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25/06/1986 | MONACO | N°25048

Monaco | Tribunal Suprême, 25 juin 1986, Dame de C. c/ État de Monaco


Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Compétence (ouï) pour demande en indemnité résultant d'une annulation pour excès de pouvoir ou fondée sur l'illégalité d'un acte administratif.

Recours en cassation

Compétence (non) pour se prononcer sur les pourvois formés contre les arrêts de la Cour d'appel, statuant en matière administrative - Compétence (ouï) de la Cour de révision.

Motifs

LE TRIBUNAL SUPRÊME,

Réuni en Assemblée Plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête en date du 26 novembre

1985, présentée par la dame de C. et tendant à ce qu'il plaise au Tribunal Suprême :

* annuler un arrêt du 28 mars 198...

Abstract

Compétence

Contentieux administratif - Compétence (ouï) pour demande en indemnité résultant d'une annulation pour excès de pouvoir ou fondée sur l'illégalité d'un acte administratif.

Recours en cassation

Compétence (non) pour se prononcer sur les pourvois formés contre les arrêts de la Cour d'appel, statuant en matière administrative - Compétence (ouï) de la Cour de révision.

Motifs

LE TRIBUNAL SUPRÊME,

Réuni en Assemblée Plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête en date du 26 novembre 1985, présentée par la dame de C. et tendant à ce qu'il plaise au Tribunal Suprême :

* annuler un arrêt du 28 mars 1985 par lequel la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, statuant en matière administrative, l'a déboutée, en sa qualité de propriétaire d'un terrain de 738 mètres carrés, de ses demandes tendant à faire déclarer l'État de Monaco responsable des préjudices résultant pour elle de l'atteinte portée par l'Ordonnance Souveraine n° 5830 du 9 juin 1976 et par le comportement de l'État de Monaco au libre exercice de son droit de propriété sans qu'aucune compensation lui ait été accordée ;

* condamner l'État de Monaco, à lui payer la somme de 20 millions de francs en réparation du dommage causé ;

Ce faire,

Attendu que le terrain en cause est contigü à une parcelle d'environ 329 mètres carrés, dite « en délaisse », faisant partie du domaine privé de l'État monégasque ; que ces deux terrains ont été soumis, en application de l'Ordonnance du 9 septembre 1966, article 12, à des plans de coordination, notamment à un plan de coordination partielle de la zone verte des Bas Moulins par Ordonnance Souveraine du 9 juin 1976, complétant le règlement d'urbanisme du quartier ; que la création de la zone verte a eu pour effet de réduire les droits de construire des propriétaires et, pour la parcelle de l'exposante, de ne permettre la construction d'un immeuble qu'avec une assise commune sur cette parcelle et sur celle de l'État ;

Attendu que, désirant démolir sa villa et édifier un immeuble à usage d'habitation, la requérante a déposé le 18 août 1978 une demande d'accord préalable, sur la base d'un droit de construire de 4,16 mètres cubes par mètre carré et portant à la fois sur son terrain et sur le délaissé voisin appartenant à l'État, conformément aux normes de l'Ordonnance du 6 juin 1976 ; qu'elle a joint un autre avant-projet sur la base des prescriptions antérieures, soit 12 mètres cubes par mètre carré ; que, le même jour, son mandataire adressait au Ministre d'État une lettre rappelant que le gouvernement s'était engagé devant le Conseil National à indemniser les propriétaires du préjudice qu'ils subissaient du fait de la création de la zone verte, soit en leur versant une indemnité compensatrice, soit en rachetant leur propriété ; que l'étendue de ce préjudice apparaissait clairement de la comparaison entre les deux projets dont le premier ne laissait qu'un produit financier prévisionnel de4 200 000 francs, alors que le second eut laissé un bénéfice de l'ordre de 20 500 000 francs ; que, par voie de conséquence, ledit mandataire demandait au Ministre d'État de faire connaître les mesures qu'il entendait proposer à la dame de C. pour la dédommager du double préjudice qu'elle devait supporter ;

