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06/03/1985 | MONACO | N°25050

Monaco | Tribunal Suprême, 6 mars 1985, Époux R. S. c/ État de Monaco


Abstract

Compétence

Contentieux constitutionnel - Caractère limitatif - Recours en indemnité - Moyens tirés d'une atteinte aux libertés et droits constitutionnels visant un acte administratif ou une ordonnance souveraine - Incompétence du Tribunal Suprême - Contentieux administratif - Recours en indemnité - Acte administratif ou ordonnance souveraine faisant l'objet d'un recours pour excès de pouvoir - Moyens tirés d'une atteinte aux libertés et droits constitutionnels - Octroi d'une indemnité comme conséquence de l'annulation - Compétence du Tribunal Suprême
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LE TRIBUNAL SUPRÊME,

Réuni en Assemblée Plénière et statuant en matiè...

Abstract

Compétence

Contentieux constitutionnel - Caractère limitatif - Recours en indemnité - Moyens tirés d'une atteinte aux libertés et droits constitutionnels visant un acte administratif ou une ordonnance souveraine - Incompétence du Tribunal Suprême - Contentieux administratif - Recours en indemnité - Acte administratif ou ordonnance souveraine faisant l'objet d'un recours pour excès de pouvoir - Moyens tirés d'une atteinte aux libertés et droits constitutionnels - Octroi d'une indemnité comme conséquence de l'annulation - Compétence du Tribunal Suprême

Motifs

LE TRIBUNAL SUPRÊME,

Réuni en Assemblée Plénière et statuant en matière constitutionnelle,

Vu la requête en date du 3 août 1984 présentée par les époux R. S. en tendant à ce qu'il plaise au Tribunal Suprême :

1. - Annuler la décision du Ministre d'État en date du 4 juin en tant qu'elle porte, d'une part, qu'aucune faute engageant la responsabilité de la puissance publique ne peut être imputée à l'État du fait de la suppression de l'office notarial de Me R. S. et de la démission de celui-ci, d'autre part, que l'indemnisation consécutive à la suppression de l'étude doit être appréciée à la date de cette suppression, enfin en ce qu'elle écarte toute réparation du préjudice tenant au retard fautif avec lequel l'État a admis le principe de cette indemnisation ;

1. - Condamner l'État monégasque au versement de l'indemnité de 53 000 000 de francs sollicitée avec les intérêts de droit à compter du 8 février 1984 en réparation du dommage causé ;

Ce faire,

Attendu que, d'une part, pour être conforme aux termes de l'article 24 de la Constitution qui exige une « juste indemnité » pour la privation de la propriété d'un bien pour cause d'utilité publique, l'indemnisation des demandeurs doit prendre en compte la dépréciation monétaire et qu'elle doit s'apprécier au jour de la décision qui la fixe faute de quoi il en résulterait au profit des titulaires des offices notariaux maintenus une rupture d'égalité devant les charges publiques méconnaissant l'article 17 de la Constitution ;

Attendu que, d'autre part, cette indemnisation doit comprendre la réparation des fautes reprochées à l'Administration : le retard apporté à la fixation de l'indemnité afférente à la suppression de l'office notarial qui devait intervenir d'office même en l'absence de requête des demandeurs ; le détournement de pouvoir ou en tout cas l'illégalité de la suppression de l'office de Me S. qui n'est fondée sur aucun motif d'intérêt général ou d'utilité publique ; enfin, la violation de l'article 20 de la Constitution posant le principe de légalité de la peine et de l'article 19 alinéa 1 de la norme Suprême garantissant les droits de la défense et le respect des procédures qui résulte de la contrainte à la démission imposée à Me S., véritable peine infligée sans jugement préalable et sans discussion contradictoire des griefs pouvant être formulés à son encontre alors qu'en outre une ordonnance de non-lieu est intervenue en sa faveur le 9 mars 1983 sur les poursuites pénales engagées contre lui ;

Attendu que l'indemnité demandée comporte 15 millions de francs au titre de la valeur de l'office supprimé réévaluée en fonction de l'évolution des recettes notariales depuis la date de sa suppression, 37 millions de francs au titre de la perte des revenus qu'aurait produit la charge depuis cette date et un million de francs au titre du préjudice moral.

Vu la contre-requête présentée par le Ministre d'État le 2 octobre 1984 tenant d'abord au rejet de la requête pour incompétence à raison du caractère définitif de l'ordonnance Princière du 14 mars 1970 qui a donné acte de la démission de Me S. et supprimé son office, l'article 90 B de la Constitution n'attribuant compétence au Tribunal Suprême en matière d'indemnisation qu'après qu'il a prononcé l'annulation de la décision administrative ayant causé le préjudice allégué ; puis concluant subsidiairement au mal fondé de la requête, motif pris ;

Que la condamnation de l'État est exclue pour une indemnisation qui incombe aux notaires de la résidence ;

Que la valeur patrimoniale de l'étude doit être estimé à la date de la démission pure et simple de Me S., date de la sortie du bien de son patrimoine ; que les demandeurs qui n'ont différé leur requête que pour des considérations d'ordre purement personnel ne peuvent imputer à l'Administration la tardiveté de la décision ;

Que la suppression de l'office relevant du pouvoir discrétionnaire de S.A.S. le Prince, il incombe aux demandeurs d'apporter la preuve d'une erreur matérielle dans l'appréciation de l'intérêt public ou d'un détournement de pouvoir qui ne saurait résulter de simples affirmations ;

Qu'au regard du comportement professionnel et des manquements à la discipline de Me S., tels qu'ils sont établis par les documents produits, l'acceptation de sa démission se révèle, non comme une sanction déguisée, mais comme une faveur destinée à lui épargner les poursuites disciplinaires encourues à l'égard desquelles l'ordonnance de non-lieu intervenue en sa faveur sur des poursuites pénales est dépourvue de toute autorité ;

