en duplique du Ministre d'État du 7 avril 1986 persistant dans les conclusions de la contre-requête par les mêmes moyens, et en outre par les motifs ;

Que l'indépendance des opérations d'admission à concourir et de celle du concours lui-même est un principe fondamental qui régit les concours administratifs et qu'en prévoyant, après avoir énoncé les conditions requises pour concourir, la possibilité d'une équivalence appréciée par le Comité Supérieur Médical des titres produits par un candidat ne possédant pas ceux qu'il vise, l'arrêté ministériel n° 85-152 du 26 mars 1985 relatif au recrutement du personnel médical du Centre Hospitalier Princesse Grace n'a eu d'autre objet que de permettre à certains candidats démunis des titres requis de se présenter sans conférer au Comité Médical une compétence concurrente avec celle du jury ; que c'est donc à tort que le requérant soutient que l'appréciation du comité est déterminante du classement et du choix des candidats par le jury et doit donc être préalable ;

Que, d'autre part, la discussion de l'appréciation du Comité Supérieur Médical postérieure à la décision du jury est à la fois irrecevable comme étant un simple avis insusceptible de recours et inopérante puisque, le jury n'ayant pas retenu la candidature du docteur R., l'autorité de nomination n'aurait en aucun cas procédé à sa nomination ; qu'enfin, surabondamment, la prétendue équivalence de plein droit dont il s'est prévalu n'est pas fondée et ne peut d'ailleurs être discutée au contentieux ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'Ordonnance constitutionnelle du 17 décembre 1962, notamment ses articles 88 à 92 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 7928 du 6 mars 1984 portant statut du personnel médical et assimilé du Centre Hospitalier Princesse Grace, notamment ses articles 13, 14 et 15 ; l'arrêté ministériel n° 85-152 du 26 mars 1985 ainsi que l'avis de vacance d'emploi relatif au recrutement d'un chirurgien orthopédiste au Centre Hospitalier Princesse Grace publié au Journal de Monaco du 21 juin 1985 ;

Vu l'Ordonnance du 22 avril 1986 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a ordonné le renvoi de la cause devant l'Assemblée plénière du Tribunal Suprême ;

Ouï Monsieur Félix Boucly, membre du Tribunal Suprême en son rapport ;

Ouï Maître Blot Georges, Maître Jean-Marie Defrenois et la S.C.P. Piwnica et Molinié, en leurs observations orales ;

Ouï Madame le Procureur Général en ses conclusions ;

Considérant que la requête du Docteur R. tend à l'annulation par le Tribunal Suprême de la décision du Gouvernement Princier, portée à sa connaissance par une lettre de Monsieur le Conseiller de Gouvernement pour l'Intérieur en date du 4 octobre 1985, de ne pas retenir sa candidature au concours ouvert par un avis de vacance d'emploi publié au Journal de Monaco du 21 juin 1985 pour le recrutement d'un chirurgien, chef du service d'orthopédie du Centre Hospitalier Princesse Grace ; que cette requête qui sollicite « à titre liminaire » la production des avis émis respectivement par le jury de concours et par le Comité Supérieur Médical doit être regardée comme dirigée contre les opérations du concours et qu'elle est donc recevable ;

Considérant que le docteur R. soutient d'abord, à l'appui de sa requête que, faute de l'avis préalable du Comité Supérieur Médical sur l'équivalence des titres produits, le jury de concours qui a écarté sa candidature a dû se prononcer lui-même sur cette équivalence déterminante de son choix et a par suite outrepassé ses pouvoirs, en tranchant un problème de la compétence exclusive dudit Comité Supérieur Médical ;

Considérant qu'il résulte de l'arrêté ministériel n° 85-152 du 26 mars 1985 relatif au recrutement du personnel médical du Centre Hospitalier Princesse Grace que certains titres autres que ceux que ce texte exige comme conditions de participation au concours peuvent permettre cette participation à leurs détenteurs lorsque le Conseil Supérieur Médical admet leur équivalence ;

Que l'ordonnance n° 7928 du 6 mars 1984 portant statut du personnel du même Centre Hospitalier règlemente le concours en disposant en ses articles 14 et 15 qu'il appartient au Directeur de l'Action sanitaire et sociale d'arrêter la liste des candidats admis à concourir et au jury de « dresser par ordre de mérite, en fonction des diplômes, titres et références des candidats, la liste de ceux d'entre eux qui sont susceptibles d'être nommés aux emplois vacants » ; qu'il suit du rapprochement de ces textes, dont les dispositions applicables sont reproduites dans l'avis de vacances d'emploi, que l'appréciation de l'équivalence des titres produits par les candidats est une opération relative à l'établissement de la liste de ceux qui sont admis à concourir et totalement distincte de la sélection confiée au jury qui exerce souverainement son choix parmi eux en considération de l'ensemble de leurs titres, diplômes et références ;

Considérant que l'arrêté susvisé du 26 mars 1985 ne reconnaît de compétence pour apprécier l'équivalence des titres à aucune autorité autre qu'au Conseil Supérieur Médical ; que, par suite, la circonstance que le jury a statué sur les mérites des candidats dont le docteur R. sans attendre la décision du Conseil Supérieur Médical appréciant lesdites équivalences constitue une irrégularité susceptible d'entacher la validité du concours ;

Mais, considérant que la circonstance que le jury a apprécié les mérites du Docteur R. au même titre que ceux des autres candidats établit que cette irrégularité n'a pas porté grief au requérant et n'a pas, de ce fait, revêtu un caractère substantiel qui, seul, eût été susceptible d'entraîner l'annulation du concours ;

Considérant que le Docteur R. conteste ensuite l'appréciation de l'équivalence de ses titres par le Conseil Supérieur Médical postérieurement à la décision du jury en soutenant que ce Conseil a méconnu ses pouvoirs d'une part, en déclarant ne devoir délivrer qu'une simple « consultation », d'autre part, en déniant l'équivalence demandée, alors que, celle-ci lui étant acquise de plein droit en application des « normes communautaires » et d'accords bi-latéraux, le Conseil n'avait plus à l'apprécier mais seulement à la constater ;

Considérant que, le jury ayant, par une décision régulière et dont l'appréciation échappe au juge de l'excès de pouvoir, procédé au choix du candidat déclaré seul apte à occuper l'emploi de chirurgien, chef du service d'orthopédie au Centre Hospitalier Princesse Grace, l'avis du Conseil Supérieur Médical émis postérieurement à cette décision est inopérant ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

DÉCIDE :

Article 1er

La requête est rejetée ;

Article 2

Les dépens sont mis à la charge du requérant ;

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25052
Date de la décision : 26/06/1986

Analyses

Compétence ; Procédure administrative ; Fonction publique


Parties
Demandeurs : Monsieur J. R.
Défendeurs : Ministre d'État

Références :

Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
arrêté ministériel n° 85-152 du 26 mars 1985
Vu l'Ordonnance constitutionnelle du 17 décembre 1962
Ordonnance Souveraine n° 7928 du 6 mars 1984
Ordonnance du 22 avril 1986


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;1986-06-26;25052 ?

Source

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