Attendu qu'à la suite de cette demande un ensemble d'échanges de vues, assortis de promesses et de propositions de la part de l'administration, s'est ouvert entre les parties ; que par lettre du 21 septembre 1979, le Conseiller pour les Finances et l'Économie indiquait que l'indemnité réclamée s'élèverait à 3 357 600 francs et que la parcelle domaniale de 329 mètres carrés serait cédée à l'exposante pour 358 000 francs ; que la dame de C. a accepté ces propositions par lettre du 27 septembre 1979 ; que l'affaire demeurant sans suite, l'exposante est intervenue auprès du Ministre d'État qui, par lettre du 7 août 1980, a proposé que les précédentes perspectives soient inversées et que l'État se porte acquéreur de la parcelle de la requérante ; qu'après un échange de multiples correspondances, le Ministre d'État a d'abord confirmé, les 6 octobre 1980 et 8 janvier 1981, que le Gouvernement Princier se portera acquéreur à ladite parcelle et, à défaut d'accord, procédera à une refonte de l'Ordonnance pour permettre à la dame de C. de construire sur son seul terrain ; qu'ultérieurement, le 2 décembre 1981, le Ministre a précisé que le montant de l'indemnité ne pourra être fixé qu'après le vote des crédits par le Conseil National et que le prix de cession éventuelle des terrains domaniaux ne pourra lui-même être fixé qu'après que les droits à bâtir aient été répartis entre les deux terrains ; qu'entre temps, la dame de C. avait accepté que le prix de cession du terrain domanial soit porté à 2 millions de francs et s'entendait déclarer que « ses offres ne sont pas suffisantes », alors qu'elle avait accepté toutes les demandes de l'administration et payait 6 000 francs le mètre carré un terrain jouxtant celui de Monsieur P. qui avait payé un terrain semblable, au cours d'une opération analogue, 400 francs le mètre carré ;

Qu'après de multiples entrevues demeurées sans effet, la requérante a assigné l'État de Monaco devant le Tribunal de Première Instance de Monaco ;

Attendu que le Tribunal a débouté la dame de C. de ses demandes et que le jugement rendu a été confirmé par la Cour d'appel par arrêt du 25 mai 1985 ; que c'est l'arrêt déféré au Tribunal Suprême ;

Attendu qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la cour a modifié les données du litige et n'a pas mis le Tribunal Suprême, juge de cassation, à même d'exercer son contrôle sur la légalité de l'arrêt ; qu'après avait fait à la requérante des propositions de règlement précises, l'administration les a modifiées à plusieurs reprises alors que l'intéressée les avait acceptées chaque fois, pour finalement, ne lui accorder aucune compensation ; qu'en agissant de la sorte, l'État a commis la double faute, d'une part, de ne pas compenser l'atteinte qu'il a portée au droit de propriété, d'autre part, de laisser se perpétuer pendant des années le préjudice résultant de cette atteinte ; que la Cour s'est abstenue de rechercher si l'exposante avait un droit à indemnité du fait du trouble causé par l'Ordonnance du 9 juin 1976, alors que tel était le fond du litige ; qu'elle s'est contentée de rechercher si l'État avait l'obligation de céder son terrain et s'il pouvait être regardé comme ayant fait des promesses d'indemnisation ; que l'arrêt entrepris doit être annulé sur ce premier chef ;

Attendu que la Cour a méconnu les dispositions de l'article 24 de la Constitution monégasque ; qu'en réduisant considérablement l'indice de construction et en n'autorisant qu'une construction implantée sur deux fonds voisins, l'Ordonnance a porté des atteintes graves et anormales au droit de propriété ; que l'État était tenu de les réparer ; que le Ministre d'État, le Conseil National et les représentants de l'Administration l'ont reconnu à de multiples reprises ; qu'ils ont ainsi, pris des engagements qui liaient l'État monégasque et qui découlaient normalement de la simple application de l'article 24 de la Constitution ; qu'en niant cette obligation, la Cour a méconnu les dispositions dudit article 24 ;