Vu le mémoire en réplique des requérants s'opposant d'abord à l'exception d'incompétence soulevée par la contre-requête au motif que ne relève pas de l'article 90 B de la Constitution leurs recours en indemnité qui, fondé sur des atteintes aux libertés et droits consacrés par le titre III de la Constitution, est celui que l'article 90 A attribue à la compétence du Tribunal Suprême statuant en matière constitutionnelle ; puis persistant dans les conclusions de leur requête par les mêmes moyens et, en outre, par les motifs ;

Que la fixation de l'indemnité afférente à la suppression de l'office notarial doit intervenir d'office sauf à rompre en faveur des notaires bénéficiaires de la suppression l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; qu'il résulte de la pratique que l'indemnité dont l'Administration accepte de faire l'avance doit être réévaluée pour tenir compte de la dépréciation monétaire lorsqu'elle n'est pas payée lors de la suppression ;

Qu'une preuve de la contrainte imposée à M. R. S. pour le déterminer à présenter sa démission se dégage de « la litanie d'autocritiques qui émaillent » le procès-verbal de son audition par le Procureur Général alors qu'en outre l'ordonnance de non-lieu rendue en sa faveur anéantit les griefs formulés contre lui ;

Qu'en ce qui concerne la suppression de l'étude, la contre-requête ne conteste pas l'importance de ses produits et que son allégation de frais généraux élevés est inexacte ;

Vu le mémoire en duplique du Ministre d'État en date du 5 décembre 1984, persistant dans ses conclusions d'incompétence au motif que la compétence attribuée au Tribunal Suprême en matière constitutionnelle par l'article 90 A est exclue par ce texte lorsqu'il s'agit de recours visés par l'article 90 B, ce qui est le cas de la requête en indemnisation des époux S. qui est fondée sur leur contestation de l'Ordonnance Souveraine du 14 mars 1970 acceptant la démission de Me S. et supprimant son office, décision qu'il appartenait aux requérants d'attaquer dans les délais légaux ; puis persistant au fond dans les conclusions de sa contre-requête par les mêmes moyens et, en outre, par les motifs ;

Que la légalité de la suppression de l'étude de Me S. ne peut être contestée, qu'aucune preuve n'est rapportée des pressions exercées sur lui pour le contraindre à une démission qu'expliquent de ses fautes disciplinaires sur la réalité desquelles l'ordonnance de non-lieu rendue à son profit est dépourvue d'effet.

Que la demande d'actualisation de l'indemnité de suppression de l'office n'est pas fondée et que même les intérêts moratoires ne peuvent courir qu'à compter de la date de la demande ;

Vu la décision du Ministre d'État du 4 juin 1984,

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 4422 du 14 mars 1970 acceptant la démission de Me R. S. et supprimant son office notarial ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'Ordonnance Constitutionnelle du 19 décembre 1962, notamment ses articles 17, 19, 20 et 24, 90 A et B ;

Vu Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance du 25 janvier 1985 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a ordonné le renvoi de la cause devant l'Assemblée Plénière du Tribunal Suprême ;

Ouï M. Félix Boucly, membre du Tribunal en son rapport ;

Ouï Mes Ch. Courrège, A. Lyon-Caen et G.H. George ;

Ouï Mme le Procureur Général en ses conclusions.

Considérant que, d'une part, si l'article 90 A de la Constitution attribue compétence au Tribunal Suprême statuant en matière constitutionnelle pour statuer sur les recours en indemnité ayant pour objet une atteinte aux libertés et droits consacrés par le titre III de la Constitution, c'est à la condition qu'il ne s'agisse pas de recours visés au paragraphe B de cet article et que, d'autre part, ce paragraphe B, énumérer les recours relevant de la compétence du Tribunal Suprême en matière administrative, vise en son 1°) « les recours pour excès de pouvoir formés contre les décisions des diverses autorités administratives et les ordonnances souveraines prises pour l'exécution des lois, ainsi que l'octroi des indemnités qui en résultent » ;

Considérant que le recours en indemnité des époux S. tend à obtenir de l'État monégasque la réparation du dommage résultant de l'ordonnance du 14 mars 1970 acceptant la démission de Me S. et supprimant son office notarial ; que, pour revendiquer la compétence de l'article 90 A de la Constitution, les requérants soutiennent que ces mesures ont, dans les conditions où elles sont intervenues, porté atteinte aux articles 17, 19, 20 et 24 de la Constitution ;

Considérant que l'acceptation de cette démission et la suppression de l'office font l'objet de l'Ordonnance Souveraine susvisée et qu'il s'en suit que, même si celle-ci n'a fait l'objet d'aucun recours dans les délais légaux, l'octroi de l'indemnisation demandée relève de la compétence prévue par l'article 90 B de la Constitution ; que le Tribunal Suprême statuant en matière constitutionnelle est incompétent pour en connaître ;

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er

La requête est rejetée.

Article 2

Les dépens sont mis à la charge des requérants.

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25050
Date de la décision : 06/03/1985

Analyses

Compétence ; Justice (organisation institutionnelle) ; Loi et actes administratifs unilatéraux


Parties
Demandeurs : Époux R. S.
Défendeurs : État de Monaco

Références :

article 20 de la Constitution
article 90 A de la Constitution
article 90 B de la Constitution
Vu l'Ordonnance Constitutionnelle du 19 décembre 1962
Ordonnance du 25 janvier 1985
Ordonnance Souveraine n° 4422 du 14 mars 1970
Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
articles 17, 19, 20 et 24 de la Constitution
article 24 de la Constitution
Ordonnance Souveraine du 14 mars 1970
article 17 de la Constitution


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;1985-03-06;25050 ?

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