Attendu que l'arrêt attaqué a été pris en violation de l'article 17 de la Constitution monégasque ; que la circonstance que la requête ait été déposée alors que la légalité de l'Ordonnance du 9 juin 1976 ne pouvait plus être contestée n'enlève pas à la requérante le droit d'être indemnisée du préjudice anormal qu'elle a subi ; qu'en l'espèce, la réparation sollicitée est indépendante de toute faute de l'administration ; que le droit à indemnité découle du principe d'égalité de tous devant les charges publiques ; qu'il n'en eut été autrement que si l'ordonnance avait formellement exclu les propriétaires frappés par ces dispositions de tout droit à indemnité ; que non seulement tel n'est pas le cas, mais le Conseil National et le Gouvernement n'ont cessé de reconnaître et de proclamer le droit à indemnité de ces propriétaires ; que le préjudice éprouvé par la dame de C. est spécial et grave ; qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait la Cour a méconnu les dispositions de l'article 17 de la Constitution ;

Attendu que la Cour a méconnu les principes régissant la responsabilité de l'État en laissant se perpétuer le préjudice pendant de nombreuses années, en dépit des assurances données, et bien que l'exposante ait accepté les différents modes de compensation successivement envisagés ; qu'il a, d'ailleurs, été jugé par la Cour d'appel de Monaco qu'en rendant, en fait, indisponible une propriété par des prétentions abusives, l'État avait commis une faute engageant sa responsabilité ; qu'il en est de même lorsque l'administration a pris des engagements formels, précis et apparemment réguliers, comme en l'espèce ; qu'en ne respectant pas ses promesses, l'État commet une faute engageant sa responsabilité même sans qu'il y ait eu d'engagement contractuel ;

Attendu, enfin, que la Cour a omis de tirer de ses constatations les conséquences qui découlaient du préjudice causé et du lien de causalité avec les actes incriminés de l'Administration ; que si la dame de C. s'est trouvée privée de toute possibilité de construire c'est du fait que l'État n'a finalement voulu accéder à aucune des solutions qui lui étaient ouvertes par les textes ; qu'en particulier, en refusant de participer à une construction, ou de lui vendre son terrain ou d'acheter celui de l'exposante, l'État a délibérément rendu toute construction impossible et a gelé toute perspective de construction sur le terrain de l'exposante qui en est la seule possibilité réelle d'utilisation ; que la Cour ne saurait soutenir qu'un tel préjudice n'est pas certain tant qu'aucune autorisation de construire n'a été délivrée par l'Administration alors que cette autorisation dépend de la réalisation des précédentes conditions ; que la Cour, est également, mal venue à prétendre que le préjudice résulterait de l'état de délabrement de la villa, rendant son occupation impossible ou que la chance de réaliser l'opération immobilière invoquée ne constituait qu'un préjudice hypothétique ;

Vu la contre-requête présentée par le Ministre d'État, le 24 janvier 1986, et tendant :

1° au rejet de la requête pour incompétence du Tribunal Suprême à connaître de la régularité des arrêts de la Cour d'appel ; qu'en effet, en vertu tant de l'article 25 de la loi du 15 juillet 1965 que de l'article 439 du Code de procédure civile, les arrêts de la Cour d'appel ne peuvent être frappés de recours que devant la Cour de révision, laquelle statue en toutes matière y compris, par conséquent, en matière administrative ; qu'aucune disposition légale n'autorise le Tribunal Suprême à connaître d'un recours en cassation dirigé contre un arrêt de la Cour d'appel, fût-il rendu en matière administrative ; que la compétence de la Haute Juridiction se limite aux décisions rendues par les juridictions administratives, telles les formations disciplinaires des ordres professionnels ;

2° très subsidiairement, au rejet de la requête comme non fondée par les motifs : - que le moyen tiré du grief fait à la Cour d'avoir méconnu l'objet du litige manque en fait ; qu'en effet, la dame de C., n'a pas fondé sa demande d'indemnisation sur l'atteinte que l'Ordonnance aurait porté à son droit de propriété mais sur le fait qu'après lui avoir donné l'assurance d'être indemnisée, l'administration ne lui a accordé aucune indemnisation ; que ce premier moyen a pour unique objet de tenter de passer outre à la prohibition de moyens nouveaux devant le juge de cassation ;

* que le deuxième moyen, tiré de la violation de l'article 24 de la Constitution, doit lui-même être écarté comme nouveau ; que l'intéressée n'a jamais soutenu devant les juges du fond que l'Ordonnance Souveraine du 9 Juin 1976 aurait méconnu l'article 24 de la Constitution ; qu'en prétendant que l'État aurait dû l'indemniser sur le fondement de cet article, en dépit du silence de cette Ordonnance, la requérante demande au juge de se prononcer sur la légalité de cette dernière qui serait illégale pour n'avoir pas prévu d'indemnisation ; qu'en tout état de cause, le juge judiciaire ne pouvait pas apprécier la légalité d'un tel texte ; que, d'ailleurs, ce moyen n'est pas fondé ;

* que le troisième moyen qui reproche à la Cour d'avoir méconnu le principe d'égalité entre citoyens, posé par l'article 17 de la Constitution, est encore un moyen nouveau et doit être rejeté comme non recevable ; qu'il suppose, de surcroît, une appréciation des faits pour l'évaluation du préjudice, qui ne relève que des juges du fond ; que l'argument tiré de l'illégalité de l'ordonnance du 9 juin 1976 n'a pas été soumis aux premiers juges ni aux juges d'appel ; que la condition de spécialité du dommage pour que la responsabilité de l'administration soit engagée sans faute n'est pas remplie en l'espèce ; qu'enfin, la nouvelle réglementation découlant de cette Ordonnance n'a aucunement privé l'intéressée d'user de sa propriété puisqu'elle a pu la céder au prix de 20,5 millions de francs, ce qui établit l'absence de tout préjudice ;

Que le moyen tiré du préjudice que l'inaction de l'État pendant de nombreuses années aurait par lui-même causé à l'exposante, en laissant se perpétuer le dommage, et de la responsabilité découlant de promesses non tenues, n'est fondé dans aucune de ses branches ; que d'abord, des moyens de fait ne sauraient être utilement présentés devant le juge de cassation ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la Cour a jugé qu'il n'y a aucune relation de cause à effet entre les actes critiqués de l'administration et le préjudice invoqué ; qu'en ce qui concerne les prétendues promesses de l'administration, la cour a exactement apprécié les faits en jugeant que la dame de C. ne démontre nullement que leur inobservation soit à l'origine d'un préjudice direct et certain, que le préjudice allégué de l'indisponibilité de l'immeuble et de la perte d'une chance de réaliser sa vente est hypothétique ; qu'il n'y a donc pas eu d'inaction de l'administration susceptible d'engager sa responsabilité ; que l'appréciation de la portée des prétendues promesses de l'administration ne relève que des juges du fond ; que la Cour a souverainement apprécié que les propositions de l'administration ne comportaient aucun engagement ni promesse de sa part ; que la seule existence de pourparlers et de négociations ne saurait être regardée comme fautive ; que l'administration s'est bornée à indiquer qu'elle envisageait de saisir le Conseil National si un accord était trouvé ;

Qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que la dame C. prétend que l'arrêt doit être annulé pour avoir nié l'existence du dommage ainsi que le lien de causalité entre le comportement de l'État et ce dommage ; que, d'ailleurs, une telle argumentation, de pur fait, est irrecevable devant le juge de cassation ; qu'en outre, elle n'est pas fondée ; qu'il n'existait, en effet, aucune obligation pour l'État de céder une de ses dépendances domaniales ; que, de surcroît, une éventuelle cession du terrain n'aurait pas entraîné une délivrance automatique de l'autorisation de construire, ce qui établit le caractère indirect du prétendu dommage ;

Vu le mémoire en réplique en date du 24 février 1986 de la requérante :

1°S'opposant à l'exception d'incompétence du Tribunal Suprême soulevée par la contre-requête au motif que l'article 90 B de la Constitution donne compétence à cette Haute Juridiction pour connaître non seulement des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les Ordonnances Souveraines, mais aussi de l'octroi des indemnités qui en résultent ; qu'en l'espèce, c'est bien une indemnité qui est demandée ; que dès lors, le Tribunal Suprême était bien compétent ; que, d'ailleurs, en disposant que cette Haute Juridiction statue sur « les recours en cassation formés contre les juridictions administratives statuant en dernier ressort » l'article 90 B - 2° de la Constitution n'a pu attribuer compétence au Tribunal Suprême que sur les jugements et les arrêts du Tribunal et de la Cour statuant en matière administrative ; qu'ainsi la Cour de Révision n'est pas compétente pour en connaître ; que si le Tribunal Suprême estime qu'il est seul compétent pour connaître en premier ressort du contentieux indemnitaire lorsque l'acte irrégulier, entaché d'excès de pouvoir, n'a pas été déféré à sa censure dans les délais impartis, la requête n'est pas moins recevable ; qu'elle devrait, alors, être interprétée comme tendant, à titre subsidiaire, à saisir le Tribunal Suprême du fond du litige, c'est-à-dire de la demande d'indemnité dont le juge de droit commun aurait été saisi à tort ; que l'on se trouverait devant un conflit de compétence que seul le Tribunal Suprême est habilité à résoudre en s'attribuant compétence pour en connaître et en déclarant non avenue la décision de la Cour d'appel avant de statuer au fond sur la demande ;

2°Concluant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et en outre par les motifs ;

Que, pas plus qu'elle n'a formé de recours dans les délais légaux contre l'Ordonnance, la dame de C. n'a contesté dans ses conclusions la légalité de l'Ordonnance du 9 juin 1976 ; qu'il est néanmoins certain que cette Ordonnance a porté au droit de propriété de l'intéressée une atteinte grave dont la requérante est fondée à demander réparation sans qu'il eut été nécessaire qu'elle ait demandé l'annulation de ladite Ordonnance ;

Que la Cour, en s'abstenant de rechercher si l'exposante avait un droit à indemnité, a méconnu l'objet du litige ; que ce moyen a bien été exprimé devant les juges du fond et ne constitue pas un moyen nouveau ; qu'il en est de même du second moyen et du troisième ;

Que, contrairement à ce que soutient la contre-requête, l'existence ou l'inexistence d'un lien de causalité ne constitue pas une question de fait et ne relève pas de la souveraine appréciation des juges du fond ; que, de même, l'intéressée disposait bien d'un droit de construire sur son terrain mais que ce droit était subordonné à la réalisation de conditions qui ne relevaient que de l'État en sa qualité de propriétaire d'une parcelle voisine ; que c'est par une fausse interprétation de la loi que la Cour a estimé que, faute d'accord contractuel, l'État n'avait pris aucun engagement envers la requérante ;

Que le fait que la dame de C. ait, postérieurement à l'arrêt de la Cour, vendu sa propriété n'a aucune incidence sur la réalité d'un préjudice ; que la requérante a moins bien vendu cette propriété et a été pénalisée par la longueur des délais écoulés ;

Qu'en outre, l'exposante conclut à ce que l'indemnité soit assortie des intérêts de droit avec capitalisation des intérêts à la date du 24 février 1986 ;

Vu le mémoire en duplique présenté le 24 mars 1986 par Son Excellence le Ministre d'État, ledit mémoire tendant aux mêmes fins que la contre-requête, par les mêmes moyens et, en outre, par les motifs que le recours de la dame de C. n'est pas au nombre de ceux que vise le paragraphe 1er de l'article 90 B de la Constitution et ne relève pas, dès lors, de la compétence du Tribunal Suprême statuant en matière administrative ; que cette disposition exclut de la compétence de cette Haute Juridiction les décisions émanant des autorités judiciaires ; qu'en tout état de cause, un recours en indemnité n'est recevable devant le Tribunal Suprême que comme la conséquence d'un recours en annulation d'une décision administrative ; que la décision Sangiorgio invoquée par la requérante n'a pas la portée qu'elle lui attribue ; qu'en donnant compétence au Tribunal Suprême pour connaître des recours contre les décisions des juridictions administratives, l'article 90 B - 2° de la Constitution n'a pu viser que les juridictions telles que les formations disciplinaires des ordres professionnels ; qu'erronée en droit, la position de la dame de C. est, de surcroît, totalement inopportune ;

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Monaco du 28 mai 1986,

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la loi n° 783 du 15 juillet 1965, modifiée, notamment ses articles 12, 18 et 25, ainsi que l'article 439 du Code de procédure civile,

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 5830 du 9 juin 1976,

Vu l'Ordonnance constitutionnelle du 19 décembre 1962, notamment ses articles 17, 24, 90 A et 90 B,

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême.

Vu l'ordonnance de renvoi du 22 avril 1986,

Ouï dans leurs observations orales Maître Lyon-Caen et la S.C.P. Piwnica et J. Molinié, avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France,

Ouï Monsieur Jean Mottin, membre du Tribunal Suprême en son rapport,

Ouï Madame le Procureur général en ses conclusions,

Considérant d'une part, qu'en vertu de l'article 12 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965, le Tribunal de première instance est juge de droit commun en matière administrative et statue en premier ressort sur « tous les litiges autres que ceux dont la connaissance est expressément attribuée par la Constitution ou la loi au Tribunal Suprême ou à une autre juridiction » ;

Considérant qu'aucun texte de loi ni aucune disposition de la Constitution ne donne compétence au Tribunal Suprême pour statuer, en matière administrative, sur les demandes d'indemnité autres que celles qui sont la conséquence d'une annulation pour excès de pouvoir ou sont fondées sur l'illégalité d'un acte administratif ; que, par suite, les conclusions de la requête tendant à ce que le Tribunal Suprême se reconnaisse compétent pour juger, indépendamment de tout recours pour excès de pouvoir et de tout acte administratif illégal, du recours en indemnité formé par la dame de C., manquent de base légale et doivent être rejetées ;

Considérant d'autre part, qu'en vertu de l'article 25 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965 « sauf le cas où la loi en dispose autrement, la Cour de révision statue en toute matière pour violation de la loi sur les pouvoirs formés contre toute décision rendue en dernier ressort ou passée en force de chose jugée » ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la requête, aucune disposition de la Constitution n'attribue compétence au Tribunal Suprême pour se prononcer sur les pourvois formés contre les arrêts de la Cour d'appel, statuant en matière administrative ; qu'en vertu de l'article 25 de la loi susvisée du 15 juillet 1965, la Cour de révision est seule compétente pour en connaître ; que, par suite, la requête de la dame de C. dirigée contre l'arrêt de la Cour d'appel du 28 mai 1985 lui faisant grief, doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

DÉCIDE :

Article 1er

la requête de la dame de C. est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Article 2

Les dépens sont mis à la charge de la dame de C. ;

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25048
Date de la décision : 25/06/1986

Analyses

Procédure administrative ; Justice (organisation institutionnelle) ; Loi et actes administratifs unilatéraux


Parties
Demandeurs : Dame de C.
Défendeurs : État de Monaco

Références :

Ordonnance Souveraine n° 5830 du 9 juin 1976
article 90 B de la Constitution
Ordonnance du 9 septembre 1966, article 12
Ordonnance Souveraine du 9 juin 1976
article 17 de la Constitution
Ordonnance du 6 juin 1976
Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
article 24 de la Constitution
article 439 du Code de procédure civile
loi n° 783 du 15 juillet 1965
Vu l'Ordonnance constitutionnelle du 19 décembre 1962
article 25 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965
article 90 B - 2° de la Constitution
article 12 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965
article 25 de la loi du 15 juillet 1965


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;1986-06-25;25048 ?

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